Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.137/2001
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4P.137/2001

                  Ie  C O U R  C I V I L E
                  ************************

                       6 novembre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges.
Greffière: Mme Aubry Girardin.

                         ___________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

A u d i  A G, à Ingolstadt (Allemagne), représentée par
Me Kamen Troller, avocat à Genève,

                           contre

l'arrêt rendu le 27 avril 2001 par la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise dans la cause qui oppose la recou-
rante à Banque  A u d i (Suisse) S.A., à Genève, représentée
par Me Daniel Tunik et par Me Jacques Busset, avocats à Genè-
ve;

   (procédure civile; appréciation arbitraire des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.-  Fondée en 1884, Audi AG est une société ano-
nyme de droit allemand, qui exerce ses activités dans le
domaine de l'industrie automobile depuis 1910 en tout cas,
sous diverses raisons sociales, dans lesquelles il a été
retenu que la désignation "Audi" était toujours apparue.

    Ce signe est aussi utilisé comme marque en Suisse
depuis 1965, date à laquelle les véhicules fabriqués par cet-
te société ont commencé à être commercialisés dans le pays.

    Audi AG n'est pas inscrite au Registre du commerce
suisse et n'y possède pas de filiale ou d'autre établisse-
ment. Dès 1969, c'est la société Amag AG qui a été chargée de
commercialiser ses véhicules en Suisse.

    De 1965 à 1981, Audi AG a vendu en Suisse 115'000
voitures.

    Audi AG est titulaire de diverses marques suisses
et internationales, protégées en Suisse, avec priorité remon-
tant à 1971.

    En 1989, Audi AG a lancé la marque verbale "Audi"
dans la classe internationale 36 (assurances; affaires finan-
cières; affaires monétaires; affaires immobilières) pour les
services suivants: "consultations concernant le crédit; cour-
tage et crédit-bail". La protection de cette marque interna-
tionale, enregistrée dans divers pays, ne s'est pas étendue à
la Suisse.

    Le 31 octobre 1990, elle a fait enregistrer en
Allemagne la raison de commerce "Audi Bank, succursale de la

banque Vag GmbH". Cette banque offre un système de cartes de
crédit lié à Eurocard et Visa, utilisé aussi bien en Allema-
gne qu'en Suisse, ainsi que des services financiers compre-
nant aussi des prestations en matière d'assurances.

    Le 5 juillet 1994, Audi AG a déposé auprès de
l'Institut fédéral de la propriété intellectuelle (ancienne-
ment Office fédéral de la propriété intellectuelle) les mar-
ques de service "Audi" (no 622.241) et "Audi-Bank"
(no 622.242) dans la classe internationale 36.

    B.-  Banque Audi (Suisse) S.A. (ci-après: la Ban-
que) a été inscrite au Registre du commerce en Suisse le 17
décembre 1963 sous la dénomination NBC Bank AG. Elle a modi-
fié sa raison sociale, dans sa teneur actuelle, le 14 juillet
1981, date à laquelle elle a utilisé pour la première fois le
nom de famille d'origine libanaise "Audi", patronyme de dif-
férents administrateurs, dirigeants et actionnaires.

    Le but de cette société réside, selon le Registre
du commerce, dans l'exploitation d'une banque dont les acti-
vités sont orientées principalement dans le domaine de la
banque privée et de la gestion de fortune.

    Le 26 avril 1993, la Banque a déposé trois marques
suisses dans la classe internationale 36, à savoir "Audi"
(no 406.133), "Banque Audi" (no 406.132), et "Banaudi"
(no 406.131), revendiquant une priorité d'usage au 1er jan-
vier 1978.

    Audi AG, qui prétend avoir appris l'existence de la
Banque le 6 mai 1991, lui a alors proposé de résoudre à
l'amiable le conflit portant sur leurs marques respectives.
Des négociations ont eu lieu de 1991 à 1993, sans résultat.

