Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.291/2001
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2A.291/2001
        IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
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                        28 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

LF.________ et DF.________, représentés par Me Michel De
Palma, avocat à Sion,

                          contre

l'arrêt rendu le 11 mai 2001 par le Tribunal cantonal du can-
ton du Valais (Cour de droit public), dans la cause qui oppo-
se les recourants au Conseil d'Etat du canton du Valais et au
Service cantonal valaisan de l'état civil et des étrangers;

             (art. 7 al. 2 LSEE: mariage fictif)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Ressortissant libanais né le 1er janvier 1973,
DF.________ est entré en Suisse le 6 juin 1997 et a déposé
une première demande d'asile sous la fausse identité de
GK.________, d'origine palestinienne. Invité ensuite à se
déterminer sur les fausses pièces produites à l'appui de sa
demande, DF.________ a déposé, le 8 septembre 1999, une se-
conde demande d'asile, cette fois sous sa véritable identité.
Par décision du 15 septembre 1999, l'Office fédéral des réfu-
giés a refusé d'entrer en matière sur cette seconde demande
et a retiré l'effet suspensif à un éventuel recours. L'inté-
ressé a recouru contre cette décision et obtenu la restitu-
tion de l'effet suspensif.

   Le 7 février 2000, DF.________ a épousé LM.________,
ressortissante suisse, née le 13 novembre 1949. Il a alors
présenté une demande d'autorisation de séjour, puis a retiré
le recours qu'il avait formé contre le refus d'entrer en ma-
tière de l'Office fédéral des réfugiés.

   B.- Le 13 mars 2000, DF.________ et son épouse ont
été entendus séparément par le Contrôle des habitants (Police
des étrangers) de la Ville de Sion. Ils ont déclaré de maniè-
re entièrement concordante avoir fait connaissance quelque
deux ans auparavant et avoir décidé de se marier en août ou
septembre 1999 déjà. Tous deux ont aussi nié de façon catégo-
rique que leur mariage ait donné lieu à une contribution fi-
nancière et qu'il ait eu pour but d'éluder les dispositions
légales en matière de police des étrangers. Réentendus par le
Contrôle des habitants de la Ville de Sion le 3 juillet 2000,
les époux F.________ ont notamment déclaré se connaître de-
puis le 8 avril 1998, "vivre ensemble" depuis près de deux
ans et ont confirmé avoir conclu un mariage d'amour.

   Par décision du 24 mars 2000, le Service de l'Etat
civil et des étrangers a rejeté la demande d'autorisation de
séjour formée par DF.________, au motif que de nombreux indi-
ces permettaient de conclure qu'il avait contracté mariage
dans le but principal d'éluder les prescriptions sur le sé-
jour et l'établissement des étrangers.

   Le 10 avril 2000, LF.________ a adressé un courrier
au Service de l'Etat civil et des étrangers. Elle y conteste
cette décision de refus dans les termes les plus vifs, réaf-
firme que l'entente entre elle et son mari est excellente et
qu'ils partagent une vraie vie de couple. Elle explique, en-
tre autres, que si son mari ne connaît pratiquement pas sa
famille, c'est que celle-ci ne veut pas entendre parler de
lui.

   C.- Après le rejet de leur recours déposé auprès du
Conseil d'Etat, le 13 décembre 2000, les époux F.________ se
sont adressés au Tribunal cantonal qui, par arrêt du 11 mai
2001, a également rejeté le recours. Reprenant les motifs dé-
veloppés par les autorités inférieures, la juridiction canto-
nale a considéré qu'il existait un faisceau d'indices pour
admettre que le mariage n'avait pas eu pour but de former une
véritable union conjugale, à savoir: l'importante différence
d'âge entre les époux, la précarité du statut du recourant en
Suisse au moment du mariage et sa méconnaissance quasi totale
de la famille de sa femme, ainsi que les déclarations de
l'intéressé selon lesquelles il espérait pouvoir bientôt ob-
tenir la nationalité suisse grâce à son mariage.

   D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, LF.________ et DF.________ concluent, avec suite
de frais et dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal
cantonal du 11 mai 2001, la cause étant renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considé-

rants. Par acte séparé du 18 juin 2001, ils ont également
présenté une demande d'assistance judiciaire.

   Le Tribunal cantonal a renoncé à se déterminer et le
Conseil d'Etat a conclu au rejet du recours. Au terme de ses
observations, le Département fédéral de justice et police
propose aussi de rejeter le recours.

