Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.474/2001
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2A.474/2001 /viz

Arrêt du 15 février 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Merkli, Berthoud, juge suppléant,
greffière Rochat.

A. ________, recourant, représenté par Me Bruno Kaufmann, avocat, rue de
Lausanne 18, case postale 84, 1702 Fribourg,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation

(recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 25 septembre 2001)
Faits:

Entré en Suisse le 23 août 1998, A.________, de nationalité péruvienne, a été
mis au bénéfice d'une autorisation de séjour de courte durée dans le canton
de Fribourg pour fréquenter le cours d'introduction aux études universitaires
en Suisse.

Le 26 janvier 1999, il a sollicité l'octroi d'une autorisation de séjour pour
regroupement familial afin de pouvoir s'occuper de son fils B.________, né le
30 juin 1998, qu'il avait reconnu le 26 juin 1998. Il a exposé qu'il ne
vivait pas avec la mère de l'enfant, qu'un mariage n'était pas prévu et qu'il
souhaitait désormais exercer une activité lucrative pour remplir ses
obligations parentales. Il s'est engagé le 15 septembre 1998 à verser une
contribution mensuelle d'entretien en faveur de son fils.

Par décision du 19 novembre 1999, le juge de paix de Rechthalten (FR) a
ordonné des visites accompagnées permettant à A.________ d'exercer son droit
de visite à l'égard de son fils au Point Rencontre, à Fribourg.

Le 27 janvier 2000, le Service de la police des étrangers du canton de
Fribourg a proposé à l'Office fédéral des étrangers de mettre l'intéressé au
bénéfice d'une autorisation annuelle de séjour sur la base de l'art. 13
lettre f de l'ordonnance du Conseil fédéral du 6 octobre 1986 limitant le
nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).

Par décision du 22 février 2000, l'Office fédéral a cependant refusé
d'exempter A.________ des mesures de limitation.

B.
Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Département fédéral de justice et
police l'a rejeté, par décision du 25 septembre 2001. Il a notamment retenu
que l'art. 8 CEDH n'avait pas de portée propre dans le contexte de l'art. 13
lettre f OLE et que l'application des critères découlant de cette disposition
conventionnelle ne permettait pas de conclure à l'existence d'un cas
d'extrême gravité.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ demande au
Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler la décision du
Département fédéral du 25 septembre 2001 et de le mettre au bénéfice d'une
exception aux mesures de limitation. Il présente aussi une demande
d'assistance judiciaire.
Le Département fédéral conclut au rejet du recours.
Sans y avoir été invité, A.________ a produit cinq pièces le 15 janvier 2002
et a requis un deuxième échange d'écritures.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le recourant a requis un nouvel échange d'écritures. Toutefois, selon l'art.
110 al. 4 OJ, un échange ultérieur d'écritures n'a lieu
qu'exceptionnellement, notamment lorsque l'autorité intimée fait valoir dans
sa réponse au recours des éléments nouveaux sur lesquels le recourant n'a pu
se déterminer précédemment (Fritz Gygi, Bundesverwaltungsrechtspflege, 2e
éd., Berne 1983, p. 194; ATF 116 II 605, consid. 2 non publié). Cette
condition n'est pas réalisée en l'espèce, de sorte que la requête doit être
rejetée.

2.
La voie du recours de droit administratif est, en principe, ouverte contre
les décisions relatives à l'assujettissement aux mesures de limitation
prévues par l'ordonnance limitant le nombre des étrangers (ATF 122 II 403
consid. 1 p. 404/405; 119 Ib 33 consid. 1a p. 35).

Déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi, le présent
recours est donc recevable en vertu des art. 97ss OJ.

3.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus de pouvoir
d'appréciation (lettre a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents (lettre b).

L'autorité intimée étant une autorité administrative, le Tribunal fédéral
peut revoir d'office les constatations de fait (art. 105 OJ). En outre, en
matière de police des étrangers, pour autant que la décision attaquée émane
d'une telle autorité, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements sur
l'état de fait et de droit existant au moment de la décision de dernière
instance, soit de sa propre décision (art. 104 lettre b et 105 al. 1 OJ; ATF
121 II 97 consid. 1c p. 99; 120 Ib 257 consid. 1 f p. 262/263). Dans ces
conditions, rien ne s'oppose à la prise en considération de documents
produits avant l'expiration du délai de recours (ATF 115 II 213 consid. 2 p.
215/216; 113 Ib 327 consid. 2b p. 331 et les arrêts cités). En revanche, il
ne sera pas tenu compte des pièces nouvelles que le recourant a produites
spontanément le 15 janvier 2002, en dehors du délai de recours, sans qu'un
second échange d'écritures n'ait été ordonné (ATF 109 Ib 246 consid. 3c p.
249; 99 Ib 87 consid. 1 p. 89).

3.1Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation "les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel
d'extrême gravité ou en raison de politique générale". Cette disposition a
pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe,
seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le Conseil fédéral, mais
pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport aux
circonstances particulières de leur cas ou pas souhaitable du point de vue
politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions mises à
la reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées
restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et
d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers,
doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de
soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour
lui de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel
d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et
professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité; il
faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on
ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son
pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de
voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne constituent
normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une
exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers (ATF 124 II 110
consid. 2 p. 111ss et les références).

3.2 Dans le cas particulier, le recourant est entré en Suisse le 23 août
1998. Au début de l'année 1999, il a renoncé à poursuivre les études pour
lesquelles il avait été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour
temporaire. Depuis lors, il réside provisoirement dans le canton de Fribourg
dans l'attente de l'exemption des mesures de limitation requise. Il n'a pas
exercé d'activité lucrative régulière. Compte tenu de la brièveté de son
séjour, le recourant n'a pas pu établir de liens étroits en Suisse. C'est au
contraire avec son pays d'origine, où il a vécu pendant plus de 24 ans, que
le recourant conserve les attaches les plus fortes.

En outre, le traitement médical entrepris auprès du Centre psychosocial de
Fribourg, lié aux difficultés psychologiques consécutives à son statut
incertain et à la crainte d'être séparé de son fils, ne justifie pas une
exception aux mesures de limitation. Les troubles invoqués frappent en effet
beaucoup d'étrangers confrontés à l'imminence d'un départ ou d'une séparation
et le recourant n'est pas plus marqué que les autres étrangers soumis au même
régime. L'état de santé du recourant ne saurait être constitutif d'un cas
personnel d'extrême gravité.

La seule attache du recourant en Suisse étant la présence de son fils, il y a
lieu d'examiner si les relations que le recourant entretient avec lui
justifient de faire application de l'art. 13 lettre f OLE.

4.
Le recourant invoque à cet égard l'art. 8 CEDH et la Convention relative aux
droits de l'enfant du 20 novembre 1989 (RS 0.107).

4.1 Les art. 9 (séparation de l'enfant de ses parents) et 10 (réunification
familiale et relations personnelles entre parents et enfants) de la
Convention relative aux droits de l'enfant, dispositions topiques en
l'espèce, ne confèrent aucun droit à un enfant ou à ses parents de séjourner
en Suisse au titre du regroupement familial (ATF 124 II 361 consid. 3b p.
367). Un tel droit ne saurait, a fortiori, découler des art. 7 et 8 invoqués
par le recourant, qui ont trait principalement au droit au nom et à la
nationalité (art. 7), ainsi qu'au maintien de son identité (art. 8).

4.2 Le recourant est le père d'un enfant de nationalité suisse qui réside en
Suisse. Toutefois, même s'il pouvait se prévaloir d'un droit au respect de la
vie privée et familiale garanti par l'art. 8 par. 1 CEDH, il n'en résulterait
pas nécessairement qu'il soit soustrait aux mesures de limitation en vertu de
l'art. 13 lettre f OLE. Inversement, l'art. 8 CEDH ne peut être directement
violé dans la procédure relative à l'assujettissement aux mesures de
limitation, puisque la décision qui est prise ne porte pas sur le droit de
séjourner en Suisse. En revanche, les critères découlant de l'art. 8 CEDH
peuvent être pris en considération pour examiner si l'on est en présence d'un
cas personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE, dans la
mesure où des motifs d'ordre familial seraient liés à cette situation (arrêts
2A.145/2001 du 7 mai 2001 en la cause L. consid. 2c et 2A.354/1998 du 4
décembre 1998 en la cause R. consid. 3c, non publiés).

4.3 Le droit au respect de la vie privée et familiale garanti par l'art. 8
par. 1 CEDH n'est pas absolu. Une ingérence dans l'exercice de ce droit est
possible selon l'art. 8 par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit
prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique,
au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention
des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection des droits et libertés d'autrui. La question de savoir si, dans un
cas d'espèce, les autorités de police des étrangers sont tenues d'accorder
une autorisation de séjour fondée sur l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la
base d'une pesée de tous les intérêts publics et privés en présence (ATF 122
II 1 consid. 2 p. 5/6; 120 Ib 22 consid. 4a p. 25). Il faut qu'il existe des
liens familiaux vraiment forts dans les domaines affectif et économique pour
que l'intérêt public à une politique restrictive en matière de séjour des
étrangers et d'immigration passe au second plan (ATF 120 Ib 1 consid. 3c p.
5).

En ce qui concerne l'intérêt privé à l'octroi d'une autorisation de séjour,
il faut constater qu'un droit de visite peut en principe être exercé même si
le parent intéressé vit à l'étranger, au besoin en aménageant les modalités
de ce droit pour ce qui touche à sa fréquence et à sa durée. A la différence
de ce qui se passe en cas de vie commune, il n'est pas indispensable que le
parent au bénéfice d'un droit de visite et l'enfant vivent dans le même pays.
Il faut prendre en considération l'intensité de la relation entre le parent
et l'enfant, ainsi que la distance qui séparerait l'étranger de la Suisse au
cas où l'autorisation de séjour lui serait refusée (ATF 120 Ib 22 consid. 4a
p. 25).

4.4 Dans le cas particulier, la relation entre le recourant et son fils est
ténue. Non seulement le recourant n'exerce pas l'autorité parentale ni le
droit de garde à l'égard de son enfant, mais le droit de visite dont il
bénéficie est restreint. Il ne voit son fils que deux fois par mois, pendant
une heure et demie. De plus, ses visites sont organisées sous l'égide du
Point Rencontre, en dehors du domicile du recourant. L'autorité compétente a
donc estimé qu'en l'état, ce dernier ne pouvait pas exercer un droit de
visite autonome.

En outre, le recourant n'a contribué qu'irrégulièrement à l'entretien de son
fils, malgré l'engagement écrit qu'il a souscrit. Il fait certes valoir qu'il
a rencontré certaines difficultés à trouver du travail compte tenu de son
statut précaire en matière de police des étrangers. Il a cependant été
autorisé, le 23 juin 2000, à travailler en qualité d'aide paysagiste auprès
d'une entreprise de jardinage du canton de Fribourg, mais il a demandé à
changer d'emploi le 17 novembre 2000, pour exercer une activité lucrative
dans le canton de Berne, requête qui a été rejetée par les autorités
cantonales bernoises. La précarité du statut du recourant ne constitue donc
pas la seule explication à son inactivité.

Un départ du recourant pour son pays d'origine compliquerait assurément
l'exercice de son droit de visite à l'égard de son enfant. Il pourrait
cependant être aménagé de manière à tenir compte de la distance géographique
et de sa compatibilité avec les séjours touristiques autorisés par la loi. La
relation père-fils pourrait être définie sur un mode différent du régime
minimum actuellement en vigueur et pourrait, en fin de compte, s'avérer plus
constructive et plus satisfaisante pour le recourant.
Dans ces circonstances, l'autorité intimée n'a pas violé le droit fédéral en
retenant que la brièveté du séjour du recourant en Suisse, son absence
d'intégration socio-professionnelle et l'intensité de la relation qu'il
entretient avec son fils ne permettaient pas de retenir l'existence d'un cas
personnel d'extrême gravité au sens de l'art. 13 lettre f OLE.

5.
ll résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Comme il
n'était cependant pas d'emblée dépourvu de toute chance de succès et qu'il
résulte du dossier que le recourant est sans ressources financières, la
demande d'assistance judiciaire peut être admise. Il y a lieu en conséquence
de statuer sans frais et de nommer Me Bruno Kaufmann en qualité de conseil
d'office du recourant pour la présente procédure, à charge pour la Caisse du
Tribunal fédéral de lui allouer une indemnité de conseil d'office (art. 152
al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
La demande d'assistance judiciaire est admise.

3.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4.
Me Bruno Kaufmann, avocat à Fribourg, est désigné comme avocat d'office du
recourant et la Caisse du Tribunal fédéral lui versera une indemnité de 1'500
fr. à titre d'honoraires.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant et au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 15 février 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: La greffière: