Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.686/2001
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1P.686/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                      12 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Alain Ribordy, avocat à
Fribourg,

                           contre

l'arrêt rendu le 20 septembre 2001 par la Chambre pénale du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg;

                   (détention préventive)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 30 août 2000, la Chambre pénale
des mineurs du canton de Fribourg a condamné M.________, né
le 6 septembre 1982, à dix mois de détention pour avoir
commis, du 1er décembre 1998 au 22 août 2000, des actes cons-
titutifs d'appropriation illégitime, d'abus de confiance, de
vol, de complicité de vol, de brigandage, de dommages à la
propriété, d'escroquerie, de tentative d'escroquerie, de com-
plicité d'escroquerie, de tentative d'extorsion par briganda-
ge, de menaces, de contrainte, de violation de domicile, de
faux dans les titres, de faux dans les certificats, d'actes
préparatoires délictueux, de violences contre les fonction-
naires, de vol d'usage d'un véhicule automobile, d'infrac-
tions à la loi fédérale sur les stupéfiants et de contraven-
tion à la loi cantonale d'application du Code pénal. Elle a
en outre révoqué le sursis accordé à la peine de quatre mois
de détention infligée au condamné le 24 septembre 1998 pour
des faits de même nature perpétrés de mai 1997 à juillet
1998.

   M.________ a été détenu préventivement du 28 mars au
6 avril 2001 pour des vols par effraction commis en bande; il
a été arrêté une nouvelle fois le 26 avril 2001, pour des
faits de même nature; il a été relâché le lendemain après
s'être engagé à adopter un comportement irréprochable, à
chercher du travail et un appartement et avoir été averti
qu'en cas de récidive, il serait réincarcéré et soumis à une
expertise psychiatrique; il a été interpellé le 11 juin 2001
à la suite de nouveaux cambriolages et placé en détention
préventive sous les préventions de vols, de dommages à la
propriété, de violation de domicile, de faux dans les titres,
de délit manqué d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur,
d'instigation à faux dans les titres, d'escroquerie, de recel

et d'infractions à la loi fédérale sur la circulation routiè-
re et à la loi fédérale sur les stupéfiants.

   Le 29 juin 2001, le Juge d'instruction en charge du
dossier (ci-après: le Juge d'instruction) a confié au Docteur
X.________, médecin psychiatre à Fribourg, le soin de pro-
céder à une expertise psychiatrique du prévenu. L'expert a
rendu, le 15 juillet 2001, un rapport préliminaire au terme
duquel il n'a pu exclure, en l'état de ses investigations, un
risque de récidive, ni indiquer les mesures à prendre pour
écarter ce risque.

   B.- Le 29 août 2001, le Juge d'instruction a rejeté
une demande de mise en liberté provisoire formulée par
M.________ en raison du danger de réitération. Le jeune homme
a été transféré le lendemain en exécution anticipée de peine
à l'Etablissement mixte d'exécution des peines de Bellevue, à
Gorgier.

   Par arrêt du 29 septembre 2001, la Chambre pénale du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après: la Chambre
pénale) a rejeté un recours du prévenu contre l'ordonnance du
Juge d'instruction du 29 août 2001. Elle a vu un risque con-
cret de récidive justifiant le maintien de la détention dans
les antécédents du prévenu, dans le fait que ce dernier avait
commis de nouvelles infractions de même nature, malgré l'en-
gagement pris d'adopter un comportement irréprochable, et
dans les conclusions du rapport d'expertise préliminaire.
Elle a en outre admis que la durée de la détention n'était
pas excessive au regard du nombre et de la gravité des in-
fractions commises.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 10 al. 2, 31 al. 1 Cst. et 5 CEDH,
M.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
d'inviter le Juge d'instruction à le libérer sans délai. Il

reproche à la Chambre pénale d'avoir retenu à tort
l'existence d'un risque de récidive justifiant son maintien
en détention. Il tient en outre le refus de sa mise en liber-
té pour disproportionné et requiert l'assistance judiciaire.

   La Chambre pénale et le Ministère public du canton
de Fribourg ont renoncé à déposer des observations. Le Juge
d'instruction du canton de Fribourg conclut au rejet du re-
cours.

