Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.375/2001
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2A.375/2001/dxc

Arrêt du 1er février 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président de la Cour,
Yersin, Meylan, juge suppléant,
greffier Addy.

La société X.________ S.A., en liquidation, 1700 Fribourg, recourante,
représentée par Me Henri-Jean Dubois-Ferrière, avocat, Quai Général-Guisan
24, 1204 Genève,

contre

Service cantonal des contributions du canton de Fribourg, route Joseph Piller
13, 1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, Cour fiscale, rue André Piller
21, 1762 Givisiez.

impôt fédéral direct pour la période 1997; provision pour risque de perte de
change

(recours de droit administratif contre la décision du Tribunal administratif
du canton de Fribourg, Cour fiscale, du 28 juin 2001)
Faits:

A.
La société X.________ SA, à Fribourg, en liquidation depuis le 2 février 1999
(ci-après: X.________ SA ou la société), est une filiale à 100% du holding
Y.________ SA, à Fribourg, lequel détient aussi à 100% la société Z.________
SA, dont le siège est également à Fribourg. Avant sa mise en liquidation,
X.________ SA gérait un important portefeuille de titres déposés au Crédit
Suisse à Genève et détenait l'ensemble de la fortune mobilière de son groupe
de sociétés. En 1997, elle a réalisé les actions dont elle était détentrice
et placé les bénéfices ainsi obtenus sur le marché monétaire. Ces liquidités
devaient servir à régler un effet de change de 11,4 millions de francs
souscrit par la société Z.________ SA et garanti par le holding Y.________
SA.

Selon le bilan clôturé au 31 décembre 1997, les actifs de X.________ SA
étaient pour l'essentiel constitués de titres (pour un montant de 2'277'789
fr. 66) et d'avoirs en banque à terme (pour un montant de 4'451'143 fr. 40)
comprenant notamment des placements à trente jours en monnaies étrangères,
principalement en dollars. Ces placements ont tous été renouvelés dans le
courant du mois de décembre 1997 puis, par la suite, régulièrement de trente
jours en trente jours.

Approuvés le 16 décembre 1998 par l'assemblée générale ordinaire des
actionnaires, les comptes de X.________ SA pour l'exercice 1997, bouclés au
31 décembre, ont été établis à la fin du mois d'octobre 1998. Afin de tenir
compte d'une baisse sensible intervenue au deuxième trimestre de 1998 du
cours de certaines devises, singulièrement du dollar, X.________ SA a
comptabilisé une provision pour pertes de change de 335'000 fr. correspondant
à 10% des dépôts à terme placés en monnaies étrangères. Après
comptabilisation de cette provision, le bénéfice net ressortant du compte de
pertes et profits s'élevait, pour l'exercice 1997, à 662'098 fr.

B.
Par décision de taxation du 17 août 1999, le Service cantonal des
contributions du canton de Fribourg (ci-après: le Service cantonal) a imposé
X.________ SA, au titre de l'impôt fédéral direct pour l'année 1997, sur la
base d'un bénéfice, avant prise en compte des pertes déductibles, de 997'098
fr. Ce montant correspondait au bénéfice comptable de la société réalisé
après reprise de la provision pour pertes de change comptabilisée lors de
l'établissement des comptes en octobre 1998 (662'098 fr. + 335'000 fr.).
Après défalcation des pertes déductibles (par 112'369 fr.), le bénéfice
imposable s'est finalement élevé à 884'729 fr. (997'098 fr. - 112'369 fr.).

Sur réclamation de la société, le Service cantonal a ramené, après correction
du montant des pertes déductibles (qui est passé à 147'423 fr.), le bénéfice
imposable à 849'675 fr. (997'098 fr. - 147'423 fr.); il a en revanche
maintenu dans son intégralité la reprise de la provision pour pertes de
change (décision sur réclamation du 28 juin 2000).

C.
X.________ SA a recouru auprès de la Cour fiscale du Tribunal administratif
du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif). Elle concluait à
l'annulation de la décision sur réclamation et à la prise en compte, dans le
calcul du bénéfice imposable, de la provision pour pertes de change, en
invoquant l'écroulement du marché des changes survenu en été 1998, soit après
la date de clôture des comptes et du bilan (au 31 décembre 1997), mais avant
l'établissement de ceux-ci (en octobre 1998).

Par arrêt du 28 juin 2001, le Tribunal administratif a rejeté le recours. II
a considéré, en substance, que la prise en compte de risques imminents de
pertes de change sur des papiers-valeurs ne se justifiait que lorsque la
vente de ceux-ci ne pouvait avoir lieu pour des raisons juridiques ou de
sérieux motifs commerciaux et que d'autres mesures de précaution
n'apparaissaient pas raisonnables au regard de l'économie d'entreprise; dans
cette mesure, des pertes de change connues seulement au moment de
l'établissement du bilan pouvaient être prises en compte, pourvu toutefois
qu'elles "aient leur origine avant la date de clôture (des comptes)"; or, tel
n'était précisément pas le cas en l'espèce, puisque les cours des monnaies
dans lesquelles X.________ SA avait effectué ses placements avaient baissé
durant le deuxième trimestre 1998 et que les contrats relatifs à ces derniers
avaient tous été reconduits en janvier et février 1998; il s'ensuivait que la
perte de change subie par la société ne trouvait pas son origine dans la
période fiscale considérée (soit l'année 1997), mais résultait des décisions
prises au début de l'année 1998 de reconduire les placements en monnaies
étrangères.

D.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ SA demande
au Tribunal fédéral, sous suite de dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal
administratif  du 28 juin 2001.

Le Tribunal administratif renvoie pour l'essentiel aux considérants de son
arrêt et conclut au rejet du recours avec suite de frais. L'Administration
fédérale des contributions se prononce dans le même sens.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Dirigé contre une décision fondée sur le droit public fédéral qui a été prise
par une autorité cantonale statuant en dernière instance, le présent recours
est déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la loi fédérale
du 16 décembre 1943 d'organisation judiciaire (OJ; RS 173.110), de sorte
qu'il est recevable en vertu des art. 97 ss OJ.
En revanche, produites après l'échéance du délai de recours prévu à l'art.
106 al. 1 OJ sans qu'un second échange d'écritures n'ait été ordonné au sens
de l'art. 110 al. 4 OJ, les observations de la recourante du 4 décembre 2001
sont irrecevables et doivent être retranchées du dossier (cf. ATF 108 Ia 140
consid. 5b p. 143).

2.
La recourante fait valoir que la reprise, opérée par les autorités
cantonales, de la provision pour pertes de change qu'elle a comptabilisée
pour l'exercice 1997, viole les art. 58 et 63 de la loi fédérale du 14
décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct (LIFD; RS 642.11).

2.1 Selon l'art. 58 al. 1 lettre b LIFD, le bénéfice net imposable comprend
tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du
compte de résultats qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par
l'usage commercial tels que, notamment, les amortissements et les provisions
qui ne sont pas justifiés par l'usage commercial. Aux termes de l'art. 63 al.
1 LIFD, des provisions peuvent être constituées à la charge du compte de
résultats, notamment pour les risques de pertes sur des actifs circulants
(lettre b) et pour les autres risques de pertes imminentes durant l'exercice
(lettre c).

Dans un arrêt rendu sous l'empire de l'arrêté du Conseil fédéral du 9
décembre 1940 sur la perception d'un impôt fédéral direct (AIFD), abrogé le
1er janvier 1995 (cf. art. 201 LIFD), le Tribunal fédéral avait admis comme
justifiée par l'usage commercial une provision constituée en vue de couvrir
la dépréciation prévisible d'une créance en dollars (ATF 103 lb 366 consid. 4
p. 370 s.). Dans cette affaire, il était établi que la devise américaine
avait subi, durant la période de calcul, une importante dépréciation de sa
valeur et une majorité d'analystes financiers pronostiquaient qu'elle en
perdrait encore dans le courant de la première année de la période de
taxation; il y avait dès lors lieu d'admettre que la créance en cause
n'aurait pas pu être cédée à sa valeur au jour de la date de clôture du
bilan, de sorte que le bien-fondé de la provision devait être admis. Cette
jurisprudence garde toute sa pertinence sous le nouveau droit.

2.2 En l'espèce, la recourante ne prétend pas et démontre encore moins que
l'effondrement des cours qui s'est produit durant le deuxième trimestre de
l'année 1998 avait déjà été prévu par les analystes financiers avant le 31
décembre 1997. Son cas diffère donc de celui publié aux ATF 103 Ib 366.

Par ailleurs, il est établi que la recourante disposait, de trente jours en
trente jours, de la possibilité de renouveler ou non ses placements en
monnaies étrangères; elle pouvait donc, si elle décidait de ne pas procéder à
ces renouvellements, reconvertir ses avoirs en francs suisses. Or, là non
plus elle ne démontre ni même ne prétend qu'au moment où elle aurait pu, pour
la première fois après le 31 décembre 1997, dénoncer ses placements et en
convertir la contre-valeur en francs suisses, ceux-ci avaient déjà subi une
quelconque dépréciation. Aucune menace imminente de perte ne pesait donc sur
les placements en monnaies étrangères au 31 décembre 1997. En réalité, la
perte subie en raison de l'effondrement des cours des marchés monétaires lors
du deuxième trimestre de l'année 1998 aurait pu être évitée si les placements
concernés avaient été dénoncés - comme ils auraient pu l'être - courant
janvier ou février de cette même année puis convertis en francs suisses;
l'origine de la perte de change est donc postérieure à la date déterminante
de la clôture des comptes et du bilan (31 décembre 1997).

Contrairement à ce que soutient la recourante, il importe peu que ses
placements aient été reconduits automatiquement par la banque et que leur
non-renouvellement n'aurait pas entraîné ipso facto la reconversion de ses
avoirs en francs suisses. Seul compte, en effet, le fait que la société
disposait à chaque échéance de la possibilité de décider si elle entendait ou
non renouveler ses placements et, le cas échéant, en convertir la
contre-valeur en francs suisses. Son silence et son inactivité équivalaient,
par conséquent, à ce qu'elle appelle une "décision économique significative",
au même titre que la décision qu'elle avait initialement prise de placer ses
liquidités en monnaies  étrangères.

Que les motifs ayant dicté cette décision initiale aient par la suite
conservé leur justesse (soit, en particulier, la perspective de bénéficier
d'un taux d'intérêt plus élevé en dollars qu'en francs suisses) ne joue pas
de rôle, car le risque d'évolution défavorable du taux de change des monnaies
choisies constituait lui aussi, en tant que tel, un paramètre susceptible de
suggérer une modification de la décision initiale; or, il appartenait à la
recourante d'apprécier un tel paramètre lors de chacune de ses décisions
successives, fussent-elles implicites. Enfin, le fait que la chute des cours
qui s'est produite n'aurait fait l'objet d'aucune prévision de la part des
analystes financiers n'y saurait rien changer; en effet, la décision de
convertir ou non les avoirs en francs suisses devait être prise en fonction
du seul risque général de fluctuation des cours, risque que l'usage
commercial ne permet pas de prévenir par la constitution de provisions à
moins qu'il ne soit imminent.

2.3 En confirmant la décision du Service cantonal de reprendre la provision
pour pertes de change comptabilisée par la recourante pour l'exercice 1997,
le Tribunal administratif n'a donc nullement violé le droit fédéral.

3.
Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté. Manifestement
mal fondé, il doit être traité selon la procédure simplifiée de l'art. 36a
OJ.

Succombant, la recourante supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1
OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 3'000 fr. est mis à la charge de la recourante.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire de la recourante, au
Service cantonal des contributions et au Tribunal administratif du canton de
Fribourg, Cour fiscale, ainsi qu'à l'Administration fédérale des
contributions.

Lausanne, le 1er février 2002

Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: