Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.7/2001
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1P.7/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        12 mars 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Zimmermann.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________, représenté par Me Yannis Sakkas, avocat à
Martigny,

                           contre

la décision prise le 20 novembre 2000 par la Chambre pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause oppo-
sant le recourant à Y.________, représenté par Me Jörn-Albert
Bostelmann, avocat à Sion, et au Juge d'instruction pénale du
Bas-Valais;

       (séquestre dans la procédure pénale cantonale)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 3 septembre 1993 a été constituée la société
A.________ (ci-après: la Société), qui a pour but notamment
l'exploitation de salles de jeux (art. 3 al. 1 des statuts).
Le capital-actions, fixé initialement à 1'140'000 fr. et en-
tièrement libéré sous forme d'actions nominatives (art. 5 et
6 des statuts), a été réparti entre B.________, l'avocat
Y.________ et C.________. L'art. 6bis des statuts réserve aux
actionnaires un droit de préemption, chacun en proportion des
actions qu'il détient, sur les actions nominatives qu'un au-
tre actionnaire mettrait en vente.

   La Société a entrepris des démarches pour obtenir
l'autorisation d'exploiter un jeu de boules au sens de l'or-
donnance fédérale sur les kursaals, en vigueur à l'époque,
ainsi qu'une autorisation d'exploitation de distributeurs
automatiques basés sur le jeu d'argent ("machines à sous") au
sens de la législation cantonale sur la police du commerce.

   Le 18 mai 1994, la Société a passé avec une conven-
tion selon laquelle la Société a accordé à X.________ le
droit exclusif de mettre à sa disposition des machines à sous
que la Société remettrait ensuite à la société d'exploitation
du futur casino. La convention détermine, selon un barème dé-
gressif, la partie des gains de la Société à laquelle
X.________ a droit.

   Le 25 mai 1994, Y.________ et X.________ ont passé
une convention, destinée à rester secrète à l'égard des
tiers, y compris les autres actionnaires de la Société (ch. 4
de la convention). Selon cet accord, qui se réfère à la
convention du 18 mai précédent, les parties sont convenues
que X.________ souscrirait 450 actions nominatives d'un mon-

tant de 1000 fr. lors de la future augmentation du capital de
la Société. Y.________ souscrirait 50 nouvelles actions au
même prix. L'accord prévoit une répartition entre Y.________
et X.________ des gains réalisés par celui-ci conformément à
l'art. 5 de la convention du 18 mai 1994 (ch. 1 de la conven-
tion). Les parties se sont engagées en outre à agir de con-
cert pour la protection de leurs intérêts communs dans la
gestion de la Société et à maintenir la parité de leur parti-
cipation respective dans celle-ci (ch. 2 de la convention).

   Par acte du 26 mai 1994, le capital-actions de la
Société a été porté à 2'000'0000 fr., entièrement libéré et
divisé en 2000 actions de 1000 fr. Etaient à cette époque
actionnaires de la Société: Y.________ (pour 560 actions),
X.________ (pour 450 actions), B.________ (pour 350 actions),
D.________ (pour 300 actions), E.________ (pour 150 actions),
F.________ (pour 100 actions) et G.________ (pour 90 ac-
tions).

   Le 26 mai 1994, Y.________ a rédigé et signé de sa
main un document par lequel il attestait avoir reçu de
X.________ le montant de 65'000 fr., correspondant au prix de
65 actions du capital de la Société. Il était convenu que
Y.________ serait "propriétaire à titre fiduciaire" de ce lot
d'actions.

   Ultérieurement, les actions d'Angéloz ont été ré-
parties entre Y.________, X.________, B.________ et
D.________, de sorte que Y.________ détenait désormais 597
actions, X.________ 488 actions, B.________ 388 actions,
D.________ 337 actions, F.________ 100 actions et G.________
S.A. 90 actions.

   Le 23 juillet 1998, B.________, représentant égale-
ment les intérêts de F.________, a vendu à Y.________ et
X.________, solidairement entre eux, le lot de 488 actions

qu'elles détenaient, pour le prix de 2'293'600 fr., soit
700'000 fr. à verser au 30 septembre 1998 et le solde, soit
1'593'600 fr., à verser au 31 mars 1999, les actions étant
transférées après le paiement de l'intégralité du prix de
vente (ch. 5 de la convention). A défaut de paiement dans ce
délai, la vente serait annulée, le montant de 700'000 fr.
restant acquis aux venderesses. D.________ a donné son accord
à cette cession, en renonçant à exercer le droit de préemp-
tion garanti par les statuts de la Société (ch. 7 de la con-
vention). Y.________, X.________ et D.________ ont donné éga-
lement leur accord au transfert, dans le registre des action-
naires, des actions de B.________ et F.________ au nom de
Y.________ et X.________, dès la remise des actions (ch. 7 de
la convention).

   Dans le premier terme fixé, Y.________ et X.________
ont versé, pour moitié chacun, le montant de 700'000 fr.
X.________ n'ayant pas été en mesure de réunir les fonds
nécessaires pour le versement de sa part de la deuxième
tranche prévue, B.________ et F.________ ont accepté, le 18
mars 1999, d'accorder à Y.________ un délai supplémentaire
pour qu'il s'acquitte seul du solde du prix de vente, ce
qu'il a fait. Les actions ont alors été remises à Y.________.

   Le 7 mars 1999, D.________ a vendu à Y.________ les
337 actions qu'il détenait, pour le prix de 1'583'900 fr.

   Le 18 septembre 1999, Y.________ a vendu à la Com-
pagnie Z.________ (ci-après: la Compagnie) 1367 actions (soit
597 actions dont il était propriétaire, sous réserve de 55
actions détenues pour X.________, 488 actions acquises de
B.________ et F.________, ainsi que 337 actions achetées à
D.________), pour le prix total de 13'310'000 fr. Les parties
sont convenues de déposer auprès du notaire H.________ le
prix de vente, pour ce qui concernait la Compagnie, et, pour
ce qui concernait Y.________, les certificats relatifs au 488

actions provenant de B.________ et F.________, le solde de-
vant être remis le 15 octobre 1999 au plus tard. La conven-
tion réservait le droit de préemption de X.________.

   Le 24 septembre 1999, X.________ (ignorant à cette
époque la vente du 18 septembre) a demandé à Y.________ de
lui remettre la moitié des actions achetées le 23 juillet
1998 à B.________ et F.________, soit 244 actions; il s'est
offert de verser à Y.________ ce qu'il lui devait pour le
solde de cette acquisition. X.________ a en outre mis
Y.________ en demeure de lui restituer les 65 actions qu'il
détenait fiduciairement et lui a interdit de disposer sans
son accord de ce lot de 309 actions.

   Le 8 octobre 1999, X.________ a indiqué à Y.________
vouloir exercer son droit de préemption en relation avec la
vente du capital-actions de la Société, en vain.

   B.- Le 4 juillet 2000, X.________ a porté plainte
contre Y.________, en relation avec ces faits, pour abus de
confiance (art. 146 CP), appropriation illégitime (art. 137
CP), extorsion (art. 156 CP), gestion déloyale (art. 158 CP)
et faux dans les titres (art. 251ss CP).

   Y.________ a contesté devoir remettre à X.________
la moitié des actions acquises de B.________ et F.________.
Il a reconnu devoir lui remettre 55 (et non pas 65) actions
qu'il détenait à titre fiduciaire.

   Le 17 août 2000, X.________ a déposé plainte pénale
contre la Compagnie, par ses organes, pour recel, et contre
D.________, pour gestion déloyale.

   Le Juge d'instruction pénale du Valais central a
ordonné, au titre des mesures conservatoires, le dépôt par

Y.________ d'un billet à ordre de 1'700'000 fr. souscrit le
20 septembre 1999 par la Compagnie en faveur de Y.________.

   Par décision du 8 septembre 2000, le Tribunal can-
tonal du canton de Valais, statuant sur une demande présentée
par Y.________, a attribué la cause au Juge d'instruction
pénale du Bas-Valais.

   Le 20 octobre 2000, celui-ci a confirmé le séquestre
du billet à ordre de 1'700'000 fr. (ch. 1 du dispositif) et
interdit à la Compagnie de libérer ce montant en faveur de
Y.________, sous une autre forme (ch. 2). Il a ordonné qu'à
l'échéance du billet à ordre (soit le 30 novembre 2000), le
montant en serait consigné si les parties n'avaient pas ré-
solu leur litige dans l'intervalle (ch. 3). Il a invité en
outre la Compagnie à libérer immédiatement les 55 actions
revendiquées par X.________ (ch. 4).

   Contre cette décision, Y.________ a formé un recours
de droit public, rayé du rôle le 5 décembre 2000 (procédure
1P.701/2000).

   Le 20 novembre 2000, le Tribunal cantonal a admis
partiellement la plainte formée par Y.________ contre la dé-
cision du 20 octobre 2000. Il a ordonné au Juge d'instruction
de lever le séquestre du billet à ordre de 1'700'000 fr.,
tout en gardant la possibilité de séquestrer un montant de
100'000 fr. Le Tribunal cantonal a considéré que le séquestre
ne pouvait pas être maintenu en relation avec l'acquisition
des actions de B.________ et F.________. Il pouvait l'être,
en revanche, pour ce qui concernait le solde de 10 actions
détenues par Y.________ à titre fiduciaire pour le compte de
X.________.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande principalement au Tribunal fédéral d'annu-

ler la décision du 20 novembre 2000. A titre préalable, il a
requis des mesures provisionnelles et probatoires. Il invoque
les art. 29 al. 2 Cst., 6 par. 1 CEDH et 14 par. 1 Pacte ONU
II, ainsi que la prohibition de l'arbitraire.

   Le Tribunal cantonal se réfère à sa décision. Le
Juge d'instruction a renoncé à se déterminer.

   Y.________ conclut au rejet du recours dans la me-
sure où il serait recevable.

   Invité à répliquer, le recourant a maintenu ses con-
clusions.

   D.- Le 8 janvier 2001, l'effet suspensif à titre su-
perprovisoire a été donné au recours.

   Par ordonnance du 26 janvier 2001, le Président de
la Ie Cour de droit public a admis la demande d'effet sus-
pensif (ch. 1) et invité Y.________ à consigner le montant de
1'600'000 fr. auprès de la Caisse du Tribunal fédéral, à pei-
ne des sanctions prévues par l'art. 292 CP (ch. 2). Il a re-
jeté, en l'état, la demande de mesures probatoires (ch. 3).

   Le 12 février 2001, le Président de la Ie Cour de
droit public a rejeté la demande de levée des mesures provi-
sionnelles présentée par Y.________, en prolongeant au 21 fé-
vrier 2001 le délai accordé à celui-ci pour se conformer au
ch. 2 de l'ordonnance du 26 janvier 2001.

   Le 20 février 2001, Y.________ a expliqué qu'il
n'était pas en mesure de se soumettre à l'ordonnance du 26
janvier 2001, ayant investi le montant correspondant au bil-
let à ordre dans une entreprise de culture d'abricots en
Hongrie.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- L'intimé Y.________ n'ayant pas obtempéré au ch.
2 de l'ordonnance du 26 janvier 2001, il doit être dénoncé au
Juge d'instruction pénale du Bas-Valais pour infraction à
l'art. 292 CP. La mesure provisionnelle visait, comme le pré-
voit l'art. 94 OJ, à sauvegarder les intérêts légitimes du
recourant, compromis par la levée partielle du séquestre ré-
sultant de la décision attaquée. Peu importe à cet égard que
l'intimé se soit cru en droit de disposer du billet à ordre
en partant du principe que la décision attaquée était entrée
en force après son prononcé, en l'absence de voie de droit
ordinaire. Pour le surplus, dès l'ordonnance du 8 janvier
2001 interdisant, à titre superprovisoire, l'exécution de la
décision attaquée, l'intimé n'était plus autorisé à disposer
des fonds obtenus en libération du billet à ordre.

   2.- a) Selon l'art. 87 OJ dans sa teneur du 8 octo-
bre 1999, entrée en vigueur le 1er mars 2000 (RO 2000 p. 416-
418), le recours de droit public est recevable contre les dé-
cisions préjudicielles et incidentes sur la compétence et sur
les demandes de récusation, prises séparément; ces décisions
ne peuvent être attaquées ultérieurement (al. 1); le recours
de droit public est recevable contre d'autres décisions pré-
judicielles et incidentes prises séparément s'il peut en ré-
sulter un dommage irréparable (al. 2); lorsque le recours de
droit public n'est pas recevable selon l'alinéa 2 ou qu'il
n'a pas été utilisé, les décisions préjudicielles et inciden-
tes peuvent être attaquées avec la décision finale (al. 3).

   La décision par laquelle l'autorité lève le séques-
tre est de nature incidente, puisqu'elle ne met pas fin à la
procédure pénale (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 100; cf. ATF 123
I 325 consid. 3b p. 327; 122 I 39 consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia
369 consid. 1b p. 372, et les arrêts cités). Elle cause tou-

tefois au plaignant qui a demandé le séquestre ou s'est oppo-
sé à la levée de celui-ci, un dommage irréparable au sens de
l'art. 87 al. 2 OJ (ATF 126 I 97 consid. 1b p. 101; cf. ATF
126 I 207 consid. 2 p. 210; 122 I 39 consid. 1a/bb p. 42, et
les arrêts cités). Le recours est recevable à cet égard.

   b) Le plaignant qui reproche à l'autorité cantonale
de n'avoir pas ordonné le séquestre réclamé ou d'avoir levé,
totalement ou partiellement, le séquestre ordonné en première
instance, a qualité, au sens de l'art. 88 OJ, pour se plain-
dre d'une violation de son droit de propriété en relation
avec une application arbitraire des normes régissant le sé-
questre (ATF 126 I 97 consid. 1a p. 99/100).

   Il y a lieu d'entrer en matière.

   3.- Le recourant se plaint de ne pas avoir été invi-
té à se déterminer sur le sort de la plainte formée par l'in-
timé contre la décision du 20 octobre 2000. Il y voit une
violation de son droit d'être entendu.

   a) Le recourant n'invoquant pas la violation de rè-
gles du droit cantonal régissant son droit d'être entendu,
c'est à la lumière de l'art. 29 al. 2 Cst. qu'il convient
d'examiner son grief (ATF 125 I 257 consid. 3a p. 259; 124 I
49 consid. 3a p. 51; 119 Ia 136 consid. 2c p. 138, 260
consid. 6 p. 260/261, et les arrêts cités). Les art. 6 par. 1
CEDH et 14 par. 1 Pacte ONU II, garantissant l'équité du pro-
cès, ne donnent pas sur ce point au recourant des droits al-
lant au-delà de ceux garantis par la Constitution (cf., con-
cernant l'art. 4 aCst., ATF 122 V 157 consid. 3b p. 163/164
et les arrêts cités).

   Les parties ont le droit d'être entendues (art. 29
al. 2 Cst.). Cela inclut pour elles le droit de s'expliquer
avant qu'une décision ne soit prise à leur détriment, de

fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur
la décision, d'avoir accès au dossier, de participer à l'ad-
ministration des preuves, d'en prendre connaissance et de se
déterminer à leur propos (ATF 126 V 130 consid. 2 p. 130-132;
cf., pour la jurisprudence relative à l'art. 4a Cst., ATF 126
I 15 consid. 2a/aa p. 16; 124 I 49 consid. 3a p. 51, 242 con-
sid. 2 p. 242; 124 V 90, 180 consid. 1a p. 181, et les arrêts
cités).

   b) Les décisions du Juge d'instruction peuvent faire
l'objet d'une plainte adressée au Tribunal cantonal (art. 166
et 167 CPP val.). Aux termes de l'art. 171 al. 1 CPP val., si
la plainte n'est pas irrecevable ou n'apparaît pas d'emblée
injustifiée, elle est communiquée à l'autorité visée, qui est
invitée à présenter ses observations dans un délai déterminé;
le Tribunal cantonal avise les parties, procède aux opéra-
tions d'enquête et sollicite les déterminations qu'il estime
opportunes. Cette disposition ne confère pas aux parties à la
procédure au fond le droit inconditionnel de se déterminer
sur le sort de la plainte; il appartient au Tribunal cantonal
d'en décider. Dans l'usage de cette faculté, il est admis-
sible que le Tribunal cantonal se dispense de demander des
observations à la partie adverse lorsque la plainte est mani-
festement irrecevable ou mal fondée. Si, en revanche, le Tri-
bunal cantonal envisage d'admettre la plainte, il ne peut se
dispenser d'inviter la partie adverse à se déterminer. On ne
saurait prétendre, comme le fait l'intimé, que la procédure
de plainte ne concernerait que le plaignant et l'autorité
dont la décision fait l'objet de la plainte, à l'exclusion
des autres parties à la procédure ouverte au fond. Une telle
solution est d'autant moins conciliable avec le droit d'être
entendu lorsque, comme en l'espèce, la plainte est dirigée
contre une décision de séquestre, dont la levée peut causer à
la partie adverse un dommage irréparable. Au demeurant,
l'art. 97 al. 4 CPP val. précise que le tiers faisant valoir
un droit sur un bien séquestré a qualité de partie pour cet

acte de procédure, y compris, partant, le droit d'être enten-
du dans la procédure de plainte.

   En l'espèce, le Tribunal cantonal a invité le Juge
d'instruction à répondre à la plainte; il a donné l'occasion
à l'intimé de se déterminer au sujet des observations du Juge
d'instruction. En revanche, il n'a pas informé le recourant
de l'existence de la plainte, ne lui en a pas communiqué de
copie et ne l'a pas mis en situation d'y répondre. En omet-
tant d'inviter le recourant, comme partie adverse du plai-
gnant, à se déterminer sur le sort de la plainte dont il en-
visageait l'admission, le Tribunal cantonal a violé l'art. 29
al. 2 Cst. et, accessoirement, appliqué arbitrairement l'art.
171 al. 1 CPP val.

   c) Eu égard à la nature formelle du droit d'être
entendu, il ne serait pas nécessaire d'examiner le sort du
recours au fond (cf. ATF 126 V 130 consid. 2b p. 132; 124 V
180 consid. 4a p. 183 et les arrêts cités). En l'espèce tou-
tefois, il convient de déroger à cette règle, par économie de
procédure.

   4.- Le recourant reproche au Tribunal cantonal
d'avoir levé partiellement le séquestre ordonné par le Juge
d'instruction, sur la base, selon lui, d'une appréciation
arbitraire des faits et d'une application arbitraire de
l'art. 97 CPP val. Ainsi formulé, son grief revient pour le
recourant à se plaindre d'une atteinte à ses droits de pro-
priétaire des actions qu'il revendique. Le recourant invoque
ainsi, de manière implicite, l'art. 26 Cst. Sous l'angle de
l'arbitraire, le recourant distingue les moyens relatifs à la
constatation des faits et des preuves, d'une part, et aux
conditions d'application de l'art. 97 al. 1 CPP val., d'autre
part. Toutefois, son argumentation se recoupe souvent, au
point d'estomper les contours de la distinction proposée. Il
se justifie ainsi de traiter l'ensemble des moyens tirés de

l'arbitraire en relation avec les conditions d'application de
l'art. 97 al. 1 CPP val.

   a) Aux termes de cette disposition, le juge ordonne
le séquestre des objets et valeurs pouvant servir de moyens
de preuve ou qui sont susceptibles de confiscation au sens
des art. 58ss CP.

   Selon sa décision du 20 octobre 2000, le Juge d'ins-
truction a admis que les prétentions du recourant, relatives
aux 65 actions détenues par Y.________ à titre fiduciaire et
à la moitié des actions vendues par B.________ et F.________,
n'étaient pas d'emblée mal fondées. Evaluant, sur la base du
prix de vente des actions, ces prétentions à 1'740'288 fr.,
il a ordonné le séquestre d'un billet à ordre d'un montant
équivalent. Selon le Tribunal cantonal en revanche, le recou-
rant ne pourrait revendiquer que 10 des 65 actions détenues
par Y.________, celui-ci ne contestant pas devoir restituer
les 55 autres. Pour le surplus, le recourant ne pourrait
émettre aucune prétention relative à la moitié des actions
vendues par B.________ et F.________. Le Tribunal cantonal a
réduit en proportion le montant pouvant faire l'objet du sé-
questre. Le recourant tient cette solution pour arbitraire.

   b) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une norme ou un principe juridique clair et indis-
cuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tri-
bunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'auto-
rité cantonale de dernière instance que si elle apparaît in-
soutenable, en contradiction manifeste avec la situation ef-
fective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un
droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de
la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il
que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 126
I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 10 consid. 3a p. 15, 166 con-

sid. 2a p. 168; 125 II 129 consid. 4b p. 134, et les arrêts
cités).

   c) Dans un premier moyen, le recourant reproche au
Tribunal cantonal de ne pas avoir inclus dans le montant à
séquestrer la valeur de la totalité des 65 actions détenues
par Y.________ à titre fiduciaire.

   Se prévalant de la clause de la convention du 25 mai
1994 selon laquelle le recourant et lui-même devaient détenir
le même nombre d'actions dans le capital de la Société, l'in-
timé soutient que la remise à titre fiduciaire ne pouvait
porter que sur 55 (et non 65) actions. Le Tribunal cantonal a
écarté cette thèse contredite par les pièces du dossier (et
notamment le reçu du 26 mai 1994), tout en admettant, de ma-
nière implicite, que l'intimé avait effectivement remis au
recourant, comme il s'y était engagé, les 55 actions dont
personne ne conteste qu'elles reviennent au recourant. Le
Tribunal cantonal a dès lors limité les prétentions de celui-
ci aux 10 actions restantes. Ce faisant, il a toutefois omis
de prendre en compte le fait que l'intimé persiste à ne pas
vouloir remettre les 55 actions. Pour préserver les préten-
tions du recourant, le séquestre devait dès lors porter sur
65 actions et non sur 10. La décision attaquée repose à cet
égard sur une constatation manifestement inexacte des faits,
partant arbitraire.

   d) Dans un deuxième moyen, le recourant conteste
l'appréciation du Tribunal cantonal lui déniant le droit de
revendiquer la moitié des actions vendues par B.________ et
F.________.

   Pour le Tribunal cantonal, l'intimé n'aurait pas
commis d'infraction en disposant ultérieurement d'actions
dont il avait payé seul le solde du prix de vente.

   Cette solution méconnaît la convention du 23 juillet
1998, aux termes de laquelle B.________ et F.________ ont
vendu leur lot d'actions au recourant et à l'intimé, pris
solidairement. Accordant le 18 mars 1999 un délai supplémen-
taire à l'intimé pour acquitter le solde du prix de vente,
les venderesses ont précisé qu'il n'était pas de leur inten-
tion de diviser le lot d'actions entre les acheteurs, mais de
le leur vendre solidairement entre eux. Cette acquisition en
main commune était de toute manière imposée au recourant et à
l'intimé par la convention du 25 mai 1994 les obligeant à
maintenir entre eux la parité de leur participation au capi-
tal de la Société, ce que confirme aussi la convention du 23
juillet 1998 prévoyant que le lot d'actions vendu par
B.________ et F.________ devait être inscrit dans le registre
des actionnaires au nom du recourant et de l'intimé. Il était
dès lors interdit à l'un et à l'autre d'acquérir séparément,
pour son propre compte uniquement, tout ou partie des actions
détenues par d'autres actionnaires. Le recourant et l'intimé
devaient impérativement, pour l'acquisition du lot de
B.________ et de F.________, agir de concert, de manière
aussi à éviter tout litige interne qui pourrait surgir en re-
lation avec l'exercice du droit de préemption garanti par
l'art. 6bis des statuts de la Société. En suppléant à la dé-
faillance temporaire du recourant, l'intimé a réalisé la
condition nécessaire à l'acquisition du lot d'actions, pour
lui-même et pour le recourant, contre lequel il pouvait faire
valoir une créance d'un montant correspondant à la moitié de
la deuxième tranche du prix de vente fixé selon la convention
du 23 juillet 1998. Le recourant n'a au demeurant jamais con-
testé cette obligation; il s'est déclaré prêt à s'en acquit-
ter. Pour le surplus, l'intervention de l'intimé n'a pas eu
pour effet de modifier les rapports internes de la société
simple formée avec le recourant dans le cadre de cette tran-
saction. Sur cette base - sans trancher définitivement à ce
stade de la procédure ni la question de la propriété du lot
d'actions, ni celle de savoir si un délit a effectivement été

commis - le Juge d'instruction pouvait admettre, de prime
abord, que les actions vendues par B.________ et F.________
appartiendraient en main commune aux deux associés. Il suit
de là qu'en disposant unilatéralement de la totalité de ces
actions pour les intégrer dans le lot vendu le 18 septembre
1999 à la Compagnie, l'intimé pourrait avoir agi sans droit,
au détriment du recourant. Un tel comportement pourrait tom-
ber sous le coup des art. 137ss CP, ce qu'il appartiendra au
Juge d'instruction, puis, le cas échéant, à l'autorité de
jugement, de vérifier.

   Quoi qu'il en soit, la préservation des intérêts lé-
gitimes du recourant commandait de maintenir le séquestre
dans la mesure ordonnée par le Juge d'instruction selon sa
décision du 20 octobre 2000. En décidant comme il l'a fait,
le Tribunal cantonal a violé arbitrairement l'art. 97 al. 1
CPP val.

   5.- Le recours doit ainsi être admis et la décision
attaquée annulée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner, pour
le surplus, le grief tiré de la violation arbitraire de
l'art. 169 CPP val. Les frais sont mis à la charge de l'inti-
mé qui a conclu au rejet du recours (art. 156 OJ), ainsi
qu'une indemnité en faveur du recourant, à titre de dépens
(art. 159 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Admet le recours et annule la décision attaquée.

   2. Met à la charge de l'intimé un émolument de
3000 fr., ainsi qu'une indemnité de 2000 fr. à verser au
recourant, à titre de dépens.

   3. Dénonce l'intimé Y.________ au Juge d'instruction
pénale du Bas-Valais pour insoumission à une décision de
l'autorité (art. 292 CP).

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Juge d'instruction pénale du Bas-
Valais et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton
du Valais.

Lausanne, le 12 mars 2001
ZIR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,