Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.532/2001
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


2A.532/2001/svc

Arrêt du 6 mars 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président
Betschart, Hungerbühler, Müller et Yersin,
greffier Addy.

J.________, recourant, représenté par Me Mireille Loroch, avocate, avenue
Juste-Olivier 11, case postale 1299, 1001 Lausanne,

contre

Service de la population du canton de Vaud, 1014 Lausanne,
Tribunal administratif du canton de Vaud, avenue Eugène-Rambert 15, 1014
Lausanne.

art. 7 al. 1 LSEE et 8 CEDH: refus d'autorisation de séjour

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Vaud du 31 octobre 2001)
Faits:

A.
J. ________ est originaire de Macédoine où il a suivi toute sa scolarité
ainsi qu'une formation de peintre en bâtiment. Il est entré en Suisse le 27
janvier 1990 afin d'y rejoindre ses parents au titre du regroupement
familial. Mis peu de temps après son arrivée au bénéfice d'un permis B, il a
pu occuper différents emplois auprès de diverses entreprises du canton de
Vaud avant de tomber, en novembre 1992, sous le coup d'une inculpation pour
infraction à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stupéfiants (RS
812.121; ci-après: loi sur les stupéfiants). Il a subi 289 jours de détention
préventive.

Par jugement du 15 septembre 1993, le Tribunal correctionnel du district de
Lausanne (ci-après: le Tribunal correctionnel) a condamné J.________ à une
peine de deux ans et demi de réclusion, ainsi qu'à l'expulsion du territoire
suisse pour une durée de sept ans, notamment pour infraction grave et
complicité d'infraction à la loi sur les stupéfiants, agression et violation
de domicile. Le Tribunal correctionnel a retenu que J.________ avait accepté
avec une facilité remarquable de s'associer à un important trafic de drogues
dures, qu'il avait écoulé sans scrupules de grandes quantités d'héroïne et
qu'il avait prêté son aide sans hésiter à une opération punitive parfaitement
crapuleuse.

La Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois a confirmé le
jugement rendu par le Tribunal correctionnel (arrêt du 5 novembre 1993).

B.
Par décision du 22 novembre 1993, l'Office cantonal vaudois de contrôle des
habitants et de police des étrangers (ci-après: l'Office cantonal) a révoqué
l'autorisation de séjour accordée à J.________ en lui faisant savoir qu'un
délai pour quitter le territoire vaudois lui serait imparti dès qu'il aurait
purgé sa peine de prison.

J. ________ a déféré la décision précitée devant le Tribunal administratif du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal administratif). En cours de procédure,
cette juridiction a été informée que, dans une décision du 25 juillet 1994,
la Commission de libération du canton de Vaud (ci-après: la Commission de
libération) avait libéré conditionnellement J.________ et différé son
expulsion à titre d'essai, en considérant notamment que ses chances de
réinsertion professionnelle apparaissaient meilleures en Suisse que dans son
pays d'origine. En dépit de cette décision de la Commission de libération, le
Tribunal administratif a confirmé la révocation de l'autorisation de séjour
prononcée à l'encontre de J.________, par arrêt du 27 janvier 1995.

Saisi d'un recours contre cet arrêt, le Tribunal fédéral l'a rejeté par arrêt
du 17 juillet 1995.

C.
Le 26 septembre 1995, l'Office fédéral des étrangers a imparti à J.________
un délai échéant le 15 octobre suivant pour quitter le territoire suisse; ce
prononcé était assorti d'une décision d'interdiction d'entrée en Suisse
valable jusqu'au 15 octobre 2005.

Nonobstant cette interdiction, J.________ est régulièrement revenu en Suisse
de manière illégale durant l'année 1996, soit en janvier, puis de mai à
juillet (période durant laquelle il a travaillé pour le compte d'une
entreprise de déménagements), puis encore en septembre. Interpellé à
plusieurs reprises par la police, il est à chaque fois ressorti du pays puis
y est revenu après une courte période passée à l'étranger, parfois même le
jour suivant (cf. notamment procès-verbaux d'audition des 14 mai et 11
juillet 1996 et rapports de police des 10 juin et 27 juillet 1996).

En mai 1997, après avoir été une énième fois arrêté par la police alors qu'il
séjournait illégalement en Suisse, il a déclaré qu'il avait pris la ferme
résolution de se marier et de fonder une famille avec O.________, une
ressortissante helvétique qu'il avait rencontrée en 1994 durant sa période de
libération conditionnelle (cf. procès-verbal d'audition du 9 mai 1997 et
rapport de police du 2 juin 1997). Il a été refoulé vers Skopje par avion le
17 mai 1997 (cf. rapport de refoulement du 20 mai 1997).

D.
Après s'être marié avec O.________ en Macédoine le 23 septembre 1997,
J.________ a immédiatement sollicité une autorisation d'entrée et de séjour
en Suisse qui lui a été refusée par décision du 15 octobre 1998 du Service de
la population et des migrations du canton de Vaud (ancien Office cantonal;
ci-après: le Service de la population). Il a recouru contre cette décision le
5 novembre 1998.

Dans l'intervalle, J.________ a été condamné à une peine d'emprisonnement
d'un mois ferme en raison de ses séjours illégaux en Suisse (jugement du
Tribunal de police du district de Morges du 27 octobre 1997). Il est malgré
tout à nouveau revenu illégalement en Suisse en mars 1998 et a même pris, dès
le mois de mai suivant, un emploi comme peintre en bâtiment. Peu de temps
après, il est devenu le père d'une petite fille, Naïla.

Par arrêt du 10 juin 1999, le Tribunal administratif a rejeté le recours
formé par  J.________ contre la décision du 15 octobre 1998 du Service de la
population, en lui impartissant un délai jusqu'au 31 août 1999 pour quitter
le territoire vaudois. Malgré les délais supplémentaires qui lui ont été
octroyés pour respecter cette injonction judiciaire (cf. notamment lettres du
Service de la population des 24 mai 2000 et 17 mai 2001), J.________ n'a pas
obtempéré, mais est resté dans le canton de Vaud où il s'est installé comme
peintre indépendant. Le Service de la population lui a finalement fixé un
ultime délai au 10 août 2001 pour quitter la Suisse sous la menace des
mesures et des sanctions pénales et administratives prévues à cet effet s'il
ne s'exécutait pas (lettre du 5 juillet 2001).

E.
Le 8 août 2001, J.________ a saisi le Service de la population d'une demande
de reconsidération des décisions rendues par l'ancien Office cantonal des
étrangers les 22 novembre 1993 et 15 octobre 1998. Outre sa bonne intégration
sociale et professionnelle en Suisse, il invoquait l'existence d'éléments
nouveaux depuis les décisions précitées soit, en particulier, la naissance
d'un second enfant, Nead, et la survenance de problèmes psychiques chez son
épouse et sa fille qui seraient liés à ses démêlés avec l'administration et
la justice.

Par décision du 22 août 2001, le Service de la population a rejeté la demande
de reconsidération présentée par J.________ . Sur recours, cette décision a
été confirmée par le Tribunal administratif dans un arrêt du 31 octobre 2001.

F.
J.________ interjette recours de droit administratif contre cet arrêt dont il
requiert l'annulation en concluant, à titre principal, à l'octroi d'une
autorisation de séjour et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal
administratif pour instruction complémentaire et nouvelle décision. A titre
provisionnel, il requiert le bénéfice de l'effet suspensif au sens de l'art.
111 OJ afin qu'il soit "autorisé à séjourner en Suisse jusqu'à droit connu
sur la présente procédure de recours".

Le Service de la population a renoncé à se prononcer sur le fond de
l'affaire, s'en remettant à la détermination du Tribunal administratif qui,
pour sa part, a conclu au rejet du recours. L'Office fédéral des étrangers
conclut également au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 126 II 506 consid. 1 p. 507).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas de droit. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de
séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que
ne puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité, accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 127
II 60 consid. 1a p. 62 s.; 126 I 81 consid. 1a p. 83).

1.1.1 D'après l'art. 7 al. 1 1ère phrase de la loi fédérale du 26 mars 1931
sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20), le conjoint
étranger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la prolongation de
l'autorisation de séjour. Pour juger de la recevabilité du recours de droit
administratif, seule est déterminante la question de savoir si un mariage au
sens formel existe (cf. ATF 126 II 265 consid. 1b p. 266; 124 II 289 consid.
2b p. 291).

Etant marié à une Suissesse, J.________ a en principe droit à une
autorisation de séjour, de sorte que son recours est recevable au regard de
l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ.

1.1.2 Un étranger peut, selon les circonstances, se prévaloir du droit au
respect de sa vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH pour
s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille et obtenir ainsi une
autorisation de séjour. Encore faut-il, pour pouvoir invoquer cette
disposition, que la relation entre l'étranger et une personne de sa famille
ayant le droit de s'établir en Suisse (en principe nationalité suisse ou au
bénéfice d'une autorisation d'établissement) soit étroite et effective (ATF
122 II 1 consid. 1e p. 5).

Le recourant vit avec sa femme et ses enfants de nationalité suisse avec
lesquels il entretient apparemment une relation étroite et effective. Il est
dès lors aussi recevable à recourir au regard de l'art. 8 par. 1 CEDH.

1.2 Au surplus, déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.
Conformément à l'art. 104 lettre a OJ, le recours de droit administratif peut
être formé pour violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du
pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du
droit fédéral qui englobe notamment les droits constitutionnels du citoyen
(ATF 125 II 508 consid. 3a p. 509; 125 III 209 consid. 2 p. 211). Comme il
n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent, il peut admettre le
recours pour d'autres raisons que celles avancées par le recourant ou, au
contraire, confirmer la décision attaquée pour d'autres motifs que ceux
retenus par l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 125 II 497
consid. 1b/aa p. 500 et les arrêts cités).

En revanche, lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits
constatés dans cette décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou
incomplets ou s'ils ont été établis au mépris de règles essentielles de
procédure (art. 105 al. 2 OJ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas
revoir l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas
un tel examen en la matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
Selon la jurisprudence, une autorité est tenue d'entrer en matière sur une
demande de réexamen si les circonstances de fait ont subi, depuis la première
décision, une modification notable, ou si le requérant invoque des faits ou
des moyens de preuve importants qu'il ne connaissait pas lors de la première
décision, ou dont il ne pouvait pas se prévaloir ou n'avait pas de raison de
se prévaloir à cette époque. Si l'autorité estime que les conditions d'un
réexamen de sa décision ne sont pas remplies, elle peut refuser d'entrer en
matière sur la requête de reconsidération. Les demandes de réexamen ne
sauraient, en effet, servir à remettre continuellement en cause des décisions
administratives entrées en force de chose jugée (cf. ATF 120 Ib 42 consid. 2b
p. 46 s. et les références).

En l'espèce, le Tribunal administratif a considéré que la situation du
recourant et de son épouse ne s'était pas notablement modifiée depuis les
décisions de révocation et de refus d'autorisation de séjour prononcées les
22 novembre 1993 et 15 octobre 1998. Du moment toutefois que le Service de la
population est entré en matière sur la demande de reconsidération formée par
le recourant le 8 août 2001 et qu'il l'a rejetée au terme d'une nouvelle
pesée des intérêts en présence, il se justifie, à l'instar des premiers
juges, d'examiner la cause au fond.

4.
4.1Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le droit du conjoint étranger d'un
ressortissant suisse à l'octroi et à la prolongation d'une autorisation de
séjour s'éteint lorsqu'il existe un motif d'expulsion. D'après l'art. 10 al.
1 LSEE, l'étranger peut être expulsé de Suisse ou d'un canton notamment s'il
a été condamné par une autorité judiciaire pour crime ou délit (lettre a) ou
si sa conduite, dans son ensemble, et ses actes permettent de conclure qu'il
ne veut pas s'adapter à l'ordre établi dans le pays qui lui offre
l'hospitalité ou qu'il n'en est pas capable (lettre b).

De même, le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art.
8 par. 1 CEDH n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui. Le refus d'octroyer une
autorisation de séjour au conjoint étranger d'un ressortissant suisse sur la
base de l'art. 10 al. 1 lettres a et b LSEE suppose une pesée des intérêts en
présence tant en vertu de l'art. 7 al. 1 LSEE que de l'art. 8 par. 2 CEDH
(cf. ATF 120 Ib 6 consid. 4a p. 12/13) et l'examen de la proportionnalité de
la mesure (cf. art. 11 al. 3 LSEE; ATF 116 Ib 113 consid. 3c p. 117). Pour
apprécier ce qui est équitable, l'autorité tiendra notamment compte de la
gravité de la faute commise par l'étranger, de la durée de son séjour en
Suisse et du préjudice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de
l'expulsion, respectivement du refus d'accorder ou de prolonger une
autorisation de séjour (cf. art. 16 al. 3 du règlement d'exécution du 1er
mars 1949 de la LSEE - RSEE; RS 142.201).

4.2 Quand le refus d'octroyer, respectivement de prolonger, une autorisation
de séjour se fonde sur la commission d'une infraction, la peine infligée par
le juge pénal est le premier critère lorsqu'il s'agit d'évaluer la gravité de
la faute et de procéder à la pesée des intérêts en présence.

Pour procéder à cette pesée des intérêts en présence, l'autorité de police
des étrangers s'inspire de considérations différentes de celles qui guident
l'autorité pénale. Ainsi, la décision du juge pénal d'ordonner ou non
l'expulsion d'un condamné étranger en application de l'art. 55 CP, ou de
l'ordonner en l'assortissant d'un sursis, respectivement la décision que
prend l'autorité compétente de suspendre l'exécution de cette peine
accessoire, est dictée, au premier chef, par des considérations tirées des
perspectives de réinsertion sociale de l'intéressé; pour l'autorité de police
des étrangers, c'est en revanche la préoccupation de l'ordre et de la
sécurité publics qui est prépondérante. Il en découle que l'appréciation
faite par l'autorité de police des étrangers peut avoir pour l'intéressé des
conséquences plus rigoureuses que celle de l'autorité pénale (ATF 120 Ib 129
consid. 5b p. 132 et la jurisprudence citée).

Selon la jurisprudence applicable au conjoint étranger d'un ressortissant
suisse, une condamnation à deux ans de privation de liberté constitue la
limite à partir de laquelle, en général, il y a lieu de refuser
l'autorisation de séjour quand il s'agit d'une demande d'autorisation
initiale ou d'une requête de prolongation d'autorisation déposée après un
séjour de courte durée (ATF 120 Ib 6 consid. 4b p. 14 se référant à l'arrêt
Reneja, ATF 110 Ib 201). Ce principe vaut même lorsqu'on ne peut pas - ou
difficilement - exiger de l'épouse suisse de l'étranger qu'elle quitte la
Suisse, ce qui empêche de fait les conjoints de vivre ensemble d'une manière
ininterrompue. En effet, lorsque l'étranger a gravement violé l'ordre
juridique en vigueur et qu'il a ainsi été condamné à une peine d'au moins
deux ans de détention, l'intérêt public à son éloignement l'emporte
normalement sur son intérêt privé - et celui de sa famille - à pouvoir rester
en Suisse.

5.
En l'espèce, le recourant a été condamné en 1993 à deux ans et demi de
réclusion pour des crimes qui ont été commis entre janvier et novembre 1992,
soit moins de deux ans après qu'il était entré en Suisse. Il convient dès
lors d'examiner si, sur la base des intérêts en présence et compte tenu du
principe de la proportionnalité, la commission de ces infractions - qui
constituent un motif d'expulsion au sens de l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE -
est de nature à justifier le refus d'autorisation de séjour opposé au
recourant.

5.1 Comme la Cour de céans a déjà eu l'occasion de le dire au recourant dans
son arrêt du 17 juillet 1995, les crimes qui sont à l'origine de sa
condamnation pénale prononcée en 1993, en particulier les infractions à la
loi sur les stupéfiants, constituent une atteinte grave à l'ordre et à la
sécurité publics. Par ailleurs, les circonstances dans lesquelles ces crimes
avaient été commis dénotaient de la part de l'intéressé une absence
particulière de scrupules, celui-ci ayant été mû par un pur esprit de lucre
et ayant accepté de participer à une expédition punitive qualifiée de
"parfaitement crapuleuse" par le Tribunal correctionnel.

La faute du recourant apparaît donc objectivement et subjectivement lourde et
de nature à justifier la mesure d'éloignement prise à son encontre, étant
rappelé qu'il y a lieu de se montrer particulièrement rigoureux à l'égard des
personnes ayant commis des crimes ou des délits graves en matière de trafic
de drogue. Cette sévérité est du reste partagée par la Cour européenne des
droits de l'homme (cf. ATF 125 II 521 consid. 4a p. 527; Alain Wurzburger, La
jurisprudence récente du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers,
in: RDAF 1997 I p. 267 ss, 308).

5.2 Certes, le recourant objecte qu'il était très jeune lorsqu'il a commis
les faits qui lui sont reprochés et que ceux-ci appartiennent désormais à un
passé révolu, en ce sens que son comportement depuis sa condamnation
témoignerait de son amendement et du développement positif de sa
personnalité, ainsi que, plus largement, de sa bonne intégration sociale et
professionnelle en Suisse. Il en veut pour preuve le fait qu'il ait fondé une
famille et qu'il ait réussi à créer une entreprise qui lui permet de subvenir
financièrement à ses besoins et à ceux de sa famille.

Le recourant ne peut toutefois pas tirer avantage de son jeune âge au moment
des faits incriminés, car cette circonstance atténuante a déjà été prise en
compte par le Tribunal correctionnel dans la fixation de la peine (cf.
jugement du 15 septembre 1993, p. 10). Or, du moment que celle-ci est, comme
on l'a vu (supra consid. 4.2), le premier critère d'appréciation pour évaluer
la gravité de la faute et peser les intérêts en présence, on ne saurait, sauf
à prendre deux fois en considération le même critère, relativiser les actes
du recourant en raison de son jeune âge au moment de leur commission.

Quant aux circonstances postérieures à la condamnation pénale, elles ne
plaident pas davantage en faveur du recourant, contrairement à ce qu'il
soutient. En effet, sa présence quasi ininterrompue en Suisse depuis le mois
de janvier 1996 malgré la révocation de son autorisation de séjour (décision
du 22 novembre 1993) et une interdiction d'entrée en Suisse valable jusqu'au
15 octobre 2005 (décision du 26 septembre 1995), et malgré également un
nouveau refus d'autorisation de séjour (décision du 15 octobre 1998),
témoigne au contraire d'une conduite et d'un comportement qui permettent de
conclure que l'intéressé ne veut ou ne peut tout simplement pas s'adapter à
l'ordre établi dans le pays d'accueil au sens de l'art. 10 al. 1 lettre b
LSEE. Il a du reste été condamné à une peine ferme d'emprisonnement d'un mois
à raison de son obstination à entrer et à séjourner illégalement en Suisse,
de sorte que son comportement tombe également sous le coup de l'art. 10 al. 1
lettre a LSEE, ce qui est un motif aggravant.

5.3 Le recourant cherche encore à justifier sa conduite en faisant valoir que
les "décisions administratives" lui révoquant puis lui refusant le droit de
séjourner en Suisse l'auraient en quelque sorte injustement placé devant un
"véritable dilemme", en ce sens que pour les respecter, il aurait été
contraint d'abandonner son épouse et ses deux enfants.

En premier lieu, il s'impose de relever que les décisions incriminées ont
toutes deux été confirmées par des instances judiciaires (à savoir le
Tribunal fédéral et le Tribunal administratif, respectivement le 17 juillet
1995 et le 10 juin 1999), de sorte que ce ne sont pas de simples "décisions
administratives", comme voudrait le faire croire le recourant - et
d'ailleurs, l'auraient-elles été, elles n'en devaient pas moins être
respectées -, mais de véritables décisions de justice rendues à la suite d'un
examen approfondi de l'ensemble de la situation, y compris de la plupart des
motifs invoqués dans le cadre de la présente procédure.

En deuxième lieu, s'il est exact qu'une personne de nationalité étrangère
peut, sans abus de droit, se prévaloir du mariage avec un ressortissant
suisse pour demander une autorisation de séjour, il n'en demeure pas moins
qu'il est tenu de quitter le pays en cas de refus de l'autorité et qu'il ne
peut y revenir aussi longtemps qu'il est, à l'instar du recourant, frappé
d'une interdiction d'entrée. A cela s'ajoute que ce n'est qu'en septembre
1997 que ce dernier s'est marié avec une Suissesse, de sorte que sa présence
en Suisse durant toute l'année 1996 et une bonne partie de l'année 1997 était
non seulement illégale, mais encore guère excusable puisqu'elle n'était en
aucun cas susceptible d'être régularisée à brève échéance.

En troisième lieu, il faut noter que le dilemme face auquel le recourant
prétend s'être trouvé confronté ne tire pas son origine, comme il s'emploie à
le démontrer, dans les décisions administratives et judiciaires qu'il met en
cause, mais résulte au contraire de ses propres choix: il savait en effet
pertinemment qu'il était sous le coup d'une interdiction d'entrée en Suisse
lorsqu'il a décidé, d'entente avec sa future épouse, de fonder une famille et
d'avoir des enfants; en outre, il n'ignorait pas non plus qu'une telle mesure
était de nature, vu ses antécédents judiciaires, à faire obstacle à
l'établissement du couple en Suisse après le mariage.

5.4 C'est également en vain que le recourant cherche à tirer argument de la
jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme dans la cause
Boultif (JAAC 65/2001 n° 138, p. 1392), car ce cas diffère sur des points
essentiels de la présente espèce.

