Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.448/2001
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2A.448/2001/svc

Arrêt du 25 avril 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler, Müller, Yersin, Merkli,
greffier Addy.

U. ________, et ses enfants W.________, N.________ et G.________, recourants,
tous représentés par Me Nicolas Jeandin, avocat, Etude Fontanet Jeandin &
Hornung, rue du Rhône 84, case postale 3200, 1211 Genève 3,

contre

Département fédéral de justice et police, 3003 Berne.

exception aux mesures de limitation (art. 13 lettre f OLE)

(recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
justice et police du 5 septembre 2001)
Faits:

A.
Ressortissante rwandaise née en 1966, U.________ a quitté son pays d'origine
le 21 mars 1997 en compagnie de ses trois enfants W.________, N.________ et
G.________, nés respectivement en 1988, 1989 et 1992. Entrée en Suisse le 11
avril 1997, elle y a aussitôt déposé une requête d'asile pour elle-même et
ses  enfants.

Par décision du 4 novembre 1997, l'Office fédéral des réfugiés a rejeté cette
requête et ordonné le renvoi des requérants hors du territoire suisse, en
même temps qu'il prononçait cependant leur admission provisoire, en
considérant que l'exécution d'un tel renvoi n'était pas raisonnablement
exigible dans l'immédiat.

B.
A la suite d'une demande de U.________ visant à obtenir la transformation de
son admission provisoire en autorisation de séjour ordinaire, les autorités
genevoises de police des étrangers ont transmis son dossier à l'Office
fédéral des étrangers en proposant de mettre l'intéressée, ainsi que ses
enfants, au bénéfice de l'art. 13 lettre f de l'ordonnance du 6 octobre 1986
limitant le nombre des étrangers (OLE; RS 823.21).

Par décision du 15 juin 2000, l'Office fédéral des étrangers a refusé
d'exempter U.________ et ses enfants du nombre maximum des étrangers.
Statuant sur recours le 5 septembre 2001, le Département fédéral de justice
et police (ci-après: le Département) a confirmé cette décision.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, U.________ et ses
trois enfants demandent au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens,
d'annuler la décision rendue le 5 septembre 2001 par le Département et de les
mettre au bénéfice d'une exception aux mesures de limitation fondée sur
l'art. 13 lettre f OLE.

Le Département conclut au rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Entrée en vigueur le 1er octobre 1999, la loi sur l'asile du 26 juin 1998
(ci-après: la nouvelle loi sur l'asile ou LAsi; RS 142.31) a abrogé la loi du
même nom du 5 octobre 1979 (ci-après: l'ancienne loi sur l'asile ou aLAsi).
Les questions de droit transitoire sont réglées à l'art. 121 LAsi.

1.1 Compte tenu de la décision de refus, assortie d'une décision d'admission
provisoire, qui a été rendue par l'Office fédéral des réfugiés le 4 novembre
1997, la procédure d'asile concernant les recourants n'était, au moment de
l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'asile, pas pendante au sens de
l'art. 121 al.1 à 3 LAsi. Les problèmes de droit transitoire visés par les
alinéas 1, 2 et 3 de l'art. 121 LAsi ne se posent donc pas.

1.2 Par ailleurs, comme les recourants ont bénéficié d'une admission
provisoire individuelle, et non de groupe au sens de l'art. 14a al. 5 de la
loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(ci-après: loi sur le séjour des étrangers ou LSEE; RS 142.20) - disposition
abrogée par le chiffre 1 de l'annexe à la nouvelle loi sur l'asile -, ils ne
sont pas soumis aux dispositions du chapitre 4 de la loi sur l'asile traitant
de l'octroi de la protection provisoire et du statut des personnes à protéger
(cf. art. 121 al. 4 LAsi a contrario). Leur statut reste donc régi par les
dispositions de la loi sur le séjour des étrangers relatives à l'admission
provisoire soit, en particulier, les art. 14a ss LSEE (cf. art. 18 al. 1
aLAsi; art. 44 al. 2 LAsi). Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne reconnaît
pas aux personnes admises provisoirement un droit à une autorisation de
séjour selon l'art. 100 al. 1 lettre b OJ (ATF 126 II 335 ss), mais il admet
que celles-ci ont un intérêt digne de protection, au sens de l'art. 103
lettre a OJ, à pouvoir demander d'être exemptées des mesures de limitation
sur la base de l'art. 13 lettre f OLE, afin de ne plus être menacées de
renvoi, dans l'hypothèse où leur admission provisoire prendrait fin (voir
arrêts non publiés B. du 23 août [2A.290/2001] et K. du 2 avril 2001
[2A.29/2001]).