   M.________ a répliqué.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué qui refuse sa mise en liberté provisoire et
a, partant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ; le fait
qu'il se trouve sous le régime de l'exécution anticipée de la
peine ne fait pas obstacle à une demande de mise en liberté
immédiate (ATF 126 I 172 consid. 3a-b p. 174/175; 117 Ia 72
consid. 1d p. 78 et les références citées). Interjeté en
temps utile contre une décision prise en dernière instance
cantonale, le recours répond aux exigences des art. 86 al. 1
et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il convient d'entrer en matière.
La conclusion du recourant tendant à sa libération immédiate
est par ailleurs recevable (ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p.
333).

   2.- Une mesure de détention préventive est compati-
ble avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10 al.
2 Cst. et 5 CEDH, pour autant qu'elle repose sur une base lé-
gale, qu'elle réponde à un intérêt public et qu'elle respecte
le principe de la proportionnalité (art. 31 al. 1 et 36 al. 1
à 3 Cst.; ATF 123 I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit

le cas, la privation de liberté doit être justifiée par les
besoins de l'instruction, un risque de fuite ou un danger de
collusion ou de réitération. Préalablement à ces conditions,
il doit exister à l'égard de l'intéressé des charges suffi-
santes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p. 144). Cette dernière exi-
gence coïncide avec la règle de l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui
autorise l'arrestation d'une personne s'il y a des raisons
plausibles de soupçonner qu'elle a commis une infraction.

   S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 268
consid. 2d p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une
grande liberté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281
consid. 3 p. 283).

   3.- Le recourant ne conteste pas la base légale de
son maintien en détention (cf. art. 110 du Code de procédure
pénale fribourgeois), ni l'existence de charges suffisantes à
son encontre. Il nie en revanche la présence d'un risque de
récidive propre à s'opposer à sa relaxation.

   a) L'autorité appelée à statuer sur la mise en li-
berté provisoire d'un détenu peut, en principe, maintenir
celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer, avec une
certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive.
Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'apprécia-
tion d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon
la jurisprudence, le maintien en détention ne peut se justi-
fier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable
et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont
graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367;
124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et
les arrêts cités; voir aussi l'arrêt de la CourEDH dans la
cause Clooth c. Belgique, du 12 décembre 1991, Série A vol.

225, § 40). Le principe de la proportionnalité impose en ou-
tre à l'autorité qui estime se trouver en présence d'une pro-
babilité sérieuse de réitération d'examiner si l'ordre public
pourrait être sauvegardé par d'autres moyens que le maintien
en détention, tels que la mise en place d'une surveillance
médicale, l'obligation de se présenter régulièrement à une
autorité ou l'instauration d'autres mesures d'encadrement
(ATF 123 I 268 consid. 2c in fine p. 271 et les arrêts ci-
tés).

   b) En l'espèce, le recourant a été condamné à deux
reprises pour des infractions contre le patrimoine semblables
à celles qu'il est soupçonné d'avoir commises aujourd'hui,
la dernière fois le 30 août 2000. Il a commis de nouvelles
infractions de même nature alors qu'il avait été interpellé
et brièvement détenu à deux reprises au cours de la présente
procédure et rendu attentif aux conséquences d'une éventuelle
récidive. Dans le cadre de la dernière procédure, il a fait
l'objet d'une expertise psychiatrique confiée à l'Hôpital
psychiatrique cantonal de Fribourg. Au terme de leur rapport
établi le 22 décembre 1999, les experts concluaient à un im-
portant risque de réitération en raison de l'absence complète
de conscience du recourant quant à la gravité de ses actes
délictueux et préconisaient un placement dans un cadre fermé
accompagné d'un suivi psychiatrique. Quant au Docteur
X.________, il n'a pu exclure, en l'état de ses investiga-
tions, un danger de récidive, réservant son appréciation dé-
finitive sur les mesures à prendre pour l'écarter dans son
rapport final. Dans ces circonstances, l'autorité intimée
pouvait, sans abuser de son pouvoir d'appréciation, retenir
l'existence d'un risque concret de réitération. Il importe
peu que les infractions contre le patrimoine reprochées au
recourant ne se soient pas accompagnées d'actes de violence
graves; le recourant a en effet été condamné par le passé
pour violences contre les fonctionnaires et vit, suivant les
auteurs du rapport d'expertise du 22 décembre 1999, dans un

système de pensée où la violence est valorisée, ce qui justi-
fie une évaluation plus sévère du danger de récidive (ATF 123
I 268 consid. 2e p. 271). Au surplus, on ne voit pas quelle
mesure moins incisive serait propre à écarter le risque de
récidive résultant des circonstances évoquées ci-dessus, dès
lors que le recourant n'a pas tenu ses précédents engagements
de se rendre régulièrement auprès du Service de patronage du
canton de Fribourg et d'adopter un comportement irréprocha-
ble. Certes, le suivi psychologique et les efforts de reso-
cialisation professionnelle entrepris dans le cadre de sa dé-
tention, dont il fait état dans sa réplique, sont des élé-
ments positifs permettant d'espérer une évolution favorable;
ils sont toutefois trop récents pour admettre qu'une mise en
liberté provisoire assortie d'un traitement ambulatoire le
dissuaderait de commettre de nouvelles infractions.

   Le recours est dès lors mal fondé en tant qu'il por-
te sur l'existence d'un risque de réitération.

   4.- Le recourant considère que la durée de la déten-
tion préventive subie à ce jour serait excessive au regard de
la peine à laquelle il s'exposerait et justifierait son élar-
gissement immédiat.

   a) Les art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH reconnais-
sent à toute personne arrêtée ou détenue le droit d'être ju-
gée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la
phase d'instruction préparatoire. Selon la jurisprudence, ce
droit est notamment violé lorsque la durée de la détention
préventive dépasse celle de la peine privative de liberté qui
pourrait, le cas échéant, être prononcée (ATF 126 I 172 con-
sid. 5a p. 176/177 et les arrêts cités). Celle-ci doit être
évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que
le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une
peine excessive pour la faire coïncider avec la détention
préventive à imputer (ATF 116 Ia 143 consid. 5a p. 147).

Cette question doit être examinée au regard de l'ensemble des
circonstances concrètes d'espèce (ATF 126 I 172 consid. 5a p.
177; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273;
116 Ia 143 consid. 5a p. 147; 107 Ia 256 consid. 1b p. 257;
arrêts de la CourEDH dans les causes Muller c. France, du 17
mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997 p. 374, § 35
et W. c. Suisse, du 26 janvier 1993, Série A vol. 254, § 30).

   b) En l'espèce, le recourant est inculpé de vols, de
dommages à la propriété, de violation de domicile, de faux
dans les titres, de délit manqué d'utilisation frauduleuse
d'un ordinateur, d'instigation à faux dans les titres, d'es-
croquerie, de recel et d'infractions à la loi fédérale sur la
circulation routière et à la loi fédérale sur les stupé-
fiants. S'il devait effectivement être reconnu coupable de
ces infractions, qui entrent en concours, il s'exposerait à
une peine ferme excédant la détention préventive subie à ce
jour, compte tenu de ses antécédents défavorables. Dans ces
conditions, la durée de la détention n'apparaît à ce jour pas
excessive. Au demeurant, il ressort du dossier que le Juge
d'instruction considère son enquête comme terminée, sous
réserve du rapport d'expertise qui doit encore être déposé,
de sorte que le renvoi du recourant en jugement est imminent.

   Le principe de la proportionnalité est ainsi respec-
té de ce point de vue.

   5.- Le recours doit par conséquent être rejeté. Les
conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il convient
de faire droit à la demande d'assistance judiciaire et de
statuer sans frais. Me Alain Ribordy est désigné comme avocat
d'office du recourant pour la présente procédure et une in-
demnité lui sera versée (art. 152 al. 2 OJ). Il n'y a pas
lieu à l'octroi de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours;

   2. Admet la demande d'assistance judiciaire;

   3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens;

   4. Désigne Me Alain Ribordy en qualité d'avocat
d'office du recourant et lui alloue une indemnité de
1'000 fr. à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du
Tribunal fédéral;

   5. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant ainsi qu'au Juge d'instruction, au Ministère
public et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton
de Fribourg.

Lausanne, le 12 novembre 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,