Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.760/2001
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


1P.760/2001/col

Arrêt du 7 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Fonjallaz, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Parmelin.

M.________, recourant,

contre

O.________, intimée, représentée par Me Claire-Lise Oswald-Binggeli, avocate,
rue de l'Evole 15, case postale 1107,
2001 Neuchâtel 1,
Ministère public du canton de Neuchâtel, rue du Pommier 3, case postale 855,
2001 Neuchâtel 1,
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, rue du
Pommier 1, case postale 1161, 2001 Neuchâtel 1.

art. 9 Cst.; procédure pénale

(recours de droit public contre l'arrêt de la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel du
31 octobre 2001)
Faits:

A.
Le 13 juillet 1999, O.________ a déposé plainte pénale contre M.________ pour
abus de confiance et détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de
justice. Elle exposait en substance avoir réclamé en vain la restitution de
la somme de 12'000 fr. qu'elle avait remise le 19 septembre 1997 à titre
d'avance à M.________ pour la pose d'une cuisine dans les locaux de la Crèche
des Acacias, qu'elle avait commandée pour le compte de la Ville de Neuchâtel.
Elle a annexé à sa plainte une reconnaissance de dette de 12'000 fr. par
laquelle l'intéressé s'engageait à lui rembourser cette somme d'ici au 1er
décembre 1997, ainsi qu'un ordre de virement en sa faveur du même montant,
non daté et adressé à l'Union de Banques Suisses, à effectuer au plus vite et
portant la mention « A faire valoir sur factures Ville de Neuchâtel Acacias
». Cette plainte a été jointe pour l'instruction et le jugement à deux autres
plaintes ouvertes contre M.________, la première pour escroquerie,
subsidiairement gestion déloyale, et infraction à l'art. 76 al. 3 de la loi
fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et
invalidité (LPP), la seconde pour vol, subsidiairement appropriation
illégitime, voire escroquerie, et contravention aux dispositions concernant
les raisons de commerce.
M.________ a reconnu le bien-fondé de la plainte s'agissant du détournement
de valeurs patrimoniales mises sous main de justice. Il a en revanche nié
tout abus de confiance commis au préjudice de O.________, prétendant lui
avoir emprunté la somme de 12'000 fr. à titre personnel pour régler le
salaire de son employé et non pas afin de payer son fournisseur pour la
cuisine qu'elle avait commandée. Il a par ailleurs prétendu avoir remboursé
4'000 fr. à la plaignante, de main à main et sans quittance, au printemps
1998.

B.
Par jugement rendu après relief le 5 décembre 2000, le Tribunal de police du
district de Neuchâtel (ci-après: le Tribunal de police ou le premier juge) a
reconnu M.________ coupable d'abus de confiance, d'infraction à l'art. 76 al.
3 LPP et de détournement de valeurs patrimoniales mises sous main de justice,
et l'a condamné à une peine de deux mois d'emprisonnement sans sursis. Il a
renoncé à révoquer le sursis accordé le 31 mars 1998 par ce même tribunal
pour une peine de trente jours d'emprisonnement, pour des infractions à la
loi fédérale sur l'assurance-vieillesse et survivants.
Le premier juge a notamment retenu que le prévenu s'était rendu coupable
d'abus de confiance en utilisant à des fins personnelles la somme de 12'000
fr. que O.________ lui avait remise à titre d'avance pour l'achat d'une
cuisine; il a refusé l'octroi du sursis, car les antécédents et les
nombreuses promesses faites lors de la procédure et partiellement tenues ne
permettaient pas de poser un pronostic favorable.
Statuant par arrêt du 31 octobre 2001, la Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel (ci-après: la Cour de cassation
pénale ou la cour cantonale) a rejeté le pourvoi formé contre ce jugement par
M.________. Elle a admis en substance que le premier juge n'avait pas fait
preuve d'arbitraire et avait correctement appliqué la loi en retenant que la
plaignante avait remis au prévenu la somme de 12'000 fr. pour permettre la
livraison de la cuisine par un fournisseur qui ne livrait que contre paiement
et qu'en utilisant cette somme pour ses besoins personnel, M.________ s'était
rendu coupable d'abus de confiance. Elle a également confirmé l'appréciation
du Tribunal de police en ce qui concerne la quotité de la peine infligée au
condamné et le refus de lui accorder le sursis.

C.
Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 9
Cst., M.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de
renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue à nouveau dans
le sens des considérants. Il reproche à la cour cantonale d'avoir conclu à sa
culpabilité du chef d'abus de confiance au terme d'une appréciation
insoutenable des preuves. Il tient également pour arbitraire la mesure de la
peine prononcée à son endroit et le refus de lui octroyer le sursis.
La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt. Le Ministère public du
canton de Neuchâtel conclut au rejet du recours. L'intimée a renoncé à
déposer des observations.

D.
Par ordonnance du 16 janvier 2002, le Président de la Ire Cour de droit
public a admis la demande d'effet suspensif présentée par M.________.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 148 consid. 1a
p. 151, 166 consid. 1 p. 168 et les arrêts cités).

1.1 Le recourant reproche tout d'abord à la cour cantonale une appréciation
arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en découlent; ce
grief doit être invoqué dans le cadre d'un recours de droit public, voie
effectivement choisie en l'occurrence (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83 et les
arrêts cités). En revanche, lorsqu'il se plaint de la quotité de la peine
prononcée à son endroit et du refus arbitraire de lui octroyer le sursis, le
recourant invoque une violation des art. 41 ch. 1 al. 1 et 63 CP, soit de
règles de droit pénal fédéral matériel, dont il ne peut faire contrôler
l'application et l'interprétation qu'au moyen du pourvoi en nullité à la Cour
de cassation pénale du Tribunal fédéral (art. 269 al. 1 PPF; ATF 126 I 97
consid. 1c p. 101). En vertu de la règle de la subsidiarité du recours de
droit public ancrée à l'art. 84 al. 2 OJ, le présent recours est donc
irrecevable sur ces différents points comme recours de droit public. Sa
conversion en un pourvoi en nullité, ainsi que le prévoit la jurisprudence
(ATF 126 II 506 consid. 1b p. 509; 126 III 431 consid. 3 p. 437 et les arrêts
cités), n'est pas envisageable dans le cas particulier, car le recourant a
expressément déposé un recours de droit public qu'il a adressé à l'attention
de la Ire Cour de droit public du Tribunal fédéral, alors même que l'arrêt
attaqué indiquait expressément la voie du pourvoi en nullité s'il entendait
faire valoir une violation du droit fédéral (cf. ATF 120 II 270 consid. 2 p.
272); par ailleurs, il est douteux que l'acte de recours réponde aux
exigences de motivation du pourvoi en nullité, s'agissant à tout le moins de
la quotité de la peine, dans la mesure où le recourant se borne à invoquer le
caractère arbitraire de l'arrêt attaqué, sans expliquer en quoi celui-ci
violerait le droit fédéral (cf. art. 273 al. 1 let. b PPF).
La conclusion du recours tendant au renvoi de la cause à la Cour de cassation
pénale pour qu'elle statue à nouveau dans le sens des considérants est au
surplus inutile. L'autorité cantonale dont la décision a été annulée sur
recours de droit public doit en effet s'en tenir aux motifs de l'arrêt du
Tribunal fédéral (ATF 112 Ia 353 consid. 3c p. 354/355); quant au renvoi à la
cour cantonale, il est inhérent à l'annulation de la décision, le recours de
droit public n'ayant qu'une fonction cassatoire, en dehors d'exceptions non
réalisées en l'espèce (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5).

1.2 Sous ces réserves, il y a lieu d'entrer en matière sur le recours, qui
répond aux exigences de recevabilité des art. 86 al. 1, 88 et 89 OJ.

2.
Saisi d'un recours de droit public mettant en cause l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia
31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts cités). Une
constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou du plaignant;
encore faut-il que l'appréciation des preuves soit manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective, qu'elle
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe juridique clair
et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30), ce qu'il appartient
au recourant d'établir dans les formes requises à l'art. 90 al. 1 let. b OJ
(ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).
Dans le cadre d'un recours de droit public pour arbitraire contre une
décision prise en dernière instance cantonale par une autorité qui statuait
elle-même sous cet angle restreint, le Tribunal fédéral vérifie si c'est à
tort ou à raison que cette autorité a nié l'arbitraire du jugement de
première instance et, de ce fait, enfreint l'interdiction du déni de justice
matériel, question qu'il lui appartient d'élucider à la seule lumière des
griefs soulevés dans l'acte de recours (ATF 125 I 492 consid. 1a/cc et 1b p.
495; 111 Ia 353 consid. 1b in fine p. 355).

