Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.218/2001
Zurück zum Index II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


2A.218/2001
        IIe  C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
      ************************************************

                        9 avril 2002

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler, Müller, Yersin et Merkli.
Greffière: Mme Dupraz.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                          formé par

Z.________, représentée par le Centre social protestant, rue
du Village-Suisse 14, case postale 177, à Genève,

                           contre

la décision prise le 9 avril 2001 par la Commission suisse de
recours en matière d'asile;

(liberté personnelle: légalité des conditions de séjour dans
      un centre d'enregistrement de requérants d'asile)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Ressortissante de la Sierra Leone née le 10 sep-
tembre 1977, Z.________ est arrivée en Suisse le 4 août 2000
et a déposé une demande d'asile le même jour au Centre d'en-
registrement de X.________. Le 13 septembre 2000, elle a
adressé à la Commission suisse de recours en matière d'asile
(ci-après: la Commission suisse de recours) une demande inti-
tulée "requête en matière de liberté personnelle", dans la-
quelle elle se plaignait d'atteinte à sa liberté personnelle,
en particulier à sa liberté de mouvement. Cette atteinte pro-
venait de l'obligation de rester dans le centre d'enregistre-
ment précité en respectant un règlement intérieur strict, se-
lon lequel notamment toute sortie était soumise à autorisa-
tion. Elle demandait à la Commission suisse de recours d'exa-
miner ces conditions de séjour en particulier sous l'angle de
l'art. 5 CEDH et de constater que son droit à la liberté per-
sonnelle avait été violé par les restrictions qui lui avaient
été imposées. Elle lui demandait aussi de dire que son séjour
dans ledit centre d'enregistrement devait prendre fin imm-
édiatement ou, à tout le moins, qu'elle devait pouvoir jouir
sans restriction de sa liberté de mouvement.

   Le 20 septembre 2000, Z.________ a été attribuée au
canton de Genève et a pu quitter le centre d'enregistrement
susmentionné. La Commission suisse de recours a renoncé à
l'exigence d'un intérêt actuel digne de protection au traite-
ment du recours selon l'art. 48 lettre b (recte lettre a) PA
et continué la procédure bien que Z.________ eût terminé son
séjour dans ce centre d'enregistrement. Elle a ouvert un
échange de vues, d'abord avec le Département de justice et
police et des transports du canton de Genève en raison d'une
éventuelle compétence de la Commission cantonale de recours
de police des étrangers du canton de Genève (lettre du 13

octobre 2000), puis avec les autorités compétentes des autres
cantons qui accueillent des centres d'enregistrement et, en-
fin, avec le Département fédéral de justice et police (ci-
après: le Département fédéral) à qui il incombe de traiter
les dénonciations (art. 71 PA) ou les recours pour retard
injustifié (art. 70 PA). Par courrier du 26 mars 2001, le
Département fédéral s'est déclaré prêt à examiner la requête
du 13 septembre 2000 sous l'angle de la dénonciation.

   Le 9 avril 2001, la Commission suisse de recours a
décidé de ne pas entrer en matière sur ladite requête. Elle a
nié sa compétence pour deux raisons. D'une part, le législa-
teur avait prévu une compétence résiduelle du Département fé-
déral pour les recours qui n'étaient pas expressément attri-
bués à la Commission suisse de recours (art. 105 al. 1 et 4
de la loi du 26 juin 1998 sur l'asile - LAsi; RS 142.31).
D'autre part, il manquait un véritable acte attaquable, à sa-
voir une décision de l'Office fédéral des réfugiés, de sorte
que les seules voies de droit entrant en considération
étaient la dénonciation ou le recours pour retard injustifié,
domaines relevant du Département fédéral. La Commission suis-
se de recours a par conséquent transmis la cause au Départe-
ment fédéral.

   B.- Le 7 mai 2001, Z.________ a formé un recours de
droit administratif. Elle demande au Tribunal fédéral d'annu-
ler la décision d'irrecevabilité prise le 9 avril 2001 par la
Commission suisse de recours et d'inviter cette dernière à
statuer, en tant qu'autorité compétente, sur la requête du 13
septembre 2000. Du point de vue procédural, elle requiert le
Tribunal fédéral de la dispenser de tous les frais de procé-
dure, de lui communiquer les pièces du dossier qui lui sont
encore inconnues et de lui accorder un délai pour compléter
son mémoire de recours.

