Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.546/2001
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2A.546/2001

          IIe  C O U R  D E  D R O I T  P U B L I C
          *****************************************

                        1er mai 2002

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
Président, Betschart, Hungerbühler, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Kurtoglu-Jolidon.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

X.________ S.A., représentée par Me Jacques Python, avocat à
Genève,

                           contre

la décision prise le 7 novembre 2001 par la Commission fédé-
rale de recours en matière de contributions, dans la cause
qui oppose la recourante à l'Administration fédérale des con-
tributions, Division principale de la taxe sur la valeur
ajoutée, à Berne;

                (art. 28 AChA: prescription)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- La société X.________ S.A. développe et distri-
bue des logiciels d'application professionnelle et stratégi-
que. A la suite d'un contrôle, elle a été inscrite le 4 juil-
let 1991, avec effet rétroactif au 1er janvier 1988, au re-
gistre des grossistes de l'Administration fédérale des con-
tributions au sens des art. 8 et 9 de l'arrêté du Conseil
fédéral du 29 juillet 1941 instituant un impôt sur le chiffre
d'affaires (ci-après: AChA; RO 1941 821) en vigueur jusqu'au
31 décembre 1994. Cette décision a été rendue définitive par
un arrêt du 10 novembre 1992 du Tribunal fédéral.

   Le 30 décembre 1997, l'Administration fédérale des
contributions a envoyé une lettre à X.________ S.A. par télé-
copie et par la poste, afin d'interrompre la prescription re-
lative aux créances d'impôt sur le chiffre d'affaires (ci-
après: IChA) pour les périodes fiscales 1988 à 1994. En 1998,
à la suite d'un nouveau contrôle, elle a confirmé que les
conditions d'assujettissement à l'IChA étaient remplies par
X.________ S.A. Elle a alors établi deux décomptes complémen-
taires pour les périodes fiscales allant du 1er janvier 1988
au 31 décembre 1994. L'Administration fédérale des contribu-
tions a confirmé le bien-fondé de cette imposition par déci-
sion du 28 mai 1999.

   B.- Par décision sur réclamation du 27 novembre
2000, l'Administration fédérale des contributions a considéré
que la société devait effectivement être soumise à l'IChA
mais a admis la prescription des créances échues durant les
années 1988 à 1991.

   C.- Le 7 novembre 2001, la Commission fédérale de
recours en matière de contributions (ci-après: la Commission
fédérale de recours) a admis le recours de X.________ S.A. en
ce qui concerne la date d'échéance moyenne de l'intérêt mora-
toire. Elle a, au surplus, confirmé la décision sur réclama-
tion précitée relative aux créances d'IChA dues pour les pé-
riodes fiscales allant du 1er janvier 1992 au 31 décembre
1994.

   D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, X.________ S.A. demande au Tribunal fédéral d'an-
nuler la décision de la Commission fédérale de recours en ce
qui concerne la créance due pour la période fiscale 1992 et
de dire que cette dernière est prescrite.

   La Commission fédérale de recours renonce à présen-
ter des observations et se reporte à sa décision du 7 novem-
bre 2001. L'Administration fédérale des contributions conclut
au rejet du recours.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Interjeté en temps utile contre une décision au
sens de l'art. 5 PA fondée sur le droit public fédéral et
prise par une commission fédérale de recours (art. 98 let-
tre e OJ), sans qu'aucune des exceptions prévues aux art. 99
à 102 OJ ne soit réalisée, le présent recours est recevable
au regard des art. 97 ss OJ.

   2.- L'AChA a été abrogé par l'art. 82 de l'ordon-
nance du Conseil fédéral du 22 juin 1994 régissant la taxe
sur la valeur ajoutée (ci-après: OTVA; RO 1994 1464), entrée
en vigueur le 1er janvier 1995. Cette dernière a elle-même

été abrogée par la loi fédérale du 2 septembre 1999 régissant
la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: LTVA; RS 641.20),
entrée en vigueur le 1er janvier 2001. Selon l'art. 93 al. 1
LTVA, les dispositions abrogées et leurs dispositions d'exé-
cution restent applicables, sous réserve d'exceptions non
réalisées en l'espèce, à tous les faits et rapports juridi-
ques ayant pris naissance au cours de leur durée de validité.
L'OTVA avait une disposition similaire à son art. 83 al. 1.
L'AChA s'applique dès lors au présent litige qui porte sur
une créance échue en 1992.

   3.- La recourante se plaint en particulier d'une
violation de l'art. 28 AChA. Elle prétend que la lettre de
l'Administration fédérale des contributions du 30 décembre
1997 envoyée par télécopie et par la poste n'a pas interrompu
la prescription. En effet, la recourante estime, d'une part,
que le courrier interruptif de prescription adressé par télé-
copie et reçu le 30 décembre 1997 est nul, car il ne revêt
pas la forme écrite et que, d'autre part, le moment détermi-
nant concernant l'interruption de la prescription en droit
public est celui de la réception de l'acte interruptif par
l'administré, et non celui de la remise de l'acte à un bureau
de poste. Ayant reçu ladite lettre par la poste le 5 janvier
1998, soit après l'échéance de la prescription, la recourante
considère que celle-ci n'a pas été interrompue en temps utile
pour ce qui concerne l'impôt dû pour 1992.

   a) Est donc seule litigieuse la question de savoir
si la prescription relative à la créance d'IChA due pour la
période fiscale 1992 a été ou non valablement interrompue.

   b) Selon l'art. 28 AChA, l'impôt se prescrit par
cinq ans dès l'expiration de l'année civile durant laquelle
il est échu (art. 24 AChA). La prescription est interrompue
par tout acte tendant au recouvrement de la créance. Lorsque
la prescription est interrompue, un nouveau délai de cinq ans

commence à courir. L'ACha ne prévoit pas de prescription ab-
solue.

   c) La créance dont il est ici question est celle re-
lative à la période fiscale 1992. Conformément à l'art. 28
AChA, la prescription était acquise, sous réserve d'interrup-
tion, le 1er janvier 1998. Or, le 30 décembre 1997, l'Admi-
nistration fédérale des contributions a adressé à la recou-
rante, par télécopie et sous pli ordinaire, la lettre suivan-
te:

    "Mesdames, Messieurs,
     Pour des raisons de surcroît de travail et de con-
     tradictions dans les différentes prises de posi-
     tion, la question de votre assujettissement en tant
     que grossiste au sens de l'article 8, 1er alinéa,
     lettre a en relation avec l'article 9, 1er alinéa,
     lettre b de l'arrêté fédéral instituant un impôt
     sur le chiffre d'affaires (AChA) n'a toujours pas
     pu être tranchée définitivement. Nous nous voyons
     donc contraints d'interrompre par la présente la
     prescription au sens de l'article 28 AChA. Nous
     nous mettrons en contact avec vous au début de
     l'année 1998 afin de discuter la marche à suivre."

   Il est incontesté que la recourante a reçu la télé-
copie le 30 décembre 1997 et le courrier le 5 janvier 1998.

   d) Il convient d'examiner si une télécopie est une
forme valable pour un acte interruptif de prescription rela-
tif à une créance d'impôt.

   Aux termes de l'art. 135 ch. 2 CO, la prescription
est interrompue lorsque le créancier fait valoir ses droits
par des poursuites, par une action ou une exception devant un
tribunal ou des arbitres, par une intervention dans une fail-
lite ou par une citation en conciliation. Le droit public est
plus large que le droit privé dans l'admission des actes in-
terruptifs du créancier et s'écarte ainsi de l'art. 135 CO
(ATF 107 Ib 341 consid. 5c non publié; André Grisel, Traité

de droit administratif, volume II, Neuchâtel, 1984, p. 666;
Max Imboden/René A. Rhinow, Schweizerische Verwaltungsrecht-
sprechung, Band I: Allgemeiner Teil, 6e éd., Bâle, 1986,
p. 204; Attilio R. Gadola, Verjährung und Verwirkung im öf-
fentlichen Recht in: Aktuelle juristische Praxis, 1995,
p. 54; Andrea Braconi, Prescription et péremption dans l'as-
surance sociale in: Droit privé et assurances sociales,
Fribourg, 1989, p. 232). Pour l'autorité, le délai est inter-
rompu dès lors que cette dernière déclare son intention d'ou-
vrir une procédure et par tout acte qu'elle prend pendant
celle-ci (Pierre Moor, Droit administratif, vol. II, 2e éd.,
Berne, 2002, p. 86). En matière fiscale, une lettre de l'Ad-
ministration adressée au contribuable est un acte suffisant
si elle mentionne qu'un état de fait donné est soumis à l'im-
pôt (Archives 57 288 consid. 6, 47 328 consid. 4; Markus
Binder, Die Verjährung im schweizerischen Steuerrecht,
Zurich, 1985, p. 247; Département fédéral des finances, Com-
mentaire de l'Ordonnance régissant la taxe sur la valeur
ajoutée du 22 juin 1994, Berne, 1994, p. 39). Il n'est pas
nécessaire que cet état de fait soit complet et que tous les
faits soient élucidés, ni que le montant de l'impôt réclamé
soit indiqué (Jean-Marc Rivier/Annie Rochat Pauchard, Droit
fiscal suisse, La taxe sur la valeur ajoutée, Fribourg, 2000,
p. 164; Jean-Marc Rivier, Droit fiscal suisse, L'imposition
du revenu et de la fortune, 2e éd., Lausanne, 1998, p. 225).
Il suffit que le contribuable comprenne de quoi il s'agit
(Archives 60 506 consid. 4).

   Dans le domaine fiscal, la jurisprudence a cerné
plus précisément la notion d'actes tendant au recouvrement:
ceux-ci comprennent non seulement les actes de perception de
l'impôt, mais aussi tous les actes officiels tendant à la fi-
xation de la prétention fiscale qui sont portés à la connais-
sance du contribuable. Ces actes incluent, par exemple, l'en-
voi d'un décompte complémentaire (Archives 60 506 consid. 4),
l'envoi d'une formule de déclaration, la sommation pour la

remise de la déclaration ainsi que la notification d'un bor-
dereau provisoire (ATF 126 II 1 consid. 2c et la jurispru-
dence citée; Archives 66 470 consid. 3c/bb). Selon l'ATF 126
II 1, valent également comme actes interruptifs de prescrip-
tion, même si elles ne continuent pas concrètement la procé-
dure de taxation, toutes communications officielles qui an-
noncent simplement une taxation à venir et dont le but est
essentiellement d'interrompre la prescription. Elles font, en
effet, connaître au contribuable la volonté des autorités de
poursuivre leur travail en vue de la concrétisation de la
créance fiscale. En l'occurrence, la télécopie en cause est
une communication officielle, puisqu'elle émane de l'Adminis-
tration fédérale des contributions. De plus, elle mentionne
expressément la volonté de cette dernière de continuer la
procédure.

   e) Cette communication officielle a été transmise à
la recourante par télécopie. Une télécopie ne remplit pas les
conditions de la forme écrite. En effet, l'exigence de la
forme écrite implique celle d'une signature manuscrite (cf.
art. 14 CO). Or, un écrit envoyé par télécopieur ne comporte,
par définition, qu'une copie de la signature de son auteur
(ATF 121 II 252 consid. 4a). Cela dit, en l'occurrence, la
loi n'exige pas la forme écrite puisque l'art. 28 AChA n'im-
pose pas de forme particulière pour l'acte tendant au recou-
vrement qui interrompt la prescription.

   De plus, il ressort des exemples susmentionnés que
le Tribunal fédéral a accepté comme interruptifs de prescrip-
tion des actes tels que la notification de bordereaux, l'en-
voi de formules et la sommation. Or, ces actes non seulement
ne portent pas toujours de signature manuscrite mais ne sont
parfois pas signés du tout. Ils ne répondent donc en principe
pas aux exigences de la forme écrite. Cela signifie que des
actes ne revêtant pas la forme écrite sont admis comme actes
interruptifs de prescription.

   Il résulte de ce qui précède que toute manifestation
suffisamment claire de la volonté de l'administration fiscale
de procéder au recouvrement d'une créance interrompt la pres-
cription même si cette communication ne revêt pas la forme
écrite sous forme d'acte portant une signature manuscrite. Il
faut donc reconnaître à la télécopie en cause l'effet inter-
ruptif de prescription. En conséquence, la prescription rela-
tive à la créance d'IChA pour la période fiscale 1992 a été
valablement interrompue par la télécopie du 30 décembre 1997
de l'Administration fédérale des contributions à la société
recourante et reçue par celle-ci à cette même date. En effet,
le contribuable a ainsi eu connaissance, avant l'échéance du
délai de prescription, de la volonté claire de l'administra-
tion de poursuivre la procédure de taxation.

   Quant aux arguments que la recourante tire de
l'ATF 121 II 252, soit de la nullité du dépôt d'un recours
par télécopie, ils ne sont pas pertinents puisque la loi
exige la forme écrite pour le dépôt d'un tel recours. En ef-
fet, l'art. 30 OJ et l'art. 52 al. 1 PA exigent tous deux que
les recours portent la signature du recourant ou d'un repré-
sentant autorisé, ce qui n'est pas le cas de l'art. 28 AChA,
comme on l'a vu ci-dessus.

   f) Dès lors qu'une communication sous forme de télé-
copie suffit pour interrompre la prescription, la question de
savoir si, en droit public, un acte interruptif de prescrip-
tion est soumis au principe d'expédition ou à celui de la ré-
ception peut être laissée ouverte.

   4.- Mal fondé, le recours doit être rejeté. Succom-
bant, la recourante doit supporter les frais judiciaires
(art. 156 al. 1 OJ). Elle n'a pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

   l e  T r i b u n a l  f é d é r a l  p r o n o n c e :

   1. Le recours est rejeté.

   2. Un émolument judiciaire de 5'000 fr. est mis à la
charge de la recourante.

   3. Le présent arrêt est communiqué en copie au man-
dataire de la recourante, à la Commission fédérale de recours
en matière de contributions et à l'Administration fédérale
des contributions.
                       ______________

Lausanne, le 1er mai 2002
KJE/dxc

            Au nom de la IIe Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,