   E.- Par ordonnance présidentielle du 13 juillet
2001, l'effet suspensif a été attribué au recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étran-
ger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la pro-
longation de l'autorisation de séjour. Pour juger de la rece-
vabilité du recours de droit administratif, seule est déter-
minante l'existence formelle d'un mariage. Est en revanche un
problème de fond la question de savoir si l'époux étranger a
droit à l'octroi ou à la prolongation de l'autorisation de
séjour ou si celle-ci doit lui être refusée en vertu des ex-
ceptions ou restrictions qui découlent de l'art. 7 al. 2 LSEE
et de l'abus de droit (ATF 124 II 289 consid. 2b p. 291 et
les arrêts cités).

   En l'espèce, l'existence formelle d'un mariage entre
le recourant et LF.________, ressortissante suisse, est éta-
blie. Le recours est donc recevable au regard de l'art. 100
lettre b ch. 3 OJ.

   b) Au surplus, déposé en temps utile et dans les
formes prescrites par la loi, le présent recours est receva-
ble en vertu des art. 97 ss OJ.

   2.- Le recours de droit administratif peut être for-
mé pour violation du droit fédéral, y compris l'abus ou l'ex-
cès du pouvoir d'appréciation, sous réserve de l'art. 105 al.
2 OJ (art. 104 lettre a OJ), ainsi que pour constatation
inexacte ou incomplète de faits pertinents (art. 104 lettre b
OJ). Lorsqu'un recours est dirigé, comme en l'espèce, contre
la décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral
est cependant lié par les faits constatés dans la décision,
sauf s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils
ont été établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 105 al. 2 OJ).

   3.- a) L'art. 7 al. 2 LSEE prévoit que le conjoint
étranger d'un ressortissant suisse n'a pas droit à l'octroi
ou à la prolongation de l'autorisation de séjour lorsque le
mariage a été contracté dans le but d'éluder les dispositions
sur le séjour et l'établissement des étrangers et notamment
celles sur la limitation du nombre des étrangers.

   b) La preuve directe que les époux se sont mariés
non pas pour fonder une véritable communauté conjugale, mais
seulement dans le but d'éluder les dispositions de la légis-
lation sur le séjour et l'établissement des étrangers ne
peut, comme en matière de mariages dits de nationalité (ATF
98 II 1 ss), être aisément apportée; les autorités doivent
donc se fonder sur des indices. De tels indices peuvent no-
tamment résulter du fait que l'étranger est menacé d'un ren-
voi de Suisse, parce que son autorisation de séjour n'est pas
prolongée ou que sa demande d'asile a été rejetée. La grande
différence d'âge entre les époux, les circonstances de leurs
relations, de même que l'absence de vie commune ou le fait
que la vie commune a été de courte durée, constituent égale-
ment des indices que les époux n'ont pas la volonté de créer
une véritable union conjugale. Toutefois, celle-ci ne saurait
être déduite du seul fait que les époux ont vécu ensemble
pendant un certain temps et ont entretenu des relations inti-

mes, car un tel comportement peut aussi avoir été adopté dans
l'unique but de tromper les autorités (ATF 122 II 289 consid.
2b p. 295; 121 II 1 consid. 2b p. 3; 97 consid. 3b p. 101/
102; 119 Ib 417 consid. 4b p. 420).

   En outre, pour que l'art. 7 al. 2 LSEE soit applica-
ble, il ne suffit pas que le mariage ait été contracté dans
le but de permettre au conjoint étranger de séjourner régu-
lièrement en Suisse; encore faut-il que la communauté conju-
gale n'ait pas été réellement voulue. En d'autres termes, les
motifs du mariage ne sont pas décisifs dès l'instant où le
mariage et la communauté de vie sont réellement voulus par
les époux (ATF 121 II 97 consid. 3b/c p. 102; 113 II 5 con-
sid. 3b p. 9; voir aussi ATF 123 II 49 consid. 3b, non pu-
blié). A cet égard, les déclarations du recourant, selon les-
quelles il espérait bientôt obtenir la nationalité suisse
grâce à son mariage n'excluent dès lors pas d'emblée son in-
tention de mener réellement une vie de couple.

   c) En l'espèce, il est vrai qu'il existe un certain
nombre d'indices susceptibles d'accréditer la thèse du maria-
ge fictif, comme la différence d'âge entre les époux et le
statut précaire du recourant en Suisse. Au bénéfice de l'ef-
fet suspensif pour le recours qu'il avait formé contre le re-
fus de l'Office fédéral des réfugiés d'entrer en matière sur
sa seconde demande d'asile, il devait toutefois s'attendre à
une mesure de renvoi, car les chances de voir son recours
aboutir étaient très réduites. Le fait même qu'il ait tenté
d'obtenir l'asile politique sous une fausse identité, à l'ai-
de de faux documents démontre aussi qu'il ne reculait devant
aucun moyen pour rester en Suisse. Dans ces conditions, il
n'est pas incongru de supposer que cette voie-là ayant
échoué, il ait cherché à se marier.

   Il ne s'agit cependant que d'indices qui ne doivent
pas rendre impossible la preuve que les époux se sont mariés

pour créer une véritable union conjugale. Or, sur ce point,
la Cour cantonale, à l'instar des instances inférieures, a
systématiquement passé sous silence les éléments qui étaient
en faveur de la thèse soutenue par les recourants. Tel était
le cas des déclarations concordantes des époux, qui n'ont pas
été contredites par d'autres éléments de preuve, d'où il res-
sort que les intéressés ont fait connaissance au cours de
l'année 1998 et se sont engagés dans une relation suivie.
Constatant alors une très bonne entente, ils ont, en août ou
septembre 1999, décidé de vivre ensemble et de se marier. A
cet égard, le fonctionnaire du Contrôle des habitants de la
ville de Sion qui a procédé à leur audition le 13 mars 2000,
constatait que "malgré l'importante différence d'âge qui les
sépare, ces époux donnent l'impression d'être heureux et de
vivre en parfaite harmonie". Cette appréciation est importan-
te, car ce fonctionnaire est en principe la seule personne à
avoir entendu personnellement les époux dans le cadre de la
procédure de police des étrangers. Quant au fait, non contes-
té, que le recourant ne connaît pratiquement pas sa belle-fa-
mille, la recourante en a donné une explication qui est pour
le moins plausible et qui, elle non plus, n'a pas été contre-
dite. Pourtant, la Cour cantonale ne l'a pas discutée.

   Compte tenu de tous ces éléments, les autorités can-
tonales ne pouvaient se contenter de raisonner sur indices.
Il leur eût appartenu au contraire d'approfondir l'instruc-
tion, en procédant, par exemple, à une enquête de voisinage
ou en interrogeant les connaissances communes du couple, aux
fins de déterminer si la bonne entente et la parfaite harmo-
nie affichée par les époux correspondaient à une réalité ef-
fectivement vécue ou si elle n'était qu'une apparence desti-
née à tromper les autorités. En l'état, la décision de refus
d'autorisation de séjour, confirmée par la Cour cantonale,
repose donc sur un état de fait incomplet, qui ne tient pas
compte des éléments favorables aux recourants, lesquels ont -

au demeurant - toujours affirmé qu'ils étaient heureux ensem-
ble et que leur différence d'âge n'avait pas d'importance.

   Dans ces conditions, il y a lieu d'annuler l'arrêt
attaqué et de renvoyer la cause à la juridiction cantonale
pour nouvelle décision. Si cette autorité envisage de pronon-
cer un nouveau refus, il lui appartiendra de procéder au
préalable à un complément d'instruction, dans le sens des
considérants ci-dessus, et de ne prendre sa décision qu'en
fonction des résultats de celui-ci.

   4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
admis dans le sens des considérants et l'arrêt attaqué annu-
lé, la cause étant renvoyée au Tribunal cantonal pour nouvel-
le décision. Il n'y a pas lieu de mettre les frais judiciai-
res à la charge du canton du Valais, dont les intérêts pécu-
niaires ne sont pas en cause (art. 156 al. 2). En revanche,
l'Etat du Valais devra verser aux recourants une indemnité à
titre de dépens (art. 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

            l e  T r i b u n a l  f é d é r a l ,

   1. Admet le recours dans le sens des considérants et
annule l'arrêt attaqué, la cause étant renvoyée à l'autorité
cantonale pour nouvelle décision.

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   3. Met à la charge de l'Etat du Valais une indemnité
de 2'500 fr. à verser aux recourants à titre de dépens.

   4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re des recourants, au Service cantonal de l'état civil et des
étrangers, à la Cour de droit public du Tribunal cantonal et
au Conseil d'Etat du canton du Valais, ainsi qu'à l'Office
fédéral des étrangers.

                       _______________

Lausanne, le 28 août 2001
ROC/elo

            Au nom de la IIe Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                  La Greffière,