Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.356/2001
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Arrêt du 28 janvier 2002
IIe Cour de droit public

Les juges fédéraux Wurzburger, président,
Hungerbühler et Berthoud, suppléant
greffier Addy.

X.________, recourant, représenté par Me Stefano Fabbro, avocat, rue du
Progrès 1, case postale 538, 1701 Fribourg,

contre

Département de la police du canton de Fribourg,
1700 Fribourg,
Tribunal administratif du canton de Fribourg, 1ère Cour administrative, route
André-Piller 21, case postale,
1762 Givisiez.

regroupement familial

(recours de droit administratif contre l'arrêt du Tribunal administratif du
canton de Fribourg, 1ère Cour administrative,
du 6 juin 2001)
Faits:

A.
Après être entré en Suisse pour la première fois le 22 mars 1988 en qualité
de saisonnier, X.________, ressortissant yougoslave, a obtenu une
autorisation de séjour annuelle en 1991 et une autorisation d'établissement
en 1997. Il est père de quatre enfants nés d'un premier lit qui se prénomment
comme suit:

- A.________, né le 4 décembre 1980
- B.________, né le 2 mars 1983
- C.________, né le 13 novembre 1985
- D.________, né le 18 novembre 1987.

A la suite du divorce d'avec sa première épouse, prononcé en Yougoslavie le
22 juillet 1993, X.________ s'est vu attribuer l'autorité parentale sur ses
enfants. Il s'est remarié en Suisse quelques mois plus tard, le 7 décembre
1993, avec une compatriote. Ses enfants sont restés en Yougoslavie où ils ont
été élevés par leur grand-mère paternelle, puis, au décès de cette dernière
en septembre 1998, par un oncle, également du côté paternel.

B.
Le 22 mars 2000, X.________ a déposé, au titre du regroupement familial, une
demande d'autorisation d'entrée et de séjour en Suisse en faveur de son fils
B.________. Cette demande a été rejetée par décision du 26 juin 2000. Le 23
novembre suivant, X.________ a déposé une nouvelle demande, tendant cette
fois au regroupement familial de ses trois fils mineurs, B.________,
C.________ et D.________. La demande de regroupement familial a été refusée
par décision du 23 février 2001 rendue par le Département de la police du
canton de Fribourg (ci-après: le Département cantonal).

Par arrêt du 6 juin 2001, la 1ère Cour administrative du Tribunal
administratif du canton de Fribourg (ci-après: le Tribunal administratif) a
rejeté le recours formé par X.________ contre la décision précitée du
Département cantonal. Elle a notamment retenu que les enfants du requérant
avaient leurs attaches sociales, culturelles et familiales les plus fortes en
Yougoslavie, où ils avaient toujours vécu auprès de leur proche parenté.

C.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, X.________ demande au
Tribunal fédéral, avec suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt rendu par
le Tribunal administratif le 6 juin 2001 et d'octroyer une autorisation de
séjour à ses fils B.________, C.________ et D.________. Il se plaint en
substance de la violation de l'art. 17 al. 2 de la loi fédérale du 26 mars
1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20).

Le Département cantonal a renoncé à formuler des observations. Le Tribunal
administratif et l'Office fédéral des étrangers ont conclu au rejet du
recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 II 506 consid. 1 p.
507; 126 I 81 consid. 1 p. 83 et la jurisprudence citée).

1.1 Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le recours de droit
administratif n'est pas recevable en matière de police des étrangers contre
l'octroi ou le refus d'autorisations auxquelles le droit fédéral ne confère
pas un droit. Aux termes de l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent
librement, dans le cadre des prescriptions légales et des traités avec
l'étranger, sur l'octroi ou le refus d'autorisations de séjour ou
d'établissement. En principe, l'étranger n'a pas droit à l'autorisation de
séjour. Ainsi, le recours de droit administratif est irrecevable, à moins que
ne puisse être invoquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité, accordant le droit à la délivrance d'une telle autorisation (ATF 126
II 335 consid. 1a p. 337/338, 377 consid. 2 p. 381, 425 consid. 1 p. 427; 126
I 81 consid. 1a p. 83 et les arrêts cités).

1.2 D'après l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE, les enfants célibataires âgés
de moins de 18 ans ont le droit d'être inclus dans l'autorisation
d'établissement de leurs parents aussi longtemps qu'ils vivent auprès d'eux.

En l'espèce, le recourant est titulaire d'une autorisation d'établissement
depuis 1997. Ses enfants B.________, C.________ et D.________ étaient, au
moment déterminant du dépôt de la demande de regroupement familial (cf. ATF
120 Ib 257 consid. 1f p. 262; 118 Ib 153 consid. 1b p. 156/157), âgés de
moins de 18 ans. Le recours de droit administratif est dès lors recevable.

1.3 Le recourant se réfère en outre à l'art. 8 CEDH, qui garantit le droit au
respect de la vie privée et familiale. La recevabilité du recours de ce point
de vue dépend de la question de savoir si le recourant entretient des liens
étroits et effectifs avec ses fils (cf. ATF 125 II 633 consid. 2e p. 639; 122
II 1 consid. 1e p. 5). En l'occurrence, cette question peut toutefois
demeurer indécise de même que, par conséquent, celle de la recevabilité du
recours au regard de l'art. 8 CEDH, car le Tribunal fédéral doit de toute
façon entrer en matière sous l'angle de l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE.

1.4 Au surplus déposé en temps utile et dans les formes prescrites par la
loi, le présent recours est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.
D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit administratif peut être formé pour
violation du droit fédéral, y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation (lettre a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète
des faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ (lettre b).

Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fédéral, qui
englobe notamment les droits constitutionnels des citoyens (ATF 124 II 517
consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs
invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche, lorsque le
recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision d'une autorité
judiciaire, le Tribunal fédéral est lié par les faits constatés dans cette
décision, sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure (art. 105 al. 2
OJ). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas revoir l'opportunité de
l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne prévoyant pas un tel examen en la
matière (art. 104 lettre c ch. 3 OJ).

3.
Le recourant reproche au Tribunal administratif d'avoir mal constaté les
faits pertinents et d'avoir apprécié la situation en violation de l'art. 17
al. 2 3ème phrase LSEE.

3.1 La seule condition prévue explicitement par la disposition légale
précitée pour la délivrance d'une autorisation de séjour est que "les enfants
(mineurs) vivent auprès de leurs parents". D'autres exigences ont cependant
été tirées de la loi, de sorte que l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE ne
confère pas un droit inconditionnel à faire venir en Suisse des enfants
vivant à l'étranger. Ces restrictions s'appliquent également, par analogie, à
l'art. 8 CEDH. En effet, si cette disposition peut faire obstacle, dans
certaines circonstances, à une mesure d'éloignement qui empêche ou rend très
difficile le maintien de la vie familiale, elle n'octroie en revanche pas de
droit absolu à l'entrée ou au séjour en Suisse de membres de la famille (ATF
125 II 633 consid. 3a p. 639; 124 II 361 consid. 3a p. 366).
L'art. 17 al. 2 LSEE vise avant tout, selon sa lettre, les cas où la relation
entre les parents est intacte. Mais cette disposition tend aussi à protéger,
selon la jurisprudence, les relations entre les parents vivant séparés et
leurs enfants mineurs. Toutefois, celui des parents qui a librement décidé de
venir en Suisse ne peut se prévaloir du droit d'y faire venir son enfant
lorsqu'il entretient avec celui-ci des contacts moins étroits que l'autre
parent resté à l'étranger ou que les membres de la famille qui en prennent
soin, et qu'il peut maintenir les relations existantes. Dans un tel cas, où
le regroupement familial ne peut être que partiel, il n'existe en effet pas
un droit inconditionnel de l'enfant vivant à l'étranger de rejoindre le
parent établi en Suisse, à moins qu'il n'entretienne avec celui-ci une
relation familiale prépondérante et que la nécessité de sa venue soit
établie. Pour en juger, il ne faut pas tenir compte seulement des
circonstances passées; les changements déjà intervenus, voire les conditions
futures peuvent également être déterminants. Le refus d'une autorisation de
séjour n'est en tout cas pas contraire au droit fédéral lorsque la séparation
résulte initialement de la libre volonté de l'étranger lui-même, lorsqu'il
n'existe pas d'intérêt familial prépondérant à une modification des relations
prévalant jusque-là ou qu'un tel changement ne s'avère pas impératif, et que
les autorités n'empêchent pas les intéressés de maintenir les liens familiaux
existants (ATF 124 II 361 consid. 3a p. 366/367 et les références citées).
Le fait qu'un enfant vienne en Suisse peu avant sa majorité, alors qu'il a
longtemps vécu séparément de celui de ses parents établi en Suisse, constitue
généralement un indice d'abus du droit conféré par l'art. 17 al. 2 3ème
phrase LSEE. Il faut cependant tenir compte de toutes les circonstances
particulières du cas qui sont de nature à justifier un regroupement familial
tardif, comme par exemple une modification importante de la situation
familiale et des besoins de l'enfant, telle qu'elle peut notamment se
produire après le décès du parent vivant à l'étranger (cf. ATF 126 II 329
consid. 2b p. 330; 125 II 585 consid. 2A p. 587; 119 Ib 81 consid. 3a p. 88;
118 Ib 153 consid. 2b p. 159 s.). Le cas échéant, il y a lieu d'examiner s'il
existe dans le pays d'origine des alternatives, en ce qui concerne la prise
en charge de l'enfant, qui correspondent mieux à ses besoins spécifiques; on
songera notamment aux enfants proches ou entrés dans l'adolescence qui ont
toujours vécu dans leur pays d'origine, et pour lesquels une émigration vers
la Suisse pourrait être ressentie comme un déracinement difficile à surmonter
et devrait donc, autant que possible, être évitée; d'un autre côté,  la
jurisprudence rendue à propos des art. 17 al. 2 LSEE et 8 CEDH ne doit pas
conduire à n'accepter le regroupement familial que dans les cas où aucune
alternative ne s'offre pour la prise en charge de l'enfant dans son pays
d'origine (cf. ATF 126 II 329 consid. 3a p. 332; 125 II 633 consid. 3a p. 640
s.).
3.2 Dans le cas particulier, le recourant a quitté la Yougoslavie en mars
1988. Alors âgés de respectivement 5 ans, 2 ½ et 5 mois, ses fils B.________,
C.________ et D.________ ont d'abord été élevés par leur mère puis, à la
suite du divorce de leurs parents en 1993, par leur grand-mère paternelle
jusqu'au décès de cette dernière le 28 septembre 1998; dès ce moment, ils ont
été confiés à la garde d'un oncle du côté paternel.

Bien qu'il ait été investi de l'autorité parentale en 1993 déjà, ce n'est que
sept ans plus tard que le recourant a déposé pour la première fois une
demande de regroupement familial (en faveur de son fils B.________). Il
explique que jusqu'au décès de sa mère, qui était à même de prendre soin des
enfants, le regroupement familial n'était "pas d'actualité". C'est donc
délibérément que le recourant a décidé que ses enfants seraient scolarisés et
élevés en Yougoslavie et qu'ils s'y créeraient leurs attaches affectives,
sociales et culturelles. D'ailleurs, alors qu'il a sollicité, de 1992 à 1995,
l'octroi de nombreux visas touristiques pour permettre à des amis ou parents
de lui rendre visite en Suisse, y compris aux enfants de sa belle-soeur, le
recourant n'a jamais cherché à accueillir ses enfants dans son pays
d'adoption, montrant par là qu'il ne ressentait pas le besoin de leur faire
découvrir son nouveau cadre de vie.
Par ailleurs, après le décès de sa mère en septembre 1998, le recourant a
attendu près d'une année et demie avant de déposer la première demande de
regroupement familial pour son fils B.________ (en mars 2000 ) et plus de
deux ans pour présenter la demande litigieuse (en novembre 2000), bien que
ses conditions sociales, professionnelles et familiales fussent pourtant déjà
les mêmes deux ans auparavant. Le recourant a certes justifié la tardiveté de
sa demande de regroupement familial par le souci de ne pas bouleverser le
cycle scolaire de son fils B.________. Cela ne fait toutefois que confirmer
qu'il a librement choisi, pour le bien de son fils, que celui-ci achève sa
scolarité en Yougoslavie et s'y crée ainsi ses points d'ancrage les plus
forts.
Au vu de ces circonstances, c'est donc indiscutablement avec leur pays
d'origine, où ils ont vécu depuis leur naissance, que les fils du recourant
entretiennent les liens les plus étroits. Leur mère, leur frère aîné et leur
proche parenté y résident. Aujourd'hui âgé de plus de 18 ans, B._________
peut en outre y poursuivre sa formation professionnelle grâce au soutien
financier de son père; quant à ses deux frères cadets, ils sont encore en âge
de scolarité et leur venue en Suisse, dans un environnement culturel et
linguistique différent, constituerait un déracinement social et familial qui
les exposerait certainement, compte tenu notamment de leur âge, à des
difficultés d'intégration importantes. Il entraînerait en outre une division
encore plus marquée de la famille, conséquence qui va en sens contraire du
but visé par l'art. 17 al. 2 3ème phrase LSEE. Par ailleurs, le refus de la
demande de regroupement familial n'empêche nullement le maintien des liens
familiaux existants.
Certes le recourant fait valoir que son frère ne serait plus capable de
s'occuper de ses fils. Dans une déclaration écrite du 10 janvier 2001,
l'intéressé ne fait toutefois état d'aucune circonstance particulière qui
justifierait cette incapacité mais se borne à mentionner, de manière
générale, les conditions de vie difficiles régnant en Yougoslavie et les
possibilités limitées pour son frères de continuer à s'occuper de ses neveux.
Le recourant n'établit ainsi pas l'existence d'un intérêt prépondérant à voir
les relations familiales se modifier dans le sens qu'il souhaiterait. A vrai
dire, ce sont essentiellement des raisons de convenances personnelles et
matérielles qui ont déterminé le dépôt de la demande litigieuse, le recourant
souhaitant avant tout faire bénéficier ses enfants de conditions de vie plus
favorables et leur assurer une formation et un avenir professionnel meilleur
que dans son pays d'origine. Or de tels motifs, aussi honorables soient-ils,
ne sauraient être pris en considération dans l'application des art. 17 al. 2
LSEE et 8 CEDH, car ces dispositions visent en priorité à permettre la vie en
commun de l'ensemble de la famille.

4.
Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté. Succombant, le recourant
supportera les frais judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ) et n'a pas
droit à des dépens (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Département de la police et au Tribunal administratif du canton de Fribourg,
1ère Cour administrative, ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 28 janvier 2002

ADD/elo
Au nom de la IIe Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: