I. Zivilabteilung 4P.114/2001
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4P.114/2001 Ie C O U R C I V I L E **************************** 19 décembre 2001 Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu, M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges. Greffier: M. Carruzzo. ____________ Statuant sur le recours de droit public formé par N.V. Belgische Scheepvaartmaatschappij-Compagnie Maritime Belge, à Anvers (Belgique), représentée par Me Wolfgang Pe- ter, avocat à Genève, contre la sentence arbitrale rendue le 23 mars 2001 par le Tribunal arbitral CCI siégeant à Genève et composé de MM. Otto L.O. de Witt Wijnen, président, Guy Horsmans et Lucien Simont, arbi- tres, dans la cause qui oppose la recourante à N.V. Distri- gas, à Bruxelles (Belgique), intimée, représentée par Mes Paolo Michele Patocchi et Bernard Ballansat, avocats à Genè- ve; (arbitrage international; compétence; ne ultra petita; droit d'être entendu; ordre public) Vu les pièces du dossier d'où ressortent les f a i t s suivants: A.- a) A une date non précisée, les sociétés belges N.V. Distrigas (ci-après: Distrigas), en tant qu'affréteur, et N.V. Belgische Scheepvaartmaatschappij-Compagnie Maritime Belge (ci-après: CMB), en qualité de fréteur, ont succédé à deux autres sociétés dans une charte-partie conclue par ces dernières le 31 octobre 1973 et portant sur un navire à cons- truire - le "Methania" - en vue du transport de gaz naturel liquéfié d'Algérie en Belgique. La durée de la charte-partie était fixée à vingt ans à compter de la livraison du navire, qui est intervenue le 30 octobre 1978. A cette date, Distrigas a commencé à ef- fectuer les paiements prévus. Cependant, pour diverses rai- sons, le navire n'a pas été mis en service avant le mois d'octobre 1982. La clause 52 de la charte-partie prévoyait que tout litige relatif à son interprétation ou à son exécution pou- vant survenir entre le propriétaire (CMB) et l'affréteur se- rait tranché par la voie de l'arbitrage conformément aux rè- gles de la Chambre de Commerce Internationale de Paris, le tribunal arbitral devant siéger à Genève. En vertu d'une autre clause de la charte-partie, celle-ci était régie par le droit belge. b) Le 29 mai 1981, après que des différends avaient surgi entre elles, les parties ont conclu un premier avenant à la charte-partie. L'art. VIII de cet avenant est ainsi li- bellé (traduction de l'anglais faite par la recourante): "Toutefois, après ladite période de vingt (20) années et si l'affréteur le demande à la fin de la 18e année, le propriétaire et l'affréteur se rencontreront afin de négocier une prolongation de la charte-partie pour une période à convenir par les parties et confor- mément aux exigences des sociétés de classification et si celles-ci l'autorisent, en tenant compte du fait que l'élément coût du capital (partie de la location fixe: BF 9,5185/m3/jours) sera exclu du prix de location pen- dant cette période. Tous frais de travaux de classification requis pour permettre l'exploitation du navire après 20 ans se- ront assumés par l'affréteur. Si un accord n'est pas trouvé concernant les autres conditions de cette prolongation de la charte- partie, l'affréteur aura l'option d'acheter le navire à un prix correspondant à la valeur de mitraille du navi- re." c) En 1996, les parties ont entamé des négociations dans l'optique d'une éventuelle prolongation de la charte- partie. Ces négociations ont duré environ deux ans. Elles ont débouché sur un accord portant sur toutes les conditions d'une prolongation de la charte-partie jusqu'en 2014, à l'ex- ception de la clause d'option d'achat que Distrigas souhai- tait y insérer. Le 30 août 1998, Distrigas, considérant que les parties n'avaient pas réussi à s'entendre sur toutes les con- ditions nécessaires à la prolongation envisagée, a exercé l'option d'achat en se prévalant de l'art. VIII, précité, de l'avenant. Elle a demandé l'aide de CMB pour les démarches à effectuer en rapport avec le transfert de propriété du navire et a cessé de lui payer le loyer. Sur quoi, CMB, qui déniait à Distrigas le droit d'exercer l'option d'achat, lui a retiré le navire, le 26 no- vembre 1998, en donnant l'ordre au capitaine et à l'équipage qu'elle avait mis à la disposition de l'affréteur de ne plus accepter les instructions de celui-ci. Distrigas a alors intenté une procédure de mesures provisoires devant le président du Tribunal de commerce d'An- vers. Elle a obtenu que le navire soit à nouveau mis à sa disposition dès le 2 décembre 1998 et jusqu'à droit connu dans le litige l'opposant à CMB, contre paiement à cette der- nière d'un loyer correspondant au prix du marché. B.- Le 19 février 1999, Distrigas a mis en oeuvre la procédure arbitrale. Les conclusions qu'elle y a prises tendaient à ce que le Tribunal arbitral rende une sentence (traduction de l'anglais faite par la recourante): "(1) déclarant que le 30 octobre 1998, la deman- deresse a valablement exercé son option selon l'art. 2 de la charte-partie et en conséquence avait le droit d'acquérir le Methania "à un prix correspondant à la va- leur de mitraille du navire" calculé au 1er novembre 1998 et qu'elle est donc devenue propriétaire dudit na- vire; (2) ordonnant à la défenderesse de coopérer avec la demanderesse afin de formaliser et rendre public le transfert de propriété et de possession du Methania à la demanderesse, sous peine pour la défenderesse de payer à la demanderesse une astreinte de FB 1 million par jour si la défenderesse ne coopère pas dans le délai que devra fixer le tribunal arbitral; (3) ordonnant à la défenderesse de diriger et exploiter le Methania selon les instructions de la de- manderesse pendant une période de trois à six mois au choix de la demanderesse dès la date de la sentence du tribunal, afin de permettre à la demanderesse de faire le nécessaire pour la direction et l'exploitation perma- nentes du navire; (4) ordonnant que dans le mois après la date à laquelle prend fin la gestion intérimaire du Methania par la défenderesse (décrit sous point (3) ci-dessus), les parties feront conjointement en sorte qu'un audit soit effectué afin de déterminer les coûts d'exploita- tion réels du Methania du 1er novembre 1998 à cette da- te; (5) accordant à la demanderesse, pour chaque mois de la période allant de l'expiration de la charte- partie le 31 octobre 1998 à la date de la sentence fina- le du tribunal, la différence entre (i) le paiement pro- visionnel effectué par la demanderesse à la défenderesse et (ii) les frais réels d'exploitation du Methania pen- dant ce mois en plus des honoraires mensuels de gestion raisonnables de FB 1'677'000; (6) accordant à la demanderesse une indemnité pour l'évaporation de gaz (LNG boil-off) et le combusti- ble consommé pendant la période du 26 novembre 1998 au 2 décembre 1998, période à laquelle le navire n'était pas à la disposition de la demanderesse, d'un montant de USD 5'716,00; (7) accordant à la demanderesse une indemnité pour l'utilisation par la défenderesse du navire appar- tenant à la demanderesse du 26 novembre 1998 au 2 décem- bre 1998 du montant de FB 10'924'717 (calculé au taux du loyer réclamé par la défenderesse dans les conclusions déposées le 30 novembre 1998 dans la procédure en mesu- res provisionnelles devant le président du Tribunal de commerce d'Anvers); (8) accordant à la demanderesse des intérêts composés au taux de 7%: (a) sur chaque surpaiement mensuel de la défen- deresse selon description sous point (5) ci-dessus, dès la date de chaque surpaiement; et (b) sur les points (6) et (7) ci-dessus dès le 26 novembre 1998, date de retrait du navire; (9) ordonnant aux parties de se consulter mu- tuellement de bonne foi en vue de parvenir à un accord sur la valeur de mitraille du Methania dès le 1er novem- bre 1998, à condition que si un accord n'a pas été trou- vé dans les six mois après la sentence finale du Tribu- nal, le Tribunal déterminera cette valeur; (10) déclarant que les factures de la défende- resse à la demanderesse pour la période du 1er novembre 1998 au 2 décembre 1998 remises à la demanderesse sous lettre de couverture en date du 3 novembre 1998 et du 2 décembre 1998 sont nulles et non avenues; (11) prévoyant que deux copies originales cer- tifiées de la sentence finale du Tribunal seront remises à la demanderesse afin de lui permettre de se conformer aux lois belges pertinentes sur l'enregistrement d'ac- tes, de jugements et de demandes en relation avec la propriété de navires (Code de commerce belge, livre 2, titre 2, articles 8-9, 13-14); (12) accordant à la demanderesse les frais d'arbitrage, y compris les frais et honoraires des arbi- tres et les frais administratifs de la CCI fixés par la Cour, les frais et honoraires de tous experts nommés par le Tribunal arbitral et les frais raisonnables d'avo- cats, de cadres et tous autres frais encourus par la de- manderesse pour l'arbitrage, de même que pour les diver- ses actions judiciaires intentées en relation avec cet arbitrage; (13) accordant à la demanderesse tout autre re- mède que le Tribunal arbitral estimerait équitable et approprié selon la loi." La défenderesse a conclu au rejet de la demande de Distrigas et elle a pris les conclusions reconventionnelles suivantes (traduction de l'anglais faite par la recourante): "(1) Etant donné que le navire était affrété à la demanderesse jusqu'au 26 novembre 1998 conformément à la charte-partie et comme le loyer pour le mois de no- vembre 1998, d'un montant de FB 55'102'934.- n'a pas été payé, la défenderesse demande le paiement de ce montant avec intérêts au taux de 7% par an dès le 1er novembre 1998, jusqu'à paiement complet et final. (2) La défenderesse demande le paiement des dommages et intérêts causés par la non-remise par la de- manderesse du navire conformément aux dispositions de la charte-partie. La défenderesse réclame le paiement d'un montant équivalent au loyer pour la période entre la da- te de reprise, c'est-à-dire le 26 novembre 1998, jusqu'à la date de livraison du navire à la demanderesse confor- mément à la décision du Tribunal d'Anvers du 2 décembre 1998. Puisque le loyer jusqu'au 30 novembre 1998 est inclus dans le montant de FB 55'102'934 mentionné sous (1), la défenderesse réclame uniquement pour le 1er dé- cembre et le 2 décembre 1998, un montant de FB 2'616'988 et FB 89'075 pour l'assurance, plus intérêts au taux de 7% du 1er décembre 1998. (3) Le navire fut remis à la demanderesse le 2 décembre 1998 à 11h30. La défenderesse réclame le paie- ment dès cette date du loyer pour l'usage du navire aux conditions du marché jusqu'à la date de retour de celui- ci, plus intérêts au taux de 7%, soit le taux d'intérêt légal, calculé jusqu'à la date de règlement complet et final. Le loyer selon les conditions du marché, soit la moyenne des cotations de deux courtiers renommés, se monte à 54'000.00 USD. La défenderesse ne réclame pas le paiement de l'élément coût de l'assurance (insurance cost element) pour la période postérieure au 2 décembre 1998. (4) La défenderesse réclame l'intérêt à 7% dès que chaque acompte est dû jusqu'à règlement complet et final tenant compte des paiements effectués par la de- manderesse de décembre 1998 jusqu'à règlement complet et final." Le Tribunal arbitral, avec siège à Genève, a été composé d'Otto L.O. de Witt Wijnen, président, ainsi que de Guy Horsmans et de Lucien Simont, arbitres. L'acte de mission, signé en novembre 1999, définis- sait en ces termes l'étendue du mandat confié aux trois arbi- tres (traduction de l'anglais faite par la recourante): "10. POINTS LITIGIEUX A RESOUDRE 10.1 A la lumière des faits pertinents, du droit applicable et du contrat: a) la demande de la demanderesse devrait elle être admise en partie ou dans sa totalité? b) la demande reconventionnelle de la dé- fenderesse devrait-elle être admise en partie ou dans sa totalité? 10.2 Les mesures provisionnelles demandées de- vraient-elles être accordées? 10.3 Tout autre point que le Tribunal arbitral pourrait estimer pertinent à la lumière des écritures des parties. 10.4 La responsabilité pour les frais de l'ar- bitrage et sa répartition entre les parties." Au terme de la procédure probatoire, le Tribunal arbitral, statuant le 23 mars 2001, a rendu une sentence dont le dispositif est le suivant (traduction de l'anglais faite par la recourante): "1. Le Tribunal arbitral déclare: A. que les parties sont considérées être parve- nues à un accord sur la prolongation de la charte-partie pour le navire Methania du 30 octobre 1998 au 30 octobre 2014 selon les termes énoncés dans la pièce d'audience no 3 dans cet arbitrage, avec une clause d'option d'achat telle qu'énoncée ci-dessus sous no. 51; B. que la demanderesse n'a pas, le 30 octobre 1998, valablement exercé son option selon la clause 2 de la charte-partie datée du 31 octobre 1973 (telle que modifiée par le premier avenant le 29 mai 1981) et que la demanderesse n'était donc pas en droit d'acquérir le Methania à un prix correspondant à la valeur de mitrail- le du navire calculé à partir du 1er novembre 1998 et qu'elle n'est dès lors pas devenue propriétaire dudit navire; C. que toutes les conclusions formulées par la demanderesse sur la base de la présomption que l'option selon la clause 2 de la charte-partie susmentionnée a été valablement exercée, sont dès lors rejetées et que toutes les conclusions formulées par la défenderesse et basées sur la présomption qu'elle était en droit de de- mander le retour du navire, sont également rejetées; D. que les frais de l'arbitrage jusqu'à la date de cette sentence sont compensés entre les parties comme il a été décrit ici sous point 54 mais que la détermina- tion du montant des frais d'arbitrage jusqu'à la date de la présente sentence est réservée. 2. Le Tribunal arbitral ordonne aux parties de négocier de bonne foi à propos des demandes pécuniaires en relation avec le désaccord entre les parties après le 30 octobre 1998 et à la lumière de cette décision du Tribunal arbitral. Si les parties ne devaient pas être capables de parvenir à un accord à cet égard dans un dé- lai qui sera fixé par le Tribunal arbitral dans une or- donnance séparée, ainsi que sur toute autre conclusion et/ou conclusion reconventionnelle faite dans cet arbi- trage qui n'a pas fait l'objet d'une décision (pour au- tant qu'il y en ait), les parties ou l'une ou l'autre d'entre elles peuvent s'adresser au tribunal arbitral pour d'autres mesures. En tout cas, les parties informeront le Tribu- nal arbitral, à sa demande ou spontanément, de l'issue des négociations et de la manière dont elles souhaitent que la procédure continue." La clause d'option à laquelle se réfère le point 1/A du dispositif de la sentence est formulée comme il suit (n. 51 de la sentence; traduction de l'anglais faite par la recourante): "Après la période de prolongation actuellement convenue et si l'affréteur le demande deux ans avant la fin de la période de prolongation, propriétaire et af- fréteur se rencontreront pour négocier une prolongation de la charte-partie pour une période à convenir et con- formément aux exigences des sociétés de classification, et si celles-ci l'autorisent, en tenant compte du fait que l'élément coût du capital/la partie fixe du loyer: FB 95185/m3/jour sera à nouveau exclu du prix de loca- tion pendant cette période. Tous frais de travaux de classification requis pour permettre l'exploitation du navire par la suite seront assumés par l'affréteur. Si aucun accord n'est trouvé sur les autres conditions d'une telle prolongation de la charte-partie, l'affré- teur aura l'option d'acheter le navire à un prix corres- pondant à la valeur de mitraille du navire." La sentence rendue le 23 mars 2001 repose, en subs- tance, sur les motifs indiqués ci-après. Le litige porte sur la question de savoir si la de- manderesse avait le droit d'exercer son option d'achat comme elle l'a fait le 30 octobre 1998. A cet égard, il n'est pas contesté que les négociations en vue d'une éventuelle prolon- gation de la charte-partie ont commencé en temps utile, qu'elles se sont poursuivies jusqu'à la date d'expiration du contrat et qu'elles ont abouti à un accord - matérialisé dans dans la pièce d'audience no 3 - portant sur toutes les condi- tions de la prolongation, à l'exception de la clause d'option d'achat que la demanderesse voulait inclure dans la charte- partie prolongée et qui lui était plus favorable que celle de l'option d'achat que l'art. VIII de l'avenant à la charte- partie existante accordait à l'affréteur. En formulant pareille exigence, la demanderesse n'a pas agi contrairement aux règles de la bonne foi. Cependant, elle ne pouvait tirer argument du refus de la défenderesse de s'y soumettre pour exercer l'option d'achat, étant donné que ce refus ne contrevenait pas non plus auxdites règles. Par conséquent, elle n'a pas exercé valablement cette option. La situation serait différente s'il fallait interpréter l'exi- gence de la demanderesse en ce sens que l'option d'achat existante devrait être reprise et incluse dans la charte- partie prolongée: semblable exigence n'irait pas à l'encontre des règles de la bonne foi, tandis qu'un refus de la défende- resse d'y faire droit ne serait pas compatible avec ces mêmes règles. Le droit belge applicable admet la possibilité de compléter un contrat à la lumière de la bonne foi, notamment lorsque, comme en l'espèce, les parties ont noué une relation contractuelle de longue durée. Dès lors, l'accord conclu au sujet de la prolongation de la charte-partie doit être réputé complété par l'incorporation, mutatis mutandis, de la clause d'option d'achat existante dans la charte-partie prolongée. Il suit de là que les conclusions des parties doi- vent être rejetées dans la mesure où elles se fondent, pour la demanderesse, sur l'exercice valable de l'option d'achat existante et, pour la défenderesse, sur son droit d'exiger la restitution du navire. En définitive, les montants réclamés par chaque partie ne pourront être alloués qu'à l'égard des prétentions découlant du fait que la charte-partie a été prolongée. Ain- si, la défenderesse devra rembourser à la demanderesse la différence entre le loyer tel qu'il a été fixé dans la déci- sion de mesures provisionnelles prise par le président du Tribunal de commerce d'Anvers et le loyer stipulé dans la charte-partie prolongée. Le Tribunal arbitral compte sur les parties pour trouver un accord au sujet des montants encore litigieux, à défaut de quoi les intéressées pourront s'adres- ser à nouveau à lui. Dans tous les cas, il devra être informé de l'issue des négociations et de la manière dont les parties souhaitent que la procédure continue. C.- La défenderesse a formé un recours de droit pu- blic. Elle y reproche au Tribunal arbitral d'avoir procédé au complètement du contrat sans en avoir la compétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP), sans avoir été saisi d'une demande ad hoc (art. 190 al. 2 let. c LDIP), sans lui avoir donné l'occasion de s'exprimer sur ce point (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et en violation de l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). En fonction de ces griefs, elle invite le Tribunal fédéral, principalement, à annuler les chiffres 1/A et 1/D du disposi- tif de la sentence, ainsi que le chiffre 1/C en tant qu'il concerne ses conclusions reconventionnelles, et, subsidiaire- ment, à annuler la sentence dans son entier. L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours et en tout état de cause au rejet de celui-ci. Le Tribunal arbitral a présenté de brèves observa- tions sans formuler de proposition quant au sort à réserver au recours. C o n s i d é r a n t e n d r o i t : 1.- Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence ar- bitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP. Il convient donc d'examiner en premier lieu si les conditions prévues par ces dispositions sont réunies. a) La clause compromissoire, insérée dans la char- te-partie du 31 octobre 1973, fixe le siège du Tribunal arbi- tral en Suisse (à Genève) et l'une des parties au moins (en l'occurrence les deux) n'avait, au moment de la conclusion de cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP sont donc applica- bles (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantona- le en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP). Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191 al. 1 LDIP est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi, en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191 al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conven- tionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP). Le recours ne peut être formé que pour l'un des mo- tifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP (ATF 127 III 279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p. 383). Comme la recourante n'en articule pas d'autres, il est également recevable de ce point de vue. b) La recevabilité du recours relativement à la na- ture de la décision attaquée suscite de vives controverses entre les parties. aa) La recourante avance quatre raisons qui mili- tent, selon elle, en faveur de l'entrée en matière: première- ment, les griefs fondés sur l'art. 190 al. 2 let. c et d LDIP seraient recevables du seul fait qu'ils ont été articulés conjointement avec le grief recevable fondé sur l'art. 190 al. 2 let. b LDIP; deuxièmement, la sentence attaquée serait finale et non partielle; troisièmement, le risque d'un préju- dice irréparable ne pourrait être écarté en l'espèce; qua- trièmement, la jurisprudence fédérale en la matière, objet de nombreuses critiques, devrait être abandonnée. L'intimée conteste la pertinence de ces quatre ar- guments. Elle soutient, en outre, que le Tribunal arbitral n'a pas tranché une question de compétence en l'occurrence, si bien que les griefs fondés sur l'art. 190 al. 2 let. c, d et e LDIP ne seraient recevables que si la sentence partielle en cause était susceptible d'occasionner un préjudice irréparable à la recourante, ce qui ne serait pas le cas à son avis. bb) La décision attaquée revêt une double nature. Il s'agit d'une sentence partielle proprement dite dans la mesure où le Tribunal arbitral y tranche définitivement une partie des prétentions litigieuses, notamment en constatant que l'intimée n'a pas exercé valablement son option d'achat le 30 octobre 1998. Mais il s'agit aussi d'une sentence pré- judicielle en ce sens qu'elle constitue une décision prépara- toire pour les prétentions visées au chiffre 2 de son dispo- sitif. Ladite sentence se caractérise, de surcroît, par le fait que le Tribunal arbitral y confie aux parties elles- mêmes le soin de négocier la conclusion d'un accord au sujet des prétentions résiduelles, ne s'y réservant qu'un rôle d'appoint ou subsidiaire. Ainsi, lorsqu'ils ont rendu cette sentence, les arbitres n'excluaient pas que leur mission res- tante se résumât à entériner l'accord envisagé (ou simplement à en prendre acte), à fixer le montant des frais de l'arbi- trage et à clore formellement la procédure arbitrale pendan- te. Considérée sous cet angle, la sentence incriminée peut être qualifiée de "potentiellement finale", pour reprendre l'expression utilisée par la défenderesse. Cette spécificité de la sentence examinée soulève de nombreuses et délicates questions de recevabilité. Cepen- dant, du moment que le principal grief formulé par la recou- rante - soit le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP - est admissible sans égard à la nature de la sentence atta- quée, attendu qu'il n'est pas manifestement irrecevable ou manifestement mal fondé et qu'il n'a pas pu être soulevé an- térieurement (cf. ATF 116 II 80 consid. 3b), et que les au- tres griefs, dont la recevabilité ne peut du reste pas être exclue d'emblée même au regard de la jurisprudence (criti- quée) relative aux sentences partielles lato sensu, semblent voués à l'échec, il paraît plus expédient de laisser ces questions-là en suspens. c) La voie du recours de droit public étant ouver- te, respectivement supposée ouverte en l'espèce, il faut en- core examiner si les règles de procédure ont été observées. Pour le recours en matière d'arbitrage internatio- nal, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire (OJ) relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1, 2ème phrase, LDIP). La recourante est personnellement touchée par la décision attaquée, qui l'oblige à poursuivre sa relation con- tractuelle avec l'intimée, de sorte qu'elle a un intérêt per- sonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette déci- sion n'ait pas été rendue en violation des garanties décou- lant de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité pour recourir (art. 88 OJ). Le recours a été interjeté en temps utile (art. 89 al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1 let. a OJ) et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ). Rien ne s'oppose, en théorie, à l'annulation seu- lement partielle de la sentence. Le principe selon lequel le recours de droit public n'a généralement qu'un caractère cas- satoire ne s'en trouve pas affecté. Pour le surplus, il sied de rappeler que la partie recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigen- ces de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c; 117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'examine donc que les griefs admissibles qui ont été articulés et suffisamment motivés dans l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c, III 279 consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). La re- courante devait ainsi indiquer quelles hypothèses de l'art. 190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi consistait, selon elle, la violation du principe invoqué (ATF 127 III 279 consid. 1c). Il conviendra de vérifier si elle l'a fait lors de l'examen de chacun des différents moyens soulevés dans le présent recours. Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matiè- re. 2.- Invoquant le motif de recours prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, la recourante soutient en premier lieu que le Tribunal arbitral a outrepassé ses pouvoirs en procé- dant à "un complètement de prétendues relations contractuel- les" sur un point essentiel. A son avis, ni la convention d'arbitrage, ni la loi du siège de l'arbitrage, ni la loi ap- plicable au fond du litige ne permettaient aux arbitres de compléter le contrat. Il conviendrait, partant, d'annuler le chiffre 1/A du dispositif de la sentence attaquée. a) Le recours pour le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP est ouvert lorsque le tribunal arbitral a sta- tué sur des prétentions qu'il n'avait pas la compétence d'examiner, soit qu'il n'existât point de convention d'arbi- trage, soit que celle-ci fût restreinte à certaines questions ne comprenant pas les prétentions en cause (extra potestatem) (ATF 116 II 639 consid. 3 in fine p. 642). Un tribunal arbi- tral n'est en effet compétent, entre autres conditions, que si le litige entre dans les prévisions de la convention d'ar- bitrage (arrêt non publié du 6 septembre 1996, reproduit in Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA] 1997 p. 299; cf. Lalive/Poudret/Reymond, Le droit de l'arbitrage in- terne et international en Suisse, n. 5 ad art. 186 LDIP) et que lui-même n'excède pas les limites que lui assignent la requête d'arbitrage et, le cas échéant, l'acte de mission (cf. consid. 3c, non publié, de l'ATF 120 II 172). Tel qu'il est présenté, le moyen soulevé s'inscrit effectivement dans le cadre de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. La recourante fait valoir que le Tribunal arbitral, en com- plétant le contrat de son propre chef, s'est arrogé un pou- voir qu'il n'avait pas et a statué sur un point au sujet du- quel les parties n'avaient pas compromis (extra potestatem). Il s'agit là d'un problème de compétence. Autre est la ques- tion de savoir si les arbitres, à les supposer compétents pour compléter le contrat, étaient saisis ou non de conclu- sions ad hoc. Dans la négative, ils auraient statué extra pe- tita et ce vice pourrait être sanctionné au titre de l'art. 190 al. 1 let. c LDIP. Pour contester la recevabilité de ce premier grief, l'intimée soutient que la recourante a accepté la compétence du Tribunal arbitral, que la question tranchée ne se situait pas en dehors de la convention d'arbitrage, que les arbitres n'ont pas excédé leurs pouvoirs ni rendu une sentence en équité, que les données du problème eussent été identiques si le Tribunal arbitral avait jugé en équité, que la recou- rante conteste en réalité l'application du droit matériel et, enfin, que le grief formulé tombe sous le coup de l'art. 190 al. 2 let. c LDIP. Ce dernier argument vient d'être réfuté. Quant aux cinq autres, ils n'ont pas trait à la recevabilité du moyen soulevé par la recourante, quoi qu'en dise l'intimée, mais à son mérite. Par conséquent, de telles objections ne sauraient justifier un refus d'entrer en matière sur ledit moyen. b) Lorsqu'il est saisi du grief d'incompétence, au sens de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, le Tribunal fédéral examine librement les questions de droit, y compris les ques- tions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompé- tence du tribunal arbitral (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383; 118 II 193 consid. 5a; 117 II 94 consid. 5a). Cependant, il revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - mê- me s'il s'agit de la question de la compétence - uniquement lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou lorsque des faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la procédure du recours de droit public (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383 et les références). Au demeurant, ce libre examen s'entend toujours dans les limites inhérentes à la procédure du recours de droit public. Il n'implique pas que le Tribunal fédéral se mue en cour d'appel. Aussi lorsque, comme c'est ici le cas, un recourant, pour contester la compétence d'un tribunal ar- bitral, fait grief à celui-ci d'avoir violé le droit étranger applicable, le Tribunal fédéral ne recherche-t-il pas d'offi- ce quel est l'état de ce droit; il se borne, bien plutôt, à analyser les seuls griefs articulés et dûment motivés sur ce point dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ). c) aa) Avec l'intimée, qui en expose de manière convaincante les raisons dans sa réponse au recours (n. 58 à 68 et n. 162 à 172), il faut admettre que le Tribunal arbi- tral n'est pas sorti du cadre tracé par la convention d'arbi- trage et l'acte de mission en rendant la sentence attaquée. aaa) La convention d'arbitrage, dont le champ d'ap- plication était fixé de la plus large des manières, embras- sait tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution de la charte-partie. La première question à trancher par le Tribunal ar- bitral était de savoir si l'intimée avait valablement exercé le droit d'option d'achat que lui accordait l'art. VIII de l'avenant à la charte-partie. Elle se situait assurément dans le cadre de la convention d'arbitrage. Ayant abouti à la conclusion que les conditions d'exercice d'un tel droit n'étaient pas réalisées en l'espè- ce, les arbitres ont été amenés à s'interroger sur le sort du contrat. Ils se sont demandé si la charte-partie s'était éteinte de ce fait le 30 octobre 1998 ou si la volonté des deux sociétés belges était de la voir se poursuivre. C'est cette seconde hypothèse qu'ils ont retenue, au motif que les cocontractantes étaient tombées d'accord sur toutes les con- ditions d'une prolongation de la charte-partie jusqu'en 2014, comme l'attestait la pièce d'audience n° 3, hormis la clause d'option d'achat spécifique que l'intimée voulait inclure dans la charte-partie prolongée. En raisonnant ainsi, les arbitres n'ont rien fait d'autre que de déterminer la volonté concordante des parties quant au sort de leurs relations con- tractuelles. Semblable démarche était, elle aussi, couverte par la convention d'arbitrage. En dernier lieu, le Tribunal arbitral s'est posé la question de savoir quelle eût été la volonté des parties, si elles avaient su que la clause d'option d'achat, telle que proposée par l'intimée, ne pouvait pas être insérée dans la charte-partie prolongée. Il a retenu, à cet égard, que l'in- timée aurait sans doute proposé de reprendre la clause d'op- tion d'achat existante et a estimé que la recourante n'aurait pu de bonne foi refuser cette proposition. Ce faisant, il a procédé à une interprétation complétive du contrat que n'ex- cluait nullement la convention d'arbitrage. bbb) L'acte de mission signé en novembre 1999 n'a pas apporté la moindre restriction aux pouvoirs conférés aux arbitres par la convention d'arbitrage. La recourante y développe sa position en présentant les questions relatives à la prolongation de la charte-partie comme étant au coeur du litige. Elle y allègue que les par- ties se sont accordées sur toutes les conditions de la pro- longation du contrat, à l'exception de la nouvelle clause d'option d'achat. Aussi ne saurait-elle reprocher au Tribunal arbitral d'avoir placé le débat sur le même terrain qu'elle. De surcroît, le chiffre 10, susmentionné, de l'acte de mission ne bride en rien les pouvoirs des arbitres, puis- qu'il leur confie le soin, non seulement de dire si les con- clusions respectives des parties doivent être admises en to- talité ou en partie, mais encore de résoudre tout autre point qu'ils pourraient estimer pertinent à la lumière des écritu- res des parties. bb) La recourante soutient, par ailleurs, que le droit suisse de l'arbitrage requiert une autorisation expres- se des parties habilitant le Tribunal arbitral à compléter le contrat; que cette autorisation n'a pas été donnée; que le droit belge n'autorise pas non plus le complètement du con- trat et qu'il n'est de toute façon pas déterminant pour fon- der un tel pouvoir des arbitres; enfin, que les arbitres ont quoi qu'il en soit outrepassé en l'espèce les limites d'un tel pouvoir, si tant est qu'il existât. Pareille argumenta- tion n'emporte pas la conviction. aaa) Il est frappant de constater que, pour étayer sa thèse selon laquelle un tribunal international ayant son siège en Suisse ne pourrait compléter un contrat que s'il a reçu à cette fin une autorisation expresse dans la convention d'arbitrage, la recourante se borne à fournir quelques rares références relevant de la pratique arbitrale internationale ou du droit comparé, mais ne cite aucune décision ou opinion doctrinale se rapportant directement au droit suisse. Le chapitre 12 de la loi fédérale sur le droit in- ternational privé ne contient aucune disposition spécifique qui interdirait à un tribunal arbitral de compléter un con- trat sans une autorisation expresse des parties. La recouran- te voudrait cependant déduire une telle exigence de l'appli- cation par analogie de l'art. 187 al. 2 LDIP aux termes du- quel les parties peuvent autoriser le tribunal arbitral à statuer en équité. Elle a tort. L'autorisation de statuer en équité, au sens de cette disposition, dégage l'arbitre de l'obligation d'appliquer les règles de droit, même impérati- ves, sous certaines réserves (cf. Lalive/Poudret/Reymond, op. cit., n. 21 ad art. 187 LDIP). En revanche, l'arbitre qui procède au complètement d'un contrat ne peut pas s'affranchir des règles de droit de ce seul fait, puisqu'il se borne à mettre en oeuvre les dispositions pertinentes autorisant un complètement de celui-ci. Le droit suisse permet au juge étatique de complé- ter un contrat lacunaire en recherchant la volonté hypothéti- que des parties (ATF 115 II 404 consid. 4b p. 488; 111 II 260 consid. 2a). Il n'exige pas pour cela une autorisation ex- presse des parties. Dès lors, si l'on reconnaît au juge éta- tique suisse le pouvoir de compléter de son propre chef un contrat soumis au droit suisse ou à un droit étranger autori- sant le complètement du contrat, on ne voit pas pour quelle raison il y aurait lieu de dénier ce pouvoir à un tribunal arbitral ayant son siège en Suisse. Une telle faculté est du reste expressément reconnue par un auteur ayant étudié récem- ment la question (Joachim G. Frick, Arbitration and complex international contracts, Zurich 2001, p. 197 s.). bbb) Il n'est pas décisif, dans ces conditions, que la clause arbitrale insérée dans la charte-partie n'attribuât point aux arbitres le pouvoir exprès de compléter ce contrat. ccc) Pour l'auteur précité, le pouvoir du tribunal arbitral de compléter un contrat dépend exclusivement de la lex arbitri, (en l'occurrence, la LDIP), le rôle dévolu au droit matériel applicable au fond (ou lex causae; ici le droit belge) étant de fixer les conditions du complètement (Frick, op. cit., p. 193). S'il fallait se ranger à l'avis de cet auteur - la question peut rester indécise, pour le motif indiqué ci-après -, l'examen de la compétence des arbitres en la matière se résumerait à la vérification - effectuée ci- dessus - de l'absence d'une disposition topique de la lex ar- bitri soumettant le pouvoir complétif des arbitres à une au- torisation expresse des parties. En revanche, l'application incorrecte de la lex causae ne pourrait pas être sanctionnée par le Tribunal fédéral au titre de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP dans cette hypothèse, car elle ne porterait pas alors sur une question préjudicielle concernant la compétence du Tribunal arbitral, mais uniquement sur la mise en oeuvre des dispositions du droit matériel régissant le complètement du contrat. Le Tribunal fédéral ne pourrait en connaître que dans les strictes limites du grief fondé sur l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (incompatibilité avec l'ordre public). Toutefois, la recourante cite un auteur qui est d'un autre avis (Klaus Peter Berger, Power of arbitrators to fill gaps and revise contracts to make sense, in Arbitration International, vol. 17/2001, p. 1 ss, spéc. 10 s.). Selon cet auteur, si la lex arbitri ne contient aucune disposition ex- presse sur le pouvoir des arbitres de compléter le contrat, il convient de se référer à la loi de procédure du pays du siège du tribunal arbitral (lex fori) et d'appliquer à ce dernier les éventuelles dispositions de cette loi régissant les pouvoirs des tribunaux étatiques en ce domaine. Enfin, au cas où ladite loi serait muette à ce sujet, il y aurait lieu de se tourner vers le droit matériel applicable au fond (lex causae). Dans cette hypothèse, il va de soi que l'application de ce droit revêtirait un caractère préjudiciel, puisqu'elle déterminerait la compétence des arbitres en matière de com- plètement du contrat, de sorte qu'elle pourrait être soumise à l'examen du Tribunal fédéral dans le cadre du motif de re- cours prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. A suivre cet au- teur, on ne pourrait donc faire l'économie d'un tel examen en l'espèce, attendu que la LDIP ne règle pas la question des pouvoirs complétifs de l'arbitre, qu'il n'existe pas encore en Suisse de législation uniforme dans le domaine de la pro- cédure civile susceptible de régler cette question pour les tribunaux étatiques et que la loi de procédure civile du can- ton où le Tribunal arbitral a son siège (i.e. la loi de pro- cédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987) est éga- lement muette sur ce point. Cela étant, les arguments avancés par la recourante sont tout à fait impropres à démontrer la violation des dispositions ou principes du droit belge qu'elle impute au Tribunal arbitral, lequel était d'ailleurs composé de deux juristes belges de grande réputation aux dires de l'intimée. Aussi bien, comme le souligne le Tribunal arbitral dans ses observations, la recourante lui reproche d'avoir modifié le contenu du contrat - procédé peut-être condamnable en droit belge - alors qu'il n'a fait en réalité que compléter le contrat, ce qui paraît admissible au regard de ce droit. En d'autres termes, la recourante confond la fonction modifica- trice de la bonne foi en droit belge avec la fonction complé- tive de celle-ci, ce qui ressort indubitablement de l'indica- tion erronée faite par elle du passage de l'ouvrage de doc- trine cité par les arbitres pour justifier leurs pouvoirs. Cette confusion a eu pour conséquence logique que l'intéres- sée s'est abstenue de démontrer en quoi les conditions posées par le droit belge pour un exercice correct de la fonction complétive assignée à la bonne foi auraient été méconnues par les arbitres in casu. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral de pallier cette absence de motivation en examinant d'office cet aspect du problème qui lui est soumis (art. 90 al. 1 let. b OJ). Ainsi, quel que soit le rôle dévolu à la lex causae dans la détermination du pouvoir des arbitres en matière de complètement du contrat, il faut admettre que le Tribunal ar- bitral n'a pas outrepassé ses pouvoirs en entérinant l'accord des parties au sujet de la prolongation du contrat en cause et en complétant cet accord par l'adjonction d'une clause d'option d'achat correspondant à celle qui figurait déjà dans la charte-partie existante. Le premier moyen soulevé par la recourante ne peut, dès lors, qu'être rejeté. 3.- Dans un deuxième moyen, la recourante, invo- quant l'art. 190 al. 2 let. c LDIP, reproche au Tribunal ar- bitral d'avoir "constaté l'existence d'un rapport de droit (une nouvelle charte-partie jusqu'en 2014) et complété ce rapport de droit en y insérant une clause d'option d'achat sur laquelle il n'y avait pas d'accord". A l'en croire, aucu- ne des conclusions prises par l'intimée ou par elle n'auto- risait les arbitres à procéder à cette constatation et à ce complètement. a) L'art. 190 al. 2 let. c LDIP permet d'attaquer une sentence, notamment, lorsque le tribunal arbitral a sta- tué au-delà des demandes dont il était saisi. Tombent sous le coup de cette disposition les sentences qui allouent plus ou autre chose que ce qui a été demandé (ultra ou extra petita). Cependant, selon la jurisprudence, le juge ne statue pas au- delà des demandes s'il n'alloue en définitive pas plus que le montant total réclamé par la partie demanderesse, mais appré- cie certains des éléments de la réclamation autrement que ne l'a fait cette partie ou encore lorsque, étant saisi d'une action négatoire de droit qu'il estime infondée, il constate l'existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif de sa sentence plutôt que d'y rejeter cette action. Le juge ne viole pas non plus le principe "ne ultra petita partium" s'il donne à une demande une autre qualification juridique que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe "jura novit curia", qui est applicable à la procédure arbi- trale, impose en effet aux arbitres d'appliquer le droit d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties. Il leur est donc loisible de retenir des moyens qui n'ont pas été invoqués, car on n'est pas en présence d'une nouvelle de- mande ou d'une demande différente, mais seulement d'une nou- velle qualification des faits de la cause (ATF 120 II 172 consid. 3a p. 175 et les références). Le tribunal arbitral est toutefois lié par l'objet et le montant des conclusions qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions el- les-mêmes (consid. 2c/bb, non publié, de l'ATF 122 III 292 et l'arrêt cité). b) Appliqués au cas particulier, ces principes com- mandent de rejeter le grief de la recourante fondé sur le mo- tif prévu à l'art. 190 al. 2 let. c LDIP. Sous le n° 13 de ses conclusions susmentionnées, l'intimée avait requis le Tribunal arbitral de lui accorder tout autre remède qu'il estimerait équitable et approprié se- lon la loi. Libellée en termes généraux, cette conclusion re- vêtait un caractère subsidiaire et permettait assurément au Tribunal arbitral de statuer comme il l'a fait au cas où il n'admettrait pas la conclusion principale de l'intimée visant à faire constater que cette dernière avait valablement exercé son option d'achat du navire. Le Tribunal arbitral n'est donc pas sorti du cadre formel que lui fixaient les conclusions de l'intimée (et celles de la recourante) en constatant l'exis- tence d'un accord au sujet des conditions de la prolongation de la charte-partie et en complétant cet accord, conformément au principe de la bonne foi reconnu par le droit belge appli- cable à ce contrat, sur le seul point de discorde subsistant entre les cocontractantes. Selon la recourante, la conclusion n° 13 ne consti- tuait pas une "conclusion" au sens technique du terme, dès lors qu'elle n'énonçait aucune prétention déterminable. L'in- téressée n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait soulevé une objection de ce chef au cours de la procédure ar- bitrale. Or, il est de jurisprudence que la partie qui cons- tate un vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la procédure arbitrale, faute de quoi elle n'est plus habilitée à s'en plaindre dans un recours visant la sentence (ATF 119 II 386 consid. 1a et les références). En l'espèce, il eût ap- partenu à la recourante de faire préciser par l'intimée ce qu'elle entendait par "tout autre remède", si elle estimait que la conclusion n° 13, étant donné son caractère imprécis, laissait une trop grande marge de manoeuvre aux arbitres et lui faisait courir le risque de se voir imposer une solution qu'elle n'avait pas envisagée. Partant, le motif pris de l'inadmissibilité de ladite conclusion n'est plus recevable à ce stade de la procédure. Force est ainsi de constater que le Tribunal arbi- tral n'a pas statué au-delà des demandes dont il était saisi, de sorte que le deuxième grief formulé par la recourante est, lui aussi, dénué de fondement. 4.- La recourante invoque également, à toutes fins utiles, l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (incompatibilité avec l'ordre public) en tant qu'il exige le respect du principe pacta sunt servanda et interdit, corollairement, d'imposer aux parties un contrat non voulu. Le moyen soulevé par la recourante, qui se résume à ce simple énoncé péremptoire, ne satisfait manifestement pas aux exigences posées par la jurisprudence susmentionnée en matière de motivation d'un recours de droit public. Sur ce point, le présent recours est donc irrecevable. Au demeurant, supposé recevable, le grief en ques- tion serait de toute façon voué à l'échec. En effet, selon la jurisprudence, il ne peut y avoir violation du principe "pac- ta sunt servanda" que si - pour n'évoquer que la seule hypo- thèse entrant en ligne de compte dans le cas concret - l'ar- bitre admet que les parties ne sont pas juridiquement tenues par une clause contractuelle, mais leur en impose néanmoins le respect; il faut donc que le tribunal accorde une protec- tion contractuelle en se mettant en contradiction avec le ré- sultat de son interprétation (arrêt non publié du 18 septem- bre 2001, dans la cause 4P.143/2001, consid. 3a/bb et les arrêts cités; cf. également: ATF 120 II 155 consid. 6c/cc p. 171; 116 II 634 consid. 4b p. 638). Or, en l'espèce, le Tri- bunal arbitral n'a nullement agi de la sorte, puisqu'il n'a fait qu'entériner, en le complétant sur un point, l'accord des parties concernant la prolongation du contrat qui les liait. 5.- En dernier lieu, la recourante fait grief au Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue (art. 190 al. 2 let d LDIP). Selon elle, le Tribunal arbitral ne pouvait pas compléter la charte-partie sans entendre les parties au sujet de ce complètement, en particulier sans leur permettre de faire valoir leurs moyens se rapportant au con- tenu du contrat complété et, plus précisément, à la clause d'option d'achat. a) Aux termes de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, une sentence arbitrale peut être attaquée lorsque l'égalité des parties ou leur droit d'être entendues en procédure contra- dictoire n'a pas été respecté. Le contenu du droit d'être entendu n'est pas diffé- rent de celui consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. La jurispruden- ce a déduit du droit d'être entendu, en particulier, la fa- culté pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une déci- sion ne soit prise à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa; 124 I 49 consid. 3a; 124 I 241 consid. 2; 124 II 132 consid. 2b; 124 V 180 consid. 1a; 124 V 372 consid. 3b). L'art. 190 al. 2 let. d LDIP ne garantit pas seule- ment le droit d'être entendu, mais également le droit à une procédure contradictoire. Le principe de la contradiction of- fre à chaque partie la faculté de se déterminer sur les moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preu- ves rapportées par lui et de les réfuter par ses propres preuves (ATF 117 II 346 consid. 1a p. 347 s.; 116 II 639 con- sid. 4c p. 643). Une partie n'a, en principe, pas le droit de se prononcer sur l'appréciation juridique des faits ni, plus généralement, sur l'argumentation juridique à retenir. Toute- fois, un tel droit doit être reconnu et respecté lorsque le juge envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont au- cune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence in casu (ATF 124 I 49 consid. 3c p. 52; 115 Ia 94 consid. 1b p. 96 s.; 114 Ia 97 consid. 2a p. 99 et les références). Savoir ce qui est imprévisible est une question d'appréciation. Il convient de se montrer plutôt restrictif à cet égard dans le domaine de l'arbitrage inter- national pour tenir compte de ses particularités (volonté des parties de faire trancher le litige par des arbitres et non par des tribunaux étatiques, coopération d'arbitres de tradi- tions juridiques différentes) et pour éviter que l'argument de la surprise ne soit utilisé en vue d'obtenir un examen ma- tériel de la sentence par le Tribunal fédéral (arrêt non pu- blié du 2 mars 2001, dans la cause 4P. 260/2000, consid. 6a). Ainsi, sous cette réserve à interpréter strictement, l'arbi- tre n'a, pas davantage que le juge étatique, à soumettre à la discussion des parties les principes juridiques sur lesquels il va fonder son jugement. En vertu de la règle "jura novit curia", il n'est en principe pas lié par les moyens de droit développés par les parties et il peut d'office appliquer une autre disposition de droit matériel pour allouer les conclu- sions du demandeur. En revanche, l'arbitre spécialisé, qui a accès à des sources de connaissances n'étant pas forcément à la disposition des parties, a l'obligation de porter préala- blement à leur connaissance les éléments techniques fondamen- taux sur lesquels va reposer sa décision (arrêt non publié du 17 juillet 1998, dans la cause 4P.7/1998, consid. 2a/aa et les références). b) En l'occurrence, le Tribunal arbitral n'a nulle- ment méconnu ces principes. Il ressort, en effet, des explications circonstan- ciées fournies par l'intimée, avec preuves à l'appui, dans sa réponse au recours (n. 188 à 196 et n. 200/201), que les par- ties et les témoins se sont exprimés sur le contenu de la clause d'option d'achat que l'intimée aurait voulu insérer dans la charte-partie prolongée et qu'un débat a également eu lieu sur les règles de la bonne foi en droit belge, comme le souligne le Tribunal arbitral dans ses observations. Qui plus est, l'intimée, en se fondant sur des élé- ments probatoires extraits du dossier de la procédure arbi- trale (réponse, n. 178 à 180), souligne avec raison que la recourante, à l'époque des négociations en vue de la prolon- gation de la charte-partie, aurait été disposée à accepter la reprise, dans la charte-partie prolongée, de la clause d'op- tion d'achat figurant dans l'avenant à la charte-partie en vigueur, ce qui a été dûment rapporté au Tribunal arbitral. Dans ces conditions, la recourante pouvait s'atten- dre à ce que le Tribunal arbitral, dans l'hypothèse où il re- jetterait la conclusion principale de l'intimée visant à fai- re constater son droit de propriété sur le navire, constatât l'existence d'un accord sur la prolongation de la charte-par- tie et complétât cet accord, sur le seul point encore liti- gieux, en y insérant une clause d'option d'achat identique à celle qui figurait déjà dans la charte-partie amendée en 1981. Elle n'est pas crédible lorsqu'elle allègue péremptoi- rement qu'elle aurait eu de très nombreux moyens de fait à présenter à cet égard, en particulier quant à l'équilibre économique à rechercher dans la négociation d'une clause de rachat, ainsi que des moyens de droit au sujet du pouvoir des arbitres de compléter un contrat et des limites d'un tel pou- voir. Pour le surplus, comme on l'a souligné plus haut, la recourante, dès lors qu'elle plaide en vain l'effet de surprise, n'avait pas un droit spécifique à être entendue sur l'argumentation juridique que le Tribunal arbitral se propo- sait de retenir. Le dernier moyen soulevé par la recourante tombe ainsi à faux, à l'instar des autres griefs. 6.- Pour les motifs sus-indiqués, il y a lieu de rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, devra assumer les frais et dépens afférents à la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ). Par ces motifs, l e T r i b u n a l f é d é r a l : 1. Rejette le recours dans la mesure où il est re- cevable; 2. Met un émolument judiciaire de 50 000 fr. à la charge de la recourante; 3. Dit que la recourante versera à l'intimée une indemnité de 100 000 fr. à titre de dépens; 4. Communique le présent arrêt en copie aux man- dataires des parties et au Président du Tribunal arbitral. Lausanne, le 19 décembre 2001 ECH Au nom de la Ie Cour civile du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE: Le Président, Le Greffier,