2.
2.1Comme l'a rappelé le Conseil fédéral dans son message du 4 décembre 1995
concernant la révision totale de la loi sur l'asile ainsi que la modification
de la loi fédérale sur le séjour et l'établissement des étrangers (FF 1996 II
1, p. 48 ad art. 14 du projet), la nouvelle loi sur l'asile a repris, à
l'art. 14 LAsi, le principe de l'exclusivité de la procédure qui était
inscrit à l'art. 12f aLAsi.

Selon ce principe, les personnes ayant déposé une demande d'asile ne peuvent
plus entamer de procédure visant à l'octroi d'une autorisation de séjour par
la police des étrangers, à moins de pouvoir faire valoir un droit à une telle
autorisation, le but poursuivi étant de séparer clairement les deux
procédures en vue d'accélérer le traitement des demandes d'asile. Afin de
tenir compte des cas de détresse personnelle grave, les cantons pouvaient
toutefois, sous l'empire de l'ancienne loi sur l'asile, recourir à la
procédure prévue à l'art. 17 al. 2 aLAsi et déroger au principe de
l'exclusivité de la procédure en délivrant, sous réserve de l'approbation de
l'Office fédéral des étrangers, des autorisations de séjour aux requérants
d'asile qui leur étaient attribués, lorsque le dépôt de leur demande
remontait à plus de quatre ans et que la procédure d'asile n'était ni close
ni entrée en force; les cantons ont souvent utilisé cette possibilité pour
octroyer des
autorisations de séjour dites humanitaires en application de l'art. 13 lettre
f OLE (cf. message précité du Conseil fédéral,  p. 61 ad art. 41 al. 3 du
projet).

Lors de la procédure de consultation ayant précédé la nouvelle loi sur
l'asile, certains cantons ont souhaité que, même en présence d'une décision
de renvoi entrée en force, la possibilité de déposer une demande
d'autorisation de séjour puisse subsister jusqu'à l'expiration du délai
imparti pour quitter la Suisse, car ce n'est, dans la plupart des cas, que
quelques jours avant le départ que des interventions ou des oppositions sont
déposées auprès des autorités cantonales chargées de l'exécution du renvoi.
Afin de répondre à ce souhait et de corriger certains problèmes soulevés par
l'ancienne loi sur l'asile, en particulier le fait qu'elle entraînait une
certaine inégalité de traitement entre les requérants selon leur lieu de
séjour, certains cantons se montrant plus enclins que d'autres à faire usage
de l'art. 17 al. 2 aLAsi, le législateur a quelque peu modifié, lors de la
révision totale de la loi en 1998, la réglementation applicable aux cas de
détresse personnelle grave. Ainsi, en vertu de  l'art. 44 al. 3 LAsi,
l'Office fédéral des réfugiés est désormais tenu d'examiner d'office, lors de
l'exécution du renvoi, non seulement si celui-ci est licite, exigible et
possible (cf. art. 44 al. 2 LAsi), comme le prévoyait déjà l'ancien droit
(cf. art. 18 al. 1 aLAsi), mais encore, pour autant que quatre ans se sont
écoulés depuis le dépôt de la demande, si la personne concernée par le renvoi
ne se trouve pas dans un cas de détresse personnelle grave (cf. message
précité du Conseil fédéral, p. 62).

