Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.98/2001
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


2A.98/2001

        IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       ***********************************************

                      17 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, Président,
Hungerbühler et Berthoud, Juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

                         ___________

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

La société X.________, à Belfaux, représentée par Me Alain
Ribordy, avocat à Fribourg,

                          contre

la décision prise le 2 février 2001 par la Commission fédéra-
le de recours en matière de maisons de jeu, dans la cause qui
oppose la recourante à la Commission fédérale des maisons de
jeu;

 (autorisation d'échanger des appareils automatiques de jeu
        dans des établissements publics fribourgeois)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Les 21 et 28 juillet 2000, la Commission fédé-
rale des maisons de jeu a autorisé la société X.________ SA à
procéder au remplacement d'un certain nombre de machines à
sous servant aux jeux de hasard, dans différents établisse-
ments publics du canton de Fribourg. En revanche, elle a in-
terdit à la société de mettre en exploitation de nouveaux ap-
pareils au café A.________, à Ursy, au café-bar B.________, à
Morat et au café-bar C.________, à Bulle, pour le motif que
ces établissements n'avaient plus été exploités depuis 1998
ou 1999.

   B.- Après avoir déposé une demande de reconsidéra-
tion qui a été rejetée le 13 août 2000, X.________ a recouru
auprès de la Commission fédérale de recours en matière de
maisons de jeu qui, par décision du 2 février 2001, a rejeté
le recours. Elle a retenu en bref que si la Commission fédé-
rale des maisons de jeu n'était pas compétente pour autoriser
formellement le remplacement de machines à sous, elle pouvait
attester, par le biais de décisions constatatoires, que le
remplacement de certains appareils était conforme ou non au
droit fédéral. En outre, la Commission de recours a confirmé
que le refus de remplacer des appareils à sous dans des éta-
blissements qui n'avaient pas bénéficié d'autorisations d'ex-
ploitation en 1998 et 1999 était conforme à la réglementation
de l'art. 60 al. 2 de la loi fédérale sur les jeux de hasard
et les maisons de jeu du 18 décembre 1998 (loi sur les mai-
sons de jeu; LMJ; RS 935.52).

   C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, la société X.________ conclut, avec suite de frais
et dépens, à l'annulation de la décision de la Commission de

recours du 2 février 2001 et à la nullité des décisions de la
Commission fédérale des maisons de jeu des 21 et 28 juillet
2000, subsidiairement à leur annulation et à la constatation
que l'autorité cantonale peut délivrer les autorisations re-
quises.

   La Commission fédérale de recours en matière de mai-
sons de jeu et la Direction de la justice, de la police et
des affaires militaires du canton de Fribourg ont renoncé à
se déterminer.

   Au terme de ses observations, la Commission fédérale
des maisons de jeu propose de rejeter le recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Rendue en application du droit public fédé-
ral, la décision attaquée peut faire l'objet d'un recours de
droit administratif (art. 97 et 98 lettre e OJ). Le présent
recours, qui satisfait aux autres exigences formelles des
art. 97 ss OJ, est donc recevable.

   b) Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours
de droit administratif peut être formé pour violation du
droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'ap-
préciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application
du droit fédéral qui englobe notamment les droits constitu-
tionnels du citoyen (ATF 125 III 209 consid. 2 p. 211; 122 IV
8 consid. 1b p. 11). Comme il n'est pas lié par les motifs
que les parties invoquent, il peut admettre le recours pour
d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au
contraire, confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs que
ceux retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine

OJ; ATF 121 II 473 consid. 1b p. 477 et les arrêts cités;
voir également ATF 124 II 103 consid. 2b p. 109).

   En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en
l'espèce, contre une décision d'une autorité judiciaire, le
Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans la dé-
cision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets
ou s'ils ont été établis au mépris des règles essentielles de
procédure (art. 104 lettre b et 105 al. 2 OJ; ATF 125 II 633
consid. 1c p. 635).

