Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.439/2001
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2A.439/2001
        IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       ***********************************************

                       23 janvier 2002

Composition de la Cour: MM. et Mmes les Juges Wurzburger,
président, Betschart et Yersin. Greffier: M. Dubey.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

l e  s e r v i c e  d e s  c o n t r i b u t i o n s du can-
ton du Jura, à Delémont,

                          contre

la décision rendue le 31 août 2001 par la Commission cantona-
le des recours en matière d'impôt du canton du Jura, dans la
cause qui oppose le recourant à AC.________ et BC.________;

  (impôt fédéral direct; taxation intermédiaire et force de
                         chose jugée)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par avis du 28 février 1997, le Service des con-
tributions du canton du Jura (ci-après: Service des contribu-
tions) a notifié, selon ses déclarations, à BC.________ et
AC.________ leur taxation pour la période fiscale 1995/1996,
fixant un revenu déterminant pour l'impôt fédéral direct à
zéro, BC.________ n'ayant obtenu aucun revenu durant la pé-
riode de calcul. La perte de 42'377 fr. 65 subie par son
épouse AC.________ dans l'exploitation d'une boutique d'ha-
bits (1er exercice commercial de septembre 1994 à décembre
1995) n'a pas été prise en considération. Cet avis de taxa-
tion n'a pas été contesté.

   BC.________ ayant dûment annoncé dans les déclara-
tions d'impôt ultérieures l'obtention d'indemnités de chômage
dès le 30 octobre 1995 et la reprise d'une activité indépen-
dante dès le 8 juillet 1996, le Service des contributions a
procédé à l'établissement de taxations intermédiaires et nou-
vellement fixé le revenu imposable des époux C.________ par
avis du 23 avril 1999 à 0 fr. pour 302 jours de 1995, à
41'017 fr. pour 63 jours de 1995 et 188 jours de 1996 et à
17'299 fr. pour 177 jours de 1996, sans tenir compte de la
perte commerciale résultant de la comptabilité de
AC.________.

   B.- Par réclamation du 21 mai 1999, les intéressés
ont demandé la prise en considération dans l'établissement
des taxations intermédiaires de la perte commerciale de
AC.________. Considérant qu'elle concernait un point de la
taxation du 28 février 1997 déjà entré en force, le Service
des contributions a déclaré la réclamation irrecevable pour
tardiveté.

   Cette dernière décision ayant été annulée par la
Commission cantonale des recours du canton du Jura (ci-après:
Commission des recours) le 14 août 2000 et la cause renvoyée
au Service des contributions afin qu'il entre en matière, le
Service des contributions a rejeté la réclamation du 21 mai
1999 par décision du 29 septembre 2000. Il a considéré en
substance que la taxation du 28 février 1997 était entrée en
force, qu'une réclamation contre une taxation intermédiaire
ne pouvait viser que les facteurs touchés par la taxation in-
termédiaire et que les taxations intermédiaires concernaient
uniquement le versement d'une indemnité de chômage et la
reprise d'une activité indépendante.

   C.- Par décision du 31 août 2001, la Commission des
recours a admis le recours de BC.________ et AC.________ con-
tre la décision du Service des contributions du 29 septembre
2000 et lui a une nouvelle fois renvoyé la cause afin qu'il
entre en matière sur la réclamation formée le 21 mai 1999. Le
fait que les recourants n'aient pas recouru contre la déci-
sion de taxation du 30 mai (recte 28 février) 1997 ne les
privait pas du droit de recourir et de faire valoir leurs ar-
guments contre l'ensemble de la taxation du 23 avril 1999,
d'autant que la taxation antérieure avait fixé à zéro le re-
venu déterminant pour l'impôt fédéral direct.

    D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif pour constatation inexacte et incomplète des faits
pertinents et violation de l'art. 46 de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11),
le Service des contributions demande au Tribunal fédéral,
avec suite de frais, d'annuler la décision de la Commission
des recours du 31 août 2001 et de confirmer la décision sur
réclamation du 29 septembre 2000.

   La Commission des recours ainsi que BC.________ et
AC.________ concluent au rejet du recours sous suite de

frais. L'Administration fédérale des contributions s'en remet
à justice.

   Le 21 décembre 2001, le Service des contributions a
déposé, sans y avoir été invité, des observations sur les dé-
terminations de l'Administration fédérale des contributions.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Déposé en temps utile et dans les formes
prescrites par la loi contre une décision rendue par une au-
torité judiciaire statuant en dernière instance cantonale
(cf. l'art. 7 de l'ordonnance jurassienne d'exécution du 6
décembre 1978 concernant l'impôt fédéral direct) et fondée
sur le droit public fédéral, le présent recours est recevable
en vertu des art. 97 ss OJ, ainsi que de la règle particuliè-
re de l'art. 146 LIFD.

   b) Lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce,
contre la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fé-
déral est lié par les faits constatés dans la décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 104 let. b et 105 al. 2 OJ; ATF 125 II 633 consid. 1c
p. 635 s. et les références citées).

   c) Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application
du droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitu-
tionnels du citoyen (ATF 125 III 209 consid. 2 p. 211; 122 IV
8 consid. 1b p. 11). L'appréciation juridique des faits relè-
ve également de l'application du droit (Archives 53 p. 54
consid. 4 p. 58 s. et les références citées). Le Tribunal fé-
déral n'est pas lié par les motifs que les parties invoquent
et peut admettre le recours pour d'autres raisons que celles

avancées par le recourant ou, au contraire, confirmer la dé-
cision attaquée pour d'autres motifs que ceux retenus par
l'autorité intimée (art. 114 al. 1 in fine OJ; ATF 121 II 473
consid. 1b p. 477 et les arrêts cités). En outre, en matière
de contributions publiques, il peut aller au-delà des conclu-
sions des parties, à l'avantage ou au détriment de celles-ci,
lorsque le droit fédéral est violé ou lorsque des faits ont
été constatés de manière inexacte ou incomplète (art. 114 al.
1 OJ). En revanche, il ne peut pas revoir l'opportunité de la
décision attaquée, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel
examen en la matière.

   d) Déposées après l'échéance du délai de recours
(art. 106 OJ) et sans qu'un second échange d'écritures n'ait
été ordonné (cf. art. 110 al. 4 OJ), les observations du re-
courant du 21 décembre 2001 ne peuvent être prises en consi-
dération.

   2.- Le recourant reproche à la Commission des re-
cours d'avoir retenu qu'il n'était pas entré en matière sur
le fond de la réclamation du 21 mai 1999 et d'avoir ainsi
constaté les faits de manière incomplète. Elle aurait perdu
de vue qu'après lui avoir renvoyé le dossier de la cause par
décision du 14 août 2000, il était effectivement entré en ma-
tière sur le fond et avait rejeté la réclamation le 29 sep-
tembre 2000.

   En réalité, l'intéressé critique non pas l'établis-
sement des faits par l'autorité intimée mais lui reproche u-
niquement d'avoir qualifié de manière erronée sa deuxième dé-
cision sur réclamation. Un tel grief est dénué de fondement.
En effet, la lecture des décisions sur réclamation en cause
montre que seul leur dispositif diffère, le rejet de la ré-
clamation se substituant à son irrecevabilité; en revanche,
les motifs - relatifs à l'entrée en force de la décision du
28 février 1997 - sont identiques. Par conséquent, en consi-

dérant que la décision du 29 septembre 2000 n'examinait pas
la déductibilité de la perte en cause sur le fond, la Commis-
sion des recours n'a pas constaté les faits de manière incom-
plète.

   3.- a) En vertu de l'art. 46 al. 2 LIFD, la taxation
intermédiaire est fondée sur la taxation ordinaire en vi-
gueur, augmentée ou diminuée des éléments du revenu qui ont
été modifiés. En règle générale, la taxation ordinaire sur
laquelle se fonde une taxation intermédiaire est une décision
entrée en force de chose jugée, sous réserve de réclamation
ou de recours à son encontre (art. 132 ss et 140 ss LIFD) ou
encore de modifications selon les art. 147 ss LIFD.

   b) Selon la jurisprudence constante du Tribunal fé-
déral, une décision de taxation en matière d'impôts directs
ne revêt l'autorité de la chose jugée que pour la période
fiscale concernée; les circonstances de fait et de droit peu-
vent être appréciées différemment lors d'une période de taxa-
tion ultérieure. En outre, l'autorité de la chose jugée ne
s'étend pas en principe aux motifs, mais seulement au dispo-
sitif: ainsi, les considérants sur lesquels reposent les
constatations de faits, qui ne revêtent que la qualité de
motifs, ne participent pas à l'autorité de la chose jugée, à
l'inverse des éléments imposables (revenu imposable, bénéfice
net capital imposable), du taux de l'impôt et de son montant
(cf. art. 131 al. 1 LIFD et arrêt du Tribunal fédéral du 9
mai 2001 en la cause X. SA in: RDAF 2001 2 p. 261 ss consid.
1 b)bb) p. 262 ainsi que les arrêts et les auteurs cités).

   c) En l'espèce, la taxation ordinaire du 28 février
1997 a fixé à zéro le revenu déterminant pour l'impôt fédéral
direct de la période 1995/1996, sans que l'on sache - les
dossiers fiscaux produits ne donnant aucune précision à cet
égard - quel traitement fiscal a été réservé au début de
l'activité lucrative de AC.________ en septembre 1994. Quoi

qu'il en soit, il est douteux que la taxation du 28 février
1997 ait pu faire l'objet d'un recours tendant à faire cons-
tater la déductibilité de la perte subie par AC.________ et,
le cas échéant, son montant, puisque celui-ci n'aurait pu
porter que sur le dispositif fixant le revenu imposable à
zéro et que la perte commerciale en cause n'aurait eu, selon
les déclarations concordantes des parties, aucune influence à
cet égard.

   En revanche, dès lors que les taxations intermédiai-
res subséquentes du 23 avril 1999 ont fixé un revenu détermi-
nant pour l'impôt fédéral direct supérieur à zéro, la ques-
tion de la déductibilité de la perte et de son montant est
devenue actuelle, puisqu'elle revêtait une influence réelle
sur le revenu imposable pour les 63 derniers jours de 1995 et
188 premiers jours de 1996 ainsi que pour les 177 derniers
jours de 1996 (cf. arrêt du Tribunal fédéral du 9 mai 2001 en
la cause X. SA in: RDAF 2001 2 p. 261 ss consid. 1 b)cc) in
fine  p. 264). Dans cette mesure, AC.________ et BC.________
étaient autorisés à user des voies de droit ordinaires à leur
disposition dans le but de faire examiner, pour la première
fois, sur le fond et non pas seulement sous l'angle procédu-
ral, la déductibilité de la perte en cause et son montant.

   Par conséquent, en jugeant que le Service des con-
tributions devait entrer en matière sur la réclamation du 21
mai 1999, c'est-à-dire se prononcer, après examen de la comp-
tabilité de AC.________, sur la déductibilité de la perte in-
voquée par les époux intimés dans leur réclamation du 21 mai
1999, l'autorité intimée n'a pas violé l'art. 46 al. 2 LIFD
ni constaté de manière inexacte ou incomplète les faits per-
tinents.

   4.- Les considérants qui précèdent conduisent au re-
jet du recours.

   Vu l'issue du recours, les frais judiciaires doivent
être mis à la charge du Service des contributions qui succom-
be et qui défend un intérêt pécuniaire (art. 156 al. 1 et 156
al. 2 a contrario en relation avec les art. 153 et 153a OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours.

   2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du Service des contributions du canton du Jura.

   3. Communique le présent arrêt en copie au Service
des contributions du canton du Jura, à la Commission canto-
nale des recours en matière d'impôts du canton du Jura et
AC.________ et BC.________, ainsi qu'à l'Administration fé-
dérale des contributions.

Lausanne, le 23 janvier 2002
DCE/elo

             Au nom de la IIe Cour de droit public
                  du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                         Le Président,

                         Le Greffier,