Cette nouvelle réglementation vise également à coordonner les procédures et à
en accélérer le traitement en confiant aux seules autorités compétentes en
matière d'asile le soin de statuer sur les cas graves de détresse
personnelle, et non plus aux cantons et à l'Office fédéral des étrangers,
comme le prévoyait auparavant l'art. 17 al. 2 aLAsi. En comparaison avec
l'ancien droit, cela signifie, selon les termes du Conseil fédéral, "qu'à
partir du moment où une demande d'asile a été déposée, (les cantons) ne
pourront plus délivrer d'autorisation de séjour de la police des étrangers -
quelle que soit sa nature -, sauf s'il existe un droit à une telle
autorisation. Il est notamment exclu qu'ils puissent attribuer des
autorisations qui devraient être imputées sur les quotas" (message précité du
Conseil fédéral, p. 63).

2.2 Au vu de ce qui précède, en particulier des termes - précités - utilisés
par le Conseil fédéral à la p. 63 de son message, l'on est en droit de se
demander si la révision totale de la loi sur l'asile laisse encore quelque
compétence aux cantons et à l'Office fédéral des étrangers pour délivrer,
après qu'une demande d'asile a été introduite, des autorisations de séjour de
la police des étrangers sur la base de l'art. 13 lettre f OLE. La réponse à
cette question doit être nuancée, car elle dépend de l'état d'avancement et
de l'issue de la procédure d'asile, et notamment, en cas de rejet de la
demande, du point de savoir si le renvoi du requérant est possible ou si une
mesure de remplacement doit être ordonnée.

2.2.1  Dès le dépôt de sa demande d'asile et jusqu'au moment où il quitte la
Suisse après la clôture définitive de la procédure d'asile, le requérant ne
peut plus, à moins qu'il n'y ait droit, ni engager (cf. art. 14 al. 1 LAsi in
initio) ni poursuivre (art. 14 al. 2 LAsi) une procédure visant à l'octroi
d'une autorisation de la police des étrangers, conformément au principe de
l'exclusivité de la procédure. L'entrée en matière sur une demande
d'autorisation de séjour fondée sur l'art. 13 lettre f OLE est donc exclue
durant toute la phase d'instruction de la procédure d'asile, et cela quelle
qu'en soit sa durée. C'est là une différence notable par rapport à l'ancienne
loi sur l'asile qui permettait, comme on l'a vu, d'entamer une procédure
visant à l'octroi d'une autorisation de séjour de la police des étrangers
lorsque le dépôt de la demande d'asile remontait à plus de quatre ans (cf.
art. 17 al. 2 en relation avec l'art. 12f al. 1 aLAsi). De ce point de vue,
la nouvelle loi sur l'asile tend à renforcer le principe de l'exclusivité de
la procédure (cf. Andreas Zünd, Schwerwiegende persönliche Notlage und
fremdenpolizeilicher Härtefall in verfahrensrechtlicher Hinsicht, in: Asyl
2000, p. 11).

2.2.2 Au terme de l'instruction de la procédure, le requérant qui obtient
l'asile acquiert de manière automatique, en vertu de l'art. 60 al. 1 LAsi, le
droit à une autorisation de séjour dans le canton où il séjourne. La question
de savoir si une procédure fondée sur l'art. 13 lettre f OLE peut être
ouverte ne se pose dès lors pas en cas d'admission d'une demande d'asile.

2.2.3 Il en va différemment pour le requérant dont la demande est rejetée,
car celui-ci ne pourra généralement pas, toujours en application du principe
de l'exclusivité de la procédure inscrit à l'art. 14 al. 1 LAsi, requérir un
permis de séjour aussi longtemps qu'il n'aura pas quitté la Suisse.
Toutefois, si l'exécution de son renvoi n'est pas possible, il pourra
néanmoins, dès qu'une mesure de remplacement aura été ordonnée - soit, en
règle générale, dès qu'il aura été mis au bénéfice d'une admission provisoire
(cf. art. 46 al. 2 LAsi) -, présenter une demande d'autorisation de séjour à
la police des étrangers, comme cela résulte de l'art. 14 al. 1 LAsi in fine
interprété a contrario (cf. Andreas Zünd, loc. cit., p. 13).