En particulier, Boultif avait été condamné à deux ans de réclusion pour
brigandage, sans qu'une mesure d'expulsion ne fût - contrairement au
recourant - prononcée à son encontre; certes la Commission de libération a
finalement, dans le cas du recourant, suspendu cette mesure à titre d'essai,
mais pour des motifs (meilleures chances de réinsertion professionnelle en
Suisse) qui n'entrent pas en ligne de compte en matière de police des
étrangers où prévalent avant tout des considérations liées à l'ordre et à la
sécurité publics (cf. supra consid. 4.2). Par ailleurs, si Boultif avait
épousé une Suissesse, son mariage était antérieur à la commission des actes
ayant conduit à sa condamnation; or, c'est là une différence considérable
avec le cas du recourant quand il s'agit d'examiner si l'on peut
raisonnablement exiger de l'épouse de celui-ci qu'elle aille vivre avec lui
en Macédoine. En outre, le mariage de Boultif avait déjà duré plus de cinq
ans lorsqu'est intervenue la décision lui refusant le renouvellement de son
autorisation de séjour, alors que le recourant n'était, lors de la révocation
de son autorisation de séjour en 1993, pas encore marié; bien plus, sa
relation avec sa future épouse - qu'il aurait rencontrée en 1994 - ne
revêtait semble-t-il pas encore une grande importance en 1995 puisqu'il n'en
a même pas fait état dans le recours qu'il avait interjeté le 28 février 1995
au Tribunal fédéral, se contentant alors d'invoquer les liens qui
l'unissaient à ses parents établis en Suisse. Enfin, le comportement adopté
par Boultif après sa condamnation a été jugé exempt de reproches par la Cour
européenne des droits de l'homme, celui-ci n'ayant pas cherché, comme le
recourant, à séjourner illégalement en Suisse après le prononcé de son
interdiction d'entrée.

6.
6.1Au vu de l'ensemble des circonstances, singulièrement de la gravité
objective et subjective des actes commis par le recourant en 1992 et de son
comportement postérieurement à ces actes (insoumission aux décisions de
l'autorité, nouvelle condamnation pénale), il apparaît que, tout bien pesé,
l'intérêt public à ne pas lui accorder l'autorisation de séjour sollicitée
l'emporte sur son intérêt privé à demeurer en Suisse, où la plupart des
années qu'il a passées l'ont d'ailleurs été dans l'illégalité et ne sont donc
pas décisives dans l'appréciation de son cas (cf. arrêt du Tribunal fédéral
R. du 2 octobre 2000 consid. 2b [2A.257/2000]). Par ailleurs, le recourant a
vécu en Macédoine jusqu'à l'âge de dix-sept ans, soit toute son enfance et
une bonne partie de son adolescence, de sorte qu'un retour dans son pays où
vivent encore certains de ses frères ne représente pas un obstacle
insurmontable pour lui.

Il est vrai que les répercussions d'une telle mesure d'éloignement sont
certainement pénibles pour la famille du recourant, en particulier pour
l'épouse. En effet, on peut difficilement exiger d'elle qu'elle suive son
mari en Macédoine, vu notamment son état de santé psychique fragile et les
difficultés pratiques d'une intégration dans un pays dont la langue et les
coutumes lui sont étrangères. On ne saurait toutefois accorder un poids
décisif à la situation personnelle de l'épouse qui, comme rappelé au
considérant précédent, n'ignorait rien de ces risques et de ces difficultés
lorsqu'elle s'est mariée (cf. ATF 116 Ib 353 consid. 3e-f p. 358 ss). Quant
aux deux enfants, âgés respectivement de trois ans et demi et deux ans, ils
seraient encore suffisamment jeunes pour pouvoir s'intégrer avec une relative
facilité dans un nouveau pays d'accueil.

6.2 Au demeurant, s'il fallait suivre l'argumentation du recourant, cela
reviendrait, en fin de compte, à cautionner la politique dite du fait
accompli. Tout le temps que l'intéressé a consacré pour se construire en
Suisse la vie sociale et familiale qui est la sienne aujourd'hui résulte en
effet de son seul entêtement à méconnaître les nombreuses décisions
administratives et judiciaires prononcées à son encontre, qui toutes lui
intimaient l'ordre de quitter le territoire helvétique.

7.
Il suit de ce qui précède que le recours est mal fondé.

Succombant, le recourant supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1,
153 et 153a OJ) et n'a pas droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Avec ce prononcé, la requête d'effet suspensif devient sans objet.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie à la mandataire du recourant, au
Service de la population et au Tribunal administratif du canton de Vaud,
ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 6 mars 2002

ADD/svc
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: