Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.263/2001
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2A.263/2001
       IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
      ***********************************************

                        14 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Müller. Greffier: M. Langone.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                         formé par

K.________, représenté par Me Gaëtan Coutaz, avocat à Sion,

                           contre

l'arrêt rendu le 27 avril 2001 par le Juge unique de la Cour
de droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais,
dans la cause qui oppose le recourant au Service de l'état
civil et des étrangers du canton du  V a l a i s ;

(art. 13b al. 2 LSEE: prolongation de la détention en vue de
                        refoulement)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- Par décision du 24 novembre 2000, l'Office fédéral
des réfugiés n'est pas entré en matière sur la demande
d'asile présentée par K.________, ressortissant guinéen, a
retiré l'effet suspensif à un éventuel recours et a invité
le prénommé à quitter immédiatement la Suisse, sous peine de
refoulement. Après avoir refusé de restituer l'effet suspen-
sif selon décision incidente du 10 janvier 2000 (recte:
2001), la Commission suisse de recours en matière d'asile a,
le 23 février 2001, déclaré irrecevable le recours dont elle
avait été saisie.

     Entendu le 21 décembre 2000 par le Service de l'état
civil et des étrangers du canton du Valais (ci-après: le
Service cantonal), K.________, dépourvu de toute pièce
d'identité, a déclaré qu'il n'était pas disposé à rentrer
dans son pays d'origine, mais qu'il essaierait de se procu-
rer les documents de voyage nécessaires à son départ de
Suisse.

     Le 21 décembre 2000, le Service cantonal a demandé à
l'Office fédéral des réfugiés un soutien à l'exécution du
renvoi de K.________.

     Le 29 janvier 2001, K.________ a indiqué à la Police
cantonale valaisanne qu'il refusait de rentrer dans son pays
d'origine et qu'il n'avait rien entrepris pour se procurer
un document de voyage valable.

     Par décision du 29 janvier 2001, le Service cantonal a
ordonné la mise en détention immédiate de l'intéressé en vue
du refoulement pour une durée de trois mois.

     Lors de son audition du 30 janvier 2001, K.________ a
indiqué au Juge unique de la Cour de droit public du Tribu-
nal cantonal du canton du Valais (ci-après: le Juge unique)
qu'il était d'accord de rentrer chez lui et de rencontrer un
représentant de l'Ambassade de Guinée pour obtenir un lais-
sez-passer. Il a précisé que sa famille se composait d'une
seule soeur qui, en fait, n'était pas sa "soeur de sang",
mais qu'il l'appelait ainsi parce qu'ils avaient vécu ensem-
ble. Le Juge unique a, par arrêt du 30 janvier 2001, confir-
mé la décision du Service cantonal du 29 janvier 2001.

     Le 7 février 2001, K.________ a été mis en contact té-
léphonique avec un représentant de l'Ambassade de Guinée à
Paris. Ce dernier a indiqué que K.________ était probable-
ment ressortissant de Guinée, mais a refusé de délivrer un
laissez-passer au motif que K.________ avait refusé de col-
laborer.

     Le 16 février 2001, K.________ a été réentendu par le
Juge unique en présence de son avocat, lequel n'avait pas
été dûment convoqué à l'audition du 30 janvier 2001. A cette
occasion, il a déclaré qu'il n'avait vu sa soeur, avec la-
quelle il n'avait jamais fait ménage commun, qu'une seule
fois. Par arrêt du 16 février 2001 (remplaçant celui du 30
janvier 2001 entaché d'une irrégularité), le Juge unique a
confirmé la décision du Service cantonal du 29 janvier 2001.
Cet arrêt n'a pas été attaqué.

     B.- Le 19 avril 2001, K.________ a refusé d'avoir un
nouvel entretien téléphonique avec un représentant de l'Am-
bassade de Guinée, à Paris.

     Le 19 avril 2001, le Service cantonal a décidé d'accor-
der l'assistance judiciaire totale à K.________ et de dési-
gner son mandataire comme avocat d'office et de proposer la
prolongation de la détention en vue du refoulement pour une
durée maximale de trois mois.

     Le 20 avril 2001, les empreintes digitales de l'inté-
ressé ont été transmises aux autorités allemandes en vue de
son identification.

     Le 26 (recte: 27) avril 2001, K.________ a été entendu
par Juge unique: il a déclaré qu'il n'avait entrepris aucune
démarche en vue d'obtenir des papiers d'identité, tout en
précisant qu'il était d'accord de rentrer chez lui.

     Par arrêt du 27 avril 2001, le Juge unique a prolongé
jusqu'au 29 juillet 2001 la détention administrative de
K.________ et a rejeté l'assistance judiciaire.

     C.- Par acte de recours du 30 mai 2001 adressé au Tri-
bunal fédéral, K.________ conclut à l'annulation de l'arrêt
précité du 27 avril 2001 et à sa mise en liberté immédiate.

     Le Service cantonal propose de rejeter le recours, tan-
dis que le Juge unique a déposé ses observations sans pren-
dre de conclusions expresses. Quant à l'Office fédéral des
étrangers, il a renoncé à se déterminer.

     Selon une analyse linguistique effectuée le 30 mai
2001, il semblerait que K.________ soit originaire de
Guinée-Bissau et non de Guinée (Conakry).

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- Selon l'art. 13b al. 1 de la loi fédérale du 26
mars 1931 sur le séjour et l'établissement des étrangers
(LSEE; RS 142.20), si une décision de renvoi ou d'expulsion
de première instance a été notifiée à un étranger, l'auto-
rité cantonale compétente peut, aux fins d'en assurer l'exé-
cution, mettre en détention cette personne, notamment lors-

que "des indices concrets font craindre qu'elle entend se
soustraire au refoulement, notamment si son comportement
jusqu'alors mène à conclure qu'elle se refuse à obtempérer
aux instructions des autorités" (lettre c; sur les indices
de danger de fuite, voir ATF 122 II 49 consid. 2a; 125 II
369 consid. 3b/aa; Alain Wurzburger, La jurisprudence récen-
te du Tribunal fédéral en matière de police des étrangers,
in: RDAF 53/1997 I, p. 267 ss, spéc. p. 332/333). En princi-
pe, la durée de la détention ne peut excéder trois mois;
toutefois, elle peut, avec l'accord de l'autorité judiciaire
cantonale, être prolongée de six mois au maximum, si des
obstacles particuliers s'opposent à l'exécution du renvoi ou
de l'expulsion (art. 13b al. 2 LSEE). La détention est su-
bordonnée à la condition que les autorités entreprennent
sans tarder les démarches nécessaires à l'exécution du ren-
voi ou de l'expulsion (art. 13b al. 3 LSEE). Enfin, selon
l'art. 13c al. 5 lettre a LSEE, elle doit être levée lorsque
son motif n'existe plus ou que l'exécution du renvoi ou de
l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques
ou matérielles (voir, sur l'ensemble de ces points, les ar-
rêts cités in ATF 125 II 369 consid. 3a p. 374).

     2.- Force est de constater d'emblée que les autorités
cantonales ont satisfait à leur obligation de diligence im-
posée par l'art. 13b al. 3 LSEE, consistant à effectuer ra-
pidement les démarches propres à déterminer l'identité et à
obtenir les papiers nécessaires au renvoi de l'intéressé,
avec ou sans sa collaboration (Andreas Zünd, Die Recht-
sprechung des Bundesgerichts zu den Zwangsmassnahmen im Aus-
länderrecht, in: ZBJV 132/1996 p. 89). En effet, elle ont,
le 21 décembre 2000, demandé à l'Office fédéral des réfugiés
un soutien à l'exécution du renvoi du recourant. Le 7 fé-
vrier 2001, elles ont mis le recourant en contact télépho-
nique avec un représentant de l'Ambassade de Guinée à Paris.
Elles ont tenté de le faire à nouveau le 19 avril 2001, mais
le recourant a refusé. Le 20 avril 2001, une requête de com-

paraison dactyloscopique a été adressée à l'Allemagne. Par
ailleurs, il ressort du dossier de la cause que les autori-
tés poursuivent avec la diligence voulue les démarches en
vue du renvoi du recourant, puisqu'une analyse linguistique
du recourant a eu lieu le 30 mai 2001, après que l'arrêt at-
taqué a été rendu.

     3.- a) Selon décision du 29 janvier 2001, confirmée le
16 février 2001 par le Juge unique, le recourant avait été
mis en détention en vue du refoulement au sens de l'art. 13b
al. 1 lettre c LSEE pour une durée de trois mois, soit jus-
qu'au 29 avril 2001. Les autorités cantonales avaient retenu
qu'il existait des indices concrets faisant craindre qu'il
entendait se soustraire à son renvoi: le recourant, sous le
coup d'une décision de renvoi de Suisse exécutoire, était
dépourvu de papiers d'identité et n'avait entrepris aucune
démarche en vue de s'en procurer; il avait déclaré le 29
janvier 2001 qu'il refusait de retourner dans son pays
d'origine. Il lui était également reproché d'avoir fait des
déclarations contradictoires sur sa famille.

     Reste à examiner si les conditions de l'art. 13b al. 1
lettre c LSEE sont effectivement remplies et partant si la
prolongation de la détention est justifiée.

     b) Dans ses observations, le Service cantonal soutient
que la prolongation de la détention est justifiée par le
comportement passif du recourant. A cet égard, il convient
toutefois de souligner que le comportement purement passif
d'un étranger, par exemple le défaut de coopération à la re-
cherche de papiers, ne constitue pas un motif suffisant de
détention. Cependant, il faut considérer que, plus le com-
portement passif de l'étranger se prolonge, plus cette iner-
tie constitue un indice important pouvant conduire - en te-
nant compte des autres circonstances - à admettre l'exis-
tence d'un motif de détention au sens de l'art. 13b al. 1

lettre c LSEE. Par ailleurs, l'étranger qui donne des ren-
seignements manifestement invraisemblables ou contradictoi-
res, notamment sur son origine, ne se comporte pas de ma-
nière purement passive. Celui qui, de cette façon, rend plus
difficile la tâche des autorités est en principe présumé
vouloir se soustraire à son refoulement. En revanche, il
faudra des indices très forts pour admettre le risque de
fuite lorsque la personne concernée s'est tenue assez long-
temps et sans interruption à la disposition des autorités
(arrêts non publiés du 29 septembre 1999 en la cause
Luvumbu-Nsumbu, consid. 3a et du 14 janvier 1997 en la cause
Khan, consid. 2c; Wurzburger, op. cit., p. 333).

     c) En l'occurrence, le recourant déclare être disposé à
rentrer dans son pays d'origine et à collaborer à son départ
de Suisse. Mais une telle affirmation n'est pas absolument
déterminante, dès lors que le recourant n'a entrepris aucune
démarche concrète en vue d'obtenir les documents de voyage
nécessaires à son renvoi et, quoi qu'il en dise, n'a pas
collaboré activement avec les autorités cantonales chargées
de son renvoi. Tout porte à croire que ces déclarations ont
été faites pour les besoins de la cause. Il est vrai que, le
7 février 2001, le recourant a accepté d'avoir un entretien
téléphonique avec un représentant de l'Ambassade de Guinée,
à Paris. Mais il ne peut pas en tirer argument, puisqu'il
n'a pas pleinement coopéré, de telle sorte qu'aucun laissez-
passer n'a pu être délivré.

     L'intéressé continue à affirmer être guinéen, bien
qu'un doute subsiste quant à sa nationalité. Le 19 avril
2001, il a refusé d'avoir un nouvel entretien téléphonique
avec un représentant de l'Ambassade de Guinée, à Paris, sous
prétexte qu'il avait plus rien à lui dire. Par ailleurs, il
a toujours refusé d'écrire à l'ambassade de son pays, à un
membre de sa famille ou à l'une de ses connaissances pour
obtenir des papiers d'identité, au motif qu'il ne savait pas

comment s'y prendre. De tels indices ne sont pas, à eux
seuls, suffisants pour continuer à admettre un danger de
fuite réel. Force est toutefois de reconnaître que le com-
portement passif du recourant tend à se prolonger, ce qui
constitue un indice important de risque de fuite réel. En
fait, le recourant ne se comporte pas seulement de manière
purement passive: lors de l'entretien téléphonique du 7 fé-
vrier 2001 avec un représentant de l'Ambassade de Guinée, il
a délibérément répondu de manière vague et incomplète aux
questions posées de ce dernier. Ce faisant, l'intéressé - de
manière assez habile - a cherché à rendre plus difficile la
tâche des autorités chargées de son renvoi, tout en essayant
de faire croire qu'il avait la volonté de collaborer.

     De surcroît, le recourant a précisé au cours de l'au-
dience du 30 janvier 2001 devant le juge de la détention que
sa famille se composait d'une seule soeur qui, en fait,
n'était pas sa "soeur de sang", mais qu'il l'appelait ainsi
parce qu'ils avaient vécu ensemble, alors que le 16 février
2001 le recourant a déclaré qu'il n'avait vu sa "soeur", qui
habitait loin de chez lui, qu'une seule fois. Or ces décla-
rations - pour le moins ambiguës - constituent un indice
supplémentaire que le recourant ne se contente pas d'adopter
un comportement purement passif, mais tente de brouiller les
pistes, afin de compliquer l'obtention de ses papiers
d'identité.

     Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, les
conditions de l'art. 13b al. 2 en relation avec l'art. 13b
al. 1 lettre c LSEE sont remplies dans le cas présent.

     d) Il apparaît par ailleurs que la durée de la prolon-
gation de la détention respecte le principe de la propor-
tionnalité (ATF 126 II 439 ss). Enfin, l'exécution du re-

foulement de l'intéressé ne s'avère pas d'emblée impossible
pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 13c al. 5
lettre a LSEE).

     4.- Le recourant se plaint de ce que le juge de la dé-
tention a rejeté sa requête d'assistance judiciaire, alors
même que son mandataire avait été désigné avocat d'office
par décision du 19 avril 2001 du Service cantonal. A noter
qu'un étranger indigent a en principe droit, lors d'une pro-
cédure en prolongation de la détention en vue du refoule-
ment, à l'assistance d'un avocat d'office (ATF 122 II 49
ss). Dans ses observations adressées au Tribunal fédéral, le
Juge unique explique que, conformément à la pratique canto-
nale, l'assistance judiciaire est "accordée aux frais" du
Service cantonal, lequel ne l'a pas contesté. Il n'est donc
pas nécessaire d'annuler la décision attaquée sur ce point.
Il suffit de prendre acte du fait que les honoraires de
l'avocat d'office du recourant pour la procédure de prolon-
gation de la détention devant le Juge unique seront pris en
charge par le Service cantonal.

     5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.
Quant à la requête d'assistance judiciaire complète présen-
tée par le recourant, elle doit être admise, puisque les
conditions de l'art. 152 al. 1 et 2 OJ sont remplies. En
conséquence, il convient de statuer sans frais et de dési-
gner Me Gaëtan Coutaz avocat d'office pour la procédure fé-
dérale et de lui allouer une indemnité de ce chef.

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours.

     2. Admet la demande d'assistance judiciaire.

     3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

     4. Désigne Me Gaëtan Coutaz, avocat à Sion, comme avo-
cat d'office du recourant et dit que la Caisse du Tribunal
fédéral lui versera une indemnité de 1'500 fr. à titre
d'honoraires.

     5. Communique le présent arrêt en copie au recourant,
au Service de l'état civil et des étrangers et au Juge uni-
que de la Cour de droit public du Tribunal cantonal du can-
ton du Valais, ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 14 juin 2001
LGE/elo

           Au nom de la IIe Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,