    C.-  Le 22 décembre 1994, Audi AG a introduit une
action à Genève, tendant à interdire à la Banque, sous menace
des peines prévues à l'art. 292 CP, de faire usage de sa rai-
son sociale en français et en allemand, ainsi que de ses mar-
ques de service "Audi" (no 406.133) et "Banque Audi"
(no 406.132), dont la constatation de la nullité était requi-
se.

    La Banque a conclu au déboutement d'Audi AG. Elle
a, par ailleurs, formé une demande reconventionnelle tendant
en particulier à faire constater la nullité des marques de
service "Audi" (no 622.241) et "Audi-Bank" (no 622.242).

    Audi AG a finalement conclu à l'irrecevabilité de
la demande reconventionnelle.

    D.-  Par arrêt du 29 mars 1996, la Cour de justice
genevoise a rejeté la demande principale, au motif que les
droits d'Audi AG étaient périmés, tout en reconnaissant que
cette société était titulaire d'une marque de haute renommée.
Pour cette raison, elle a également rejeté, dans la mesure de
sa recevabilité, la demande reconventionnelle formée par la
Banque.

    Contre cet arrêt, Audi AG et la Banque ont toutes
les deux déposé à la fois un recours de droit public et un
recours en réforme au Tribunal fédéral.

    Le 13 novembre 1998, la Ie Cour civile du Tribunal
fédéral a rejeté, dans la mesure de leur recevabilité, les
recours de droit public interjetés par les deux parties. En
revanche, elle a partiellement admis leurs recours en réforme
respectifs, annulé l'arrêt du 29 mars 1996 et renvoyé la cau-
se à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens
des considérants.

    La Cour de céans a considéré en substance que
c'était à juste titre que les juges cantonaux avaient admis
la péremption des droits d'Audi AG dans la désignation de la
raison sociale de la Banque. En revanche, on ne pouvait con-
clure que les droits d'Audi AG concernant la nullité des mar-
ques de service "Audi" et "Banque Audi" de la défenderesse
étaient périmés. L'admission des conclusions d'Audi AG con-
cernant ces marques supposait toutefois que le caractère de
haute renommée de la marque "Audi", propriété de la firme
automobile, soit reconnu. Cette question était également dé-
terminante pour statuer sur les conclusions reconventionnel-
les de la Banque. Or, le Tribunal fédéral a relevé que la
cour cantonale ne pouvait, sur la base des faits retenus, ad-
mettre le caractère de haute renommée de la marque "Audi".

    E.-  Dans son mémoire de reprise d'instance du 9
avril 1999 sur le plan cantonal, la Banque a précisé ses con-
clusions reconventionnelles, tout en formant une demande re-
conventionnelle additionnelle tendant, pour l'essentiel, à
faire constater la nullité d'une marque de service "Audi"
(no 425.973) déposée le 17 février 1995 par Audi AG.

    Audi AG a conclu à l'irrecevabilité de la demande
reconventionnelle additionnelle et au rejet des conclusions
sur demande reconventionnelle de la Banque. Elle a en outre
demandé à la Cour de justice de dire que ses propres marques
nos 622.241 et 622.242 étaient des marques de haute renommée
et de constater la nullité des marques "Audi" (no 406.133) et
"Banque Audi" (no 406.132) de la défenderesse.

    Par arrêt du 27 avril 2001, la Chambre civile de la
Cour de justice genevoise, statuant sur la demande principa-
le, a débouté Audi AG de l'ensemble de ses conclusions; elle
a également débouté la Banque de l'ensemble de ses conclu-

sions reconventionnelles et déclaré irrecevable sa demande
reconventionnelle additionnelle du 9 avril 1999.

    F.-  Contre l'arrêt du 27 avril 2001, Audi AG in-
terjette un recours de droit public au Tribunal fédéral. In-
voquant une violation de l'art. 9 Cst., elle conclut à l'an-
nulation de l'arrêt entrepris, avec suite de frais et dépens.

    La Banque propose de déclarer le recours d'Audi AG
irrecevable, subsidiairement de le rejeter dans la mesure de
sa recevabilité, avec suite de dépens.

    La Cour de justice a, pour sa part, déclaré se ré-
férer aux considérants de son arrêt.

    Parallèlement, Audi AG a recouru en réforme au Tri-
bunal fédéral contre l'arrêt du 27 avril 2001, à l'instar de
la Banque.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

    1.-  Dans son recours de droit public, la firme au-
tomobile critique en premier lieu les faits sur lesquels la
cour cantonale s'est fondée pour en déduire que sa marque ne
pouvait être qualifiée de haute renommée. Dans ce contexte,
il ne se justifie pas de déroger au principe de l'art. 57 al.
5 OJ (cf. ATF 122 I 81 consid. 1; 120 Ia 377 consid. 1 et les
arrêts cités). Il sera donc tout d'abord statué sur le re-
cours de droit public, même si la recourante souligne qu'elle
interjette celui-ci à titre subsidiaire seulement.

    2.- a) Le recours de droit public au Tribunal fédé-
ral est ouvert contre une décision cantonale pour violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

    La décision attaquée, qui est finale, n'est suscep-
tible d'aucun autre moyen de droit sur le plan fédéral ou
cantonal dans la mesure où la recourante invoque la violation
directe d'un droit constitutionnel, de sorte que la règle de
la subsidiarité du recours de droit public est respectée
(art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ).

    La cour cantonale a débouté la recourante de l'in-
tégralité de ses conclusions, de sorte que celle-ci est lésée
par la décision attaquée, qui la concerne personnellement.
Elle a donc qualité pour recourir (art. 88 OJ).

    Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est
en principe recevable.

    b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43; 126 III
524 consid. 1c p. 526, 534 consid. 1b).

    3.-  Se plaignant d'une violation de l'art. 9 Cst.,
la recourante considère tout d'abord que c'est de manière ar-
bitraire que la cour cantonale n'a pas admis qu'elle avait
fourni la preuve du degré élevé de connaissance et d'estime
dont jouissait la marque automobile Audi en Suisse en juillet
1981 au plus tard, soit à partir du moment où l'intimée avait
aussi fait usage de cette dénomination à titre de marque.

    Elle relève également que le traitement réservé à
ses moyens de preuves équivaut à un déni de justice.

    a) Malgré les doutes émis par la recourante, les
critiques précitées relèvent bien de l'appréciation des preu-
ves, puisqu'elles sont dirigées contre la façon dont la cour
cantonale a examiné les différents éléments de fait qui lui
étaient fournis. C'est donc à bon escient qu'elles ont été
soulevées dans le cadre d'un recours de droit public (cf. ATF
119 II 114 consid. 4c p. 117; 117 II 387 consid. 2e p. 393).

    b) Selon la jurisprudence, l'arbitraire ne résulte
pas du seul fait qu'une autre solution que celle retenue par
l'autorité cantonale pourrait entrer en considération ou même
qu'elle serait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la décision attaquée que lorsque celle-ci est manifestement
insoutenable, qu'elle se trouve en contradiction évidente
avec la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme
ou un principe juridique clair et indiscuté ou encore lors-
qu'elle heurte de manière choquante le sentiment de la justi-
ce et de l'équité (ATF 127 I 60 consid. 5a p. 70; 126 III 438
consid. 3 p. 440). Pour qu'une décision soit annulée pour
cause d'arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formu-
lée soit insoutenable, il faut encore que la décision appa-
raisse arbitraire dans son résultat (ATF 127 I 38 consid. 2a
p. 41, 54 consid. 2b p. 56; 125 I 166 consid. 2a).

    Lorsqu'une partie recourante invoque l'arbitraire
dans l'appréciation des preuves et dans l'établissement des
faits, elle doit, en partant de la décision attaquée et en se
référant avec précision à des moyens de preuve indiscutables
montrer en quoi consiste l'arbitraire (cf. art. 90 al. 1 let.
b OJ). Il y a arbitraire en ce domaine lorsque l'autorité ne
prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément
de preuve propre à modifier la décision ou lorsque, en se

fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des consta-
tations insoutenables.

    c) La recourante reproche en premier lieu à la cour
cantonale d'avoir écarté de manière insoutenable toute une
série de pièces qu'elle avait produites et qui concernaient
les récompenses, les plans de publicité et les articles de
presse consacrés aux voitures de sa marque en Suisse.

    Elle ne peut être suivie lorsqu'elle soutient que
la cour cantonale a nié l'existence de ces documents, puis-
que, dans la partie en fait de l'arrêt entrepris, ils sont
évoqués. Il importe peu que les juges y aient alors fait al-
lusion en relation avec une procédure antérieure, dès lors
qu'il s'agit des mêmes pièces. L'autorité cantonale ne les a
certes pas pris en considération lorsqu'elle s'est demandé
si, actuellement, la recourante avait démontré que sa marque
pouvait être qualifiée de haute renommée, ce qui n'a rien de
choquant, puisque ces pièces se rapportaient à une période
allant de 1969 à 1983. En revanche, les juges ont examiné ces
pièces pour évaluer la renommée de la marque Audi en 1981. A
ce propos, ils ont relevé que les nombreux documents produits
par la recourante permettaient seulement d'attester que la
société avait constamment cherché à promouvoir ses produits
et à développer ses ventes en Suisse et qu'elle avait régu-
lièrement obtenu de bons résultats sur le plan sportif. Ils
ne suffisaient toutefois pas à établir que cette marque
jouissait en 1981 d'une notoriété et d'un prestige équivalant
à celui d'une marque de haute renommée. Même succincte, cette
motivation permet de comprendre la position de la cour canto-
nale quant à la force probante de ces pièces et n'a rien
d'insoutenable.

    d) La recourante s'en prend en deuxième lieu à la
façon dont la cour cantonale a apprécié le sondage d'opinion
qu'elle a fait établir par un institut privé et qui tendait à

démontrer le degré de connaissance ainsi que de notoriété de
la marque automobile Audi pour les citoyens suisses en juil-
let 1981.

    aa) Sur ce point, la cour cantonale n'a pas a prio-
ri rejeté ce sondage en tant que moyen de preuve. Elle l'a au
contraire examiné en détail avant de parvenir à la conclusion
que celui-ci était impropre à établir que la marque automobi-
le "Audi" jouissait, en juillet 1981, d'une notoriété et d'un
prestige suffisants pour être considérée comme une marque de
haute renommée. Les juges ont formulé plusieurs reproches à
l'encontre de ce sondage.

    Envisageant cette étude de façon générale, ils ont
relevé qu'il était douteux que, dans le cadre d'un entretien
téléphonique de cinq minutes seulement, les personnes inter-
rogées aient eu la possibilité de se rappeler avec exactitude
à la fois en quelle année elles ont eu connaissance de la
marque et quelle estime elles en avaient à cette époque. De
surcroît, ces personnes ont dû presque inévitablement être
influencées par la connaissance et l'estime qu'elles ont au-
jourd'hui de cette marque. En outre, l'étude a cherché à ré-
colter un trop grand nombre d'informations en un minimum de
questions et de temps; elle s'est ainsi dispersée, ce qui
porte préjudice à sa fiabilité.

    Après ces critiques générales, les juges se sont
penchés de manière plus détaillée sur les quatre questions
destinées à évaluer l'estime dont jouissait la marque auto-
mobile au plus tard en juillet 1981. Ils ont considéré que la
question numéro 6 ("Essayez de vous rappeler depuis combien
de temps vous connaissez la marque Audi? - depuis 1990, -
depuis 1985, - depuis 1980, - depuis plus longtemps, - ne
sait pas/pas de réponse"), qui était l'une des questions cen-
trales, était manifestement mal formulée et trop imprécise,
car il n'était pas spécifié ce que l'on entendait par "depuis

1990", "depuis 1985" etc. En outre, on ne pouvait conclure
que la marque occupait une position particulièrement impor-
tante ou dominante sur le marché automobile à partir d'un
simple pourcentage d'individus pensant se rappeler qu'"à
l'époque", ils avaient connaissance de cette marque. La fia-
bilité de la question numéro 7 ("Vous souvenez-vous encore
depuis quelle année vous connaissez la marque automobile
Audi? 19__ (année)"), qui n'était posée que si la personne
interrogée avait déclaré avoir eu connaissance de la marque
avant 1980 à la question précédente, a été mise en doute, les
juges considérant qu'il était presque impossible de répondre
à une question faisant appel à des souvenirs trop lointains.
La même remarque a été formulée à l'encontre de la question
numéro 8 ("Lorsque vous avez pris connaissance de la marque
automobile Audi, quelles étaient les caractéristiques avec
lesquelles vous associiez cette voiture à l'époque?"). La
cour cantonale a de plus souligné qu'il était hautement pro-
bable, même inévitable, qu'en y répondant la personne soit
directement influencée par l'idée qu'elle se fait de ces voi-
tures aujourd'hui. Il en allait de même de la question numéro
9 ("Je vais vous énoncer trois qualités. A l'époque, laquelle
parmi celles-ci correspondait selon vous à la marque automo-
bile Audi? - succès sportifs, - bonne qualité, - technologie
avancée, - ne sait pas/pas de réponse"). Cette dernière ques-
tion a également été qualifiée de dirigée et tendancieuse
dans la mesure où elle proposait exclusivement des apprécia-
tions positives comme choix de réponse. La cour cantonale a
relevé que les deux dernières questions, même combinées,
n'étaient pas propres à évaluer le prestige et l'estime dont
la marque devait jouir à l'époque auprès du public, ni son
caractère unique, soulignant que les succès sportifs, la bon-
ne qualité et la technologie avancée ne faisaient pas la mar-
que de haute renommée.

    Enfin, les juges ont mentionné des erreurs méthodo-
logiques de l'étude. Ils ont ainsi souligné qu'ils ne compre-

naient pas pourquoi les questions 8 et 9 avaient été posées
également aux personnes connaissant la marque depuis 1985,
alors qu'il s'agissait d'évaluer l'estime dont jouissait cet-
te marque en juillet 1981 au plus tard. Ils ont également in-
diqué que l'ordre des questions était pour le moins singulier
en l'illustrant.

    bb) A la place de critiquer ce raisonnement, la
recourante a commencé par présenter les résultats du sondage,
en expliquant qu'ils démontraient le haut degré de connais-
sance et d'estime dont jouissait sa marque en Suisse en 1981,
ce que des témoins ont confirmé. Une telle argumentation, de
nature purement appellatoire, est inadmissible dans le cadre
d'un recours de droit public, dès lors qu'il n'appartient pas
au Tribunal fédéral de substituer sa propre appréciation à
celle de l'autorité cantonale; son rôle se limite à examiner
si le raisonnement adopté par l'autorité cantonale doit être
qualifié d'arbitraire.

    La recourante s'en prend finalement à l'arrêt atta-
qué, en affirmant, à moultes reprises, que la cour cantonale
ne pouvait écarter ce sondage sans tomber dans l'arbitraire.
Elle se contente toutefois de critiques très générales, re-
prochant aux juges de s'être fondés sur des suppositions, des
hypothèses et des jugements de valeur insoutenables, mais
sans jamais préciser ses griefs. Elle soutient également que
la cour cantonale n'a pas fourni de justification, ni précisé
ou motivé ses différents reproches, alors que, comme on vient
de le voir, la cour cantonale a expliqué de manière précise
et détaillée les raisons la poussant à ne pas tenir compte de
ce moyen de preuve. On peut donc se demander si une telle mo-
tivation est recevable au regard des exigences de l'art. 90
al. 1 let. b OJ, dès lors que l'on ne parvient pas à détermi-
ner en quoi consisterait l'arbitraire dont cherche à se pré-
valoir la recourante (cf. ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495).
Au demeurant, on ne voit pas, sur la base des motifs indiqués

de manière circonstanciée dans l'arrêt entrepris, que la cour
cantonale aurait refusé de manière choquante de reconnaître
le caractère probant du sondage établi à la demande de la re-
courante. Le grief doit donc être rejeté.

