Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.128/2001
Zurück zum Index I. Zivilabteilung 2001
Retour à l'indice I. Zivilabteilung 2001


4P.128/2001

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                       15 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

                        _____________

                Dans la cause civile pendante
                            entre

A.________, représentée par Me Christian Favre, avocat à Sion,

                           contre

le jugement rendu le 23 avril 2001 par la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui oppo-
se la recourante à C.________, représenté par Me Jean-Michel
Zufferey, avocat à Sierre.

(art. 9 Cst.; procédure civile; appréciation arbitraire des
preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.- C.________ était aide de cuisine depuis 1987 au
café-restaurant "X.________", qu'exploitaient A.________ et
son mari B.________. Les parties n'avaient pas conclu de con-
trat de travail écrit. Il avait été oralement convenu que
l'employeur mettrait à disposition du travailleur nourriture
et logement, des sommes de 540 fr. et de 270 fr. étant dé-
comptées de ce chef lors du paiement de chaque salaire men-
suel. Jusqu'à son départ, le salarié a touché 1700 fr. net
par mois, à quoi s'ajoutait un treizième salaire en fin d'an-
née.

    Alors qu'une ambiance familiale avait régné jusque-
là au restaurant, les rapports de travail ont pris fin le 18
août 1998, dans un contexte houleux. C.________ a soumis son
cas aux Syndicats chrétiens, à Sion. Ceux-ci ont contrôlé la
situation salariale en se limitant toutefois aux cinq années
précédentes, vu la prescription quinquennale de l'art. 128
ch. 3 in fine CO. Au terme de cet examen, des griefs ont été
énoncés concernant le calcul du treizième salaire et des
frais de nourriture, ainsi que des jours de repos et des
jours fériés, insuffisamment compensés par les vacances excé-
dentaires dont le travailleur avait bénéficié chaque année.

    De son côté, l'employeur a élevé une prétention en
raison des repas et boissons pris par le travailleur au res-
taurant durant les jours de congé. Il lui a en outre réclamé
une participation supplémentaire aux frais de logement en ar-
guant du fait que le salarié s'était installé dans un studio
en cours d'emploi.

    Le dossier ne révèle pas si les parties étaient
membres d'associations signataires des différentes conven-
tions nationales de travail pour les hôtels, restaurants et

cafés qui étaient en vigueur dès le début de leurs rapports
de travail.

    B.- Le 29 septembre 1998, C.________ a introduit
une action en paiement de 19 966 fr.75, intérêts en sus.

    L'employeur a déposé une réponse concluant au rejet
de la demande et, à titre reconventionnel, au paiement de
19 932 fr.50 avec intérêts.

    Le 11 juin 1999, le Tribunal de travail du canton
du Valais a admis partiellement la demande principale, rejeté
la demande reconventionnelle, et condamné A.________ à verser
au demandeur 9415 fr.60 net.

    Par jugement du 23 avril 2001, la IIème Cour civile
du Tribunal cantonal du canton du Valais a rejeté un appel
formé par l'employeur et un appel joint déposé par le tra-
vailleur. Elle a condamné A.________ à verser à C.________
les montants de 4531 fr. brut, 992 fr.65, 1134 fr.35,
1009 fr.95, 1910 fr.05, le tout avec intérêts.

    C.- A.________ interjette un recours de droit pu-
blic fondé sur la violation de l'art. 9 Cst. Elle conclut à
l'annulation du jugement du 23 avril 2001.

    C.________ ne formule pas d'observations.

    La cour cantonale se réfère à ses considérants.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

    1.- La cour cantonale a jugé atteinte par la pres-
cription toute prétention du travailleur antérieure au 11
juin 1994. Le point n'est pas contesté. Le litige porte sur
la question de savoir si, pour la période ultérieure, les
parties étaient soumises à une convention collective de tra-
vail, en l'occurrence la Convention collective nationale de
travail pour les hôtels, restaurants et cafés du 25 mars 1992
(ci-après: CCNT, entrée en vigueur le 1er juillet 1992 et
partiellement modifiée les 23 juin 1994 et 14 juin 1995) qui
a fait l'objet d'une extension quant à certaines de ses dis-
positions par arrêté du Conseil fédéral du 10 décembre 1992
(FF 1992 p. 512 s.), au sens de l'art. 7 al. 1 LECCT. Dénon-
cée par les partenaires sociaux, elle est devenue caduque le
30 juin 1996.

    La cour cantonale a tranché par l'affirmative. Elle
a retenu que, durant la procédure de première instance, les
parties n'avaient pas contesté leur soumission à l'ensemble
des dispositions de la CCNT, la défenderesse s'estimant tou-
tefois libérée des effets de cette convention dès le 1er
juillet 1996 - position que la cour a écartée. Elle a consi-
déré qu'en effet, eu égard à l'expérience professionnelle
commune du demandeur et de B.________, qui avaient déjà oeu-
vré sous l'empire des conventions collectives des 22 décembre
1983 puis 6 septembre 1988, et dont l'entente était excellen-
te, il fallait admettre qu'à aucun moment de leurs relations
contractuelles, quel qu'ait été le niveau de leurs connais-
sances en ce domaine, les parties n'avaient eu l'intention de
se soustraire, en défaveur du travailleur, à telle ou telle
clause des CCT successivement en vigueur, d'autant que
B.________ avait été qualifié de personne loyale et honnête
dans toutes les affaires. Il n'était donc pas surprenant que,
lorsque la CCNT était devenue caduque le 30 juin 1996, aucun

des partenaires contractuels n'ait pris de disposition pour
modifier les termes de la collaboration. En tout cas, pour la
cour cantonale, la volonté des parties de laisser prolonger
les effets des dispositions de la CCNT - pour le moins
s'agissant des normes étendues, dans la mesure où les parte-
naires contractuels n'auraient pas été membres d'associations
signataires - pouvait donc être présumée.

    La cour cantonale a alors alloué au demandeur, en
se fondant sur la CCNT, divers montants à titre de compensa-
tion de jours de repos, de vacances et de jours fériés, ou à
titre de parts non reçues au 13ème salaire.

    2.- La recourante soutient qu'avoir considéré que
les parties n'ont jamais eu l'intention de se soustraire aux
CCNT successivement en vigueur et présumé leur volonté de
laisser prolonger les effets de la CCNT malgré sa caducité au
30 juin 1996 est manifestement contraire aux faits établis et
viole gravement les principes juridiques de l'autonomie de la
volonté ainsi que de la relativité des contrats. Il y aurait
donc arbitraire au sens de l'art. 9 Cst.

    a) A l'appui de son recours, l'employeuse fait va-
loir que la question de la validité prolongée d'une CCT n'a
été traitée que dans un ATF publié, l'arrêt Gumy (ATF 98 Ia
561); il y a été posé qu'il n'était pas arbitraire d'admettre
qu'une CCT puisse encore, après l'expiration de sa durée de
validité, exprimer suivant les circonstances la volonté pré-
sumée des parties. Le Tribunal cantonal se serait, semble-t-
il, rallié à cette solution, mais celle-ci serait combattue
en doctrine; cette manière de voir serait, de plus, en totale
contradiction avec la jurisprudence constante du Tribunal fé-
déral selon laquelle les dispositions d'une CCT ne sont pas
applicables à un contrat individuel de travail lorsqu'une ou
les deux parties à celui-ci ne sont pas liées par celle-là.
De même, cette solution violerait les principes juridiques

clairs et indiscutés de la relativité des contrats et de
l'autonomie de la volonté des parties.

    b) En tout état de cause, ajoute la recourante, il
incombait au Tribunal cantonal d'indiquer en quoi la CCNT
était représentative de la volonté présumée des parties; la
cour cantonale devait se fonder sur des indices objectifs
justifiant de considérer que les partenaires contractuels
voulaient implicitement que la CCNT continue à régir leurs
rapports. Or le dossier révélerait que les parties n'ont ja-
mais appliqué la CCNT, qu'elles en ignoraient même le conte-
nu; elles y auraient constamment dérogé, plus particulière-
ment s'agissant du 13ème salaire, des jours de vacances et
des jours fériés. La recourante nie n'avoir pas contesté sa
soumission à l'ensemble des dispositions de la CCNT: le mé-
moire-réponse contiendrait la contestation claire de l'allé-
gué 2 du mémoire-demande faisant référence à la CCNT.

    3.- a) Le recours de droit public est une voie sub-
sidiaire: il n'est ouvert que si la prétendue violation ne
peut pas être soumise par un autre moyen au Tribunal fédéral
ou à une autre autorité fédérale (art. 84 al. 2 OJ). Or, en
l'espèce, les violations du droit fédéral invoquées auraient
pu être soumises au Tribunal fédéral par le biais d'un re-
cours en réforme, s'agissant d'une contestation civile dont
la valeur litigieuse est supérieure à 8000 fr. Les moyens
résumés au considérant 2a ci-dessus sont donc irrecevables
dans la présente procédure.

    b) Les moyens résumés au considérant 2b ci-dessus
mélangent le fait et le droit.

    Dans la mesure où la recourante critique la déter-
mination par la cour cantonale de la volonté présumée des
parties, elle s'en prend à une question de droit qui peut
être revue dans un recours en réforme (ATF 125 III 305, con-

sid. 2b p. 308). Le recours de droit public est donc irrece-
vable sur ce point.

    En revanche, on peut entrer en matière sur la ques-
tion de savoir si les faits dont la cour cantonale a tenu
compte pour établir la volonté présumée des parties ont été
constatés de façon arbitraire. L'élément essentiel qui a fon-
dé l'appréciation des magistrats cantonaux à ce propos est
l'absence de contestation de la part des parties en ce qui
concerne leur soumission à la CCNT du 25 mars 1992, ainsi que
le fait que, à aucun moment de leurs relations contractuel-
les, les parties n'ont eu l'intention de se soustraire, en
défaveur du travailleur, à telle ou telle clause des CCT suc-
cessivement en vigueur. Cette constatation sur la volonté des
parties n'a rien d'arbitraire; elle repose sur des circons-
tances qui permettaient aux juges précédents de la faire. Ces
circonstances sont l'expérience professionnelle du demandeur
et de son patron, le fait qu'ils avaient déjà oeuvré sous
l'empire des CCT des 22 décembre 1983 puis 6 septembre 1988,
leur entente excellente, la loyauté et l'honnêteté du restau-
rateur dans toutes les affaires.

    La cour cantonale n'a en particulier pas versé dans
l'arbitraire lorsqu'elle a retenu que la recourante n'avait
pas contesté avoir été soumise à l'ensemble des dispositions
de la CCNT. A ce sujet, le mémoire-demande avait la teneur
suivante "(...) A l'engagement, les rapports de travail
étaient régis par la convention collective de travail pour
les hôtels, restaurants et cafés (CCNT). Le 30 juin 1996,
c'est-à-dire au moment de l'échéance de la CCNT, les parties
au contrat n'ont pas signé un nouveau contrat qui aurait per-
mis de nouvelles conditions de travail ...)". La recourante
s'est déterminée comme suit dans son mémoire-réponse: "admis
la non signature d'un nouveau contrat et l'échéance de la
CCNT. Contesté le surplus". Même si elle était éventuellement
discutable, l'interprétation qu'a donnée la cour cantonale de

la position de la recourante n'a rien d'insoutenable. La re-
courante ne démontre pas comme cela lui incombe (art. 90 al.
1 let. b OJ) que les constatations de la cour cantonale sur
l'application par les parties des dispositions de la CCNT en
vigueur avant le 30 juin 1996 seraient arbitraires. Il en va
pareillement en ce qui concerne les constatations sur l'ab-
sence d'intention des parties de se soustraire aux clauses
des CCNT et sur l'absence de dispositions prises par elles
pour modifier les clauses de leur collaboration après le 30
juin 1996.

    4.- L'arrêt est rendu sans frais, vu la valeur li-
tigieuse. Il ne sera pas alloué de dépens à l'intimé qui n'a
pas procédé devant le Tribunal fédéral.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

        1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

    2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

    3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton du Valais.

                       _______________

Lausanne, le 15 octobre 2001
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:

       Le président,                     La greffière,