   La Commission suisse de recours et le Département
fédéral concluent à l'irrecevabilité du recours.

   Le 5 septembre 2001, la recourante a déposé un mé-
moire complémentaire portant notamment sur les documents re-
cueillis lors de l'échange de vues effectué par la Commission
suisse de recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) L'acte attaqué est une décision d'irrecevabi-
lité (non-entrée en matière) de la Commission suisse de re-
cours. La question de la recevabilité du recours de droit ad-
ministratif contre cette décision doit être tranchée selon
les dispositions de la loi fédérale d'organisation judiciai-
re, le cas échéant selon d'autres normes relevant de la lé-
gislation spéciale. D'après le principe de l'unité de la pro-
cédure consacré à l'art. 101 OJ (cf. ATF 111 Ib 73; 119 Ib
412 consid. 2a p. 414), la voie du recours de droit adminis-
tratif n'est pas ouverte à l'encontre d'une décision de non-
entrée en matière, si elle n'est pas ouverte à l'encontre de
la décision au fond. Il convient donc d'examiner si un re-
cours de droit administratif à l'encontre de la décision fi-
nale de la Commission suisse de recours aurait été recevable,
au cas où cette autorité serait entrée en matière sur la re-
quête précitée et aurait statué sur le fond.

   b) La décision attaquée se fonde sur le droit public
fédéral et émane d'une commission fédérale de recours (art.
97 OJ en relation avec l'art. 5 PA et art. 98 lettre e OJ).
L'art. 100 al. 1 lettre b OJ déclare le recours de droit ad-
ministratif irrecevable en matière de police des étrangers,
en particulier dans le domaine du droit d'asile, contre les
décisions sur l'octroi ou le refus de l'asile (ch. 2), contre

le renvoi (ch. 4) et contre les décisions concernant l'admis-
sion provisoire des étrangers (ch. 5). La question de la ré-
gularité du séjour dans le centre d'enregistrement précité,
problème que la recourante voulait voir jugé par la Commis-
sion suisse de recours, ne tombe sous aucun de ces motifs
d'irrecevabilité. Par conséquent, le recours de droit admi-
nistratif est recevable d'après la clause générale de l'art.
97 OJ, pour autant qu'une loi spéciale, en l'espèce la loi
sur l'asile, ne l'exclue pas.

   c) La procédure devant la Commission suisse de re-
cours et les tâches de cette dernière sont réglementées aux
art. 104-112 LAsi.

   L'art. 105 LAsi, intitulé "Compétence", a la teneur
suivante:

   "1La commission de recours statue en dernière ins-
         tance sur les recours contre les décisions de l'of-
         fice concernant:

      a. le refus de l'asile et la non-entrée en matiè-
               re sur une demande d'asile;

      b. le refus de la protection provisoire; l'art.
               68, 2e alinéa, est réservé, à moins que la
               violation du principe de l'unité de la famille
               ne soit invoquée;

      c. le renvoi;

      d. la fin de l'asile ou de la protection provi-
               soire;

      e. la levée de l'admission provisoire, si une
               telle admission a été prononcée en vertu de
               l'art. 44, 2e et 3e alinéas.

   2Les cantons peuvent faire recours auprès de la com-
         mission de recours si l'office n'a pas donné suite à
         une demande faite en vertu de l'art. 44, 5e alinéa.

   3Les recours se fondant sur des dispositions du cha-
         pitre 7 sont régis par l'article 25 de la loi fédé-
         rale du 19 juin 1992 sur la protection des données.

         4Le département statue en dernière instance sur les
         autres recours, à moins qu'un recours de droit admi-
         nistratif ne soit recevable au Tribunal fédéral".

   L'art. 105 al. 1 LAsi règle deux questions. D'une
part, il définit la compétence de la Commission suisse de re-
cours; cette définition correspond en fait à la position dé-
fendue dans la décision attaquée, ce qui s'explique aisément,
compte tenu notamment de l'art. 105 al. 4 LAsi. D'autre part,
il établit que la Commission suisse de recours statue défini-
tivement sur les cas relevant de sa compétence. L'art. 105
LAsi qui, en tant que norme spéciale, l'emporte sur les art.
97 ss OJ, exclut ainsi toute voie de recours à une autre ins-
tance, en particulier le recours de droit administratif au
Tribunal fédéral.

   Si la Commission suisse de recours statue en princi-
pe définitivement dans sa sphère de compétence, il lui incom-
be aussi, à elle seule, d'interpréter en dernier ressort
l'art. 105 al. 1 LAsi. Si elle n'est pas entrée en matière
sur la requête susmentionnée parce qu'elle n'était pas compé-
tente pour examiner les questions que cette requête soule-
vait, le Tribunal fédéral ne peut pas entrer en matière sur
le recours de droit administratif formé contre sa décision de
non-entrée en matière, compte tenu en particulier du principe
de l'unité de la procédure. Cela serait notamment valable si
la Commission suisse de recours s'était déclarée à tort in-
compétente, quand bien même elle aurait vraiment été compé-
tente, car, précisément, sa décision aurait été prise en der-
nière instance selon l'art. 105 al. 1 LAsi.

   d) La recourante invoque à tort l'ATF 123 II 193.

   Dans ce cas, la décision attaquée émanait du juge de
la détention du Tribunal du district de Zurich, soit d'une
autorité statuant en dernière instance cantonale. Ainsi, le

Tribunal fédéral pouvait laisser ouverte la question de sa-
voir si le recours de droit administratif était recevable
(aucune norme d'exclusion claire comme l'art. 105 al. 1 LAsi
n'entrait en ligne de compte), puisque, selon les art. 84
al. 1 et 86 al. 1 OJ, le recours de droit public était de
toute façon recevable, les griefs déterminants ayant été sou-
levés conformément aux exigences de l'art. 90 OJ (ATF 123 II
193 consid. 2 non publié). Dans cette affaire, la compétence
du Tribunal fédéral ne faisait pas de doute tandis que, dans
la présente espèce, elle est exclue par une réglementation
légale claire. Si le Tribunal fédéral a alors déclaré que la
Commission suisse de recours était l'autorité compétente,
c'est que la rétention dans l'aéroport résultait du fait que
l'entrée en Suisse avait été provisoirement refusée parce
qu'un renvoi était à prévoir; il fallait considérer cette me-
sure comme une décision incidente portant sur des mesures
provisionnelles dans la procédure de renvoi du droit d'asile;
il s'agissait d'une décision attaquable comme telle, de ma-
nière indépendante, à l'instar de la décision de renvoi (ATF
123 II 193 consid. 5 d/bb p. 206/207). De prime abord, une
telle base manque ici pour fonder la compétence de la Commis-
sion suisse de recours. C'est pourquoi il est exclu que le
Tribunal fédéral, en l'absence de compétence propre, examine
dans un obiter dictum si et sur quelle base on pourrait fon-
der une compétence de la Commission suisse de recours pour
traiter la requête précitée.

   2.- Vu ce qui précède, le recours doit être déclaré
irrecevable.

   Succombant, la recourante n'a pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 OJ) et doit en principe supporter les frais
judiciaires (art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ). Elle a cepen-
dant demandé l'assistance judiciaire en ce sens qu'elle soit
dispensée de payer les frais judiciaires. Comme elle est dans
le besoin et que, compte tenu de l'ensemble des circonstan-

ces, on ne saurait lui opposer que son recours était voué à
l'échec, il convient d'agréer sa demande, soit de renoncer à
percevoir des frais judiciaires (art. 152 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Déclare le recours irrecevable.

   2. Admet la demande d'assistance judiciaire.

   3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   4. Communique le présent arrêt en copie au repré-
sentant de la recourante, au Département fédéral de justice
et police et à la Commission suisse de recours en matière
d'asile.

Lausanne, le 9 avril 2002
DAC/elo

            Au nom de la IIe Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        La Greffière,