   2.- La recourante reproche tout d'abord à l'autorité
de recours de ne pas avoir suivi son argumentation au sujet
de l'absence de compétence de la Commission fédérale des mai-
sons de jeu pour autoriser ou refuser l'échange d'appareils à
sous.

   a) Selon l'art. 48 al. 1 LMJ, la commission assume
la surveillance des maisons de jeu, veille à ce que les dis-
positions légales soient respectées et prend les décisions
nécessaires à l'application de la loi. Son mandat fondamental
a volontairement été décrit de manière très large (voir Mes-
sage du Conseil fédéral du 26 février 1997 relatif à la loi
fédérale sur les jeux de hasard et les maisons de jeu; FF
1997 III p. 183).

   Au chapitre des dispositions transitoires, l'art. 60
LMJ fixe le délai d'exploitation des appareils à sous desti-
nés à des jeux d'adresse déjà exploités de la manière sui-
vante:

       "1Les appareils à sous servant à des jeux d'adresse
         homologués d'après la pratique en vigueur qui sont
         considérés comme des appareils servant à des jeux de
         hasard au sens de la nouvelle législation ne pour-
         ront désormais plus être exploités que dans les
         grands casinos et les casinos.

        2En dehors des établissements précités, les cantons
         pourront autoriser, dans un délai de cinq ans à com-
         pter de l'entrée en vigueur de la présente loi, la
         continuation de l'exploitation d'un maximum de cinq
         des appareils mentionnés à l'al. 1 dans les restau-
         rants et autres locaux pour autant que ces appareils
         aient été mis en exploitation avant le 1er novembre
         1997.

        3Après l'expiration de ce délai, seuls les appareils
         à sous servant aux jeux d'adresse au sens de la pré-
         sente loi pourront encore être exploités dans les
         restaurants et autres locaux."

   Enfin, l'art. 135 de l'ordonnance du Conseil fédéral
du 23 février 2000 sur les jeux de hasard et les maisons de
jeu (ordonnance sur les maisons de jeu, OLMJ; RS 935.521)
prévoit que:

       "1L'exploitation des appareils à sous servant aux jeux
         d'adresse, homologués avant le 22 avril 1998, mais
         réputés appareils à sous servant aux jeux de hasard
         en vertu de la nouvelle législation, dont les can-
         tons autorisent l'exploitation ultérieure en vertu
         de à l'art. 60 LMJ, ne peut être poursuivie qu'au
         même endroit que précédemment.

        2La réparation d'appareils à sous servant aux jeux de
         hasard en exploitation, de même que leur échange ou
         leur remplacement par des appareils de facture iden-
         tique sont autorisés pour autant que ces mesures
         contribuent à rétablir la situation initiale."

   La date du 22 avril 1998 correspond à l'entrée en
vigueur de l'ordonnance du Conseil fédéral concernant les ap-
pareils automatiques servant aux jeux d'argent (ordonnance
sur les automates de jeu d'argent, OAJA; RS 935.522). Cette
ordonnance a conféré aux autorités fédérales la compétence de
rendre les décisions d'homologation des appareils automati-
ques servant aux jeux d'argent et de délimiter les appareils
de jeux de hasard des appareils de jeux d'adresse. Cette rè-

gle d'attribution permet une application uniforme du droit
fédéral sur l'ensemble du territoire de la Confédération et a
été confirmée par le Tribunal fédéral (ATF 125 II 152 con-
sid. 4 p. 160; voir aussi arrêt non publié du 24 novembre
1999 en la cause X.________).

   b) L'art. 60 al. 2 LMJ prévoit expressément qu'il
incombe aux cantons d'autoriser, à certaines conditions et
pour un temps limité, la poursuite de l'exploitation d'appa-
reils à sous servant à des jeux de hasard. Il est cependant
muet sur les moyens à disposition de l'autorité fédérale pour
exercer son rôle de surveillance et pour assurer une applica-
tion uniforme du droit fédéral. Contrairement à ce que pré-
voient les art. 58 ss OLMJ pour la délimitation entre les ap-
pareils à sous servant aux jeux d'adresse et aux jeux de ha-
sard, ni la loi, ni l'ordonnance n'aménagent une procédure
fédérale formelle d'autorisation ou de contrôle dans l'appli-
cation de l'art. 60 al. 2 LMJ. Cette lacune trouve sans doute
son origine dans le fait que la disposition transitoire de
l'art. 60 al. 2 LMJ a été introduite dans la loi tardivement,
soit à l'occasion des délibérations des Chambres fédérales
(BO CE, 1997, p. 1326 ss).

