Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.71/2001
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1P.71/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       22 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Nay, Juge présidant,
Catenazzi et Mme le Juge suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

G.________, représenté par Me Pierre-Yves Brandt, avocat à
Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 28 décembre 2000 par le Tribunal d'accusa-
tion du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

             (détention préventive des mineurs;
                 art. 91 CP; art. 1 OCP (1))

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- G.________, ressortissant albanais, est né le 7
mai 1982.

   Le 15 février 1999, la police judiciaire de Lausanne
l'a arrêté, avec un complice, pour avoir remis de la cocaïne
à un tiers.

   Entendu le 16 février 1999 au sujet de ces faits,
G.________ a également été interrogé sur sa participation à
une rixe survenue le 11 février 1999 vers 22h30 dans les lo-
caux du restaurant "Le Cazard" à Lausanne, au cours de la-
quelle le dénommé M.________ avait été frappé d'un coup de
couteau. G.________ a nié toute implication dans le trafic et
l'altercation.

   Le 16 février 1999, à raison des faits survenus les
11 et 15 février 1999, le Président du Tribunal des mineurs
du canton de Vaud a inculpé G.________ d'agression, d'infrac-
tion à la LStup et à la LSEE, et ordonné son placement au
Centre communal pour adolescents de Valmont, à Lausanne.

   Le 19 mars 1999, le Président du Tribunal des mi-
neurs a ordonné la relaxe de G.________, l'enquête n'ayant
pas permis de déterminer, en l'état, l'auteur du coup porté à
M.________ le 11 février 1999.

   Le 14 mai 1999, vers 3h, une violente rixe a éclaté
dans les locaux de la discothèque "Le Playtime" à Lausanne,
au cours de laquelle K.________, ressortissant de l'ex-
Yougoslavie, originaire du Kosovo, et E.________, ressor-
tissant albanais, ont été mortellement blessés à coups de

couteau. Une procédure pénale (désignée sous la rubrique
PE99.013772) a été ouverte en relation avec ces faits.

   Soupçonné d'avoir participé à la rixe, G.________ a
été arrêté le 14 mai 1999. Le Tribunal des mineurs a ordonné
son placement immédiat à la Maison d'éducation au travail de
Pramont à Granges, en Valais.

   Entendu par la police le 30 juin 1999, G.________ a
admis avoir porté un coup de couteau à K.________ lors de
l'altercation du 14 mai 1999.

   Le 13 juillet 1999, en compagnie de trois comparses,
G.________ s'est évadé de la Maison de Pramont. Repris, il a
été placé en détention à la prison des Iles, à Sion, avant
d'être transféré à la prison de la Croisée à Orbe, le 23
juillet 1999.

   Le Tribunal des mineurs a régulièrement prolongé la
détention préventive de G.________, jusqu'au 1er mai 2000,
date à laquelle il a été relaxé, avec effet au 2 mai 2000.

   Le 1er mai 2000, le Président du Tribunal des mi-
neurs a ordonné le placement de G.________ en garde provi-
sionnelle au sens de l'art. 32 de la loi vaudoise sur la
juridiction pénale des mineurs, du 26 novembre 1973 (LJM),
pour une durée indéterminée dès le 2 mai 2000. Le Président
du Tribunal des mineurs a considéré qu'eu égard à la gravité
des faits reprochés, il était possible d'envisager d'appli-
quer à G.________ l'art. 91 ch. 2 CP, portant sur un place-
ment en maison d'éducation pour deux ans au moins.

   Le 29 mai 2000, soit vingt-deux jours après ses dix-
huit ans, G.________ a agressé un codétenu. Le 3 juillet
2000, le Juge d'instruction du Valais central l'a inculpé de

rixe et ordonné son placement en détention préventive à la
prison des Iles.

   Par arrêt du 22 juin 2000, la Chambre supérieure du
Tribunal des mineurs du canton de Vaud a rejeté le recours
formé par G.________ contre la décision de placement en garde
provisionnelle du 1er mai 2000, qu'elle a confirmée.

   B.- Le 13 juillet 2000, le Juge d'instruction pénale
du Valais central s'est dessaisi de sa procédure en faveur du
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne. La nou-
velle procédure a été enregistrée sous la rubrique
PE00.020409.

   G.________ a été transféré le 19 juillet 2000 à la
prison de la Croisée à Orbe.

   Le 14 juillet 2000, le Président du Tribunal des mi-
neurs, se fondant sur le fait que G.________ avait récidivé
après sa majorité, s'est dessaisi de l'affaire en faveur du
Juge d'instruction de l'arrondissement de Lausanne chargé de
la procédure PE99.013772, désormais compétent pour connaître
de l'ensemble de l'activité délictueuse mise à la charge du
prévenu. La procédure a été enregistrée sous la rubrique
PE99.004896.

   Le 13 septembre 2000, le Juge d'instruction de l'ar-
rondissement de Lausanne a joint les causes PE99.004896 et
PE99.013772. Le 14 septembre 2000, il a joint les causes
PE00.020409 et PE99.013772. Le 27 septembre 2000, il a joint
la cause PE99.013772 à celles concernant les autres prota-
gonistes de la rixe du 14 mai 1999, soit K.________
(PE99.023093), H.________ (PE99.012983), U.________
(PE99.013856) et N.________ (PE99.036999).

   C.- Le 22 novembre 2000, le Juge d'instruction a re-
jeté la demande de libération provisoire présentée par
G.________, en retenant l'existence d'un risque de récidive
et de fuite.

   Le 3 décembre 2000, G.________ a recouru auprès du
Tribunal d'accusation du canton de Vaud. En premier lieu, il
a soutenu que la détention préventive subie jusqu'au 29 mai
1999 (recte: 2000) - soit trois cents quatre-vingt-douze
jours au total - l'avait été uniquement en relation avec la
procédure régie par le droit pénal des mineurs. Or, à teneur
de l'art. 95 ch. 1 al. 1 CP, la détention des mineurs ne
pourrait dépasser un an. G.________ en a tiré la double
conclusion qu'il aurait dû être remis en liberté dès le 14
mai 2000 et que les faits survenus le 14 mai 1999 ne pour-
raient être pris en considération pour la détermination de la
durée préventive. En deuxième lieu, G.________ a soutenu que
les faits survenus le 29 mai 2000 à Pramont ne justifieraient
pas le maintien de sa détention provisoire.

   Le 28 décembre 2000, le Tribunal d'accusation a re-
jeté le recours et confirmé la décision du 22 novembre 2000.
Il a considéré, en bref, qu'il existait des charges suffisan-
tes, en relation avec les faits survenus les 15 février 1999,
14 mai 1999 et 29 mai 2000. Le risque de récidive était pa-
tent, de même que le risque de fuite. Sous l'angle de la pro-
portionnalité, le Tribunal d'accusation a estimé qu'au regard
de l'art. 1 al. 4 de l'ordonnance (1) relative au Code pénal
(OCP (1); RS 311.01), régissant le passage d'un délinquant
d'une classe d'âge à une autre, G.________ pouvait être ex-
posé à la fois à une mesure de placement au sens de l'art. 91
CP - qui pouvait dépasser deux ans - et à une peine privative
de liberté fondée sur le droit pénal des adultes. La durée
totale de la détention préventive - soit cinq cent quatre-
vingt-deux jours au moment du prononcé de l'arrêt - ne se-
rait, partant, pas disproportionnée.

   D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
G.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
28 décembre 2000 et d'ordonner sa libération immédiate. Il
invoque la liberté personnelle, ainsi que l'art. 5 par. 3
CEDH. Il conteste que l'art. 91 ch. 2 CP lui soit applicable
et tient la durée de la détention préventive pour dispropor-
tionnée au regard de l'art. 95 CP. Il requiert en outre l'as-
sistance judiciaire.

   Le Tribunal d'accusation se réfère à son arrêt.

   Le Ministère public conclut au rejet du recours. Le
Juge d'instruction a renoncé à se déterminer.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Le recours de droit public, de nature pure-
ment cassatoire, ne peut tendre en principe qu'à l'annulation
de la décision attaquée (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 126 I
213 consid. 1c p. 216/217; 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125
I 104 consid. 1b p. 107, et les arrêts cités). Il est fait
exception à ce principe lorsque l'admission du recours ne
suffit pas à rétablir une situation conforme à la Constitu-
tion et qu'une mesure positive est nécessaire. Tel est le cas
notamment lorsqu'une mesure de détention préventive n'est pas
- ou n'est plus - justifiée (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p.
332/333; 115 Ia 293 consid. 1a p. 297; 107 Ia 256 consid. 1
p. 257; 105 Ia 26 consid. 1 p. 29). La conclusion tendant à
la libération immédiate du recourant est ainsi recevable.

   b) Aux termes de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte
de recours doit contenir un exposé des droits constitution-
nels ou des principes juridiques violés, précisant en quoi
consiste la violation. Le Tribunal fédéral examine uniquement

les griefs soulevés devant lui de manière claire et détaillée
(ATF 126 III 534 consid. 1b p. 536; 125 I 71 consid. 1c p.
76, 492 consid. 1b p. 495, et les arrêts cités).

   Selon le recourant, les autorités cantonales au-
raient violé arbitrairement les principes du droit pénal des
mineurs en modifiant, en cours de procédure, le régime légal
applicable. Cela aurait eu pour conséquence de prolonger sa
détention préventive au-delà de ce que permettent les art.
89ss CP. Il se plaint ainsi d'une "violation indirecte" du
principe de la proportionnalité. Ainsi formulé, le grief tiré
de la liberté personnelle est recevable. Pour le surplus, le
recourant ne remet plus en discussion l'existence de charges
suffisantes, pas davantage que les risques de fuite et de
récidive retenus par le Tribunal d'accusation dans l'arrêt
attaqué.

   2.- La liberté personnelle est garantie (art. 10 al.
2 Cst.). Nul ne peut en être privé si ce n'est dans les cas
prévus par la loi et selon les formes qu'elle prescrit (art.
31 al. 1 Cst.). La garantie de la liberté personnelle n'em-
pêche pas l'autorité publique de procéder à l'incarcération
d'un individu ou de le maintenir en détention, aux conditions
toutefois que cette mesure particulièrement grave repose sur
une base légale, qu'elle soit ordonnée dans l'intérêt public
et qu'elle respecte le principe de la proportionnalité (art.
36 al. 1 à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270; 114 Ia
281 consid. 3 p. 283; 107 Ia 148 consid. 2 p. 149; 106 Ia 277
consid. 3a p. 281, et les arrêts cités). Les principes que la
Convention européenne des droits de l'homme consacre, essen-
tiellement à son art. 5, sont pris en considération pour
l'interprétation et l'application de cette garantie en tant
qu'ils la concrétisent (ATF 115 Ia 293 consid. 3 p. 299; 108
Ia 64 consid. 2c p. 66/67; 105 Ia 26 consid. 2b p. 29). La
garantie de la liberté personnelle exige que le maintien d'un
prévenu en détention soit justifié par les besoins de l'ins-

truction et du jugement, voire, dans certains cas, par la
sauvegarde de l'ordre public. Il faut que les circonstances
fassent apparaître un danger de fuite, de collusion ou de
réitération. La gravité de l'infraction ne peut à elle seule
fonder la prolongation de la détention préventive (ATF 106 Ia
404 consid. 3c p. 407), même si, compte tenu de l'ensemble
des circonstances, elle permet souvent de présumer l'existen-
ce d'un danger de fuite eu égard à l'importance de la peine
privative de liberté dont l'intéressé est menacé (ATF 117 Ia
69 consid. 4a p. 70; 107 Ia 3 consid. 5 p. 6; 102 Ia 379
consid. 2a p. 381/382). L'autorité doit en outre toujours
examiner si les risques qui justifient le maintien de la dé-
tention existent concrètement et s'ils ne peuvent être sup-
primés ou diminués par une mesure moins rigoureuse (ATF 123 I
268 consid. 2c p. 271; 108 Ia 64 consid. 3 p. 67; 102 Ia 379
consid. 2a p. 381/382, et les arrêts cités). Enfin, la durée
de la détention préventive est excessive lorsqu'elle dépasse
celle de la peine privative de liberté qui pourrait être pro-
noncée, le cas échéant (ATF 126 I 172 consid. 5a p. 176/177;
124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273; 107
Ia 256 consid. 2 et 3 p. 257 ss). La durée probable de la
peine privative de liberté doit être évaluée avec la plus
grande prudence, car il faut éviter que le juge de l'action
pénale ne soit incité à prononcer une peine excessive pour la
faire coïncider avec la détention préventive à imputer (ATF
116 Ia 143 consid. 5a p. 147). La durée de la détention pré-
ventive s'apprécie au regard de l'ensemble des circonstances
concrètes du cas d'espèce (ATF 124 I 208 consid. 6 p. 215;
123 I 268 consid. 3a p. 273; 107 Ia 256 consid. 1b p. 257;
arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme Contrada
c. Italie, du 24 août 1998, par. 54, Muller c. France, du 17
mars 1997, Recueil 1997-II, par. 35 et W. c. Suisse, du 26
janvier 1993, Série A, vol. 254, par. 30).

   3.- a) Il est constant que les faits reprochés au
recourant, survenus les 11 et 15 février 1999, ainsi que le

14 mai 1999, auraient été commis à une époque où le recourant
était âgé de plus de quinze ans et de moins de dix-huit ans.
Les art. 89 à 99 CP, relatifs aux adolescents, sont applica-
bles. En revanche, pour les faits survenus le 29 mai 2000, le
recourant doit être considéré comme un jeune adulte, soumis
aux dispositions générales du code, sous réserve des art.
100bis et 100ter CP (art. 100 al. 1 CP).

   b) L'art. 91 CP prévoit des mesures éducatives, vi-
sant à donner à l'adolescent les soins, l'éducation et la
formation professionnelle nécessaires; pour le besoin de ces
mesures, l'autorité décidera d'un placement familial ou dans
une maison d'éducation (ch. 1); si l'adolescent est particu-
lièrement perverti ou s'il a commis un crime ou un délit dé-
notant qu'il est extrêmement dangereux ou difficile, l'auto-
rité ordonnera son placement en maison d'éducation pour deux
ans au moins (ch. 2). L'adolescent extrêmement difficile peut
aussi être placé dans une maison d'éducation au travail (art.
93ter CP). Si l'état de l'adolescent ne requiert ni mesure
éducative, ni traitement spécial, l'autorité de jugement
pourra ordonner sa détention de un jour à un an (art. 95 ch.
1 al. 1 CP).

   Le passage d'un délinquant d'une classe d'âge à une
autre est régi par l'art. 1 OCP (1). Lorsque, comme en l'es-
pèce, le délinquant est poursuivi à raison d'infractions qui
auraient été commises pour partie avant qu'il ait atteint
l'âge de dix-huit ans révolus et pour partie après cette li-
mite, l'ordonnance prévoit d'appliquer, pour le cas où le
juge du fond aurait reconnu la culpabilité de l'accusé, la
procédure prévue pour les adultes (art. 1 al. 2, première
phrase OCP (1)). Toutefois, le droit pénal des mineurs peut
aussi être appliqué, lorsque l'instruction a été ouverte
avant que l'accusé ait atteint l'âge de vingt ans révolus
(art. 1 al. 2, deuxième phrase, OCP (1)). Si le juge du fond
admet que l'accusé reconnu coupable doit être puni, l'art. 68

ch. 1 CP (relatif au concours d'infractions) est applicable
par analogie; la peine prévue pour l'infraction commise avant
l'âge de dix-huit ans révolus se déterminera selon l'art. 95
CP et sera considérée dans tous les cas comme plus légère que
la peine privative de liberté prévue par le droit pénal des
adultes (art. 1 al. 3 OCP (1)). Si une mesure doit être ap-
pliquée, il faudra ordonner celle que prévoit le droit pénal
des mineurs ou des adultes, appropriée à l'état du délin-
quant; lorsque le juge ordonnera une mesure prévue par le
droit pénal des mineurs, il prononcera aussi la peine prévue
par le droit pénal des adultes, mais il suspendra son exécu-
tion s'il s'agit d'une peine privative de liberté et ne déci-
dera qu'avant la libération si et dans quelle mesure la peine
privative de liberté doit encore être exécutée (art. 1 al. 4
OCP (1)).

   c) Contrairement à ce qu'affirme le recourant, il
est possible que l'art. 91 ch. 2 CP puisse lui être appliqué,
pour les faits mis à sa charge, antérieurs à sa majorité. Il
s'exposerait ainsi, pour le cas où sa culpabilité serait re-
connue, à une détention de deux ans au moins, selon l'art. 91
ch. 2 CP. Le recourant, qui a admis avoir porté à K.________
un coup de couteau lors de la rixe du 14 mai 1999, peut en
effet être considéré comme extrêmement dangereux au sens de
cette disposition (cf. Stefan Trechsel, Schweizerisches
Strafgesetzbuch, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich, 1997, N. 8
ad art. 91). Il suit de là qu'une garde provisionnelle ordon-
née conformément à l'art. 32 LJM, ne heurterait pas la liber-
té personnelle du recourant. En particulier, la détention,
qui dure depuis vingt-et-un-mois ne serait pas disproportion-
née au regard de la mesure de détention de deux ans au moins
à laquelle le recourant pourrait être exposé.

   d) Cela étant, il ne fait guère de doute que la dé-
tention préventive, ordonnée par le Juge d'instruction chargé
de la procédure PE00.020409, relative à la rixe survenue le

29 mai 2000 à Pramont, serait disproportionnée, partant in-
constitutionnelle, si elle ne se fondait que sur la peine qui
pourrait être prononcée à l'égard du recourant à raison des
faits postérieurs à sa majorité. En effet, pour le cas où le
recourant serait reconnu coupable de lésions corporelles sim-
ples (art. 123 CP), de rixe (art. 133 CP) ou de voie de fait
(art. 126 CP) à cause de l'altercation du 29 mai 2000, il
s'exposerait tout au plus à une peine d'emprisonnement, res-
pectivement des arrêts ou de l'amende, qui ne justifie pas
une détention préventive de près de neuf mois.

   e) En l'occurrence, le juge des mineurs s'est des-
saisi, le 14 juillet 2000, en faveur du Juge d'instruction
désormais compétent pour connaître de l'ensemble de l'activi-
té délictueuse reprochée au recourant. Les autorités cantona-
les semblent s'être fondées implicitement sur cette décision
pour admettre que le Juge d'instruction, puis le Tribunal
d'accusation, pourraient prendre en compte, dans l'examen des
motifs de la détention préventive du recourant, les faits
qu'il aurait commis à l'époque où il était mineur (et, spé-
cialement, sa participation avouée à l'homicide de
K.________). Cette conception peut s'appuyer sur l'art. 1 al.
2, première phrase, OCP (1). Elle omet toutefois de prendre
en compte la possibilité, réservée par l'art. 1 al. 2,
deuxième phrase, de cette ordonnance, que la procédure prévue
à l'égard des adolescents demeure applicable dans un cas où,
comme en l'espèce, l'instruction a été ouverte avant que le
recourant n'ait atteint l'âge de vingt ans. La solution
retenue dans l'arrêt attaqué conduit au résultat paradoxal
que la détention ordonnée pour les besoins d'une procédure
relevant de la juridiction pénale des adultes est fondée sur
des motifs pour lesquels le recourant pourrait être déféré
devant la juridiction pénale des mineurs. Or, il existe en
l'espèce des motifs pouvant commander de faire application de
l'exception prévue par l'art. 1 al. 2, deuxième phrase, OCP
(1) et de soumettre le recourant à la procédure prévue pour

les adolescents plutôt que pour les adultes. En admettant le
contraire, certes de manière implicite, les autorités can-
tonales ont pris le risque de maintenir la détention du re-
courant pour des faits dont il ne devrait pas répondre devant
le juge pénal des adultes. L'arrêt attaqué repose ainsi sur
une motivation incompatible avec le principe de la propor-
tionnalité, partant inconstitutionnelle.

   4.- Le recours doit ainsi être admis partiellement
et l'arrêt attaqué annulé. Il appartiendra aux autorités can-
tonales d'examiner s'il convient, conformément à ce que pré-
voit l'arrêt du 22 juin 2000, de renvoyer le recourant à bref
délai devant le juge pénal des mineurs, comme le permet
l'art. 1 al. 2, deuxième phrase OCP (1), ou s'il faut plutôt
maintenir le dessaisissement de la juridiction pénale des mi-
neurs et soumettre le recourant à la juridiction pénale des
adultes.

   Dans le premier cas, la détention préventive du re-
courant pourrait être fondée sur une nouvelle décision de
garde provisionnelle au sens de l'art. 32 LJM. Le fait que la
juridiction des mineurs n'a, en l'état, pas examiné le point
de savoir si le recourant devait faire l'objet d'une mesure
éducative (art. 91 CP), d'un traitement spécial (art. 92 CP),
d'un placement spécial (art. 93ter CP) ou s'il devait être
immédiatement renvoyé devant l'autorité de jugement, n'y fe-
rait pas obstacle. En effet, si le juge des mineurs n'a pas
procédé à cet examen que l'arrêt du 22 juin 2000 lui comman-
dait de faire, c'est uniquement parce qu'il s'est dessaisi,
le 14 juillet 2000 - pour des motifs soutenables, au demeu-
rant. Les conclusions que le recourant croit devoir tirer de
l'interruption de la procédure devant la juridiction pénale
des mineurs tombent ainsi à faux. Cela étant, le dessaisisse-
ment en faveur du juge ordinaire a aussi eu pour effet que le
titre de la détention préventive ordonnée jusque là - soit la
garde provisionnelle au sens de l'art. 32 LJM - a perdu ipso

facto son fondement juridique, avec la conséquence que la dé-
tention préventive ne pouvait pas être maintenue pour les
faits uniquement passibles de la juridiction des adultes
(consid. 3d ci-dessus). Le recourant ayant admis, de façon
précise, avoir porté un coup de couteau à K.________, le juge
pénal des mineurs devrait être en mesure de dissocier sa
cause de celles des autres protagonistes de la rixe et, le
cas échéant, d'envisager le placement prévu par l'art. 91 ch.
2 CP.

   Dans le deuxième cas, la détention préventive ne
pourrait plus être maintenue, du moins pas à raison des faits
survenus le 29 mai 2000 à Pramont (cf. consid. 3d ci-dessus).

   La possibilité de maintenir la détention préventive
du recourant sur un nouveau titre juridique, conforme au
principe de la proportionnalité, commande de rejeter la con-
clusion subsidiaire du recours, tendant à la libération immé-
diate du recourant.

   Le recours étant admis partiellement, la demande
d'assistance judiciaire a perdu son objet. Il est statué sans
frais. L'Etat de Vaud versera au recourant une indemnité à
titre de dépens (art. 159 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Admet partiellement le recours au sens des consi-
dérants et annule l'arrêt attaqué.

   2. Rejette la demande de libération immédiate.

   3. Dit que la demande d'assistance judiciaire a per-
du son objet.

   4. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   5. Met à la charge de l'Etat de Vaud, en faveur du
recourant, une indemnité de 1500 fr. à titre de dépens.

   6. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement
de Lausanne, au Ministère public et au Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 22 février 2001
ZIR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                     Le Juge présidant,

                        Le Greffier,