Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.440/2001
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2A.440/2001

        IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       ***********************************************

                       6 février 2002

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
Président, Betschart, Müller, Yersin et Merkli.
Greffier: M. Dubey.
                         ___________

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

X.________, à Bernex, représenté par Me Damien Bonvallat,
avocat à Genève

                           contre

la décision rendue le 28 août 2001 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Genève dans la cause qui oppose le recou-
rant au  S e r v i c e  de  la  t a x e  d' e x e m p t i o n
de l' o b l i g a t i o n  de  s e r v i r  du canton de
Genève, à Genève;

      (Revenu soumis à la taxe d'exemption, excédent de
           liquidation d'une société immobilière)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- X.________, né en 1961, a été déclaré inapte au
service militaire en janvier 1980 et astreint au paiement de
la taxe d'exemption de l'obligation de servir depuis 1981,
selon les déclarations du Service de la taxe d'exemption de
l'obligation de servir du canton de Genève (ci-après: le Ser-
vice de la taxe d'exemption).

   Se fondant sur les éléments fixés pour l'impôt fédé-
ral direct de la période 1999/2000, en particulier un excé-
dent de 3'306'911 fr. provenant de la liquidation d'une so-
ciété immobilière dont X.________ était actionnaire, le Ser-
vice de la taxe d'exemption a, par décision de taxation du
31 octobre 2000, arrêté le revenu soumis à la taxe à
1'811'200 fr. et la taxe due par ce dernier pour l'année
d'assujettissement 1999 à 36'224 fr.

   B.- Sa réclamation ayant été rejetée par le Service
de la taxe d'exemption, X.________ a demandé au Tribunal ad-
ministratif du canton de Genève (ci-après: le Tribunal admi-
nistratif) d'annuler la décision sur réclamation et de fixer
la taxe à 11'682 fr. A l'appui de ses conclusions, il a expo-
sé qu'en vertu de l'art. 11 de la loi fédérale du 12 juin
1959 sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir (LTEO;
RS 661, ci-après: loi sur la taxe d'exemption), la taxe était
perçue selon la législation sur l'impôt fédéral direct. Or,
le législateur fédéral avait décidé de faciliter la liquida-
tion des sociétés immobilières en réduisant de 75% l'impôt
fédéral direct sur l'excédent de liquidation obtenu par l'ac-
tionnaire (art. 207 al. 2 de la loi fédérale du 14 décembre
1990 sur l'impôt fédéral direct [LIFD; RS 642.11]). La réduc-
tion devait donc s'appliquer aussi à la taxe d'exemption de

l'obligation de servir. Enfin, la taxe d'exemption étant une
prestation pécuniaire, elle devait correspondre aux moyens de
celui qui devait la payer. Or, la liquidation d'une société
immobilière n'apportait aucun moyen financier concret à son
actionnaire.

   C.- Par arrêt du 28 août 2001, le Tribunal adminis-
tratif a rejeté le recours. En vertu de l'art. 26 al. 2 LTEO,
le Service de la taxe d'exemption devait se fonder en premier
lieu sur les bases déterminantes pour l'impôt fédéral direct.
Il était vrai que l'ancienne teneur de l'art. 11 LTEO pré-
voyait que le revenu net doit être déterminé selon les pres-
criptions qui s'appliquent à l'impôt fédéral direct sur le
revenu pour l'année d'assujettissement. L'intéressé tirait
toutefois à tort argument du terme de taxe "perçue", par op-
position à celui de taxe "établie" selon la législation sur
l'impôt fédéral direct. Conformément aux art. 16 ss et 207
al. 2 LIFD, l'excédent de liquidation ne faisait l'objet
d'aucun abattement - seul l'impôt étant réduit - et demeurait
pris en considération dans son intégralité dans l'assiette de
l'impôt fédéral direct et, faute de base légale expresse con-
traire, dans l'assiette de la taxe d'exemption. L'absence
d'un tel abattement ne relevait pas d'une lacune de la loi
sur la taxe d'exemption, cette dernière étant destinée à pré-
voir une compensation pécuniaire pour les citoyens suisses
qui n'accomplissent pas leur obligation de servir et non pas
à encourager la liquidation de sociétés immobilières. Au de-
meurant, ni la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmo-
nisation des impôts directs des cantons et des communes
(LHID; RS 642.14; ci-après: loi d'harmonisation) ni la loi
fédérale du 13 octobre 1965 sur l'impôt anticipé (LIA;
RS 642.21) ne prévoyaient pareil allégement.

     D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif pour violation de l'art. 11 LTEO et du principe de

la capacité contributive, X.________ demande au Tribunal fé-
déral, avec suite de frais, d'annuler l'arrêt du Tribunal ad-
ministratif du 28 août 2001 et de dire que la taxe d'exemp-
tion de l'obligation de servir qui lui est réclamée doit être
réduite de 75% pour la part afférent au dividende de liquida-
tion qu'il a reçu en 1998.

   Le Tribunal administratif s'en remet à justice quant
à la recevabilité du recours et se réfère à son arrêt. Le
Service de la taxe d'exemption se réfère à sa position dans
la procédure antérieure.

   L'Administration fédérale des contributions conclut
au rejet du recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Déposé en temps utile et dans les formes
prescrites par la loi fédérale du 16 décembre 1943 d'organi-
sation judiciaire (OJ; RS 173.110) contre un arrêt rendu par
une autorité judiciaire statuant en dernière instance canto-
nale (art. 2 de la loi genevoise du 14 janvier 1961 d'appli-
cation des dispositions fédérales sur la taxe d'exemption de
l'obligation de servir) et fondé sur le droit public fédéral,
le présent recours est recevable en vertu des art. 97 ss OJ,
ainsi que de la règle particulière de l'art. 31 al. 3 LTEO.

   b) Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre l'arrêt d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral
est lié par les faits constatés dans l'arrêt, sauf s'ils sont
manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 104

let. b et 105 al. 2 OJ; ATF 125 II 633 consid. 1c p. 635 s.
et les références citées).

   c) Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application
du droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitu-
tionnels du citoyen (ATF 126 V 252 consid. 1a p. 254; 125 III
209 consid. 2 p. 211). L'appréciation juridique des faits re-
lève également de l'application du droit (Archives 53 p. 54
consid. 4 p. 58 s. et les références citées). Le Tribunal fé-
déral n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent
et peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles
avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la dé-
cision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par
l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 127 II 264
consid. 1b p. 268; 121 II 473 consid. 1b p. 477 et les arrêts
cités). En outre, en matière de contributions publiques, il
peut aller au-delà des conclusions des parties, à l'avantage
ou au détriment de celles-ci, lorsque le droit fédéral est
violé ou lorsque des faits ont été constatés de manière in-
exacte ou incomplète (art. 114 al. 1 OJ). En revanche, il ne
peut pas revoir l'opportunité de la décision attaquée, le
droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la matière.

   2.- a) Les citoyens suisses qui n'accomplissent pas
ou n'accomplissent qu'en partie leurs obligations de servir
sous forme de service personnel (service militaire ou service
civil) doivent fournir une compensation pécuniaire (art. 1er
LTEO). La taxe est perçue, selon la législation sur l'impôt
fédéral direct, sur le revenu net total que l'assujetti réa-
lise en Suisse et à l'étranger (art. 11 LTEO). Dans son an-
cienne version, en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994,
l'art. 11 LTEO prévoyait que le revenu net doit être détermi-
né selon les prescriptions qui s'appliquent à l'impôt fédéral
direct sur le revenu pour l'année d'assujettissement. L'auto-
rité de taxation prend toutes les mesures nécessaires pour

déterminer l'assujettissement et les bases de calcul de la
taxe (art. 26 al. 1 LTEO). Si, pour toute l'année d'assujet-
tissement, l'assujetti doit acquitter l'impôt fédéral direct
sur le revenu total, la taxe est fixée d'après les bases dé-
terminantes pour cet impôt (art. 26 al. 2 LTEO). La taxe
s'élève à 2 francs par 100 francs du revenu soumis à la taxe,
mais au moins 150 francs (art. 13 al. 1 LTEO).

   b) Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de
l'ancienne teneur des art. 11 et 26 LTEO, tous les revenus
visés par les art. 21 et 21bis AIFD ainsi que les déductions
prévues par les art. 22 et 22bis AIFD devaient être pris en
considération. En principe, l'autorité compétente en matière
de taxe d'exemption peut reprendre les éléments qui ressor-
tent de la taxation d'impôt fédéral direct auxquels elle
ajoute, le cas échéant, les revenus qui n'y sont pas assujet-
tis ou retranche les déductions ultérieures admissibles pour
fixer la taxe conformément à la loi sur la taxe d'exemption.
Cela ne signifie toutefois pas qu'elle doive toujours s'y
tenir ni qu'elle soit liée par les éléments qui s'y trouvent:
L'autorité de taxation doit prendre toutes les mesures néces-
saires pour déterminer l'assujettissement et les bases de
calcul de la taxe; elle doit en outre, le cas échéant, con-
trôler les éléments imposables et corriger les éventuelles
erreurs contenues dans la taxation d'impôt fédéral direct,
même si cette dernière est déjà entrée en force (Rep. 1985/
118 80 consid. 3a p. 81-82; ATF 92 I 123 consid. 1 p. 124-
125).

   Cette jurisprudence conserve sa valeur sous l'empire
des art. 11 et 26 LTEO, dans leur nouvelle teneur, le légis-
lateur ayant expressément souligné à cet égard "que le revenu
soumis à la taxe doit toujours être établi d'après la légis-
lation sur l'impôt fédéral direct" (Message du Conseil fédé-
ral du 12 mai 1993 concernant la révision de la loi sur la

taxe d'exemption du service militaire [ci-après: Message du
12 mai 1993], in: FF 1993 II 708 ss, p. 718).

   c) En matière d'impôt fédéral direct, l'impôt sur le
revenu a pour objet tous les revenus du contribuable, qu'ils
soient uniques ou périodiques (art. 16 al. 1 LIFD). Est impo-
sable le rendement de la fortune mobilière, en particulier
l'excédent de liquidation et tous autres avantages apprécia-
bles en argent provenant de participations de tout genre
(art. 20 al. 1 lettre c LIFD).

   L'art. 207 LIFD offre à titre transitoire la possi-
bilité de réduire l'impôt en cas de liquidation de sociétés
immobilières. Ainsi, l'impôt sur le bénéfice en capital réa-
lisé, lors du transfert d'un immeuble à l'actionnaire, par
une société immobilière fondée avant l'entrée en vigueur de
la loi, est réduit de 75 pour cent, si la société est dis-
soute (art. 207 al. 1 LIFD). L'impôt sur l'excédent de liqui-
dation obtenu par l'actionnaire est réduit dans la même pro-
portion (art. 207 al. 2 LIFD). La liquidation et la radiation
de la société immobilière devaient intervenir au plus tard
dans les cinq ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi
(31.12.1999). Ce délai a été reporté au 31 décembre 2003
(art. 207 al. 3 LIFD, dans sa version en vigueur depuis le
1er janvier 2000).

   La loi sur la taxe d'exemption ne contient pas de
réglementation similaire à l'art. 207 LIFD.

   d) En l'espèce, il ressort du dossier que le Service
de la taxe d'exemption s'est fondé sur les éléments établis
dans la taxation ordinaire de l'impôt fédéral direct du re-
courant pour la période fiscale 1999/2000. En particulier,
cette taxation portait sur l'excédent de liquidation d'une
société immobilière dont le recourant détenait des actions,

conformément aux déclarations concordantes des parties sur ce
point. C'est à bon droit que le Tribunal administratif a con-
sidéré cet excédent de liquidation comme un rendement de la
fortune mobilière du recourant au sens de l'art. 20 al. 1
lettre c LIFD et l'a inclus dans le calcul du revenu soumis à
la taxe d'exemption de l'obligation de servir.

   Le recourant ne conteste pas ce point. Il reproche
en revanche au Tribunal administratif de lui refuser la ré-
duction de 75% de la taxe sur l'excédent de liquidation en
cause. Selon lui, la lettre de l'art. 11 LTEO commanderait
d'appliquer une réduction de même proportion à la taxe d'ex-
emption de l'obligation de servir, d'autant que le législa-
teur de l'art. 207 LIFD voulait clairement favoriser la li-
quidation des sociétés immobilières.

   e) Cette opinion est erronée. Il résulte en effet du
Message du 12 mai 1993 à propos de la nouvelle teneur de
l'art. 11 LTEO que le revenu soumis à la taxe doit toujours
être établi d'après la législation sur l'impôt fédéral di-
rect.

   Au surplus, la modification de cet article est
entrée en vigueur le 1er janvier 1995, à la même date que
l'art. 207 LIFD et la loi d'harmonisation. Bien qu'elle ne
contienne pas de dispositions favorables à la liquidation des
sociétés immobilières, la loi d'harmonisation n'empêche pas
les cantons d'adopter un régime similaire à celui de
l'art. 207 LIFD. Il faut toutefois des dispositions légales
expresses (Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 concer-
nant les lois fédérales sur l'harmonisation des impôts di-
rects des cantons et des communes ainsi que sur l'impôt fé-
déral in: FF 1983 III 1 ss, p. 70-71; Dieter Weber in: Kom-
mentar zum schweizerischen Steuerrecht vol. I/2b, Bundesge-
setz über die direkte Bundessteuer, Martin Zweifel/Peter
Athanas éd., Helbing & Lichtenhahn 2000, n° 2 ad art. 207,

p. 807 et les références citées). Cela permet d'affirmer que,
faute de disposition expresse dans la loi sur la taxe
d'exemption, le législateur n'entendait pas favoriser la li-
quidation des sociétés immobilières également en matière de
taxe d'exemption de l'obligation de servir.

   Enfin, la réduction prévue par l'art. 207 LIFD telle
qu'elle a été comprise par le Tribunal administratif - c'est-
à-dire applicable au seul impôt et non pas à l'excédent de
liquidation lui-même - correspond à la lettre du dit article
ainsi qu'à la pratique de l'Administration fédérale des con-
tributions exposée dans sa circulaire n° 17 du 15 décembre
1994 sur la réduction de l'impôt en cas de liquidation de so-
ciétés immobilières (Archives 63, 795 ss et les exemples
chiffrés).

   Par conséquent, en refusant d'accorder une réduction
de 75% sur la taxe d'exemption de l'obligation de servir re-
lative à l'excédent de liquidation de la société immobilière
dont le recourant était actionnaire, le Tribunal administra-
tif n'a pas violé l'art. 11 LTEO.

   3.-  Le recourant soutient qu'un tel refus viole le
principe de la capacité contributive, dans la mesure où la
liquidation de la société immobilière en cause n'ajoute rien
à la capacité économique de la personne assujettie à la taxe.

   a) Le principe de l'imposition d'après la capacité
contributive signifie que les contribuables doivent être
taxés en proportion des moyens dont ils disposent et compte
tenu des éléments de leur situation personnelle qui influen-
cent leur capacité contributive (cf. art. 4 aCst. et 127
al. 2 Cst.; RF 2002, 43 consid. 7b p. 48; ATF 122 I 305 con-
sid. 6a p. 313-314 et la jurisprudence citée).

   b) En l'espèce ce grief se confond avec celui de la
violation de l'art. 11 LTEO et doit également être rejeté,
dès lors qu'il a été établi que le Tribunal administratif a
correctement appliqué cette disposition de droit fédéral. Au
demeurant, le recourant perd de vue, d'une part, que sa capa-
cité contributive ne se mesure pas à l'aune des liquidités en
sa possession et, d'autre part, que la liquidation de la so-
ciété immobilière dont il était actionnaire lui confère la
propriété directe d'un immeuble et le libère de la charge
fiscale latente qui grevait ses actions.

   4.- Les considérants qui précèdent conduisent au re-
jet du recours.

   Succombant, le recourant doit supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas droit
à des dépens.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours.

   2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Service de la taxe d'exemption de
l'obligation de servir et au Tribunal administratif du canton
de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contribu-
tions.

Lausanne, le 6 février 2002
DCE/dxc

             Au nom de la IIe Cour de droit public
                  du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,