   Dans sa circulaire du 29 mai 2000, adressée aux au-
torités cantonales compétentes, la Commission fédérale des
maisons de jeu a certes posé comme directive que chaque chan-
gement d'appareils à sous servant aux jeux de hasard devait
lui être soumis préalablement par l'exploitant et que le can-
ton ne devait délivrer aucune autorisation d'exploitation
sans son assentiment écrit et préalable. La Commission de re-
cours a toutefois relevé à juste titre qu'une telle directive
ne constitue pas une base légale suffisante pour conférer une
compétence décisionnelle à l'autorité fédérale.

   c) Si la loi place les décisions formelles d'autori-
sation dans la compétence des cantons, la Commission fédérale
des maisons de jeu est habilitée, en sa qualité d'autorité de
surveillance, à rendre des décisions constatatoires. Chargée
par le législateur de veiller à une application uniforme du
droit fédéral, il lui incombe en effet de se prononcer sur la
conformité à ce droit de remplacer certains appareils par
d'autres. Elle seule possède les connaissances techniques né-
cessaires et la vue d'ensemble pour prendre de telles déci-
sions. Elle peut alors être saisie soit par l'autorité canto-
nale elle-même, soit par le fabricant ou l'exploitant d'appa-
reils à sous pouvant se prévaloir d'un intérêt digne de pro-
tection au sens de l'art. 25 PA. Ce droit de l'administré lui
assure ensuite la protection de la voie de recours prévue par
l'art. 54 LMJ.

   De son côté, la recourante refuse de reconnaître à
la commission la compétence de rendre des décisions constata-
toires, dès lors que l'autorité fédérale est chargée unique-
ment de surveiller les autorités cantonales dans l'applica-
tion du droit fédéral. La recourante ne saurait cependant
être suivie sur ce point, car les tâches attribuées par la
loi à la Commission fédérale des maisons de jeu vont au-delà
d'une simple surveillance des cantons. Cette autorité est,
d'une manière générale, chargée de veiller au respect de la
loi. L'art. 48 al. 1 LMJ lui permet en effet de rendre des
décisions directement opposables aux administrés; par ail-
leurs, l'intérêt public au respect du nouveau régime instauré
par la loi fédérale est d'autant plus grand que les réglemen-
tations cantonales étaient très disparates avant l'entrée en
vigueur de cette loi fédérale (voir Message du Conseil fédé-
ral, FF 1997 III p. 160). L'objectif du législateur était
donc d'instaurer des règles claires et uniformes dans l'en-
semble du pays, ce qui implique que l'autorité fédérale soit
habilitée à constater, à la demande des administrés ou des

cantons, la conformité au droit fédéral des demandes d'auto-
risation de remplacement d'appareils à sous servant aux jeux
de hasard. Dans ce contexte, les cantons ont la possibilité
("Kann-Vorschrift"), mais non l'obligation, de délivrer des
autorisations formelles, pour autant qu'elles respectent les
décisions préalables de l'autorité fédérale. Ils ne peuvent
pas se montrer plus larges que la Commission, mais peuvent
adopter une pratique plus restrictive; tel est le cas des
cantons qui refusaient, déjà avant l'entrée en vigueur de la
loi fédérale, l'exploitation d'appareils à sous servant aux
jeux de hasard en dehors des casinos.

   La conclusion principale de la recourante tendant à
l'annulation de la décision entreprise, vu la nullité des dé-
cisions de la Commission fédérale des maisons de jeu, doit
donc être rejetée.

   3.- La recourante fait valoir, à titre subsidiaire,
que la décision attaquée viole l'art. 60 al. 2 LMJ dans la
mesure où elle subordonne l'échange de machines à sous à une
exploitation continue des appareils à remplacer depuis le 1er
novembre 1997. Elle soutient, en se référant notamment aux
travaux parlementaires, que le législateur a voulu permettre
aux propriétaires d'appareils à sous de les amortir pendant
un délai de cinq ans en reprenant la réglementation transi-
toire introduite par l'ordonnance sur les automates de jeu
d'argent, dont le but était d'empêcher l'augmentation du nom-
bre des appareils de jeux de hasard à disposition du public,
mais pas de parvenir à une diminution du nombre de ces appa-
reils.

   L'interprétation de la recourante ne correspond tou-
tefois pas au texte clair de l'art. 60 LMJ. Cette disposi-
tion, qui ne figurait pas dans le projet de loi du Conseil

fédéral, a été élaborée par la Commission du Conseil des
Etats et adoptée par la Chambre des cantons dans sa séance du
18 décembre 1997 (BO CE, 1997, p. 1328; art. 60bis nouveau).
Elle n'a donc pas été directement inspirée par l'ordonnance
sur les automates de jeu d'argent, entrée en vigueur ulté-
rieurement, soit le 22 avril 1998. Sa teneur n'a pas été mo-
difiée par le Conseil national, qui s'est rallié à la propo-
sition du Conseil des Etats (BO CN, 1998, p. 1947). L'impos-
sibilité d'exploiter des appareils servant aux jeux de hasard
en dehors des grands casinos et des casinos, exprimée à
l'alinéa 1 de l'art. 60 LMJ, est tempérée par la faculté
laissée aux cantons d'autoriser la continuation de l'exploi-
tation, pendant cinq ans, de cinq appareils au plus dans les
établissements publics, pour autant que ces appareils aient
été mis en exploitation avant le 1er novembre 1997 (art. 60
al. 2 LMJ). L'art. 135 al. 2 OLMJ autorise en outre la répa-
ration, l'échange ou le remplacement d'appareils par des ma-
chines de facture identique, pour autant que ces mesures con-
tribuent à rétablir la situation initiale. En l'espèce, la
recourante disposait des autorisations cantonales nécessaires
au 1er novembre 1997 pour exploiter des machines à sous dans
les établissements publics concernés d'Ursy, de Morat et de
Bulle. Toutefois, en 1998 et 1999 pour les deux des premiers,
et en 1999 pour le troisième, aucune autorisation cantonale
d'exploitation n'a été délivrée, ces établissements ayant été
fermés. C'est dans l'optique de leur réouverture que la re-
courante a sollicité l'autorisation d'y exploiter des machi-
nes à sous, au demeurant différentes de celles qui y étaient
précédemment installées. On ne peut donc plus parler de la
continuation de l'exploitation d'une machine à sous lorsque
l'appareil en cause n'a pas été en fonction pendant un an ou
deux en raison de la fermeture de l'établissement. Dans cette
hypothèse, il ne s'agit en effet pas d'un échange d'appa-
reils, mais d'une installation nouvelle, prohibée par la loi.

Comme le relève la Commission fédérale des maisons de jeu
dans ses observations sur le recours, le raisonnement de la
recourante la contraindrait à accepter l'installation de ma-
chines à sous dans tous les établissements publics ayant bé-
néficié d'une autorisation cantonale avant le 1er novembre
1997, même si l'exploitation avait cessé depuis plusieurs
années. Tel n'est manifestement par le sens de l'art. 60 al.
2 LMJ. En tant que disposition dérogeant au principe général
de l'art. 60 al. 1 - exploitation réservée aux seuls grands
casinos et casinos - la disposition de l'art. 60 al. 2 LMJ
doit être interprétée dans un sens restrictif. Dès lors, la
Commission de recours, comme l'autorité intimée, n'a pas abu-
sé de son pouvoir d'appréciation en retenant que, pour admet-
tre la continuation de l'exploitation en l'an 2000, une auto-
risation cantonale d'exploitation aurait dû être délivrée
pour chacune des années 1998 et 1999. Or il n'est pas contes-
té que les autorisations litigieuses ont été refusées à la
recourante parce qu'elle ne remplissait pas cette condition.

   4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté. Succombant, la recourante doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit
à des dépens (art. 159 al. OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

   1. Rejette le recours.

   2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de la recourante.

   3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, à la Commission fédérale de recours en
matière de maisons de jeu, à la Commission fédérale des mai-
sons de jeu et, pour information, à la Direction de la jus-
tice, de la police et des affaires militaires du canton de
Fribourg.
                       _______________

Lausanne, le 17 septembre 2001
ROC/dxc

            Au nom de la IIe Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                  La Greffière,