    e) En troisième lieu, la recourante reproche à la
cour cantonale d'avoir arbitrairement considéré que les dépo-
sitions des divers témoins ne permettaient aucunement de con-
clure que la marque automobile Audi remplissait les condi-
tions permettant de l'ériger au rang de marque de haute re-
nommée.

    Dès lors qu'il s'agit de quatre témoignages seule-
ment, on ne voit manifestement pas ce qu'il y aurait de cho-
quant à les qualifier, comme l'ont fait les juges cantonaux,
d'avis isolés, inaptes à refléter l'appréciation de la majo-
rité du public.

    f) Quant à l'existence d'un déni de justice invoqué
en relation avec le traitement réservé par la cour cantonale
aux moyens de preuves précités, la recourante s'en prévaut
sans le distinguer de celui d'arbitraire invoqué précédem-
ment. Pour autant que l'on puisse considérer ce grief comme
recevable (art. 90 al. 1 let. b OJ; cf. supra consid. 2b), il
apparaît de toute manière comme dépourvu de tout fondement,
dès lors que l'on ne peut reprocher à la cour cantonale
d'avoir écarté les différents moyens de preuve sans expliquer
pourquoi (cf. ATF 125 III 440 consid. 2a; 117 Ia 116 consid.
3a).

    4.-  Toujours sous le couvert de l'arbitraire, la
recourante s'en prend ensuite à la notion de marque de haute
renommée, reprochant aux juges d'avoir exigé qu'une marque
ait un caractère unique, une position particulièrement impor-
tante ou dominante pour faire partie de cette catégorie.

    Le Tribunal fédéral a déjà souligné, dans son arrêt
du 13 novembre 1998 opposant les mêmes parties (dossier
4P.133/1996, consid. 7), que "savoir si, sur le vu des preu-
ves administrées, la marque litigieuse jouit ou non d'un
grand prestige est une question de fait. C'est, en revanche,
un point de droit que de déterminer si l'autorité cantonale
est partie d'une conception juridique exacte ou erronée de la
haute renommée". Comme le démontre déjà l'intitulé de son
grief, la recourante formule des critiques concernant exclu-
sivement la notion juridique de "haute renommée". Celles-ci
relèvent donc de l'application du droit fédéral et ne peuvent
être revues que par la voie du recours en réforme (art. 43
al. 1 OJ), ce qui exclut qu'elles le soient également dans le
cadre du recours de droit public qui est subsidiaire (art. 84
al. 2 OJ; cf. ATF 127 II 198 consid. 2a). Le grief n'est donc
pas recevable, ce que relève à juste titre l'intimée.

    5.-  Pour cette même raison, il ne sera par entré
en matière sur le dernier grief invoqué dans le recours de
droit public, par lequel la recourante se plaint que son
droit à la protection du nom commercial, découlant de l'art.
8 de la Convention d'Union de Paris pour la protection de la
propriété industrielle (CUP; RS 0.232.04), de l'art. 29 CC et
de l'art. 3 let. d LCD (RS 241), a été arbitrairement nié par
la cour cantonale. Il s'agit à nouveau clairement d'une ques-
tion relevant de l'application du droit fédéral.

    Dans ces circonstances, le recours de droit public
doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.

    6.- La recourante, qui succombe, sera condamnée aux
frais et dépens (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

    1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;
    2. Met un émolument judiciaire de 10'000 fr. à la
charge de la recourante;

    3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 20'000 fr. à titre de dépens;

    4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice genevoise.

                         __________

Lausanne, le 6 novembre 2001
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,