Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.114/2001
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4P.114/2001

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                      19 décembre 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffier: M. Carruzzo.
                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

N.V. Belgische Scheepvaartmaatschappij-Compagnie Maritime
Belge, à Anvers (Belgique), représentée par Me Wolfgang Pe-
ter, avocat à Genève,
                           contre

la sentence arbitrale rendue le 23 mars 2001 par le Tribunal
arbitral CCI siégeant à Genève et composé de MM. Otto L.O. de
Witt Wijnen, président, Guy Horsmans et Lucien Simont, arbi-
tres, dans la cause qui oppose la recourante à N.V. Distri-
gas, à Bruxelles (Belgique), intimée, représentée par Mes
Paolo Michele Patocchi et Bernard Ballansat, avocats à Genè-
ve;

(arbitrage international; compétence; ne ultra petita; droit
d'être entendu; ordre public)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.- a) A une date non précisée, les sociétés belges
N.V. Distrigas (ci-après: Distrigas), en tant qu'affréteur,
et N.V. Belgische Scheepvaartmaatschappij-Compagnie Maritime
Belge (ci-après: CMB), en qualité de fréteur, ont succédé à
deux autres sociétés dans une charte-partie conclue par ces
dernières le 31 octobre 1973 et portant sur un navire à cons-
truire - le "Methania" - en vue du transport de gaz naturel
liquéfié d'Algérie en Belgique.

    La durée de la charte-partie était fixée à vingt
ans à compter de la livraison du navire, qui est intervenue
le 30 octobre 1978. A cette date, Distrigas a commencé à ef-
fectuer les paiements prévus. Cependant, pour diverses rai-
sons, le navire n'a pas été mis en service avant le mois
d'octobre 1982.

    La clause 52 de la charte-partie prévoyait que tout
litige relatif à son interprétation ou à son exécution pou-
vant survenir entre le propriétaire (CMB) et l'affréteur se-
rait tranché par la voie de l'arbitrage conformément aux rè-
gles de la Chambre de Commerce Internationale de Paris, le
tribunal arbitral devant siéger à Genève.

    En vertu d'une autre clause de la charte-partie,
celle-ci était régie par le droit belge.

    b) Le 29 mai 1981, après que des différends avaient
surgi entre elles, les parties ont conclu un premier avenant
à la charte-partie. L'art. VIII de cet avenant est ainsi li-
bellé (traduction de l'anglais faite par la recourante):

        "Toutefois, après ladite période de vingt (20)
années et si l'affréteur le demande à la fin de la 18e
année, le propriétaire et l'affréteur se rencontreront
afin de négocier une prolongation de la charte-partie
pour une période à convenir par les parties et confor-
mément aux exigences des sociétés de classification et
si celles-ci l'autorisent, en tenant compte du fait que
l'élément coût du capital (partie de la location fixe:
BF 9,5185/m3/jours) sera exclu du prix de location pen-
dant cette période.

   Tous frais de travaux de classification requis
pour permettre l'exploitation du navire après 20 ans se-
ront assumés par l'affréteur.

   Si un accord n'est pas trouvé concernant les
autres conditions de cette prolongation de la charte-
partie, l'affréteur aura l'option d'acheter le navire à
un prix correspondant à la valeur de mitraille du navi-
re."

    c) En 1996, les parties ont entamé des négociations
dans l'optique d'une éventuelle prolongation de la charte-
partie. Ces négociations ont duré environ deux ans. Elles ont
débouché sur un accord portant sur toutes les conditions
d'une prolongation de la charte-partie jusqu'en 2014, à l'ex-
ception de la clause d'option d'achat que Distrigas souhai-
tait y insérer.

    Le 30 août 1998, Distrigas, considérant que les
parties n'avaient pas réussi à s'entendre sur toutes les con-
ditions nécessaires à la prolongation envisagée, a exercé
l'option d'achat en se prévalant de l'art. VIII, précité, de
l'avenant. Elle a demandé l'aide de CMB pour les démarches à
effectuer en rapport avec le transfert de propriété du navire
et a cessé de lui payer le loyer.

    Sur quoi, CMB, qui déniait à Distrigas le droit
d'exercer l'option d'achat, lui a retiré le navire, le 26 no-
vembre 1998, en donnant l'ordre au capitaine et à l'équipage
qu'elle avait mis à la disposition de l'affréteur de ne plus
accepter les instructions de celui-ci.

    Distrigas a alors intenté une procédure de mesures
provisoires devant le président du Tribunal de commerce d'An-
vers. Elle a obtenu que le navire soit à nouveau mis à sa
disposition dès le 2 décembre 1998 et jusqu'à droit connu
dans le litige l'opposant à CMB, contre paiement à cette der-
nière d'un loyer correspondant au prix du marché.

    B.- Le 19 février 1999, Distrigas a mis en oeuvre
la procédure arbitrale. Les conclusions qu'elle y a prises
tendaient à ce que le Tribunal arbitral rende une sentence
(traduction de l'anglais faite par la recourante):

        "(1) déclarant que le 30 octobre 1998, la deman-
deresse a valablement exercé son option selon l'art. 2
de la charte-partie et en conséquence avait le droit
d'acquérir le Methania "à un prix correspondant à la va-
leur de mitraille du navire" calculé au 1er novembre
1998 et qu'elle est donc devenue propriétaire dudit na-
vire;

   (2) ordonnant à la défenderesse de coopérer
avec la demanderesse afin de formaliser et rendre public
le transfert de propriété et de possession du Methania à
la demanderesse, sous peine pour la défenderesse de
payer à la demanderesse une astreinte de FB 1 million
par jour si la défenderesse ne coopère pas dans le délai
que devra fixer le tribunal arbitral;

   (3) ordonnant à la défenderesse de diriger et
exploiter le Methania selon les instructions de la de-
manderesse pendant une période de trois à six mois au
choix de la demanderesse dès la date de la sentence du
tribunal, afin de permettre à la demanderesse de faire
le nécessaire pour la direction et l'exploitation perma-
nentes du navire;

   (4) ordonnant que dans le mois après la date à
laquelle prend fin la gestion intérimaire du Methania
par la défenderesse (décrit sous point (3) ci-dessus),
les parties feront conjointement en sorte qu'un audit
soit effectué afin de déterminer les coûts d'exploita-
tion réels du Methania du 1er novembre 1998 à cette da-
te;

   (5) accordant à la demanderesse, pour chaque
mois de la période allant de l'expiration de la charte-
partie le 31 octobre 1998 à la date de la sentence fina-
le du tribunal, la différence entre (i) le paiement pro-

visionnel effectué par la demanderesse à la défenderesse
et (ii) les frais réels d'exploitation du Methania pen-
dant ce mois en plus des honoraires mensuels de gestion
raisonnables de FB 1'677'000;

   (6) accordant à la demanderesse une indemnité
pour l'évaporation de gaz (LNG boil-off) et le combusti-
ble consommé pendant la période du 26 novembre 1998 au
2 décembre 1998, période à laquelle le navire n'était
pas à la disposition de la demanderesse, d'un montant de
USD 5'716,00;

   (7) accordant à la demanderesse une indemnité
pour l'utilisation par la défenderesse du navire appar-
tenant à la demanderesse du 26 novembre 1998 au 2 décem-
bre 1998 du montant de FB 10'924'717 (calculé au taux du
loyer réclamé par la défenderesse dans les conclusions
déposées le 30 novembre 1998 dans la procédure en mesu-
res provisionnelles devant le président du Tribunal de
commerce d'Anvers);

   (8) accordant à la demanderesse des intérêts
composés au taux de 7%:

   (a) sur chaque surpaiement mensuel de la défen-
deresse selon description sous point (5) ci-dessus, dès
la date de chaque surpaiement; et

   (b) sur les points (6) et (7) ci-dessus dès le
26 novembre 1998, date de retrait du navire;

   (9) ordonnant aux parties de se consulter mu-
tuellement de bonne foi en vue de parvenir à un accord
sur la valeur de mitraille du Methania dès le 1er novem-
bre 1998, à condition que si un accord n'a pas été trou-
vé dans les six mois après la sentence finale du Tribu-
nal, le Tribunal déterminera cette valeur;

   (10) déclarant que les factures de la défende-
resse à la demanderesse pour la période du 1er novembre
1998 au 2 décembre 1998 remises à la demanderesse sous
lettre de couverture en date du 3 novembre 1998 et du 2
décembre 1998 sont nulles et non avenues;

   (11) prévoyant que deux copies originales cer-
tifiées de la sentence finale du Tribunal seront remises
à la demanderesse afin de lui permettre de se conformer
aux lois belges pertinentes sur l'enregistrement d'ac-
tes, de jugements et de demandes en relation avec la
propriété de navires (Code de commerce belge, livre 2,
titre 2, articles 8-9, 13-14);

   (12) accordant à la demanderesse les frais
d'arbitrage, y compris les frais et honoraires des arbi-

tres et les frais administratifs de la CCI fixés par la
Cour, les frais et honoraires de tous experts nommés par
le Tribunal arbitral et les frais raisonnables d'avo-
cats, de cadres et tous autres frais encourus par la de-
manderesse pour l'arbitrage, de même que pour les diver-
ses actions judiciaires intentées en relation avec cet
arbitrage;

   (13) accordant à la demanderesse tout autre re-
mède que le Tribunal arbitral estimerait équitable et
approprié selon la loi."

    La défenderesse a conclu au rejet de la demande de
Distrigas et elle a pris les conclusions reconventionnelles
suivantes (traduction de l'anglais faite par la recourante):

         "(1) Etant donné que le navire était affrété à
la demanderesse jusqu'au 26 novembre 1998 conformément à
la charte-partie et comme le loyer pour le mois de no-
vembre 1998, d'un montant de FB 55'102'934.- n'a pas été
payé, la défenderesse demande le paiement de ce montant
avec intérêts au taux de 7% par an dès le 1er novembre
1998, jusqu'à paiement complet et final.

   (2) La défenderesse demande le paiement des
dommages et intérêts causés par la non-remise par la de-
manderesse du navire conformément aux dispositions de la
charte-partie. La défenderesse réclame le paiement d'un
montant équivalent au loyer pour la période entre la da-
te de reprise, c'est-à-dire le 26 novembre 1998, jusqu'à
la date de livraison du navire à la demanderesse confor-
mément à la décision du Tribunal d'Anvers du 2 décembre
1998.

    Puisque le loyer jusqu'au 30 novembre 1998 est
inclus dans le montant de FB 55'102'934 mentionné sous
(1), la défenderesse réclame uniquement pour le 1er dé-
cembre et le 2 décembre 1998, un montant de FB 2'616'988
et FB 89'075 pour l'assurance, plus intérêts au taux de
7% du 1er décembre 1998.

   (3) Le navire fut remis à la demanderesse le 2
décembre 1998 à 11h30. La défenderesse réclame le paie-
ment dès cette date du loyer pour l'usage du navire aux
conditions du marché jusqu'à la date de retour de celui-
ci, plus intérêts au taux de 7%, soit le taux d'intérêt
légal, calculé jusqu'à la date de règlement complet et
final. Le loyer selon les conditions du marché, soit la
moyenne des cotations de deux courtiers renommés, se
monte à 54'000.00 USD.

   La défenderesse ne réclame pas le paiement de
l'élément coût de l'assurance (insurance cost element)
pour la période postérieure au 2 décembre 1998.

   (4) La défenderesse réclame l'intérêt à 7% dès
que chaque acompte est dû jusqu'à règlement complet et
final tenant compte des paiements effectués par la de-
manderesse de décembre 1998 jusqu'à règlement complet et
final."

    Le Tribunal arbitral, avec siège à Genève, a été
composé d'Otto L.O. de Witt Wijnen, président, ainsi que de
Guy Horsmans et de Lucien Simont, arbitres.

    L'acte de mission, signé en novembre 1999, définis-
sait en ces termes l'étendue du mandat confié aux trois arbi-
tres (traduction de l'anglais faite par la recourante):

         "10. POINTS LITIGIEUX A RESOUDRE

   10.1 A la lumière des faits pertinents, du
droit applicable et du contrat:

        a) la demande de la demanderesse devrait
elle être admise en partie ou dans sa totalité?

              b) la demande reconventionnelle de la dé-
fenderesse devrait-elle être admise en partie ou dans sa
totalité?

   10.2 Les mesures provisionnelles demandées de-
vraient-elles être accordées?

   10.3 Tout autre point que le Tribunal arbitral
pourrait estimer pertinent à la lumière des écritures
des parties.

   10.4 La responsabilité pour les frais de l'ar-
bitrage et sa répartition entre les parties."

    Au terme de la procédure probatoire, le Tribunal
arbitral, statuant le 23 mars 2001, a rendu une sentence dont
le dispositif est le suivant (traduction de l'anglais faite
par la recourante):

       "1. Le Tribunal arbitral déclare:

   A. que les parties sont considérées être parve-
nues à un accord sur la prolongation de la charte-partie
pour le navire Methania du 30 octobre 1998 au 30 octobre
2014 selon les termes énoncés dans la pièce d'audience
no 3 dans cet arbitrage, avec une clause d'option
d'achat telle qu'énoncée ci-dessus sous no. 51;

   B. que la demanderesse n'a pas, le 30 octobre
1998, valablement exercé son option selon la clause 2 de
la charte-partie datée du 31 octobre 1973 (telle que
modifiée par le premier avenant le 29 mai 1981) et que
la demanderesse n'était donc pas en droit d'acquérir le
Methania à un prix correspondant à la valeur de mitrail-
le du navire calculé à partir du 1er novembre 1998 et
qu'elle n'est dès lors pas devenue propriétaire dudit
navire;

   C. que toutes les conclusions formulées par la
demanderesse sur la base de la présomption que l'option
selon la clause 2 de la charte-partie susmentionnée a
été valablement  exercée, sont dès lors rejetées et que
toutes les conclusions formulées par la défenderesse et
basées sur la présomption qu'elle était en droit de de-
mander le retour du navire, sont également rejetées;

   D. que les frais de l'arbitrage jusqu'à la date
de cette sentence sont compensés entre les parties comme
il a été décrit ici sous point 54 mais que la détermina-
tion du montant des frais d'arbitrage jusqu'à la date de
la présente sentence est réservée.

   2. Le Tribunal arbitral ordonne aux parties de
négocier de bonne foi à propos des demandes pécuniaires
en relation avec le désaccord entre les parties après le
30 octobre 1998 et à la lumière de cette décision du
Tribunal arbitral. Si les parties ne devaient pas être
capables de parvenir à un accord à cet égard dans un dé-
lai qui sera fixé par le Tribunal arbitral dans une or-
donnance séparée, ainsi que sur toute autre conclusion
et/ou conclusion reconventionnelle faite dans cet arbi-
trage qui n'a pas fait l'objet d'une décision (pour au-
tant qu'il y en ait), les parties ou l'une ou l'autre
d'entre elles peuvent s'adresser au tribunal arbitral
pour d'autres mesures.

   En tout cas, les parties informeront le Tribu-
nal arbitral, à sa demande ou spontanément, de l'issue
des négociations et de la manière dont elles souhaitent
que la procédure continue."

    La clause d'option à laquelle se réfère le point
1/A du dispositif de la sentence est formulée comme il suit
(n. 51 de la sentence; traduction de l'anglais faite par la
recourante):

        "Après la période de prolongation actuellement
convenue et si l'affréteur le demande deux ans avant la
fin de la période de prolongation, propriétaire et af-
fréteur se rencontreront pour négocier une prolongation
de la charte-partie pour une période à convenir et con-
formément aux exigences des sociétés de classification,
et si celles-ci l'autorisent, en tenant compte du fait
que l'élément coût du capital/la partie fixe du loyer:
FB 95185/m3/jour sera à nouveau exclu du prix de loca-
tion pendant cette période. Tous frais de travaux de
classification requis pour permettre l'exploitation du
navire par la suite seront assumés par l'affréteur. Si
aucun accord n'est trouvé sur les autres conditions
d'une telle prolongation de la charte-partie, l'affré-
teur aura l'option d'acheter le navire à un prix corres-
pondant à la valeur de mitraille du navire."

          La sentence rendue le 23 mars 2001 repose, en subs-
tance, sur les motifs indiqués ci-après.

    Le litige porte sur la question de savoir si la de-
manderesse avait le droit d'exercer son option d'achat comme
elle l'a fait le 30 octobre 1998. A cet égard, il n'est pas
contesté que les négociations en vue d'une éventuelle prolon-
gation de la charte-partie ont commencé en temps utile,
qu'elles se sont poursuivies jusqu'à la date d'expiration du
contrat et qu'elles ont abouti à un accord - matérialisé dans
dans la pièce d'audience no 3 - portant sur toutes les condi-
tions de la prolongation, à l'exception de la clause d'option
d'achat que la demanderesse voulait inclure dans la charte-
partie prolongée et qui lui était plus favorable que celle de
l'option d'achat que l'art. VIII de l'avenant à la charte-
partie existante accordait à l'affréteur.

    En formulant pareille exigence, la demanderesse n'a
pas agi contrairement aux règles de la bonne foi. Cependant,

elle ne pouvait tirer argument du refus de la défenderesse de
s'y soumettre pour exercer l'option d'achat, étant donné que
ce refus ne contrevenait pas non plus auxdites règles. Par
conséquent, elle n'a pas exercé valablement cette option. La
situation serait différente s'il fallait interpréter l'exi-
gence de la demanderesse en ce sens que l'option d'achat
existante devrait être reprise et incluse dans la charte-
partie prolongée: semblable exigence n'irait pas à l'encontre
des règles de la bonne foi, tandis qu'un refus de la défende-
resse d'y faire droit ne serait pas compatible avec ces mêmes
règles.

    Le droit belge applicable admet la possibilité de
compléter un contrat à la lumière de la bonne foi, notamment
lorsque, comme en l'espèce, les parties ont noué une relation
contractuelle de longue durée. Dès lors, l'accord conclu au
sujet de la prolongation de la charte-partie doit être réputé
complété par l'incorporation, mutatis mutandis, de la clause
d'option d'achat existante dans la charte-partie prolongée.

    Il suit de là que les conclusions des parties doi-
vent être rejetées dans la mesure où elles se fondent, pour
la demanderesse, sur l'exercice valable de l'option d'achat
existante et, pour la défenderesse, sur son droit d'exiger la
restitution du navire.

    En définitive, les montants réclamés par chaque
partie ne pourront être alloués qu'à l'égard des prétentions
découlant du fait que la charte-partie a été prolongée. Ain-
si, la défenderesse devra rembourser à la demanderesse la
différence entre le loyer tel qu'il a été fixé dans la déci-
sion de mesures provisionnelles prise par le président du
Tribunal de commerce d'Anvers et le loyer stipulé dans la
charte-partie prolongée. Le Tribunal arbitral compte sur les
parties pour trouver un accord au sujet des montants encore
litigieux, à défaut de quoi les intéressées pourront s'adres-

ser à nouveau à lui. Dans tous les cas, il devra être informé
de l'issue des négociations et de la manière dont les parties
souhaitent que la procédure continue.

    C.- La défenderesse a formé un recours de droit pu-
blic. Elle y reproche au Tribunal arbitral d'avoir procédé au
complètement du contrat sans en avoir la compétence (art. 190
al. 2 let. b LDIP), sans avoir été saisi d'une demande ad hoc
(art. 190 al. 2 let. c LDIP), sans lui avoir donné l'occasion
de s'exprimer sur ce point (art. 190 al. 2 let. d LDIP) et en
violation de l'ordre public (art. 190 al. 2 let. e LDIP). En
fonction de ces griefs, elle invite le Tribunal fédéral,
principalement, à annuler les chiffres 1/A et 1/D du disposi-
tif de la sentence, ainsi que le chiffre 1/C en tant qu'il
concerne ses conclusions reconventionnelles, et, subsidiaire-
ment, à annuler la sentence dans son entier.

    L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours et
en tout état de cause au rejet de celui-ci.

    Le Tribunal arbitral a présenté de brèves observa-
tions sans formuler de proposition quant au sort à réserver
au recours.

    C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t  :

    1.- Selon l'art. 85 let. c OJ, le recours de droit
public au Tribunal fédéral est ouvert contre une sentence ar-
bitrale aux conditions des art. 190 ss LDIP. Il convient donc
d'examiner en premier lieu si les conditions prévues par ces
dispositions sont réunies.

    a) La clause compromissoire, insérée dans la char-
te-partie du 31 octobre 1973, fixe le siège du Tribunal arbi-

tral en Suisse (à Genève) et l'une des parties au moins (en
l'occurrence les deux) n'avait, au moment de la conclusion de
cette convention d'arbitrage, ni son domicile ni sa résidence
habituelle en Suisse; les art. 190 ss LDIP sont donc applica-
bles (art. 176 al. 1 LDIP), étant observé que les parties
n'en ont pas exclu l'application par écrit en choisissant
d'appliquer exclusivement les règles de la procédure cantona-
le en matière d'arbitrage (art. 176 al. 2 LDIP).

    Le recours au Tribunal fédéral prévu par l'art. 191
al. 1 LDIP est ouvert, puisque les parties n'ont pas choisi,
en lieu et place, le recours à l'autorité cantonale (art. 191
al. 2 LDIP) et qu'elles ne l'ont pas non plus exclu conven-
tionnellement (cf. art. 192 al. 1 LDIP).

    Le recours ne peut être formé que pour l'un des mo-
tifs énumérés de manière exhaustive à l'art. 190 al. 2 LDIP
(ATF 127 III 279 consid. 1a p. 282; 119 II 380 consid. 3c p.
383). Comme la recourante n'en articule pas d'autres, il est
également recevable de ce point de vue.

    b) La recevabilité du recours relativement à la na-
ture de la décision attaquée suscite de vives controverses
entre les parties.

    aa) La recourante avance quatre raisons qui mili-
tent, selon elle, en faveur de l'entrée en matière: première-
ment, les griefs fondés sur l'art. 190 al. 2 let. c et d LDIP
seraient recevables du seul fait qu'ils ont été articulés
conjointement avec le grief recevable fondé sur l'art. 190
al. 2 let. b LDIP; deuxièmement, la sentence attaquée serait
finale et non partielle; troisièmement, le risque d'un préju-
dice irréparable ne pourrait être écarté en l'espèce; qua-
trièmement, la jurisprudence fédérale en la matière, objet de
nombreuses critiques, devrait être abandonnée.

    L'intimée conteste la pertinence de ces quatre ar-
guments. Elle soutient, en outre, que le Tribunal arbitral
n'a pas tranché une question de compétence en l'occurrence,
si bien que les griefs fondés sur l'art. 190 al. 2 let. c, d
et e LDIP ne seraient recevables que si la sentence partielle
en cause était susceptible d'occasionner un préjudice
irréparable à la recourante, ce qui ne serait pas le cas à
son avis.

    bb) La décision attaquée revêt une double nature.
Il s'agit d'une sentence partielle proprement dite dans la
mesure où le Tribunal arbitral y tranche définitivement une
partie des prétentions litigieuses, notamment en constatant
que l'intimée n'a pas exercé valablement son option d'achat
le 30 octobre 1998. Mais il s'agit aussi d'une sentence pré-
judicielle en ce sens qu'elle constitue une décision prépara-
toire pour les prétentions visées au chiffre 2 de son dispo-
sitif.

    Ladite sentence se caractérise, de surcroît, par le
fait que le Tribunal arbitral y confie aux parties elles-
mêmes le soin de négocier la conclusion d'un accord au sujet
des prétentions résiduelles, ne s'y réservant qu'un rôle
d'appoint ou subsidiaire. Ainsi, lorsqu'ils ont rendu cette
sentence, les arbitres n'excluaient pas que leur mission res-
tante se résumât à entériner l'accord envisagé (ou simplement
à en prendre acte), à fixer le montant des frais de l'arbi-
trage et à clore formellement la procédure arbitrale pendan-
te. Considérée sous cet angle, la sentence incriminée peut
être qualifiée de "potentiellement finale", pour reprendre
l'expression utilisée par la défenderesse.

    Cette spécificité de la sentence examinée soulève
de nombreuses et délicates questions de recevabilité. Cepen-
dant, du moment que le principal grief formulé par la recou-
rante - soit le motif prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP -

est admissible sans égard à la nature de la sentence atta-
quée, attendu qu'il n'est pas manifestement irrecevable ou
manifestement mal fondé et qu'il n'a pas pu être soulevé an-
térieurement (cf. ATF 116 II 80 consid. 3b), et que les au-
tres griefs, dont la recevabilité ne peut du reste pas être
exclue d'emblée même au regard de la jurisprudence (criti-
quée) relative aux sentences partielles lato sensu, semblent
voués à l'échec, il paraît plus expédient de laisser ces
questions-là en suspens.

    c) La voie du recours de droit public étant ouver-
te, respectivement supposée ouverte en l'espèce, il faut en-
core examiner si les règles de procédure ont été observées.

    Pour le recours en matière d'arbitrage internatio-
nal, la procédure devant le Tribunal fédéral est régie par
les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciaire
(OJ) relatives au recours de droit public (art. 191 al. 1,
2ème phrase, LDIP).

    La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui l'oblige à poursuivre sa relation con-
tractuelle avec l'intimée, de sorte qu'elle a un intérêt per-
sonnel, actuel et juridiquement protégé à ce que cette déci-
sion n'ait pas été rendue en violation des garanties décou-
lant de l'art. 190 al. 2 LDIP; en conséquence, elle a qualité
pour recourir (art. 88 OJ).

    Le recours a été interjeté en temps utile (art. 89
al. 1 OJ en liaison avec l'art. 34 al. 1 let. a OJ) et dans
la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ).

    Rien ne s'oppose, en théorie, à l'annulation seu-
lement partielle de la sentence. Le principe selon lequel le
recours de droit public n'a généralement qu'un caractère cas-
satoire ne s'en trouve pas affecté.

    Pour le surplus, il sied de rappeler que la partie
recourante doit invoquer ses griefs conformément aux exigen-
ces de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 127 III 279 consid. 1c;
117 II 604 consid. 3 p. 606). Saisi d'un recours de droit
public, le Tribunal fédéral n'examine donc que les griefs
admissibles qui ont été articulés et suffisamment motivés
dans l'acte de recours (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c, III 279
consid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b). La re-
courante devait ainsi indiquer quelles hypothèses de l'art.
190 al. 2 LDIP étaient à ses yeux réalisées et, en partant de
la sentence attaquée, montrer de façon circonstanciée en quoi
consistait, selon elle, la violation du principe invoqué (ATF
127 III 279 consid. 1c). Il conviendra de vérifier si elle
l'a fait lors de l'examen de chacun des différents moyens
soulevés dans le présent recours.

    Sous cette réserve, il y a lieu d'entrer en matiè-
re.

    2.- Invoquant le motif de recours prévu à l'art.
190 al. 2 let. b LDIP, la recourante soutient en premier lieu
que le Tribunal arbitral a outrepassé ses pouvoirs en procé-
dant à "un complètement de prétendues relations contractuel-
les" sur un point essentiel. A son avis, ni la convention
d'arbitrage, ni la loi du siège de l'arbitrage, ni la loi ap-
plicable au fond du litige ne permettaient aux arbitres de
compléter le contrat. Il conviendrait, partant, d'annuler le
chiffre 1/A du dispositif de la sentence attaquée.

    a) Le recours pour le motif prévu à l'art. 190 al.
2 let. b LDIP est ouvert lorsque le tribunal arbitral a sta-
tué sur des prétentions qu'il n'avait pas la compétence
d'examiner, soit qu'il n'existât point de convention d'arbi-
trage, soit que celle-ci fût restreinte à certaines questions
ne comprenant pas les prétentions en cause (extra potestatem)
(ATF 116 II 639 consid. 3 in fine p. 642). Un tribunal arbi-

tral n'est en effet compétent, entre autres conditions, que
si le litige entre dans les prévisions de la convention d'ar-
bitrage (arrêt non publié du 6 septembre 1996, reproduit in
Bulletin de l'Association suisse de l'arbitrage [ASA] 1997 p.
299; cf. Lalive/Poudret/Reymond, Le droit de l'arbitrage in-
terne et international en Suisse, n. 5 ad art. 186 LDIP) et
que lui-même n'excède pas les limites que lui assignent la
requête d'arbitrage et, le cas échéant, l'acte de mission
(cf. consid. 3c, non publié, de l'ATF 120 II 172).

    Tel qu'il est présenté, le moyen soulevé s'inscrit
effectivement dans le cadre de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP.
La recourante fait valoir que le Tribunal arbitral, en com-
plétant le contrat de son propre chef, s'est arrogé un pou-
voir qu'il n'avait pas et a statué sur un point au sujet du-
quel les parties n'avaient pas compromis (extra potestatem).
Il s'agit là d'un problème de compétence. Autre est la ques-
tion de savoir si les arbitres, à les supposer compétents
pour compléter le contrat, étaient saisis ou non de conclu-
sions ad hoc. Dans la négative, ils auraient statué extra pe-
tita et ce vice pourrait être sanctionné au titre de l'art.
190 al. 1 let. c LDIP.

    Pour contester la recevabilité de ce premier grief,
l'intimée soutient que la recourante a accepté la compétence
du Tribunal arbitral, que la question tranchée ne se situait
pas en dehors de la convention d'arbitrage, que les arbitres
n'ont pas excédé leurs pouvoirs ni rendu une sentence en
équité, que les données du problème eussent été identiques
si le Tribunal arbitral avait jugé en équité, que la recou-
rante conteste en réalité l'application du droit matériel et,
enfin, que le grief formulé tombe sous le coup de l'art. 190
al. 2 let. c LDIP.

    Ce dernier argument vient d'être réfuté. Quant aux
cinq autres, ils n'ont pas trait à la recevabilité du moyen

soulevé par la recourante, quoi qu'en dise l'intimée, mais à
son mérite. Par conséquent, de telles objections ne sauraient
justifier un refus d'entrer en matière sur ledit moyen.

    b) Lorsqu'il est saisi du grief d'incompétence, au
sens de l'art. 190 al. 2 let. b LDIP, le Tribunal fédéral
examine librement les questions de droit, y compris les ques-
tions préalables, qui déterminent la compétence ou l'incompé-
tence du tribunal arbitral (ATF 119 II 380 consid. 3c p. 383;
118 II 193 consid. 5a; 117 II 94 consid. 5a). Cependant, il
revoit l'état de fait à la base de la sentence attaquée - mê-
me s'il s'agit de la question de la compétence - uniquement
lorsque l'un des griefs mentionnés à l'art. 190 al. 2 LDIP
est soulevé à l'encontre dudit état de fait ou lorsque des
faits ou des moyens de preuve nouveaux (cf. art. 95 OJ) sont
exceptionnellement pris en considération dans le cadre de la
procédure du recours de droit public (ATF 119 II 380 consid.
3c p. 383 et les références).

    Au demeurant, ce libre examen s'entend toujours
dans les limites inhérentes à la procédure du recours de
droit public. Il n'implique pas que le Tribunal fédéral se
mue en cour d'appel. Aussi lorsque, comme c'est ici le cas,
un recourant, pour contester la compétence d'un tribunal ar-
bitral, fait grief à celui-ci d'avoir violé le droit étranger
applicable, le Tribunal fédéral ne recherche-t-il pas d'offi-
ce quel est l'état de ce droit; il se borne, bien plutôt, à
analyser les seuls griefs articulés et dûment motivés sur ce
point dans l'acte de recours (art. 90 al. 1 let. b OJ).

    c) aa) Avec l'intimée, qui en expose de manière
convaincante les raisons dans sa réponse au recours (n. 58 à
68 et n. 162 à 172), il faut admettre que le Tribunal arbi-
tral n'est pas sorti du cadre tracé par la convention d'arbi-
trage et l'acte de mission en rendant la sentence attaquée.

    aaa) La convention d'arbitrage, dont le champ d'ap-
plication était fixé de la plus large des manières, embras-
sait tout litige relatif à l'interprétation ou à l'exécution
de la charte-partie.

    La première question à trancher par le Tribunal ar-
bitral était de savoir si l'intimée avait valablement exercé
le droit d'option d'achat que lui accordait l'art. VIII de
l'avenant à la charte-partie. Elle se situait assurément dans
le cadre de la convention d'arbitrage.

    Ayant abouti à la conclusion que les conditions
d'exercice d'un tel droit n'étaient pas réalisées en l'espè-
ce, les arbitres ont été amenés à s'interroger sur le sort du
contrat. Ils se sont demandé si la charte-partie s'était
éteinte de ce fait le 30 octobre 1998 ou si la volonté des
deux sociétés belges était de la voir se poursuivre. C'est
cette seconde hypothèse qu'ils ont retenue, au motif que les
cocontractantes étaient tombées d'accord sur toutes les con-
ditions d'une prolongation de la charte-partie jusqu'en 2014,
comme l'attestait la pièce d'audience n° 3, hormis la clause
d'option d'achat spécifique que l'intimée voulait inclure
dans la charte-partie prolongée. En raisonnant ainsi, les
arbitres n'ont rien fait d'autre que de déterminer la volonté
concordante des parties quant au sort de leurs relations con-
tractuelles. Semblable démarche était, elle aussi, couverte
par la convention d'arbitrage.

    En dernier lieu, le Tribunal arbitral s'est posé la
question de savoir quelle eût été la volonté des parties, si
elles avaient su que la clause d'option d'achat, telle que
proposée par l'intimée, ne pouvait pas être insérée dans la
charte-partie prolongée. Il a retenu, à cet égard, que l'in-
timée aurait sans doute proposé de reprendre la clause d'op-
tion d'achat existante et a estimé que la recourante n'aurait
pu de bonne foi refuser cette proposition. Ce faisant, il a

procédé à une interprétation complétive du contrat que n'ex-
cluait nullement la convention d'arbitrage.

    bbb) L'acte de mission signé en novembre 1999 n'a
pas apporté la moindre restriction aux pouvoirs conférés aux
arbitres par la convention d'arbitrage.

    La recourante y développe sa position en présentant
les questions relatives à la prolongation de la charte-partie
comme étant au coeur du litige. Elle y allègue que les par-
ties se sont accordées sur toutes les conditions de la pro-
longation du contrat, à l'exception de la nouvelle clause
d'option d'achat. Aussi ne saurait-elle reprocher au Tribunal
arbitral d'avoir placé le débat sur le même terrain qu'elle.

    De surcroît, le chiffre 10, susmentionné, de l'acte
de mission ne bride en rien les pouvoirs des arbitres, puis-
qu'il leur confie le soin, non seulement de dire si les con-
clusions respectives des parties doivent être admises en to-
talité ou en partie, mais encore de résoudre tout autre point
qu'ils pourraient estimer pertinent à la lumière des écritu-
res des parties.

    bb) La recourante soutient, par ailleurs, que le
droit suisse de l'arbitrage requiert une autorisation expres-
se des parties habilitant le Tribunal arbitral à compléter le
contrat; que cette autorisation n'a pas été donnée; que le
droit belge n'autorise pas non plus le complètement du con-
trat et qu'il n'est de toute façon pas déterminant pour fon-
der un tel pouvoir des arbitres; enfin, que les arbitres ont
quoi qu'il en soit outrepassé en l'espèce les limites d'un
tel pouvoir, si tant est qu'il existât. Pareille argumenta-
tion n'emporte pas la conviction.

    aaa) Il est frappant de constater que, pour étayer
sa thèse selon laquelle un tribunal international ayant son

siège en Suisse ne pourrait compléter un contrat que s'il a
reçu à cette fin une autorisation expresse dans la convention
d'arbitrage, la recourante se borne à fournir quelques rares
références relevant de la pratique arbitrale internationale
ou du droit comparé, mais ne cite aucune décision ou opinion
doctrinale se rapportant directement au droit suisse.

    Le chapitre 12 de la loi fédérale sur le droit in-
ternational privé ne contient aucune disposition spécifique
qui interdirait à un tribunal arbitral de compléter un con-
trat sans une autorisation expresse des parties. La recouran-
te voudrait cependant déduire une telle exigence de l'appli-
cation par analogie de l'art. 187 al. 2 LDIP aux termes du-
quel les parties peuvent autoriser le tribunal arbitral à
statuer en équité. Elle a tort. L'autorisation de statuer en
équité, au sens de cette disposition, dégage l'arbitre de
l'obligation d'appliquer les règles de droit, même impérati-
ves, sous certaines réserves (cf. Lalive/Poudret/Reymond, op.
cit., n. 21 ad art. 187 LDIP). En revanche, l'arbitre qui
procède au complètement d'un contrat ne peut pas s'affranchir
des règles de droit de ce seul fait, puisqu'il se borne à
mettre en oeuvre les dispositions pertinentes autorisant un
complètement de celui-ci.

    Le droit suisse permet au juge étatique de complé-
ter un contrat lacunaire en recherchant la volonté hypothéti-
que des parties (ATF 115 II 404 consid. 4b p. 488; 111 II 260
consid. 2a). Il n'exige pas pour cela une autorisation ex-
presse des parties. Dès lors, si l'on reconnaît au juge éta-
tique suisse le pouvoir de compléter de son propre chef un
contrat soumis au droit suisse ou à un droit étranger autori-
sant le complètement du contrat, on ne voit pas pour quelle
raison il y aurait lieu de dénier ce pouvoir à un tribunal
arbitral ayant son siège en Suisse. Une telle faculté est du
reste expressément reconnue par un auteur ayant étudié récem-

ment la question (Joachim G. Frick, Arbitration and complex
international contracts, Zurich 2001, p. 197 s.).

    bbb) Il n'est pas décisif, dans ces conditions, que
la clause arbitrale insérée dans la charte-partie n'attribuât
point aux arbitres le pouvoir exprès de compléter ce contrat.

    ccc) Pour l'auteur précité, le pouvoir du tribunal
arbitral de compléter un contrat dépend exclusivement de la
lex arbitri, (en l'occurrence, la LDIP), le rôle dévolu au
droit matériel applicable au fond (ou lex causae; ici le
droit belge) étant de fixer les conditions du complètement
(Frick, op. cit., p. 193). S'il fallait se ranger à l'avis de
cet auteur - la question peut rester indécise, pour le motif
indiqué ci-après -, l'examen de la compétence des arbitres en
la matière se résumerait à la vérification - effectuée ci-
dessus - de l'absence d'une disposition topique de la lex ar-
bitri soumettant le pouvoir complétif des arbitres à une au-
torisation expresse des parties. En revanche, l'application
incorrecte de la lex causae ne pourrait pas être sanctionnée
par le Tribunal fédéral au titre de l'art. 190 al. 2 let. b
LDIP dans cette hypothèse, car elle ne porterait pas alors
sur une question préjudicielle concernant la compétence du
Tribunal arbitral, mais uniquement sur la mise en oeuvre des
dispositions du droit matériel régissant le complètement du
contrat. Le Tribunal fédéral ne pourrait en connaître que
dans les strictes limites du grief fondé sur l'art. 190 al. 2
let. e LDIP (incompatibilité avec l'ordre public).

    Toutefois, la recourante cite un auteur qui est
d'un autre avis (Klaus Peter Berger, Power of arbitrators to
fill gaps and revise contracts to make sense, in Arbitration
International, vol. 17/2001, p. 1 ss, spéc. 10 s.). Selon cet
auteur, si la lex arbitri ne contient aucune disposition ex-
presse sur le pouvoir des arbitres de compléter le contrat,
il convient de se référer à la loi de procédure du pays du

siège du tribunal arbitral (lex fori) et d'appliquer à ce
dernier les éventuelles dispositions de cette loi régissant
les pouvoirs des tribunaux étatiques en ce domaine. Enfin, au
cas où ladite loi serait muette à ce sujet, il y aurait lieu
de se tourner vers le droit matériel applicable au fond (lex
causae). Dans cette hypothèse, il va de soi que l'application
de ce droit revêtirait un caractère préjudiciel, puisqu'elle
déterminerait la compétence des arbitres en matière de com-
plètement du contrat, de sorte qu'elle pourrait être soumise
à l'examen du Tribunal fédéral dans le cadre du motif de re-
cours prévu à l'art. 190 al. 2 let. b LDIP. A suivre cet au-
teur, on ne pourrait donc faire l'économie d'un tel examen en
l'espèce, attendu que la LDIP ne règle pas la question des
pouvoirs complétifs de l'arbitre, qu'il n'existe pas encore
en Suisse de législation uniforme dans le domaine de la pro-
cédure civile susceptible de régler cette question pour les
tribunaux étatiques et que la loi de procédure civile du can-
ton où le Tribunal arbitral a son siège (i.e. la loi de pro-
cédure civile du canton de Genève du 10 avril 1987) est éga-
lement muette sur ce point.

    Cela étant, les arguments avancés par la recourante
sont tout à fait impropres à démontrer la violation des
dispositions ou principes du droit belge qu'elle impute au
Tribunal arbitral, lequel était d'ailleurs composé de deux
juristes belges de grande réputation aux dires de l'intimée.
Aussi bien, comme le souligne le Tribunal arbitral dans ses
observations, la recourante lui reproche d'avoir modifié le
contenu du contrat - procédé peut-être condamnable en droit
belge - alors qu'il n'a fait en réalité que compléter le
contrat, ce qui paraît admissible au regard de ce droit. En
d'autres termes, la recourante confond la fonction modifica-
trice de la bonne foi en droit belge avec la fonction complé-
tive de celle-ci, ce qui ressort indubitablement de l'indica-
tion erronée faite par elle du passage de l'ouvrage de doc-
trine cité par les arbitres pour justifier leurs pouvoirs.

Cette confusion a eu pour conséquence logique que l'intéres-
sée s'est abstenue de démontrer en quoi les conditions posées
par le droit belge pour un exercice correct de la fonction
complétive assignée à la bonne foi auraient été méconnues par
les arbitres in casu. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral
de pallier cette absence de motivation en examinant d'office
cet aspect du problème qui lui est soumis (art. 90 al. 1 let.
b OJ).

    Ainsi, quel que soit le rôle dévolu à la lex causae
dans la détermination du pouvoir des arbitres en matière de
complètement du contrat, il faut admettre que le Tribunal ar-
bitral n'a pas outrepassé ses pouvoirs en entérinant l'accord
des parties au sujet de la prolongation du contrat en cause
et en complétant cet accord par l'adjonction d'une clause
d'option d'achat correspondant à celle qui figurait déjà dans
la charte-partie existante.

    Le premier moyen soulevé par la recourante ne peut,
dès lors, qu'être rejeté.

    3.- Dans un deuxième moyen, la recourante, invo-
quant l'art. 190 al. 2 let. c LDIP, reproche au Tribunal ar-
bitral d'avoir "constaté l'existence d'un rapport de droit
(une nouvelle charte-partie jusqu'en 2014) et complété ce
rapport de droit en y insérant une clause d'option d'achat
sur laquelle il n'y avait pas d'accord". A l'en croire, aucu-
ne des conclusions prises par l'intimée ou par elle n'auto-
risait les arbitres à procéder à cette constatation et à ce
complètement.

    a) L'art. 190 al. 2 let. c LDIP permet d'attaquer
une sentence, notamment, lorsque le tribunal arbitral a sta-
tué au-delà des demandes dont il était saisi. Tombent sous le
coup de cette disposition les sentences qui allouent plus ou
autre chose que ce qui a été demandé (ultra ou extra petita).

Cependant, selon la jurisprudence, le juge ne statue pas au-
delà des demandes s'il n'alloue en définitive pas plus que le
montant total réclamé par la partie demanderesse, mais appré-
cie certains des éléments de la réclamation autrement que ne
l'a fait cette partie ou encore lorsque, étant saisi d'une
action négatoire de droit qu'il estime infondée, il constate
l'existence du rapport juridique litigieux dans le dispositif
de sa sentence plutôt que d'y rejeter cette action. Le juge
ne viole pas non plus le principe "ne ultra petita partium"
s'il donne à une demande une autre qualification juridique
que celle qui a été présentée par le demandeur. Le principe
"jura novit curia", qui est applicable à la procédure arbi-
trale, impose en effet aux arbitres d'appliquer le droit
d'office, sans se limiter aux motifs avancés par les parties.
Il leur est donc loisible de retenir des moyens qui n'ont pas
été invoqués, car on n'est pas en présence d'une nouvelle de-
mande ou d'une demande différente, mais seulement d'une nou-
velle qualification des faits de la cause (ATF 120 II 172
consid. 3a p. 175 et les références). Le tribunal arbitral
est toutefois lié par l'objet et le montant des conclusions
qui lui sont soumises, en particulier lorsque l'intéressé
qualifie ou limite ses prétentions dans les conclusions el-
les-mêmes (consid. 2c/bb, non publié, de l'ATF 122 III 292 et
l'arrêt cité).

    b) Appliqués au cas particulier, ces principes com-
mandent de rejeter le grief de la recourante fondé sur le mo-
tif prévu à l'art. 190 al. 2 let. c LDIP.

    Sous le n° 13 de ses conclusions susmentionnées,
l'intimée avait requis le Tribunal arbitral de lui accorder
tout autre remède qu'il estimerait équitable et approprié se-
lon la loi. Libellée en termes généraux, cette conclusion re-
vêtait un caractère subsidiaire et permettait assurément au
Tribunal arbitral de statuer comme il l'a fait au cas où il
n'admettrait pas la conclusion principale de l'intimée visant

à faire constater que cette dernière avait valablement exercé
son option d'achat du navire. Le Tribunal arbitral n'est donc
pas sorti du cadre formel que lui fixaient les conclusions de
l'intimée (et celles de la recourante) en constatant l'exis-
tence d'un accord au sujet des conditions de la prolongation
de la charte-partie et en complétant cet accord, conformément
au principe de la bonne foi reconnu par le droit belge appli-
cable à ce contrat, sur le seul point de discorde subsistant
entre les cocontractantes.

    Selon la recourante, la conclusion n° 13 ne consti-
tuait pas une "conclusion" au sens technique du terme, dès
lors qu'elle n'énonçait aucune prétention déterminable. L'in-
téressée n'établit pas, ni même n'allègue, qu'elle aurait
soulevé une objection de ce chef au cours de la procédure ar-
bitrale. Or, il est de jurisprudence que la partie qui cons-
tate un vice de procédure doit l'invoquer d'emblée dans la
procédure arbitrale, faute de quoi elle n'est plus habilitée
à s'en plaindre dans un recours visant la sentence (ATF 119
II 386 consid. 1a et les références). En l'espèce, il eût ap-
partenu à la recourante de faire préciser par l'intimée ce
qu'elle entendait par "tout autre remède", si elle estimait
que la conclusion n° 13, étant donné son caractère imprécis,
laissait une trop grande marge de manoeuvre aux arbitres et
lui faisait courir le risque de se voir imposer une solution
qu'elle n'avait pas envisagée. Partant, le motif pris de
l'inadmissibilité de ladite conclusion n'est plus recevable à
ce stade de la procédure.

    Force est ainsi de constater que le Tribunal arbi-
tral n'a pas statué au-delà des demandes dont il était saisi,
de sorte que le deuxième grief formulé par la recourante est,
lui aussi, dénué de fondement.

    4.- La recourante invoque également, à toutes fins
utiles, l'art. 190 al. 2 let. e LDIP (incompatibilité avec

l'ordre public) en tant qu'il exige le respect du principe
pacta sunt servanda et interdit, corollairement, d'imposer
aux parties un contrat non voulu.

    Le moyen soulevé par la recourante, qui se résume à
ce simple énoncé péremptoire, ne satisfait manifestement pas
aux exigences posées par la jurisprudence susmentionnée en
matière de motivation d'un recours de droit public. Sur ce
point, le présent recours est donc irrecevable.

    Au demeurant, supposé recevable, le grief en ques-
tion serait de toute façon voué à l'échec. En effet, selon la
jurisprudence, il ne peut y avoir violation du principe "pac-
ta sunt servanda" que si - pour n'évoquer que la seule hypo-
thèse entrant en ligne de compte dans le cas concret - l'ar-
bitre admet que les parties ne sont pas juridiquement tenues
par une clause contractuelle, mais leur en impose néanmoins
le respect; il faut donc que le tribunal accorde une protec-
tion contractuelle en se mettant en contradiction avec le ré-
sultat de son interprétation (arrêt non publié du 18 septem-
bre 2001, dans la cause 4P.143/2001, consid. 3a/bb et les
arrêts cités; cf. également: ATF 120 II 155 consid. 6c/cc p.
171; 116 II 634 consid. 4b p. 638). Or, en l'espèce, le Tri-
bunal arbitral n'a nullement agi de la sorte, puisqu'il n'a
fait qu'entériner, en le complétant sur un point, l'accord
des parties concernant la prolongation du contrat qui les
liait.

    5.- En dernier lieu, la recourante fait grief au
Tribunal arbitral d'avoir violé son droit d'être entendue
(art. 190 al. 2 let d LDIP). Selon elle, le Tribunal arbitral
ne pouvait pas compléter la charte-partie sans entendre les
parties au sujet de ce complètement, en particulier sans leur
permettre de faire valoir leurs moyens se rapportant au con-
tenu du contrat complété et, plus précisément, à la clause
d'option d'achat.

    a) Aux termes de l'art. 190 al. 2 let. d LDIP, une
sentence arbitrale peut être attaquée lorsque l'égalité des
parties ou leur droit d'être entendues en procédure contra-
dictoire n'a pas été respecté.

    Le contenu du droit d'être entendu n'est pas diffé-
rent de celui consacré à l'art. 29 al. 2 Cst. La jurispruden-
ce a déduit du droit d'être entendu, en particulier, la fa-
culté pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une déci-
sion ne soit prise à son détriment, celui de fournir des
preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la
décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer
à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et
de se déterminer à leur propos (ATF 126 I 15 consid. 2a/aa;
124 I 49 consid. 3a; 124 I 241 consid. 2; 124 II 132 consid.
2b; 124 V 180 consid. 1a; 124 V 372 consid. 3b).

    L'art. 190 al. 2 let. d LDIP ne garantit pas seule-
ment le droit d'être entendu, mais également le droit à une
procédure contradictoire. Le principe de la contradiction of-
fre à chaque partie la faculté de se déterminer sur les
moyens de son adversaire, d'examiner et de discuter les preu-
ves rapportées par lui et de les réfuter par ses propres
preuves (ATF 117 II 346 consid. 1a p. 347 s.; 116 II 639 con-
sid. 4c p. 643).

    Une partie n'a, en principe, pas le droit de se
prononcer sur l'appréciation juridique des faits ni, plus
généralement, sur l'argumentation juridique à retenir. Toute-
fois, un tel droit doit être reconnu et respecté lorsque le
juge envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif
juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont au-
cune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait
supputer la pertinence in casu (ATF 124 I 49 consid. 3c p.
52; 115 Ia 94 consid. 1b p. 96 s.; 114 Ia 97 consid. 2a p. 99
et les références). Savoir ce qui est imprévisible est une

question d'appréciation. Il convient de se montrer plutôt
restrictif à cet égard dans le domaine de l'arbitrage inter-
national pour tenir compte de ses particularités (volonté des
parties de faire trancher le litige par des arbitres et non
par des tribunaux étatiques, coopération d'arbitres de tradi-
tions juridiques différentes) et pour éviter que l'argument
de la surprise ne soit utilisé en vue d'obtenir un examen ma-
tériel de la sentence par le Tribunal fédéral (arrêt non pu-
blié du 2 mars 2001, dans la cause 4P. 260/2000, consid. 6a).
Ainsi, sous cette réserve à interpréter strictement, l'arbi-
tre n'a, pas davantage que le juge étatique, à soumettre à la
discussion des parties les principes juridiques sur lesquels
il va fonder son jugement. En vertu de la règle "jura novit
curia", il n'est en principe pas lié par les moyens de droit
développés par les parties et il peut d'office appliquer une
autre disposition de droit matériel pour allouer les conclu-
sions du demandeur. En revanche, l'arbitre spécialisé, qui a
accès à des sources de connaissances n'étant pas forcément à
la disposition des parties, a l'obligation de porter préala-
blement à leur connaissance les éléments techniques fondamen-
taux sur lesquels va reposer sa décision (arrêt non publié du
17 juillet 1998, dans la cause 4P.7/1998, consid. 2a/aa et
les références).

    b) En l'occurrence, le Tribunal arbitral n'a nulle-
ment méconnu ces principes.

    Il ressort, en effet, des explications circonstan-
ciées fournies par l'intimée, avec preuves à l'appui, dans sa
réponse au recours (n. 188 à 196 et n. 200/201), que les par-
ties et les témoins se sont exprimés sur le contenu de la
clause d'option d'achat que l'intimée aurait voulu insérer
dans la charte-partie prolongée et qu'un débat a également eu
lieu sur les règles de la bonne foi en droit belge, comme le
souligne le Tribunal arbitral dans ses observations.

    Qui plus est, l'intimée, en se fondant sur des élé-
ments probatoires extraits du dossier de la procédure arbi-
trale (réponse, n. 178 à 180), souligne avec raison que la
recourante, à l'époque des négociations en vue de la prolon-
gation de la charte-partie, aurait été disposée à accepter la
reprise, dans la charte-partie prolongée, de la clause d'op-
tion d'achat figurant dans l'avenant à la charte-partie en
vigueur, ce qui a été dûment rapporté au Tribunal arbitral.

    Dans ces conditions, la recourante pouvait s'atten-
dre à ce que le Tribunal arbitral, dans l'hypothèse où il re-
jetterait la conclusion principale de l'intimée visant à fai-
re constater son droit de propriété sur le navire, constatât
l'existence d'un accord sur la prolongation de la charte-par-
tie et complétât cet accord, sur le seul point encore liti-
gieux, en y insérant une clause d'option d'achat identique à
celle qui figurait déjà dans la charte-partie amendée en
1981. Elle n'est pas crédible lorsqu'elle allègue péremptoi-
rement qu'elle aurait eu de très nombreux moyens de fait à
présenter à cet égard, en particulier quant à l'équilibre
économique à rechercher dans la négociation d'une clause de
rachat, ainsi que des moyens de droit au sujet du pouvoir des
arbitres de compléter un contrat et des limites d'un tel pou-
voir.

    Pour le surplus, comme on l'a souligné plus haut,
la recourante, dès lors qu'elle plaide en vain l'effet de
surprise, n'avait pas un droit spécifique à être entendue sur
l'argumentation juridique que le Tribunal arbitral se propo-
sait de retenir.

    Le dernier moyen soulevé par la recourante tombe
ainsi à faux, à l'instar des autres griefs.

    6.- Pour les motifs sus-indiqués, il y a lieu de
rejeter le recours dans la mesure où il est recevable. La
recourante, qui succombe, devra assumer les frais et dépens
afférents à la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159 al.
1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

    1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

    2. Met un émolument judiciaire de 50 000 fr. à la
charge de la recourante;

    3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 100 000 fr. à titre de dépens;

    4. Communique le présent arrêt en copie aux man-
dataires des parties et au Président du Tribunal arbitral.

Lausanne, le 19 décembre 2001
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,