Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.695/2001
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1P.695/2001/svc

Arrêt du 15 janvier 2002
Ire Cour de droit public

Les Juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Féraud, Fonjallaz,
greffier Parmelin.

X. ________, 1962 Pont-de-la-Morge (Sion), recourant, représenté par Me
Pierre Gauye, avocat, rue des Cèdres 5, case postale 640, 1951 Sion,

contre

Y.________, 6912 Pazzallo, intimé, représenté par Me Roger Pannatier, avocat,
rue du Stade 4, 1950 Sion,
Ministère public du canton du Valais, représenté par Olivier Elsig,
Procureur-substitut, Palais de Justice, 1950 Sion 2,
Tribunal cantonal du canton du Valais, Cour d'appel pénale I, Palais de
Justice, 1950 Sion 2.

procédure pénale; appréciation des preuves

(recours de droit public contre le jugement de la Cour d'appel pénale I du
Tribunal cantonal du canton du Valais du 26 septembre 2001)

Faits:

A.
Le 24 octobre 1998, à 13h30, Y.________ a touché avec l'avant-gauche de son
véhicule X.________ alors que ce dernier traversait le passage pour piétons
situé à l'entrée sud-est du Centre commercial Migros de Conthey. Il a
continué sa route sans s'arrêter.
Ressentant des douleurs aux genoux, X.________ a consulté le Docteur Claude
Imobersteg, médecin généraliste à Ayent. L'examen clinique auquel ce
praticien a procédé le 27 octobre 1998 a mis en évidence une douleur à la
palpation des points de Valleix et une manoeuvre de Lasègue positive du côté
droit. Les radiographies n'ont pas permis de déceler de lésions osseuses ou
de troubles neurologiques. Devant la persistance de sciatalgies droites, un
examen par résonance magnétique nucléaire (IRM) a été pratiqué le 2 novembre
1998, sans toutefois révéler d'hernie discale. Un traitement de
physiothérapie a permis une amélioration partielle des troubles avec une
persistance de sciatalgies épisodiques. Le Docteur Imobersteg a établi le 5
juillet 1999 un second certificat médical qui reprend les termes de son
précédent rapport du 16 décembre 1998, en précisant qu'à ce jour, il persiste
une douleur du genou gauche à certains mouvements.
Par ordonnance pénale du 18 février 2000, le Juge d'instruction pénale du
Valais central a reconnu Y.________ coupable de lésions corporelles simples
par négligence et de violation des devoirs en cas d'accident; il l'a condamné
à cinq jours d'emprisonnement avec sursis pendant deux ans et à une amende de
300 fr.; il l'a en outre astreint à verser à X.________ 975 fr. 25 à titre de
dommages-intérêts, les prétentions supplémentaires de ce dernier étant
réservées et renvoyées au for civil.
Statuant le 3 octobre 2000 sur opposition du contrevenant, le Juge II des
districts d'Hérens et Conthey a reconnu Y.________ coupable de violation des
règles de la circulation et de violation des devoirs en cas d'accident et l'a
condamné à une amende de 500 fr. Il a rejeté les conclusions civiles de
X.________, estimant que l'existence d'un lien de causalité naturelle et
adéquate entre l'accident survenu le 24 octobre 1998 et les lésions
constatées trois jours plus tard chez le plaignant n'était pas établie.
Par arrêt du 26 septembre 2001, la Cour d'appel pénale I du Tribunal cantonal
du canton du Valais (ci-après: la Cour d'appel pénale ou la cour cantonale) a
admis l'appel de Y.________ et l'a acquitté du chef de violation des règles
de la circulation en raison de la prescription. Elle n'a pas retenu à
l'encontre de  l'accusé les lésions corporelles par négligence et a rejeté
l'appel de X.________, parce que le choc, voire la douleur, ressentis à la
suite de l'accident du 24 octobre 1998 n'avaient pas atteint l'intensité
requise pour retenir une atteinte à l'intégrité pouvant être qualifiée de
lésion corporelle simple, et que les troubles constatés chez le plaignant
dans les certificats médicaux n'étaient pas la conséquence du heurt avec le
véhicule de l'accusé.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et de renvoyer le dossier pour nouveau
jugement dans le sens des considérants. Il reproche à la cour cantonale
d'avoir conclu arbitrairement à l'absence d'un lien de causalité adéquate
entre l'accident dont il a été la victime le 24 octobre 1998 et les douleurs
diagnostiquées trois jours après.
La Cour d'appel pénale se réfère aux considérants de son jugement. Y.________
conclut au rejet du recours. Le Ministère public du Valais central a renoncé
à se déterminer.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité des recours
qui lui sont soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 127 IV 148 consid. 1a
p. 151, 166 consid. 1 p. 168 et les arrêts cités).

1.1 Seul le recours de droit public est ouvert pour se plaindre d'une
appréciation arbitraire des preuves et des constatations de fait qui en
découlent, à l'exclusion du pourvoi en nullité auprès de la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83).

1.2 Selon une jurisprudence constante, celui qui se prétend lésé par une
infraction n'a en principe pas la qualité, au sens de l'art. 88 OJ, pour
former un recours de droit public contre une décision de classement de la
procédure pénale ou un jugement d'acquittement au motif qu'il n'est pas lésé
dans un intérêt personnel et juridiquement protégé par la décision de ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF 126 I 97 consid.
1a p. 99; 125 I 253 consid. 1b p. 255); un tel intérêt est en revanche
reconnu à la victime d'une atteinte à l'intégrité corporelle, sexuelle ou
psychique, selon les art. 2 al. 1 et 8 al. 1 let. c de la loi fédérale sur
l'aide aux victimes d'infractions (LAVI; RS 312.5). Le Tribunal fédéral
examine librement si une personne est une victime (ATF 122 IV 71 consid. 3a
p. 76; 120 Ia 157 consid. 2d p. 162 et les arrêts cités). L'atteinte à
l'intégrité corporelle doit revêtir un certain poids pour entrer dans le
champ d'application de la LAVI (ATF 127 IV 236 consid. 2b/bb p. 239). A la
différence de la personne ayant souffert de lésions corporelles simples,
celle qui n'a subi que des voies de fait n'est pas une victime au regard de
l'art. 2 al. 1 LAVI (ATF 125 I 253 consid. 1c p. 255; 125 II 265 consid.
2a/aa p. 268; Ulrich Weder, Das Opfer, sein Schutz und seine Rechte im
Strafverfahren, RPS 113/1995 p. 42/43 et les références citées en note 22;
Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990 concernant la LAVI et l'arrêté
fédéral portant approbation de la Convention européenne relative au
dédommagement des victimes d'infractions violentes, FF 1990 II 909 ss, spéc.
p. 925; arrêt non publié du 2 septembre 1998 dans la cause B. contre Chambre
d'accusation du canton de Genève, consid. 3b/aa), étant précisé que les
lésions corporelles commises par négligence tombent également sous le coup de
la LAVI (cf. Giusep Nay, Les droits de la victime dans la procédure pénale,
in Réparation et Réconciliation, Expériences d'aide aux victimes et de
médiation pénale, Lucerne 1997, p. 23). Par ailleurs, à ce stade de la
procédure, l'on ne saurait se contenter de la possibilité d'une infraction à
l'intégrité corporelle pour admettre la qualité de victime.

1.3 En l'espèce, le recourant a été heurté le 24 octobre 1998 par l'avant
gauche du véhicule conduit par Y.________ alors qu'il cheminait sur le
passage pour piétons sis à l'entrée sud-est du Centre commercial Migros de
Conthey. L'examen médical auquel il s'est soumis trois jours après les faits
a mis en évidence des douleurs à la palpation des points de Valleix et une
manoeuvre de Lasègue positive du côté droit, qui persistent épisodiquement
malgré un traitement de physiothérapie. L'absence d'hématomes ou de lésions
organiques ne suffit pas pour exclure la qualification de lésions corporelles
simples. En présence d'atteintes ne laissant aucune trace physique apparente,
la distinction entre les voies de fait et les lésions corporelles est
délicate et dépend de l'intensité des douleurs ressenties (ATF 125 II 265
consid. 2e/bb p. 272; 119 IV 25 consid. 2a p. 26/27; 107 IV 40 consid. 5c p.
42/43). Le Tribunal fédéral n'est pas lié par la qualification juridique
retenue par le juge pénal, même si elle constitue un indice pour ou contre
l'admission de la qualité de victime; dans les cas limites, il s'impose
cependant une certaine réserve quant à la solution retenue par l'autorité
cantonale, dont il ne s'écarte qu'en cas d'abus ou d'excès du pouvoir
d'appréciation (ATF 125 II 265 consid. 2a/aa p. 268 et 2e/bb p. 272; 119 IV
25 consid. 2a p. 27; 107 IV 40 consid. 5c p. 43 et les arrêts cités). Dans le
cas particulier, les juges cantonaux ont admis que le choc, voire la douleur,
ressentis par le recourant à la suite de l'accident survenu le 24 octobre
1998, n'avaient pas atteint l'intensité requise pour retenir une atteinte à
l'intégrité pouvant être qualifiée de lésion corporelle simple. Selon les
constatations de faits retenues par l'autorité intimée et qui lient le
Tribunal fédéral en l'absence de toute contestation du recourant (cf. ATF 125
II 265 consid. 2b p. 269), ce dernier n'a pas été renversé, comme il l'a
prétendu dans sa dénonciation, mais il a simplement heurté le véhicule de
l'intimé alors que celui-ci roulait au pas pour  quitter le parking du centre
commercial. Il a déclaré avoir été choqué et ressenti des douleurs aux
genoux. Le médecin généraliste qu'il a consulté a diagnostiqué une névralgie
sciatique du côté droit, sans altération du nerf; il n'a en revanche décelé
aucune lésion organique ou neurologique, malgré une persistance des douleurs
au genou gauche à certains mouvements. Il s'agit donc d'un cas limite dans
lequel le Tribunal fédéral fait preuve de retenue. On ne saurait admettre que
l'autorité intimée aurait abusé de son pouvoir d'appréciation en considérant
que le choc et les douleurs ressenties n'avaient pas atteint un degré
suffisant pour tomber sous le coup de l'art. 123 CP, indépendamment du point
de savoir si ces douleurs étaient en relation de causalité naturelle et
adéquate avec l'accident à l'origine de la procédure. Le recourant n'étant
pas une victime au sens de l'art. 2 al. 1 LAVI, il n'a pas qualité pour
recourir au fond, au sens de l'art. 88 OJ, contre le jugement d'acquittement
de la Cour d'appel pénale. Pour le surplus, il ne fait valoir aucune
violation de ses droits de partie à la procédure cantonale (cf. ATF 121 IV
317 consid. 3b p. 324).

2.
Le recours doit par conséquent être déclaré irrecevable; les conditions de
l'art. 152 al.1 OJ n'étant pas réunies, il y a lieu de rejeter la demande
d'assistance judiciaire et de mettre un émolument judiciaire à la charge du
recourant, tenant compte de sa situation financière difficile (art. 156 al.
1, 153 al. 1 et 153a OJ). Celui-ci versera en outre une indemnité de dépens à
l'intimé qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un mandataire
professionnel (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est irrecevable.

2.
La demande d'assistance judiciaire est rejetée.

3.
Un émolument judiciaire de 800 fr. est mis à la charge du recourant.

4.
Une indemnité de 1'000 fr. est allouée à Y.________, à titre de dépens, à la
charge du recourant.

5.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux parties, au Ministère public et
à la Cour d'appel pénale I du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 15 janvier 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président:   Le greffier: