Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.708/2001
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Arrêt du 13 décembre 2001
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Favre,
greffier Parmelin.

A.________, recourant,
représenté par Me Daniel Pache, avocat, case postale 3485, 1002 Lausanne,

contre

Préfet du district de Vevey, Cour-au-Chantre, 1800 Vevey,
Tribunal de police de l'arrondissement de l'Est vaudois, rue du Simplon 22,
case postale, 1800 Vevey 1.

art. 9 Cst. et art. 6 § 2 CEDH (procédure pénale)

(recours de droit public contre le jugement du Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois du 10 octobre 2001)

Le Tribunal fédéral considère en fait et en droit

1.
Le 25 octobre 2000, à 15h00, sur l'autoroute A12 entre Vevey et
Châtel-Saint-Denis, un appareil automatique de contrôle de la vitesse a
photographié le véhicule de marque Audi , immatriculé au nom de l'entreprise
X.________ AG, à Aesch, qui circulait à 100 km/h, après déduction de la marge
de sécurité, alors que la vitesse prescrite à cet endroit était limitée à 80
km/h. La gendarmerie vaudoise a adressé une amende d'ordre de 180 fr. à la
société; par la suite, cette amende restant impayée, elle a dénoncé
l'infraction au Préfet du district de Vevey.
Par un prononcé sans citation du 11 avril 2001, ce magistrat a infligé à
A.________, administrateur de X.________ AG, une amende de 180 fr. pour
violation simple des règles de la circulation.
Statuant le 10 octobre 2001 sur appel du condamné, le Tribunal de police de
l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-après: le Tribunal de police) a
confirmé ce prononcé. Il a considéré que A.________ était l'auteur de
l'infraction parce que les caractéristiques générales du conducteur, telles
qu'elles résultaient de la photographie versée au dossier, étaient identiques
à celles de l'appelant et permettaient d'exclure que l'épouse de celui-ci
soit au volant du véhicule.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler ce jugement et de renvoyer la cause au Tribunal de
police. Il reproche à ce dernier d'avoir violé le principe « in dubio pro reo
» ancré à l'art. 6 § 2 CEDH et fait preuve d'arbitraire en admettant sa
culpabilité sur la base d'une photographie imprécise et sans avoir procédé à
des mesures d'instruction.
Le Tribunal de police se réfère aux considérants de son jugement. Le Préfet
du district de Vevey s'en remet à justice.

2.
2.1 D'après la loi vaudoise du 18 novembre 1969 sur les contraventions, le
Préfet connaît des contraventions pouvant entraîner une peine d'arrêts ou
d'amende, lorsqu'une peine d'amende paraît suffisante (art. 14 al. 2 let. b);
son prononcé est susceptible d'appel au Tribunal de police (art. 15 al. 1
let. c). Le jugement rendu sur appel par ce tribunal est, lui, définitif s'il
a pour objet, comme en l'espèce, une contravention de droit fédéral (art. 80a
al. 2). En particulier, le jugement ne peut pas être déféré au Tribunal
cantonal. Il constitue donc un prononcé cantonal de dernière instance, contre
lequel le recours de droit public est recevable au regard de l'art. 86 al. 1
OJ.
Les autres conditions de recevabilité du recours de droit public sont au
surplus réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

2.2 Le recourant reproche au Tribunal de police d'avoir fait preuve
d'arbitraire et violé le principe « in dubio pro reo » en considérant qu'il
était l'auteur de l'excès de vitesse sur la base d'une photographie imprécise
et sans avoir procédé à des mesures d'instruction.

2.2 .1En tant qu'elle a trait à la constatation des faits et à l'appréciation
des preuves, la maxime « in dubio pro reo », découlant de la présomption
d'innocence consacrée aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH, est violée
lorsque l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve laisse
subsister un doute insurmontable sur la culpabilité de l'accusé (ATF 127 I 38
consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37).
Saisi d'un recours de droit public mettant en cause l'appréciation des
preuves, le Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a
outrepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de manière
arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208 consid. 4 p. 211; 120 Ia
31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28 consid. 1b p. 30 et les arrêts cités). Une
constatation de fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou du plaignant;
encore faut-il que l'appréciation des preuves soit manifestement
insoutenable, en contradiction flagrante avec la situation effective, qu'elle
constitue la violation d'une règle de droit ou d'un principe juridique clair
et indiscuté, ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sentiment de la
justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30), ce qu'il appartient
au recourant d'établir (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).
Selon la jurisprudence, le détenteur d'un véhicule automobile ne saurait se
voir infliger une amende pour violation des règles de la circulation que s'il
est établi à satisfaction de droit qu'il est bien l'auteur de cette
infraction (ATF 102 IV 256 consid. 2 p. 258). Cela ne signifie pas qu'il
puisse échapper à toute sanction en niant être l'auteur de l'infraction et en
se prévalant de son droit de refuser de témoigner pour ne pas indiquer
l'identité du conducteur (ATF 106 IV 142 consid. 3 p. 143). Il doit au
contraire collaborer à l'établissement des faits dans toute la mesure où l'on
peut raisonnablement l'exiger de lui. S'il se soustrait sans motif valable à
son devoir de collaboration ou si la version des faits qu'il soutient
apparaît d'emblée dénuée de toute vraisemblance sur la base d'une
appréciation non arbitraire de l'ensemble des circonstances du cas,
l'autorité peut alors retenir qu'il est l'auteur de l'infraction sans violer
le principe de la présomption d'innocence (ATF 105 Ib 114 consid. 1a p.
116/117 et les arrêts cités).

2.2 .2En l'occurrence, il est constant que le recourant est la seule
personne, avec son épouse, susceptible d'avoir conduit le véhicule incriminé
le jour des faits. L'autorité intimée s'est déclarée convaincue de la
culpabilité du recourant parce que le conducteur figurant sur la photographie
présentait les mêmes caractéristiques que lui. A.________ ne conteste pas
cette appréciation et, en l'absence de tout grief à ce sujet, le Tribunal
fédéral n'a aucune raison de s'en écarter (cf. ATF 127 I 38 consid. 3c p.
43). Cela ne signifie pas encore que le Tribunal de police pouvait en déduire
que le recourant se trouvait au volant du véhicule; il devait en effet encore
s'assurer que les caractéristiques du conducteur ne correspondaient pas à
celles de l'épouse du recourant; il ne pouvait exclure cette éventualité du
seul fait que la stature du conducteur était plus grande que celle du
passager et présentait des analogies avec le recourant. Or, comme le relève
ce dernier, l'autorité intimée n'a entrepris aucune mesure d'instruction en
ce sens (convocation de l'épouse à l'audience d'appel; reconstitution des
faits par voie de commission rogatoire); en considérant dans ces
circonstances que A.________ était l'auteur de l'infraction, l'autorité
intimée est tombée dans l'arbitraire, sans que l'on puisse reprocher au
recourant d'avoir manqué à son devoir de collaboration ou de n'avoir pas
proposé lui-même de procéder à des mesures d'instruction susceptibles de
mettre en cause son épouse.
3. Le recours doit par conséquent être admis. Le canton de Vaud est dispensé
des frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ). Il versera en revanche une
indemnité de dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance
d'un avocat (art. 159 al. 1 OJ).

Le Tribunal fédéral, vu l'art. 36a OJ, prononce:

1.
Le recours est admis.

2.
Il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3.
Une indemnité de 600 fr. à titre de dépens est allouée au recourant, à la
charge du canton de Vaud.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Préfet du district de Vevey et au Tribunal de police de l'arrondissement de
l'Est vaudois.

Lausanne, le 13 décembre 2001

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le Président: Le Greffier: