Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Zivilabteilung 4P.106/2001
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4P.106/2001

                 Ie   C O U R   C I V I L E
                ****************************

                       18 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ S.A., représentée par Me Henri Carron, avocat à
Monthey,

                           contre

le jugement rendu le 13 mars 2001 par la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui oppose
G.________, représenté par Me Jean-Luc Martenet, avocat à
Monthey, à la recourante et à la Masse en faillite de la
succession répudiée de B.________;

             (arbitraire; droit d'être entendu)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

    A.-  Par acte du 23 mars 1987, G.________ a acheté
à B.________ une parcelle sur laquelle était édifié un cha-
let.

    Par acte du 8 novembre 1991, G.________ a acheté
une parcelle attenante, afin d'éviter qu'un chalet n'y soit
construit et en vue de réaliser une route d'accès à sa propre
résidence. Les vendeurs étaient, d'une part, B.________ qui
en était copropriétaire pour un tiers, et, d'autre part,
X.________ S.A. (ci-après: X.________) qui en était copro-
priétaire pour les deux tiers. G.________ a négocié l'achat
du terrain exclusivement avec B.________; il n'a fait con-
naissance de l'administrateur de X.________ que chez le no-
taire, à l'occasion de la signature de l'acte de vente. Le
prix a été fixé à 40 000 fr. et il a été constaté que
G.________ a versé le même jour un dessous-de-table de
20 000 fr. à B.________. L'acte indiquait que le terrain
était constructible et il a été retenu que G.________ igno-
rait que tel n'était pas le cas. Selon les constatations can-
tonales, les vendeurs se sont associés pour négocier et con-
clure cette vente, et chacun d'eux a reçu sa part du prix, y
compris du dessous-de-table.

    En octobre 1993, G.________ a découvert que la par-
celle achetée n'était pas constructible et qu'il ne pourrait
pas y réaliser la route prévue. En février ou mars 1994, il a
informé les vendeurs qu'il invalidait le contrat de vente du
8 novembre 1991 pour vice du consentement.

    B.-  Le 1er septembre 1994, G.________ a déposé
devant le Tribunal cantonal valaisan une demande dirigée con-
tre B.________ et contre X.________, concluant principalement

à ce que ces derniers soient condamnés à lui verser le prix
de vente, soit 60 000 fr., ainsi que ses frais de notaire,
soit 1100 fr., avec intérêts, moyennant quoi le conservateur
du registre foncier était invité à rétablir la situation an-
térieure à l'acte du 8 novembre 1991, c'est-à-dire à retrans-
férer la parcelle aux vendeurs.

    B.________ est décédé en cours d'instance; ses hé-
ritiers ont répudié la succession et ni la masse en faillite
ni les créanciers n'ont voulu continuer la procédure.

    Statuant par jugement du 13 mars 2001, la IIe Cour
civile du Tribunal cantonal a prononcé que X.________ et la
Masse en faillite de la succession répudiée de B.________
devaient solidairement à G.________ la somme de 60 000 fr.
avec intérêts, moyennant rétrocession de la parcelle; elle a
également prononcé que les défenderesses devaient à
G.________ la somme de 1100 fr. avec intérêts.

    C.-  X.________ interjette, parallèlement, un re-
cours de droit public et un recours en réforme au Tribunal
fédéral. Dans le recours de droit public, elle conclut à
l'annulation du jugement précité.

    Par ordonnance du 12 juillet 2001, le Président de
la Ie Cour civile a admis la requête de sûretés en garantie
des dépens présentée par G.________.

    G.________ conclut au rejet du recours dans la me-
sure où il est recevable, alors que l'autorité intimée se ré-
fère aux considérants de son jugement.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

    1.-  a) Conformément à la règle générale de l'art.
57 al. 5 OJ, il y a lieu de statuer d'abord sur le recours de
droit public.

    b) Le recours de droit public au Tribunal fédéral
est ouvert contre une décision cantonale pour violation des
droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a
OJ).

    L'arrêt rendu par la cour cantonale, qui est final,
n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le plan
fédéral ou cantonal dans la mesure où le recourant invoque la
violation directe d'un droit de rang constitutionnel, de sor-
te que la règle de la subsidiarité du recours de droit public
est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revanche, si
le recourant soulève une question relevant de l'application
du droit fédéral, le grief n'est pas recevable, parce qu'il
pouvait faire l'objet d'un recours en réforme (art. 43 al. 1
et 84 al. 2 OJ).

    La recourante est personnellement touchée par la
décision attaquée, qui la condamne à paiement, de sorte
qu'elle a un intérêt personnel, actuel et juridiquement pro-
tégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en violation
de ses droits constitutionnels; en conséquence, elle a quali-
té pour recourir (art. 88 OJ).

    c) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 I 38 consid. 3c; 127 III 279 con-
sid. 1c; 126 III 524 consid. 1c, 534 consid. 1b).

    2.-  La recourante se plaint principalement d'arbi-
traire dans l'appréciation des preuves et l'établissement des
faits.

    a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution pourrait entrer en considération ou même qu'elle se-
rait préférable; le Tribunal fédéral ne s'écarte de la déci-
sion attaquée que lorsque celle-ci est manifestement insoute-
nable, qu'elle se trouve en contradiction claire avec la si-
tuation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un
principe juridique indiscuté, ou encore lorsqu'elle heurte de
manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité.
Pour qu'une décision soit annulée pour cause d'arbitraire, il
ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable,
il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son
résultat (ATF 127 I 54 consid. 2b; 126 I 168 consid. 3a; 125
I 166 consid. 2a; 125 II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b).

    Il appartient au recourant de montrer en quoi la
décision attaquée serait insoutenable (cf. ATF 110 Ia 1 con-
sid. 2a).

    b) La recourante reproche tout d'abord à la cour
cantonale d'avoir retenu que l'acheteur ignorait le fait que
la parcelle n'était pas constructible.

    aa) Dans un premier pan du moyen, elle fait valoir
que l'acheteur avait acquis le chalet voisin en 1987 et qu'il
serait inconcevable qu'il ne se soit pas renseigné sur le
statut de la parcelle vendue, dont le sort était en réexamen.

    Sur ce point, la recourante ne se livre qu'à une
supposition.

    Comme l'acte de vente affirmait que la parcelle
était constructible, l'acheteur n'avait pas de raison d'en
douter. Qu'il ait acheté un chalet voisin en 1987 ne pouvait
que l'inciter à croire que la parcelle attenante était soumi-
se au même régime juridique. On ne voit donc pas en quoi la
cour cantonale aurait statué arbitrairement en se déclarant
convaincue que l'acheteur, au moment de la conclusion du con-
trat, ignorait la situation réelle. Les explications fournies
par la recourante sont impropres à démontrer qu'il était ar-
bitraire de penser que l'acheteur est resté dans l'erreur
jusqu'à la date retenue par la cour cantonale.

    bb) La recourante revient à la charge en affirmant
que l'architecte de l'intimé a signé une pièce montrant qu'il
savait que la parcelle litigieuse se trouvait en zone "agri-
cole" (en réalité en zone sans affectation spéciale). Mais
cela ne permet pas d'affirmer que l'architecte a communiqué
cette information à son mandant, puisque le mandat ne portait
pas sur la fourniture de telles informations au mandataire.
L'architecte n'est en rien intervenu dans la conclusion de la
vente litigieuse, de sorte qu'il n'était pas un auxiliaire de
l'acheteur dans le cadre de la passation du contrat et que sa
connaissance de la situation ne peut pas être imputée à l'in-
timé lui-même. Il s'agit là d'ailleurs d'une question de
droit.

    cc) La recourante invoque enfin le fait que le prix
de vente ne correspondait pas à celui d'un terrain construc-
tible. Elle ne conteste cependant pas que le prix n'était pas
non plus celui d'un terrain agricole. En définitive, ce prix
n'était pas caractéristique, de sorte que cet argument n'est
pas de nature à faire apparaître comme arbitraire la convic-
tion de la cour cantonale.

    c) La recourante soutient que l'autorité cantonale
a retenu arbitrairement qu'elle avait bénéficié du dessous-
de-table.

    Il est constant que la recourante était coproprié-
taire pour les deux tiers de la parcelle vendue et que c'est
l'autre covendeur qui a négocié le contrat. L'intimé a for-
mellement affirmé dans la procédure qu'il avait versé un
dessous-de-table de 20 000 fr. et il a demandé remboursement
de la somme de 60 000 fr. solidairement aux deux covendeurs,
sans faire de distinction entre le prix indiqué au contrat,
par 40 000 fr., et le dessous-de-table. Si la recourante
n'était pas au courant de ce dessous-de-table et n'avait rien
reçu sur cette somme, cet allégué devait lui faire craindre
d'avoir été dupée par le covendeur; la réaction logique de
X.________ aurait alors été de se démarquer de ce dernier
pour ne pas risquer d'être condamnée solidairement à rembour-
ser également le dessous-de-table. Or, la recourante ne s'est
en rien distanciée du covendeur, prenant le risque d'être as-
treinte à payer sa part du dessous-de-table, si l'inexistence
de celui-ci était écartée. Le bon sens aurait voulu, en tant
que précaution, que la recourante affirme clairement qu'elle
ne connaissait rien de cette gratification et qu'elle n'avait
rien touché dans l'hypothèse où le covendeur aurait perçu un
dessous-de-table. La cour cantonale a déduit de cette absence
de réaction la conviction que la recourante était au courant
du dessous-de-table et qu'elle avait reçu sa part. Dans ce
contexte, cette déduction n'a rien d'insoutenable.

    Les autres hypothèses avancées par la recourante
sont impropres à démontrer que la cour cantonale aurait fondé
arbitrairement sa conviction.

    d) La recourante reproche encore à la cour cantona-
le d'avoir retenu de manière arbitraire que les deux coven-

deurs avaient eu l'intention de s'associer pour négocier et
conclure cette vente.

    Il n'est pas contesté que le covendeur n'a pas né-
gocié la vente de sa seule part de copropriété, mais bien la
vente de l'ensemble des parts de copropriété. Il ressort à
l'évidence du déroulement des faits que la recourante était
d'accord et qu'elle était tenue informée, puisque son admi-
nistrateur n'est intervenu que devant le notaire pour signer
l'acte. Un prix global a été fixé pour l'acquisition de la
parcelle, sans faire de distinction entre les parts de co-
propriété.

    Il résulte bien de ces circonstances que les co-
vendeurs ont décidé d'unir leurs ressources (par la mise à
disposition de leurs parts de copropriété respectives) et
leurs efforts (la négociation par le covendeur) en vue de
réaliser, par un seul acte et pour un seul prix, la vente
simultanée de toutes les parts de copropriété. Admettre dans
une telle occurrence que les covendeurs ont manifesté un ani-
mus societatis n'est en rien arbitraire.

    3.-  La recourante se plaint enfin d'une violation
du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. (sur
cette notion: cf. ATF 126 I 15 consid. 2a; 125 I 257 consid.
3a; 124 I 49 consid. 3a, 241 consid. 2).

    Elle soutient que sur deux points la cour cantonale
aurait retenu des faits et une argumentation juridique inat-
tendus, ce qui l'aurait privée de la faculté d'exercer effi-
cacement son droit d'être entendue.

    aa) Elle considère qu'elle ne pouvait pas s'atten-
dre à ce que l'autorité cantonale retienne qu'elle avait tou-
ché sa part du dessous-de-table.

    Il ressort cependant clairement des conclusions fi-
gurant déjà dans la demande que sa partie adverse réclamait
solidairement aux deux covendeurs la totalité de ce qu'elle
avait versé, soit le prix fixé dans l'acte et le dessous-de-
table. Il suffisait de lire les conclusions de la demande
pour comprendre que l'intimé réclamait aussi à la recourante
le remboursement solidaire du dessous-de-table. Une telle
conclusion obligeait la cour cantonale à se demander si la
recourante pouvait être tenue également à raison du dessous-
de-table. Cette question découlait à l'évidence de la demande
et ne revêtait aucun caractère inattendu. Ayant reçu le texte
de la demande, la recourante a eu tout loisir de s'exprimer
et de faire valoir tous ses moyens (en fait et en droit) en
ce qui concerne la conclusion tendant à ce qu'elle soit con-
damnée à rembourser le dessous-de-table. On ne discerne ici
aucune trace d'une violation du droit d'être entendu.

    bb) De la même manière, la recourante soutient que
la question de l'animus societatis a été soulevée d'une ma-
nière totalement inattendue.

    Il résulte clairement de la demande que celle-ci
tendait à une condamnation solidaire. La cour cantonale de-
vait donc nécessairement examiner si elle se trouvait en
présence d'un cas de solidarité. Cette question n'avait donc
rien d'inattendu. La recourante, qui a reçu la demande pour
s'exprimer à son sujet, a eu l'entière liberté de faire va-
loir ses moyens à ce propos. La question de la solidarité
portait évidemment sur les rapports entre les deux coven-
deurs, de sorte que l'on ne discerne à cet égard aucun effet
de surprise. Sous cet angle également, il n'y a pas l'ombre
d'une violation du droit d'être entendu.

    4.-  En définitive, le recours doit être rejeté. Vu
l'issue de la querelle, les frais et dépens doivent être mis
à la charge de la recourante qui succombe (art. 156 al. 1 et
159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l :

    1. Rejette le recours;

    2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

    3. Dit que la recourante versera à l'intimé une in-
demnité de 2500 fr. à titre de dépens;

    4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal valaisan.

                         ___________

Lausanne, le 18 octobre 2001
ECH

                 Au nom de la Ie Cour civile
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,                                    Le Greffier,