3.
Le recourant reproche à la cour cantonale d'avoir excédé son pouvoir
d'appréciation en considérant la version de la plaignante comme plus crédible
que la sienne; il prétend avoir reçu la somme de 12'000 fr. non pas comme
avance pour permettre la livraison de la cuisine à la Crèche des Acacias,
mais pour payer le salaire de son employé, ce que la plaignante savait. Il en
veut pour preuve le fait qu'il a signé la reconnaissance de dette du 19
septembre 1997 en son nom personnel et non comme commerçant pour une affaire
spécifique. Il voit également un élément propre à étayer ses dires dans le
fait que la Ville de Neuchâtel avait déjà versé un acompte de 9'000 fr. sur
la facture totale des travaux le jour où la cuisine a été livrée, de sorte
qu'il n'avait pas besoin de la somme de 12'000 fr. pour payer le fournisseur.
Il soutient enfin avoir établi l'ordre de virement bancaire après avoir reçu
cette somme et signé la reconnaissance de dette, afin de donner une garantie
supplémentaire à la plaignante.
Il est douteux que le recours, ainsi motivé, soit conforme aux exigences de
l'art. 90 al. 1 let. b OJ, dans la mesure où le recourant se borne à énumérer
les éléments censés corroborer sa version des faits sans chercher à démontrer
en quoi ceux retenus par les instances cantonales pour conclure à sa
culpabilité seraient impropres à étayer la thèse de la plaignante suivant
laquelle le prêt aurait été consenti pour permettre au recourant de payer son
fournisseur (ATF 127 I 38 consid. 3c p. 43). Peu importe en définitive. La
cour cantonale pouvait en effet sans arbitraire voir un indice significatif
de la crédibilité de la jeune femme dans le fait que cette dernière a versé
la somme de 12'000 fr. au recourant le jour même de la livraison de la
cuisine; de même, le premier juge pouvait de manière soutenable déduire de
l'établissement d'un ordre de virement bancaire d'un montant correspondant au
prêt consenti par la plaignante en faveur de celle-ci, portant la mention « A
faire valoir sur factures Ville de Neuchâtel Acacias », que le versement de
la somme de 12'000 fr. était effectivement lié aux travaux consentis dans la
Crèche des Acacias, comme l'affirmait la plaignante; pareille mention se
concilie en effet mal avec la version du recourant selon laquelle O.________
lui aurait prêté cette somme à des fins personnelles, pour payer le salaire
de son employé; le fait que cet ordre de virement n'était pas daté ne permet
pas encore de tenir l'appréciation du Tribunal de police sur ce point pour
arbitraire. Le bref délai au 1er décembre 1997 fixé dans la reconnaissance de
dette pour le remboursement de cette somme constitue un indice supplémentaire
en faveur de la version de la plaignante suivant laquelle le recourant la
rembourserait dès qu'il aurait reçu de la Ville de Neuchâtel le montant
correspondant à la facture relative à la pose de la cuisine. Il est au
surplus indifférent que M.________ disposait effectivement de la somme
nécessaire pour régler son fournisseur au moment de la livraison de la
cuisine et qu'une avance de 12'000 fr. n'était ainsi pas indispensable; il
n'est en effet nullement exclu que le recourant ait caché ce fait à la
plaignante pour obtenir de sa part une somme aussi importante qu'elle
n'aurait peut-être autrement jamais consenti à lui verser. A tout le moins,
il n'était pas insoutenable de l'admettre au regard de l'ensemble des indices
corroborant la version de la plaignante.
En définitive, les arguments du recourant, pour autant qu'ils soient invoqués
de manière conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, ne suffisent
pas à démontrer le caractère arbitraire du verdict de culpabilité prononcé à
son encontre.

4.
Le recours doit par conséquent être rejeté dans la mesure où il est
recevable, aux frais du recourant qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a
pas lieu d'octroyer des dépens à l'intimée, qui a renoncé à déposer des
observations, et aux autorités concernées (art. 159 al. 2 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Il n'est pas alloué de dépens.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties ainsi qu'au Ministère
public et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de
Neuchâtel.

Lausanne, le 7 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: