I. Zivilabteilung 4P.126/2001
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4P.126/2001 Ie C O U R C I V I L E **************************** 18 décembre 2001 Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges. Greffier: M. Carruzzo. ___________ Statuant sur le recours de droit public formé par LUKoil-Permnefteorgsintez, LLC, à Perm (Russie), représentée par Mes Michael E. Schneider et Matthias Scherer, avocats à Genève, contre la sentence incidente rendue le 2 avril 2001 par un Tribunal arbitral siégeant à Genève et composé de MM. François Knoepfler, président, Ali Bozer et Andrey Lissitsyn-Svetlanov, arbitres, dans la cause qui oppose MIR Müteahhitlik ve Ticaret A.S./MIR Constructing and Trading Co Inc., à Ankara (Turquie), intimée, représentée par Mes Bernard Haissly et Elliott Geisin- ger, avocats à Genève, à la recourante et à Ural-Tais Produc- tion-Construction Firm; (arbitrage international; compétence) Vu les pièces du dossier d'où ressortent les f a i t s suivants: A.- La société de droit russe Production-Construction Association Permstroyinter (ci-après: Permstroyinter) et la société de droit turc MIR Müteahhitlik ve Ticaret A.S. (ci- après: MIR) ont signé, le 26 avril 1991, un contrat ayant pour objet la construction d'un centre de santé à Olginka, en Rus- sie. Permstroyinter y apparaissait comme maître de l'ouvrage et MIR comme entrepreneur. Ce contrat contenait, à son article 21, une clause arbitrale prévoyant, en substance, que tous litiges survenant à son sujet ou en liaison avec lui seraient soumis à un tribunal arbitral établi en conformité avec les règles d'arbitrage et de conciliation de la CCI de Paris. Le siège de l'arbitrage était fixé à Genève. B.- Le 17 août 1998, MIR a adressé à la CCI une de- mande d'arbitrage dirigée contre Ural-Tais Production-Constru- ction Firm (ci-après: Ural-Tais ou la défenderesse n° 1) et contre GP Permnefteorgsintez-LUKoil (ci-après: Permnefte- orgsintez ou la défenderesse n° 2). La demanderesse concluait à ce que le Tribunal arbitral condamne les deux défenderesses à lui payer 9 707 058,42 US$, plus intérêts. Elle a proposé comme arbitre M. Ali Bozer. Quant aux défenderesses, elles ont avancé le nom de M. Andrey Lissitsyn-Svetlanov. Le secrétaire général de la CCI a confirmé la nomination de ces deux professeurs en qualité d'arbitres. La CCI a ensuite désigné le professeur François Knoepfler comme président du Tribunal arbitral. La défenderesse n° 2 a contesté d'entrée de cause, puis de manière réitérée, être partie au contrat de construc- tion et, par voie de conséquence, à la clause d'arbitrage con- tenue dans ledit contrat, ainsi qu'à l'arbitrage lui-même. Elle a toutefois accepté que le Tribunal arbitral tranche la question de la compétence à son égard. Le 5 juillet 1999, le Tribunal arbitral et les par- ties ont signé un acte de mission rapportant l'exception d'in- compétence soulevée par Permnefteorgsintez. Parmi les questions à trancher figurait notamment le point de savoir si Permnefteorgsintez était aussi partie à l'arbitrage ou si Ural-Tais était l'unique défenderesse. Le 2 avril 2001, le Tribunal arbitral a rendu une sentence incidente dont le dispositif énonce ce qui suit (tra- duction libre de l'anglais): "La défenderesse n° 2, LLC LUKoil-Permnefteorg- sintez est partie à la clause arbitrale, i.e. à l'art. 21 du contrat du 26 avril 1991, de sorte que le Tribunal arbitral est compétent pour examiner le litige opposant MIR Müteahhitlik ve Ticaret A.S. (demanderesse) à Ural- Tais (défenderesse n° 1) et à LLC LUKoil-Permnefteorg- sintez (défenderesse n° 2)." L'arbitre Lissitsyn-Svetlanov a désapprouvé les conclusions de ses coarbitres et joint une opinion dissidente à la sentence. Ladite sentence repose, en substance, sur les mo- tifs suivants: En tant que successeur de Permstroyinter, maître de l'ouvrage, la défenderesse n° 1 est liée par la clause arbi- trale incluse dans le contrat d'entreprise du 26 avril 1991. La défenderesse n° 2, dont le véritable nom est "LLC LUKoil-Permnefteorgsintez" (et non pas "GP Permnefte- orgsintez-LUKoil"), a succédé à deux autres personnes morales (la "Joint Stock Company LUKoil-Permnefteorgsintez", elle- même successeur de l'ancienne société d'Etat "Permnefte- orgsintez"), du moins en ce qui concerne de possibles droits et obligations dérivant pour elle du contrat du 26 avril 1991. Sur le vu de l'ensemble des circonstances, il apparaît qu'une relation directe a été nouée entre la défenderesse n° 2 et la demanderesse relativement aux paiements dus selon le contrat de construction. Sans doute la défenderesse n° 2 n'est-elle pas devenue partie à ce contrat. Toutefois, elle a pris des engagements financiers en rapport avec l'exécution de celui-ci, lesquels sont venus s'ajouter à ceux qui incom- baient à la défenderesse n° 1 et ont fourni une garantie sup- plémentaire à la demanderesse. Il est logique, dans ces con- ditions, que la méthode de règlement des différends prévue par le contrat de construction pour les litiges concernant les paiements soit aussi applicable aux litiges survenant en- tre la demanderesse et la défenderesse n° 2. D'ailleurs, les parties étaient d'accord sur ce point. La demanderesse pou- vait, quoi qu'il en soit, déduire du comportement de la dé- fenderesse n° 2 que celle-ci avait adhéré à la clause arbi- trale, cette adhésion résultant notamment de la référence faite, dans diverses pièces signées par l'intéressée et/ou ses prédécesseurs, au contrat du 26 avril 1991 incluant la clause arbitrale. C.- La défenderesse n° 2 a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral, fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Soutenant que le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent à son égard, puisqu'elle n'est pas partie à l'arbitrage, la recourante conclut à l'annulation de la sen- tence attaquée et à ce qu'il soit dit que le Tribunal arbi- tral est incompétent pour trancher tout litige qui existerait entre la demanderesse et elle-même. Les motifs invoqués à l'appui du recours seront indiqués plus loin lors de leur examen. La demanderesse et intimée conclut au rejet du re- cours dans la mesure où il est recevable. Le Tribunal arbitral prend la même conclusion. C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 1.- a) Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sen- tence arbitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP. Il con- vient donc d'examiner en premier lieu si les conditions pré- vues par ces dispositions sont réunies. La clause compromissoire, insérée dans le contrat conclu le 26 avril 1991, fixe le siège du Tribunal arbitral en Suisse (à Genève) et l'une des parties au moins (en l'oc- currence les deux) n'avait, au moment de la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP sont donc applica- bles (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantona- le en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP). Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conven- tionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP). Le recours ne peut être formé que pour l'un des mo- tifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 127 III 279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p. 383). Le recours est immédiatement ouvert contre une sen- tence incidente lorsque le Tribunal arbitral s'est déclaré à tort compétent ou incompétent (art. 190 al. 3 en relation avec l'art. 190 al. 2 let. b LDIP; ATF 127 III 279 consid. 1b). La voie du recours de droit public étant ouverte en l'espèce, il faut encore examiner si les règles de procédure ont été respectées. b) Pour le recours en matière d'arbitrage interna- tional, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1, 2ème phrase, LDIP). La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui l'oblige à continuer de procéder de- vant le Tribunal arbitral, de sorte qu'elle a un intérêt per- sonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette déci- sion n'ait pas été rendue en violation des garanties décou- lant de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ). Interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ), dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ), le recours est en principe recevable. Hormis certaines exceptions, il n'a qu'un caractère cassatoire (ATF 127 II 1 consid. 2c, III 279 consid. 1b; 126 III 534 consid. 1c; 124 I 327 consid. 4). Lorsque le litige porte sur la compétence d'un tribunal arbitral, il a été ad- mis, par exception, que le Tribunal fédéral pouvait lui-même constater la compétence ou l'incompétence (ATF 127 III 279 consid. 1b; 117 II 94 consid. 4). c) Dès lors que les règles de procédure sont celles du recours de droit public, la partie recourante doit invo- quer ses griefs conformément aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c; 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fé- déral n'examine que les griefs admissibles qui ont été invo- qués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 consid. 1c; 126 III 524 con- sid. 1c, 534 consid. 1b). La recourante devait donc indiquer quelles hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de la sentence attaquée, mon- trer de façon circonstanciée en quoi consisterait la viola- tion du principe invoqué (ATF 127 III 279 consid. 1c); ce n'est qu'à ces conditions qu'il sera possible d'entrer en ma- tière. 2.- a) La recourante soutient que le Tribunal arbi- tral s'est déclaré à tort compétent pour connaître des con- clusions prises contre elle. Elle invoque ainsi le motif de recours prévu par l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. Saisi d'un tel grief, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les questions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompétence du tribunal arbitral (arrêt du 16 octobre 2001, destiné à la publication, dans la cause 4P.176/2001, consid. 2a; ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383; 118 II 193 consid. 5a; 117 II 94 consid. 5a). Cependant, le Tribunal fédéral revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - même s'il s'agit de la question de la compétence - uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'en- contre dudit état de fait ou lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du re- cours de droit public (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383 et les références). Lorsqu'ils examinent s'ils sont compétents pour trancher le différend qui leur est soumis, les arbitres doi- vent résoudre, entre autres questions, celle de la portée subjective de la convention d'arbitrage. Il leur appartient, notamment, de déterminer quelles sont les parties liées par la convention (ATF 117 II 94 consid. 5b p. 98 et les auteurs cités). A cet égard, il n'est pas douteux qu'une convention d'arbitrage peut obliger même des personnes qui ne l'ont pas signée. Appelé à dire si le litige dont il est saisi est de son ressort ou de celui de la juridiction ordinaire, le tri- bunal arbitral doit, dès lors, décider si telle personne as- signée devant lui est liée ou non par la convention d'arbi- trage. Sous l'angle de la compétence, l'existence, la validi- té et la portée de la convention d'arbitrage constituent donc des problèmes indissociables (arrêt précité, du 16 octobre 2001, consid. 2b/aa; ATF 120 II 155 consid. 3b/bb p. 163 s. et les auteurs cités). b) A titre préalable, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir appliqué le droit suisse à la ques- tion de l'adhésion. Pour elle, c'est à la lumière du droit russe ou, de préférence, à celle des usages établis par la pratique internationale en matière de garanties qu'il eût fallu examiner cette question. La recourante ne démontre nullement que l'applica- tion du droit russe ou des usages invoqués par elle eût con- duit à un autre résultat, sur la question de la compétence, que celui auquel a abouti le Tribunal arbitral en appliquant le droit suisse. Il n'y a donc pas lieu d'examiner plus avant ce premier moyen (art. 90 al. 1 let. b OJ). c) Selon l'art. 178 al. 1 LDIP, la convention d'ar- bitrage est formellement valable si elle est passée par écrit, télégramme, télex, télécopieur ou tout autre moyen qui permet d'en établir la preuve par un texte. Pour satisfaire à cette exigence de preuve par un texte, il n'est pas nécessai- re que la clause arbitrale figure dans les documents contrac- tuels échangés par les parties. L'art. 178 al. 1 LDIP admet la clause arbitrale par référence et n'exige pas que l'exis- tence d'une clause arbitrale dans le document auquel il est fait renvoi soit mentionnée dans le "texte" qui contient la référence (arrêt non publié du 7 février 2001, dans la cause 4P.230/2000, consid. 2a et les références; cf. Lalive/Pou- dret/Reymond, Le droit de l'arbitrage interne et internatio- nal en Suisse, n. 13 ad art. 178 LDIP p. 321). Comme, au fond, selon l'art. 178 al. 2 LDIP, la clause arbitrale est valable si elle répond notamment aux conditions du droit suisse, on peut se référer aux règles du droit suisse sur l'interprétation des déclarations de volonté des parties. Il convient ainsi de rechercher la volonté réel- le des parties ou, à défaut, de faire intervenir le principe de la confiance, lequel est également applicable lorsqu'il s'agit de trancher les litiges relatifs soit au consentement requis pour qu'une convention d'arbitrage vienne à chef, soit à l'interprétation d'un tel acte (arrêt précité du 7 février 2001, ibid.; arrêt non publié du 31 octobre 1996, dans la cause 4C.44/1996, consid. 3c et les références). d) Avant d'examiner si le Tribunal arbitral a admis à juste titre que la défenderesse n° 2 avait adhéré à la clause arbitrale contenue dans le contrat de construction du 26 avril 1991, il y a lieu de se référer au contenu des piè- ces sur lesquelles les arbitres ont fondé l'essentiel de leur raisonnement. aa) Après avoir mentionné des paiements directs de la recourante à la demanderesse et des engagements mention- nant le contrat de construction, le Tribunal arbitral cite un protocole, signé le 10 février 1993 par le représentant de GP Permnefteorgsintez, où l'on peut lire notamment ceci (traduc- tion libre de l'anglais): "3. GP Permnefteorgsintez confirme la cession des droits et obligations pour l'exécution des contrats pour la construction du centre de santé à PSF URAL TAIS, lequel fait est certifié par l'Accord N° 1 daté du 24. 12.92, signé par GP Permnefteorgsintez et PSF URAL TAIS. 4. GP Permnefteorgsintez confirme le finance- ment de la construction du centre de santé conformément aux termes du contrat." bb) Puis le Tribunal arbitral se réfère à un "cer- tificate" signé, dans le courant de 1995, par les responsa- bles de la demanderesse, d'Ural-Tais et de Permnefteorgsin- tez. Ce certificat contient notamment le passage suivant (traduction libre de l'anglais): "Il est attesté par les présentes que, conformé- ment au contrat N° 589-364-3252-91-002000 daté du 26.04. 1991 et à l'avenant 1 daté du 10.02.1993 (...), 5 087 016,07 US$ (...) sont dus à la société "MIR" pour les travaux exécutés conformément au contrat susmention- né et à l'Avenant. Au 20.08.1995, cette somme n'a pas été payée à la société "MIR". La société "MIR", "URAL-TAIS" et "PERMNEFTEOR- GSINTEZ" attestent (substantiate) que le montant susmen- tionné est la dette des sociétés "URAL-TAIS" et "PERMNE- FTEORGSINTEZ" envers la société "MIR"." cc) Un protocole signé le 20 novembre 1995, notam- ment par le directeur de LUKoil-Permnefteorgsintez, souligne ceci, en se référant à un certificat du 20 août 1995 (proba- blement le certificat cité ci-avant)(traduction libre de l'anglais): "L'investisseur doit, avant le 1.02.1996, régler la question de la vente ou d'une construction supplémen- taire du complexe de santé par paiement à l'entrepreneur de la dette disponible pour les lots exécutés en confor- mité avec le certificat signé par les parties le 20.08. 95 et les dépenses additionnelles liées au prolongement de la phase de construction du projet". dd) Le Tribunal arbitral cite aussi un "Acte" du 24 juillet 1996 signé par les représentants de MIR et d'OJSC "LUKoil-Permnefteorgsintez", à la teneur suivante (traduction libre de l'anglais): "Cet acte a été dressé en la présence des repré- sentants d'OJSC "LUKoil-Permnefteorgsintez" et de la so- ciété "MIR Müteahhitlik ve Ticaret A.S." (Turquie) at- testant que la dette échue de l'entreprise OJSC "LUKoil- Permnefteorgsintez" à la société "MIR Müteahhitlik ve Ticaret A.S." pour les travaux de construction et d'érection du pensionnat dans le lotissement Olginka de la région Tuapse s'élève, au 24 juillet 1996 à 8 692 127,33 (...) US$. Cette dette est confirmée par OJSC "LUKoil-Per- mnefteorgsintez" dans son intégralité". ee) Un projet de protocole envoyé à la demanderesse par les défenderesses nos 1 et 2, au sujet d'une réunion de mars 1998 à laquelle avaient assisté des représentants de Permnefteorgsintez, contient le passage suivant (traduction libre de l'anglais): "Les paiements seront effectués sur le compte de MIR N° 494 092.60 Z à l'Union de Banque Suisse en US Dollars d'une manière semblable aux factures qui avaient été payées pendant la construction dans les 15 jours suivant la signature de ce protocole. OOO LUKoil-Permne- fteorgsintez et PSF URAL TAIS seront solidairement res- ponsables (liable jointly) de s'assurer que les paie- ments seront effectués". e) Retenant, sur le vu de l'ensemble des circons- tances susmentionnées, qu'une relation directe existait entre la défenderesse n° 2 et la demanderesse relativement aux paiements dus selon le contrat de construction, le Tribunal arbitral est parvenu à la conclusion que la recourante, tout en n'étant pas devenue partie au contrat de construction, avait néanmoins adhéré à la clause arbitrale contenue dans ce contrat. Il a considéré en outre comme "logique" que la mé- thode de règlement des différends prévue pour les litiges sur les paiements s'appliquât aussi aux litiges opposant la de- manderesse et la défenderesse n° 2, ajoutant que les parties étaient d'accord sur ce point. aa) On peut se demander si, contrairement à ce que prétend la recourante, le Tribunal arbitral n'a pas constaté, ce faisant, la volonté expresse et concordante des parties en ce qui concerne l'adhésion de la défenderesse n° 2 à la clau- se arbitrale. Dans une telle hypothèse, le Tribunal fédéral serait en présence d'une constatation de fait qu'il ne pour- rait revoir - même s'il s'agit d'une sentence incidente por- tant sur la question de la compétence des arbitres - que dans les limites des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP et pour autant que l'un de ceux-ci ait été soulevé et dûment mo- tivé. Or, en l'espèce, la recourante ne prétend pas que le Tribunal arbitral aurait établi les faits en violation des garanties de procédure auxquelles l'art. 190 al. 2 let. d LDIP fait référence ou de manière incompatible avec l'ordre public. Elle nie simplement - à tort dans cette hypothèse - que le Tribunal arbitral ait constaté la volonté expresse et concordante des parties quant à l'adhésion de la défenderesse n° 2 à la clause arbitrale. bb) Toutefois, même si l'hypothèse évoquée devait être écartée et qu'il faille admettre que le Tribunal arbi- tral a procédé à une interprétation normative des déclara- tions de volonté des parties, le résultat de cette interpré- tation ne prêterait pas le flanc à la critique. A cet égard, on rappellera que, si la volonté réel- le des parties ne peut être établie, c'est une question de droit, soumise au libre examen du Tribunal fédéral saisi du grief d'incompétence du Tribunal arbitral, que de dire com- ment une déclaration devait être comprise par son destinatai- re selon le principe de la confiance. Pour trancher cette question de droit, il faut cependant se fonder sur le contenu de la déclaration et les circonstances, lesquelles relèvent du fait. Selon le principe de la confiance, celui qui fait une déclaration de volonté adressée à autrui est lié par sa déclaration selon le sens que le destinataire peut et doit lui attribuer de bonne foi en fonction de l'ensemble des cir- constances. Il importe peu que l'auteur de la déclaration n'ait pas saisi la portée de ce qu'il disait, dès lors que le destinataire ne pouvait pas s'en apercevoir (ATF 126 III 375 consid. 2 e/aa p. 378 et les arrêts cités). L'interprétation selon le principe de la confiance sera celle d'un homme loyal et raisonnable (ATF 116 II 431 consid. 3a). En l'espèce, les représentants de la défenderesse n° 2 ou de ses prédécesseurs ont, notamment, signé des actes confirmant la cession des droits et obligations pour l'exécu- tion du contrat de construction et le financement de la cons- truction du centre de santé conformément aux termes du con- trat (consid. 2d/aa); ils ont attesté devoir à la demanderes- se, avec la défenderesse n° 1, les montants relatifs aux tra- vaux exécutés conformément au contrat de construction, préci- sant même que les montants ainsi dus étaient des dettes des deux sociétés défenderesses envers la demanderesse (consid. 2d/bb); ils ont confirmé l'existence, dans son intégralité, de la dette de la recourante pour les travaux de construction (consid. 2d/dd) et la responsabilité solidaire de cette so- ciété, avec la défenderesse n° 1, quant aux paiements à ef- fectuer sur le compte de la demanderesse (consid. 2d/ee). Toutes ces déclarations ne peuvent être comprises, raisonnablement et de bonne foi, que comme un engagement pro- pre de la recourante d'exécuter les obligations pécuniaires dues en vertu du contrat de construction. Cet engagement est beaucoup plus qu'un cautionnement ou une garantie; il se ca- ractérise plutôt comme une reprise cumulative de dette (sur cette notion, cf. Engel, Traité des obligations en droit suisse, 2e éd., p. 902 ss), comme un engagement solidaire pris par la recourante aux côtés de la défenderesse n° 1. Or, le droit suisse admet, en cas de reprise de dette, comme en matière de cession de créance ou de reprise d'une relation contractuelle (cf. arrêt précité, du 16 octobre 2001, consid. 2b/bb et les références), que la clause compromissoire est en principe transférée au reprenant, sauf convention contraire (cf., parmi d'autres: Jolidon, Commentaire du Concordat sur l'arbitrage, p. 140; Rüede/Hadenfeldt, Schweizerisches Schiedsgerichtsrecht, 2e éd., p. 82 in fine; Wenger, Commen- taire bâlois, Internationales Privatrecht, n. 67 ad art. 178 LDIP). Dès lors qu'en l'espèce, cet engagement se réfère ex- pressément au contrat de construction, dont il cite les dates et références chiffrées, le Tribunal arbitral a retenu à bon droit que la recourante avait de la sorte manifesté son adhé- sion à la clause arbitrale incluse dans ce contrat. Si l'on admet l'adhésion par référence, ou l'incorporation par réfé- rence d'une clause arbitrale contenue dans des conditions gé- nérales, des formules types ou des contrats-types, il faut aussi admettre, à plus forte raison, une telle adhésion en cas de référence à un contrat déterminé dont une partie a re- pris des obligations importantes. La sentence attaquée, en tant qu'elle reconnaît que la recourante est partie à la clause arbitrale du contrat de construction et, par voie de conséquence, que le Tribunal ar- bitral est compétent pour examiner le litige entre la deman- deresse et les deux défenderesses, est donc bien fondée. 3.- Invoquant en dernier lieu la violation du droit d'être entendu, la recourante se plaint d'avoir été empêchée de prouver qu'aucune facture ne lui avait jamais été adressée par la demanderesse et que toutes les factures avaient été adressées à la défenderesse n° 1. On relèvera tout d'abord qu'il n'apparaît pas que la recourante ait immédiatement et clairement protesté devant le Tribunal arbitral contre l'empêchement qui lui aurait été fait. Or, la jurisprudence exige que la partie qui s'estime victime d'une violation de son droit d'être entendu l'invoque d'emblée dans la procédure arbitrale, à défaut de quoi elle n'est plus habilitée à s'en plaindre dans un recours contre la sentence (ATF 119 II 386 consid. 1a). A l'appui de son grief, la recourante mentionne deux lettres que son conseil a adressées au Tribunal arbitral les 22 mai et 31 mai 2000, lesquelles ne font aucune référence à des pièces complémen- taires. Elle se réfère aussi à une ordonnance de procédure du Tribunal arbitral du 7 juin 2000 offrant aux parties la pos- sibilité de s'exprimer une fois encore par écrit, mais refu- sant toute production de preuves supplémentaires. Or, il ne ressort d'aucun élément ni d'aucune constatation que la re- courante aurait protesté contre cette ordonnance après l'avoir reçue. Ensuite et surtout, le grief de la recourante con- cerne des preuves non pertinentes, dès lors que la question du destinataire des factures établies par la demanderesse est dénuée d'intérêt et n'a joué aucun rôle dans la motivation du Tribunal arbitral concernant l'adhésion par référence de la recourante à la clause arbitrale. Le moyen ne peut donc qu'être rejeté. 4.- Les frais et dépens de la procédure fédérale doivent être mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, l e T r i b u n a l f é d é r a l : 1. Rejette le recours; 2. Met un émolument judiciaire de 30 000 fr. à la charge de la recourante; 3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 50 000 fr. à titre de dépens; 4. Communique le présent arrêt en copie aux manda- taires des parties et au Président du Tribunal arbitral. _______ Lausanne, le 18 décembre 2001 ECH Au nom de la Ie Cour civile du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: Le Président, Le Greffier,