Cette solution se comprend aisément si l'on considère qu'une personne admise
à titre provisoire l'est souvent, en dépit des termes utilisés pour qualifier
son statut, pour une longue période qui s'étend parfois sur plusieurs années.
Or, ce statut, réglé en différents endroits de la législation fédérale (en
particulier aux art. 14a ss LSEE et 16 ss de l'Ordonnance du 11 août 1999 sur
l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers [OERE; RS 142.281]), est
relativement précaire. Ainsi, entre autres restrictions, la personne admise
provisoirement jouit d'une mobilité réduite, n'étant pas autorisée à quitter
la Suisse (cf. art. 20 OERE) et ne pouvant que difficilement changer de
canton (cf. art. 14c al. 1ter LSEE); par ailleurs, elle ne peut bénéficier du
regroupement familial, aux conditions des art. 38 et 39 OLE que pour autant
que la police cantonale des étrangers soit disposée à lui délivrer une
autorisation de séjour (cf. art. 24 OERE); à cela s'ajoute encore que ses
possibilités de travailler sont limitées, l'autorisation d'exercer une
activité salariée n'étant accordée que si le marché de l'emploi et la
situation économique le permettent (cf. art. 14c al. 3 LSEE), sans compter
que, dans bien des cas, les employeurs ignorent qu'ils peuvent engager des
personnes admises à titre provisoire, ce qui entrave également l'accès au
marché du travail (cf. Mario Gattiker, Schwerwiegende persönliche Notlage im
Sinne von Art. 44 Asylgesetz, in: Asyl 2000, p. 3 note 6). Il serait donc
difficilement concevable que les personnes auxquelles l'asile a été refusé
soient, lorsque leur renvoi est durablement impossible, indéfiniment
contraintes de conserver un statut aussi précaire que celui qui découle de
l'admission provisoire. C'est pourquoi le principe de l'exclusivité de la
procédure devient caduc après le prononcé d'une mesure d'admission
provisoire.

Les requérants qui n'ont pas obtenu l'asile ont donc la possibilité, en cas
d'admission provisoire, de déposer une demande d'autorisation de séjour. Le
plus souvent, celle-ci tendra à l'octroi d'un permis dit humanitaire leur
permettant, en cas de réponse positive de l'autorité, d'améliorer notablement
leur statut par comparaison à celui que leur confère l'admission provisoire.
Le permis humanitaire donne en effet à ses bénéficiaires le droit de voyager
librement à l'étranger ainsi que celui de travailler sans autorisation
particulière dans le canton de séjour et, sous réserve d'une autorisation, le
droit de changer de canton (cf. art. 8 al. 2 LSEE et 14 al. 3 RSEE) voire de
prendre un emploi dans un autre canton sans changer de canton (art. 8 al. 2
LSEE et 14 al. 5 RSEE); la délivrance d'un permis humanitaire facilite
également le regroupement familial qui peut être obtenu aux seules conditions
des art. 38 et 39 OLE, l'exigence que la police cantonale des étrangers soit
disposée à délivrer une autorisation de séjour (cf. art. 24 OERE) n'étant,
par définition, plus nécessaire.

Il découle de ce système que, dans certains cas, les autorités compétentes en
matière de police des étrangers pourront être appelées à se prononcer sur
l'existence d'un cas personnel d'extrême gravité, au sens de l'art. 13 lettre
f OLE, après que les autorités compétentes en matière d'asile auront, de leur
côté, déjà examiné cette question sous l'angle de l'art. 44 al. 3 LAsi. Afin
d'assurer une pratique uniforme au plan fédéral des décisions en matière
d'immigration, le Conseil fédéral a souhaité (message précité p. 63) que la
jurisprudence développée par le Tribunal fédéral au sujet de l'art. 13 lettre
f OLE soit reprise par les autorités compétentes en matière d'asile, ce qu'a
fait la Commission suisse de recours en matière d'asile dans une décision de
principe du 1er mai 2001 dans la cause Z. P. et famille. En dépit de cette
précaution, le risque existe malgré tout que, d'une part, la jurisprudence de
la Commission suisse de recours en matière d'asile connaisse, dans le futur,
une évolution différente de celle du Tribunal fédéral et, d'autre part, que
des décisions contradictoires soient rendues dans des cas d'espèce, deux
autorités appliquant

- successivement dans le temps - les mêmes principes pouvant en tirer des
conclusions différentes (sur cette problématique, cf. Andreas Zünd, loc.
cit., p. 13 ss).

2.3 Dans le cas particulier, les recourants ont été admis provisoirement pour
un des motifs classiques - par opposition au cas de détresse personnelle
grave prévu à l'art. 44 al. 4 LAsi - conduisant à prononcer une mesure de
remplacement, soit en considération du fait que l'exécution de leur renvoi
n'était pas raisonnablement exigible; au reste, la décision étant intervenue
sous l'empire de l'ancienne loi sur l'asile, le cas de rigueur tel que prévu
par l'art. 44 al. 4 LAsi n'existait pas encore et n'aurait, par conséquent,
pas pu justifier une mesure de remplacement. Par ailleurs, ce n'est qu'après
que leur demande d'asile a été rejetée et qu'ils ont bénéficié de l'admission
provisoire que les recourants ont présenté la requête - à l'origine du
présent litige - en vue d'obtenir un permis humanitaire, de sorte que les
autorités de police des étrangers étaient compétentes pour en connaître, le
principe de l'exclusivité de la procédure ayant cessé de déployer ses effets.

Dans cette mesure, il se justifie d'entrer en matière sur le recours, déposé
en temps utile et dans les formes prescrites par la loi (art. 97 ss OJ), afin
d'examiner si les conditions de l'art. 13 lettre f OLE sont réunies.

3.
L'autorité intimée étant une autorité administrative, le Tribunal fédéral
peut revoir d'office les constatations de fait (art. 105 OJ). En outre, en
matière de police des étrangers, pour autant que la décision attaquée émane
d'une telle autorité, le Tribunal fédéral fonde en principe ses jugements sur
l'état de fait et de droit existant au moment de la décision de dernière
instance, soit de sa propre décision (art. 104 lettre b et 105 al. 1 OJ; ATF
121 II 97 consid. 1c p. 99; 120 Ib 257 consid. 1f p. 262/263; 118 Ib 145
consid. 2b p. 148; 114 Ib 1 consid. 3b p. 4). Dans ces conditions, rien ne
s'oppose en principe à la prise en considération des documents annexés au
recours de droit administratif (cf. ATF 115 II 213 consid. 2 p. 215/216; 113
Ib 327 consid. 2b p. 331 et les arrêts cités; Alfred Kölz/Isabelle Häner,
Verwaltungsverfahren und Verwaltungsrechtspflege des Bundes, 2e éd., Zurich
1998, n. 940 ss p. 333 ss).

4.
Les mesures de limitation visent, en premier lieu, à assurer un rapport
équilibré entre l'effectif de la population suisse et celui de la population
étrangère résidante, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du travail
et à assurer un équilibre optimal en matière d'emploi (art. 1er lettres a et
c OLE). L'art. 13 lettre f OLE soustrait aux mesures de limitation «les
étrangers qui obtiennent une autorisation de séjour dans un cas personnel
d'extrême gravité ou en raison de considérations de politique générale».
Cette disposition a pour but de faciliter la présence en Suisse d'étrangers
qui, en principe, seraient comptés dans les nombres maximums fixés par le
Conseil fédéral, mais pour lesquels cet assujettissement paraîtrait trop
rigoureux par rapport aux circonstances particulières de leur cas ou pas
souhaitable du point de vue politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f OLE que cette disposition
dérogatoire présente un caractère exceptionnel et que les conditions mises à
la reconnaissance d'un cas de rigueur doivent être appréciées
restrictivement. Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et
d'existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers,
doivent être mises en cause de manière accrue, c'est-à-dire que le refus de
soustraire l'intéressé aux restrictions des nombres maximums comporte, pour
lui, de graves conséquences. Lors de l'appréciation d'un cas personnel
d'extrême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un cas personnel
d'extrême gravité n'implique pas forcément que la présence de l'étranger en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une situation de détresse.
Par ailleurs, le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez
longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et
professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de
plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité; il
faut encore que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on
ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son
pays d'origine. A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de
voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne constituent
normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu'ils justifieraient une
exemption des mesures de limitation du nombre des étrangers (ATF 124 II 110
consid. 2 p. 111 s. et les références).

5.
5.1La recourante fait valoir qu'elle-même et ses enfants se sont très bien
intégrés en Suisse, tandis qu'elle ne conserverait plus d'attaches avec le
Rwanda, sa famille et ses amis ayant soit péri dans la guerre civile qui y a
sévi en 1994, soit été contraints de quitter le pays, à l'image de ses
anciens collègues de travail du Comité International de la Croix-Rouge. Par
ailleurs, elle insiste sur le fait qu'elle est atteinte du SIDA et que le
traitement médical dont elle bénéficie en Suisse (trithérapie) n'est pas
disponible dans son pays d'origine, de sorte qu'un retour forcé au Rwanda la
précipiterait dans une mort certaine à brève échéance.

5.2 Il est indéniable que, compte tenu de son état de santé et de sa
situation familiale (veuve avec trois enfants à charge), la recourante a fait
preuve, dès son arrivée en Suisse, de beaucoup de courage et d'un effort
d'intégration méritoire. Après avoir acquis une formation d'agent de voyage
en 1998, elle a en effet réussi à obtenir, à l'issue d'une brève période de
stage, un emploi de durée indéterminée qui lui permet désormais de subvenir
financièrement à ses besoins et à ceux de ses enfants. Bien qu'elle
bénéficiait déjà d'une formation d'économiste, son intégration sociale et
professionnelle n'est pas à ce point exceptionnelle qu'elle soit susceptible
de justifier, à elle seule, un cas de rigueur au sens où l'entend la
jurisprudence (cf. arrêt non publié J. du 12 août 1996 [2A.353/1995]); quant
à l'intégration de ses enfants, pour excellente qu'elle soit au vu des
résultats scolaires obtenus, elle n'est pas déterminante en elle-même, vu
notamment l'âge encore relativement jeune des enfants.

On ne saurait non plus tenir pour décisif le seul nombre d'années que la
recourante a passées en Suisse: aujourd'hui âgée de 36 ans, cette dernière a
vécu l'essentiel de son existence dans son pays d'origine, puisqu'elle y est
demeurée jusqu'à l'âge de 31 ans. Certes, la recourante allègue qu'elle n'y
compterait plus ni famille, ni amis. Outre que le Département conteste la
réalité de ce fait, celui-ci ne serait de toute façon à lui seul pas non plus
suffisant, fût-il avéré, pour que la recourante puisse se prévaloir avec
succès de l'art. 13 lettre f OLE, car, selon la jurisprudence, le fait de
renvoyer dans son pays d'origine une femme seule n'est généralement pas
propre à constituer un cas de rigueur, au sens de de la disposition précitée,
à moins que ne s'y ajoutent d'autres circonstances qui rendent le retour
extrêmement difficile (cf. arrêt du 13 novembre 2001 en la cause 2A.340/2001,
consid. 4c et les arrêts cités).

5.3 Selon la jurisprudence, des motifs médicaux peuvent, selon les
circonstances, conduire à la reconnaissance d'un cas de rigueur lorsque
l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé qui
nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures
médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de
sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves
conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des
prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne
suffit pas à justifier une exception aux mesures de limitation. De même,
l'étranger qui entre pour la première fois en Suisse en souffrant déjà d'une
sérieuse atteinte à la santé ne saurait se fonder uniquement sur ce motif
médical pour réclamer une telle exemption (cf. arrêts P. du 5 mars 1999
[2A.429/1998] et I. du 25 août 1998 [2A.78/1998]; voir aussi Mario Gattiker,
loc. cit., p. 9).

5.3.1 En l'espèce, le Département objecte que les soins médicaux nécessités
par la recourante ne sont pas déterminants pour apprécier sa situation, car
l'intéressée est au bénéfice d'une admission provisoire, si bien qu'elle
serait, en l'état, assurée de pouvoir continuer le traitement médical entamé
peu après son arrivée en Suisse.

Cette objection est dénuée de fondement, ainsi que le Tribunal fédéral a déjà
eu l'occasion de le préciser (cf. arrêt précité du 13 novembre 2001, consid.
4b). En effet, s'il fallait suivre le raisonnement du Département, cela
conduirait à rejeter systématiquement les demandes d'exemption aux mesures de
limitation formées par des étrangers au bénéfice d'une admission provisoire,
puisque tous les motifs que ceux-ci pourraient invoquer pour s'opposer à un
retour dans leur pays d'origine seraient balayés en raison, justement, de
leur seul statut. Or, outre qu'une telle solution ne trouve pas d'appui dans
la loi, elle revient à empêcher, sans motif valable, les étrangers admis
provisoirement en Suisse qui répondent aux conditions de l'art. 13 lettre f
OLE, d'échapper au statut qui est le leur (cf. supra consid. 2.2.3). Il
s'impose donc d'examiner dans chaque cas particulier si les circonstances
justifient, ou non, d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de la
disposition précitée.

5.3.2 Il est établi, en l'occurrence, qu'un retour au Rwanda entraînerait
pour la recourante de graves conséquences sur sa santé, voire même pourrait
lui être fatal en raison du fait que la poursuite de sa trithérapie devrait
être abandonnée; il ressort également des pièces médicales au dossier que,
contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges en se fondant sur une
lettre retrouvée dans les bagages de la recourante, le SIDA de celle-ci a été
découvert postérieurement à son arrivée en Suisse lors d'une hospitalisation
intervenue à la suite d'une pneumonie (cf. rapport du 13 juillet 2000 de la
doctoresse T.________).

5.4 Compte tenu de l'ensemble des circonstances, en particulier du risque
vital encouru par U.________ si elle devait rentrer au Rwanda, et du fait
qu'elle-même et ses enfants se sont bien intégrés en Suisse (conduite exempte
de plainte, volonté de se former et d'acquérir une indépendance tant
financière que professionnelle, réussite scolaire des enfants), il y a lieu
d'exempter les recourants des nombres maximums fixés par le Conseil fédéral.

6. Au vu de ce qui précède, le recours doit être admis et la décision
attaquée annulée.

Succombant, la Confédération versera aux recourants une indemnité à titre de
dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral et devant le Département
fédéral de justice et police (art. 159 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu de
prélever des frais judiciaires (art. 156 al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est admis et la décision du 5 septembre 2001 du Département
fédéral de justice et police est annulée; il est constaté que U.________ et
ses trois enfants W.________, N.________ et G.________, sont exemptés des
mesures de limitation du nombre des étrangers.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
La Confédération versera aux recourants un montant de 3'000 fr. à titre de
dépens pour la procédure devant le Tribunal fédéral et devant le Département
fédéral de justice et police.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire des recourants et au
Département fédéral de justice et police.

Lausanne, le 25 avril 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: