Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

II. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2A.16/2001
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2A.16/2001

       IIe   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
      ***********************************************

                      23 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hungerbühler et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                         formé par

X.________, né le 28 octobre 1978, actuellement détenu à
la Prison Centrale, à Fribourg, représenté par Me Nicolas
Charrière, avocat à Fribourg,

                           contre

la décision prise le 28 novembre 2000 par le Président de la
Ière Cour administrative du Tribunal administratif du canton
de Fribourg, dans la cause qui oppose le recourant à la Di-
rection de la justice, de la police et des affaires militai-
res du canton de  F r i b o u r g;

     (art. 13b al. 2 LSEE: prolongation de la détention
                   en vue du refoulement)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- X.________, né en 1978, de nationalité incertaine,
est entré en Suisse le 16 juillet 1999 et y a déposé une de-
mande d'asile le 19 juillet 1999, en se présentant comme un
ressortissant guinéen. Le 3 décembre 1999, l'Office fédéral
des réfugiés (ci-après: l'Office fédéral) a rejeté cette de-
mande et prononcé le renvoi de Suisse de l'intéressé en lui
impartissant un délai de départ échéant le 31 janvier 2000,
sous commination d'un refoulement, le canton de Fribourg
étant chargé de l'exécution du renvoi.

     B.- Le 25 octobre 1999, le Juge d'instruction de l'ar-
rondissement de Lausanne a condamné X.________ à quinze
jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans pour
infraction à la loi fédérale du 3 octobre 1951 sur les stu-
péfiants et les substances psychotropes (loi sur les stupé-
fiants; LStup; RS 812.121). Le 22 décembre 1999, le juge
précité a condamné l'intéressé à quarante jours d'emprison-
nement, sous déduction de vingt jours de détention préventi-
ve subis, pour infraction et contravention à la loi sur les
stupéfiants et révoqué le sursis susmentionné. Le 11 mai
2000, le Juge d'instruction cantonal vaudois a condamné
X.________ à trois mois d'emprisonnement pour infraction à
la loi sur les stupéfiants et prononcé son expulsion du ter-
ritoire suisse pour une durée de trois ans. L'intéressé a
été incarcéré à la prison de Vevey du 28 avril au 1er sep-
tembre 2000, date à laquelle il a été transféré à Fribourg
par "train-cellule".

     C.- Le 1er septembre 2000, la Direction de la justice,
de la police et des affaires militaires du canton de Fri-
bourg (ci-après: la Direction cantonale) a décidé de placer
X.________ en détention en vue de son refoulement pour une

durée de trois mois sur la base en particulier de l'art. 13b
al. 1 lettre c de la loi fédérale du 26 mars 1931 sur le sé-
jour et l'établissement des étrangers (LSEE; RS 142.20) et
de l'art. 13b al. 1 lettre b LSEE en relation avec l'art.
13a lettre e LSEE. Par décision du 5 septembre 2000, le Pré-
sident de la Ière Cour administrative du Tribunal adminis-
tratif du canton de Fribourg (ci-après: le Président) a dé-
claré que la détention en vue du refoulement prise le 1er
septembre 2000 par la Direction cantonale était conforme aux
principes de la légalité et de l'adéquation.

     D.- Le 23 novembre 2000, la Direction cantonale a sol-
licité l'accord du Président à la prolongation de six mois
au maximum de la durée de la détention de X.________.

     Par décision du 28 novembre 2000, le Président a donné
son accord à la prolongation pour six mois de la détention
de l'intéressé, soit jusqu'au 1er juin 2001.

     E.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, X.________ demande au Tribunal fédéral, sous suite
de dépens, l'annulation de la décision du Président du 28
novembre 2000 ainsi que, principalement, sa remise en li-
berté immédiate et, subsidiairement, le renvoi du dossier à
"l'autorité cantonale" pour nouvelle décision. Il reproche
en substance à l'autorité intimée d'avoir estimé que les dé-
marches entreprises par le Service de la police des étran-
gers et des passeports du canton de Fribourg (ci-après: le
Service cantonal) répondaient aux exigences légales, alors
qu'elles auraient violé les principes de la célérité et de
la proportionnalité. Il invoque les art. 13b al. 2 et 3 et
13c al. 2 LSEE ainsi que l'art. 5 par. 1 lettre f CEDH. Il
requiert l'assistance judiciaire.

     Le Président et la Direction cantonale concluent au re-
jet du recours.

     Le recourant a déposé des déterminations le 17 janvier
2001. L'Office fédéral des étrangers n'a pas fait parvenir
de prise de position.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- Selon l'art. 13b al. 1 LSEE, si une décision de
renvoi ou d'expulsion de première instance a été notifiée,
l'autorité cantonale compétente peut, aux fins d'en assurer
l'exécution, mettre la personne concernée en détention, en
particulier (lettre b) lorsqu'il existe des motifs aux ter-
mes de l'art. 13a lettre e LSEE, soit lorsqu'elle "menace
sérieusement d'autres personnes ou met gravement en danger
leur vie ou leur intégrité corporelle et que, pour ce motif,
elle fait l'objet d'une poursuite pénale ou a été condam-
née". D'après la lettre c de l'art. 13b al. 1 LSEE, la per-
sonne peut également être mise en détention "lorsque des in-
dices concrets font craindre qu'elle entend se soustraire au
refoulement, notamment si son comportement jusqu'alors mène
à conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions
des autorités" (sur les indices de danger de fuite, voir
notamment ATF 122 II 49 consid. 2a p. 50/51 et Alain
Wurzburger, La jurisprudence récente du Tribunal fédéral
en matière de police des étrangers, in RDAF 1997 1 267,
p. 332/333). En principe, la durée de la détention ne peut
excéder trois mois; toutefois, elle peut, avec l'accord de
l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de six mois
au maximum, si des obstacles particuliers s'opposent à
l'exécution du renvoi ou de l'expulsion (art. 13b al. 2
LSEE). La détention est subordonnée à la condition que les
autorités entreprennent sans tarder les démarches nécessai-
res à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion (art. 13b al.
3 LSEE). Elle doit être levée lorsque son motif n'existe
plus ou que l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère

impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art.
13c al. 5 lettre a LSEE). Lorsqu'elle examine la décision de
détention, de maintien ou de levée de celle-ci, l'autorité
judiciaire tient compte, outre des motifs de détention, en
particulier de la situation familiale de la personne détenue
et des conditions d'exécution de la détention (art. 13c al.
3 LSEE).

     2.- Le recourant a été mis, puis maintenu, en détention
en vue du refoulement sur la base de l'art. 13b al. 1 lettre
b LSEE en relation avec l'art. 13a lettre e LSEE, en raison
de ses antécédents pénaux.

     Pour que l'art. 13a lettre e LSEE puisse être appliqué,
il faut que les faits incriminés démontrent une menace sé-
rieuse pour d'autres personnes. La jurisprudence admet une
telle menace lorsqu'un petit trafiquant met sur le marché
des quantités peu importantes d'héroïne ou de cocaïne pour
autant qu'il existe des indices suffisants pour conclure
qu'il a procédé ainsi à de nombreuses reprises, soit de
façon répétée (ATF 125 II 369 consid. 3b/bb p. 375; cf.
aussi l'arrêt non publié du 10 février 2000 en la cause
Shinwari, consid. 2b/bb; Alain Wurzburger, op. cit.,
p. 334). L'activité délictueuse de l'intéressé apparaît
suffisante pour être prise en considération dans le cadre
de l'art. 13a lettre e LSEE, de sorte que la détention est
justifiée au regard de l'art. 13b al. 1 lettre b LSEE. Au
surplus, une autre cause de détention est réalisée.

     3.- Le recourant a aussi été mis, puis maintenu, en dé-
tention en vue du refoulement sur la base de l'art. 13b al.
1 lettre c LSEE, des indices concrets faisant craindre qu'il
n'entende se soustraire à son renvoi.

     Le 3 décembre 1999, l'Office fédéral a imparti à l'in-
téressé un délai échéant le 31 janvier 2000 pour quitter la

Suisse. Le recourant qui a certes subi vingt jours de déten-
tion préventive en décembre 1999 n'a pas préparé son départ.
Il ne s'est pas présenté le 2 février 2000 au rendez-vous
que le Service cantonal lui avait fixé. Puis, le 7 février
2000, il a disparu et n'a donc pas donné suite aux autres
convocations du Service cantonal. Il s'est ainsi soustrait à
son refoulement. Par ailleurs, il a été condamné pénalement
à trois reprises. Or, la jurisprudence admet un danger de
fuite en présence d'un comportement pénalement répréhensi-
ble, dans la mesure où un étranger qui a commis des actes
délictueux est plus susceptible de contrevenir aux instruc-
tions des autorités que celui qui n'a jamais agi de la sorte
(ATF 122 II 49 consid. 2a p. 51). L'attitude du recourant
peut donc sérieusement faire craindre qu'il ne se soustraie
à son renvoi.

     Le 4 septembre 2000, le Service cantonal a procédé à
l'audition du recourant, qui a toujours prétendu être gui-
néen, et lui a posé différentes questions pour vérifier sa
nationalité. L'Ambassade de Suisse en Côte d'Ivoire - qui
fonctionne aussi pour la Guinée - a été invitée à se pro-
noncer sur les réponses de l'intéressé et il ressort de sa
lettre du 6 octobre 2000 que beaucoup étaient fausses. Du
reste, l'interprète, qui a effectué une analyse linguistique
le 19 septembre 2000 et a établi que le recourant parlait le
malinké utilisé entre autres en Guinée, a fait la même cons-
tatation à propos des notions géographiques de l'intéressé.
Par ailleurs, ce dernier a été mis en contact téléphonique
avec l'Ambassade de Guinée à Paris à trois reprises, les 4
et 29 septembre 2000 ainsi que le 14 novembre 2000. Les
trois fois, le représentant de cette ambassade a déclaré
qu'il n'était pas guinéen. En outre, lors de l'audition pré-
citée du 4 septembre 2000, le recourant a donné le numéro de
téléphone d'un oncle maternel à Conakry, mais il s'est avéré
que ce numéro n'avait pas été attribué. Le 3 novembre 2000,
l'intéressé a certes écrit au Directeur du lycée de l'"En-

fant-Jésus" à Conakry pour lui demander d'envoyer un docu-
ment en vue de son retour. Toutefois, cette démarche appa-
raît vouée à l'échec, puisque l'Ambassade de Suisse en Côte
d'Ivoire a affirmé, dans son courrier du 6 octobre 2000, que
ce lycée n'existait pas. On peut dès lors douter des affir-
mations du recourant sur son identité ainsi que de sa volon-
té de se soumettre à l'exécution de son renvoi et, par con-
séquent, de coopérer avec les autorités qui en sont char-
gées.

     Les conditions de l'art. 13b al. 1 lettre c LSEE sont
donc remplies. Le recourant reproche à l'autorité intimée
d'avoir violé le principe de la proportionnalité (art. 13c
al. 2 LSEE), car une mesure plus légère que la détention
aurait pu être ordonnée. On ne saurait le suivre. Compte
tenu de son lourd passé, aucune des autres mesures envisa-
geables - telle que la surveillance policière, l'assignation
à domicile ou l'encadrement dans un foyer pour requérants
d'asile - n'était suffisante.

     4.- Il convient d'examiner si les autorités ont agi
avec diligence et si le renvoi paraît possible dans un délai
prévisible (art. 13b al. 3 et 13c al. 5 lettre a a contrario
LSEE).

     Le manque de coopération de la part de l'étranger ne
permet pas aux autorités cantonales de rester inactives;
elles doivent au contraire essayer de déterminer son identi-
té et d'obtenir les papiers nécessaires à son renvoi, avec
ou sans sa collaboration (cf. ATF 124 II 49).

     Depuis que le recourant est en détention, le Service
cantonal a effectué différentes démarches. Il l'a entendu
à bien des reprises, notamment les 4, 6, 18 et 25 septembre
ainsi que 6 octobre 2000 et il ressort des déterminations
de la Direction cantonale que ces entretiens continuent. Au

cours de deux de ces auditions, le Service cantonal a essayé
en vain d'atteindre par téléphone un oncle de l'intéressé à
Conakry. En outre, il a mis trois fois (les 4 et 29 septem-
bre ainsi que 14 novembre 2000) le recourant en contact té-
léphonique avec l'Ambassade de Guinée à Paris pour un entre-
tien d'identification. Il a aussi ordonné deux expertises
linguistiques: la première sur la base d'un entretien qui a
eu lieu le 19 septembre 2000 et la deuxième - dont le résul-
tat est attendu en janvier, voire février 2001 - à partir
d'un enregistrement effectué le 17 octobre 2000. De plus, le
12 septembre 2000, le Service cantonal a demandé à l'Ambas-
sade de Suisse en Côte d'Ivoire de vérifier l'exactitude de
certaines affirmations de l'intéressé. Par ailleurs, le 12
septembre 2000 également, il a adressé à l'Office fédéral
une demande de soutien à l'exécution du renvoi et de couver-
ture financière. Au surplus, d'ici la fin du mois de février
2001, le recourant pourra participer à Berne à une audition
centralisée que l'Office fédéral a organisée avec des repré-
sentants de l'Ambassade de Guinée à Paris afin de procéder à
des vérifications de nationalités.

     Dans ces conditions, force est de constater que les au-
torités fribourgeoises compétentes ont mené avec une dili-
gence suffisante la recherche de l'identité de l'intéressé
et les démarches en vue de son renvoi dans son pays d'origi-
ne. On ne saurait suivre le recourant qui voit une violation
du principe de célérité (art. 13b al. 3 LSEE) dans le fait
que l'autorité intimée a admis une expertise linguistique
durant plus de trois mois. Cette expertise, qui a été mise
en oeuvre en plus d'autres démarches, doit permettre d'éta-
blir l'origine de l'intéressé et elle n'occasionne aucun re-
tard, puisque les autorités fribourgeoises compétentes doi-
vent de toute façon attendre le résultat de l'audition du
recourant à Berne par des représentants de l'Ambassade de
Guinée à Paris.

     De plus, en l'état, rien n'indique que les efforts des
autorités fribourgeoises compétentes ne pourraient aboutir,
ni que le renvoi du recourant ne pourrait être réalisé dans
un délai prévisible. L'intéressé soutient certes que son
entretien à Berne avec des représentants de l'Ambassade de
Guinée à Paris ne permettrait pas de surmonter des obstacles
particuliers au sens de l'art. 13b al. 2 LSEE, puisque les
contacts téléphoniques avec cette ambassade ont été néga-
tifs. Cet argument n'est pas pertinent, car les conditions
de l'entrevue programmée diffèrent essentiellement de celles
des entretiens téléphoniques d'identification. C'est à tort
que le recourant reproche aussi aux autorités fribourgeoises
compétentes de ne pas avoir entrepris des démarches auprès
d'autres Etats africains que la Guinée. De telles démarches
sont impossibles tant que l'intéressé se proclame guinéen et
qu'il n'y a pas d'éléments pouvant orienter les recherches
vers un autre pays d'origine. Ces éléments pourraient être
apportés, le cas échéant, par l'entretien du recourant avec
des représentants de l'Ambassade de Guinée à Paris et par le
résultat de la deuxième expertise linguistique.

     Dans ces conditions, le principe de la proportionnalité
n'est pas violé non plus sous l'angle de l'adéquation au
sens de l'art. 5 par. 1 lettre f CEDH, car il n'est pas
établi que le refoulement de l'intéressé serait impossible
dans le délai maximum de détention en raison des motifs
susmentionnés (cf. ATF 125 II 217 consid. 2 p. 220; Alain
Wurzburger, op. cit., p. 329-331). Le moyen que le recourant
tire d'une prétendue violation de l'art. 5 par. 1 lettre f
CEDH doit donc être écarté.

     5.- Vu ce qui précède, le recours doit être rejeté.

     Les conclusions du recourant étaient dénuées de toutes
chances de succès, de sorte qu'il convient de lui refuser
l'assistance judiciaire (art. 152 OJ).

     Succombant, le recourant doit supporter les frais judi-
ciaires, qui seront fixés compte tenu de sa situation (art.
156 al. 1, 153 et 153a OJ), et n'a pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours.

     2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

     3. Met un émolument judiciaire de 500 fr. à la charge
du recourant.

     4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, à la Direction de la justice, de la police et
des affaires militaires et au Président de la Ière Cour
administrative du Tribunal administratif du canton de Fri-
bourg, ainsi qu'à l'Office fédéral des étrangers.

Lausanne, le 23 janvier 2001
DAC/mnv

           Au nom de la IIe Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                       La Greffière,