Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.65/2001
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1P.65/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        20 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Féraud, Favre et Mme
Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Kurz.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

les époux X.________, représentés par Me Marc Bonnant et Me
Michel Halpérin, avocats à Genève,

                           contre

l'ordonnance rendue le 6 décembre 2000 par la Chambre d'accu-
sation du canton de Genève, dans la cause qui oppose les re-
courants à Y.________, représenté par Me Alec Reymond et Me
Benoît Chappuis, avocats à Genève, et au Procureur général du
canton de Genève;

               (recours contre un classement)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 3 décembre 1997, sur plainte des époux
X.________, le Juge d'instruction du canton de Genève a in-
culpé Y.________ d'actes d'ordre sexuel commis sur des en-
fants (art. 187 CP), de contrainte sexuelle (art. 189 CP), de
viol (art. 190 CP) et d'homicide par négligence (art. 117 CP)
pour avoir séduit A.________, née le 6 juin 1977, et lui
avoir fait subir des actes d'ordre sexuel à de nombreuses re-
prises, de 1989 à juin 1992 (alors qu'elle avait de 12 à 15
ans), en particulier en la contraignant à subir l'acte
sexuel, notamment à Genève, Gstaad, Capri, en Crète, en
Sicile et en Provence, et pour avoir ainsi provoqué chez
A.________ une dépression et des troubles dissociatifs qui
l'ont amenée à se suicider le 28 août 1997.

   L'inculpation a été étendue, le 21 septembre 1999, à
des faits commis en 1992 et 1993.

   B.- Le 7 juillet 2000, le Procureur général a classé
la procédure. Les charges contre Y.________ résultaient des
écrits laissés par A.________, des révélations à des tiers
ainsi que des constatations faites par des témoins. Les dif-
férents avis d'experts ne permettaient pas d'aboutir à une
conviction suffisante quant à la réalité de ces faits. Les
témoignages directs portaient sur des faits qui s'étaient dé-
roulés, au plus tard en été 1991, et ils ne traduisaient pas
l'existence d'une menace ou d'une contrainte, de sorte que
seul l'art. 187 CP pouvait entrer en considération. Selon
cette disposition, les faits commis avant le 1er septembre
1992 étaient prescrits au 1er septembre 1997. En définitive,
les doutes et incertitudes devaient profiter au prévenu.

   C.- Sur recours des époux X.________, la Chambre
d'accusation genevoise a confirmé cette décision. Le renvoi

en jugement supposait l'existence d'une prévention suffi-
sante, soit une indication précise des agissements poursui-
vis. Dès le 1er septembre 1997, l'infraction prévue à l'art.
187 CP se prescrivait par dix ans; s'il n'était pas échu le
1er septembre 1997, le délai de cinq ans prévu par la légis-
lation antérieure passait ainsi à dix ans. L'ouverture de
l'information pénale ayant eu lieu 2 septembre 1997, tous les
actes commis antérieurement au 1er septembre 1992 étaient
prescrits. S'agissant des atteintes à l'intégrité sexuelle
commises avant le 1er octobre 1992, la Chambre d'accusation a
appliqué, en tant que lex mitior, l'art. 188 aCP s'agissant
des actes commis avec contrainte, et l'art. 187 s'agissant
des actes commis sans contrainte. Il convenait de rechercher
s'il y avait une prévention suffisante, d'une part s'agissant
d'attentat à la pudeur avec violence (art. 188 aCP) commis
avant le 1er octobre 1992 et d'autre part, s'agissant d'in-
fractions aux art. 189 et 190 CP commises après le 1er octo-
bre 1992, voire d'infractions à l'art. 187 CP commises après
le 1er septembre 1992. Les témoignages directs portaient tous
sur des faits commis avant le 15ème anniversaire de
A.________, soit le mois de juin 1992, les autres indices
résultant de simples confidences de celle-ci, écrites ou ora-
les, à des ami(e)s ou des thérapeutes. Les accusations selon
lesquelles A.________ aurait subi, avant le 1er septembre
1992, une contrainte absolue (nécessaire pour l'application
de l'art. 188 aCP), reposaient sur les écrits de l'adolescen-
te, ainsi que sur des déclarations à des thérapeutes à un
stade où A.________ présentait de fortes altérations de la
personnalité. Les confidences faites à des amies ne faisaient
pas ressortir une quelconque contrainte.

   D.- Les époux X.________ forment un recours de droit
public contre cette ordonnance. Ils en demandent l'annula-
tion, ainsi que le renvoi de la cause à la Chambre d'accusa-
tion pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

   Y.________ conclut à l'irrecevabilité du recours,
subsidiairement à son rejet. La Chambre d'accusation se réfè-
re aux considérants de son ordonnance. Le Procureur général
conclut au rejet du recours dans la mesure où il est receva-
ble.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours de droit public qui lui sont
soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 257 consid.
1a).

   a) L'art. 88 OJ ne reconnaît la qualité pour agir
par la voie du recours de droit public qu'à celui qui est
atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement protégés. De jurisprudence constante, celui qui
se prétend lésé par un acte délictueux n'a pas qualité pour
recourir sur le fond contre une décision pénale de classe-
ment, de non-lieu ou d'acquittement (ATF 69 I 17; cf. ATF 121
IV 317 consid. 3b p. 324 et les références citées).

   La loi fédérale sur l'aide aux victimes d'infrac-
tions (LAVI; RS 312.5) renforce les droits de procédure des
personnes victimes d'une infraction en leur ouvrant, sous
certaines conditions, la faculté de recourir contre un clas-
sement ou un non-lieu. La qualité pour recourir de la victime
par la voie du recours de droit public se fonde alors direc-
tement sur la règle spéciale de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI.
Elle suppose une atteinte directe à l'intégrité corporelle,
sexuelle ou psychique, du fait de l'infraction dénoncée (art.
2 al. 1 LAVI). Selon l'art. 2 al. 2 let. b LAVI, les père et
mère de la victime sont assimilés à celle-ci pour ce qui est
des droits dans la procédure pénale et des prétentions civi-
les, dans la mesure où ces personnes peuvent faire valoir des
prétentions civiles contre l'auteur de l'infraction (cf. ATF

126 IV 42 consid. 3c p. 46). Il convient de rechercher si les
conditions posées à l'art. 8 al. 1 let. c LAVI sont réunies.

   b) Selon cette disposition, la victime peut interve-
nir dans la procédure et, en particulier, former contre le
jugement les mêmes recours que le prévenu, si elle était déjà
partie à la procédure auparavant et dans la mesure où la sen-
tence touche ses prétentions civiles ou peut avoir des effets
sur le jugement de ces dernières. Pour pouvoir recourir, la
victime - ou les personnes assimilées - doit ainsi avoir eu
qualité de partie dans le cours de la procédure pénale; elle
doit avoir élevé des prétentions civiles; la sentence pénale
doit avoir des effets sur ses prétentions civiles; la victime
doit enfin indiquer en quoi ces conditions sont réunies (exi-
gence de motivation; sur l'ensemble de ces conditions, ATF
120 IV 44 consid. I/4-8 p. 51 ss; Corboz, Les droits procédu-
raux découlant de la LAVI, SJ 1996 p. 53-92, 80).

   En l'espèce, les recourants, plaignants et parties
civiles, ont participé à la procédure ayant abouti à la déci-
sion contestée. Par ailleurs, lorsque le recours est dirigé
contre une décision de classement ou de non-lieu, c'est-à-
dire avant tout jugement, on ne saurait leur reprocher de ne
pas avoir pris formellement de conclusions civiles, puisque
cela n'était pas possible à ce stade (ATF 120 1a 101 consid.
2b p. 106, IV 44 consid. I/4a p. 53). En revanche, même si la
loi ne l'exige pas expressément, la victime doit, à défaut de
conclusions civiles, indiquer quelles prétentions civiles
elle entend faire valoir. Cette condition, particulièrement
évidente pour le pourvoi en nullité dès lors que l'art. 270
al. 1 PPF reprend le texte de l'art. 8 al. 1 let. c LAVI (cf.
ATF 125 IV 109, 123 IV 184 consid. 1b p. 187, 122 IV 139
consid. 1 p. 141), s'applique également pour juger de la re-
cevabilité du recours de droit public (ATF 120 Ia 101 consid.
2 p. 104), même si certains arrêts du Tribunal fédéral n'exa-
minent pas explicitement cette question (cf. arrêts non pu-

bliés du 13 décembre 1999 dans la cause C., du 15 septembre
1997 dans la cause B. et du 22 décembre 1995 dans la cause
S.). A défaut de conclusions formelles au plan civil, les re-
courants doivent au moins indiquer quelles sortes de préten-
tions ils entendraient élever à l'égard de l'auteur de l'in-
fraction (ATF 120 IV 44 consid. I/8 p. 57/58). Une telle in-
dication n'est toutefois pas indispensable lorsqu'on peut
directement et sans ambiguïté déduire, compte tenu notamment
de la nature de l'infraction, quelles prétentions civiles
pourraient être élevées par la victime (cf. dans ce sens
Corboz, op. cit. p. 80: "sauf si cela est évident...").

   En l'occurrence, les recourants se contentent d'al-
léguer qu'ils entendent "faire valoir des prétentions civiles
en procédure", sans spécifier le fondement de ces préten-
tions. Ils prétendent que leur fille aurait été victime
d'abus sexuels commis jusqu'en 1993. A ce stade de la procé-
dure, ils admettent que la causalité entre les agissements
reprochés et le suicide de leur fille n'a pas pu être éta-
blie, de sorte qu'on peut se demander s'ils pourraient pré-
tendre à une réparation en raison du décès en se fondant,
notamment, sur l'art. 47 CO. L'art. 49 CO permet certes
l'indemnisation pour le tort moral de la victime d'actes
d'ordre sexuel (ATF 125 III 269 consid. 2a p. 273/274). A
certaines conditions, les proches peuvent se fonder sur cette
disposition pour faire valoir une prétention en réparation de
leur propre préjudice moral, lorsque celui-ci est exception-
nel (ATF 125 II 412 consid. 2a p. 417). Les recourants n'in-
diquent toutefois pas non plus, à ce sujet, s'ils entendent
se plaindre des souffrances engendrées par la perte de leur
fille, ou si la réparation envisagée se rapporte aux abus
sexuels que celle-ci aurait subis.

   Compte tenu de l'issue de la cause, ces questions
peuvent demeurer indécises.

   2.- a) Les recourants se plaignent essentiellement
d'arbitraire. Ils ne contestent pas le classement de la pro-
cédure pénale s'agissant des infractions d'homicide par né-
gligence, de contrainte sexuelle et de viol (art. 189 et 190
du code pénal actuel, la Chambre d'accusation ayant appliqué
à ce sujet la disposition plus favorable de l'art. 188 aCP).
Ils soutiennent en revanche que la procédure ne devait pas
être classée, sous l'angle de l'art. 187 CP (actes d'ordre
sexuel avec des enfants). Selon eux, il existait des indices
suffisants que les abus sexuels auraient été commis jusqu'en
1993, de sorte que le délai de prescription serait passé de
cinq à dix ans en vertu de l'art. 187 ch. 6 CP. Au stade du
renvoi en jugement, l'autorité devrait poursuivre la procédu-
re en cas de doute sur la culpabilité de l'inculpé, l'adage
"in dubio pro duriore" devant prévaloir.

   Les art. 204 et 207 du code de procédure pénale ge-
nevoise (CPP/GE) prévoient le renvoi en jugement lorsque la
prévention est suffisante, soit lorsqu'il existe des "indices
suffisants de culpabilité". La vraisemblance serait donc suf-
fisante. Tant la Chambre d'accusation que le Procureur géné-
ral auraient préféré le point de vue des quatre experts de
l'accusé aux avis exprimés par les neufs experts de la partie
civile quant à la réalité des faits relatés par A.________,
alors que ce choix devrait bien plutôt incomber à l'autorité
de jugement. Ainsi, selon la doctoresse B.________, la rela-
tion [entre A.________ et Y.________] aurait cessé fin 1992.
Cette phrase, en anglais dans le texte original, aurait été
traduite en français par "la relation prit fin en juin 1992".
Selon le témoignage de C.________, les relations auraient
duré jusqu'au début ou à mi-1993. Le témoin D.________ aurait
vu A.________ entrer dans la voiture de l'inculpé en février
1993 et entendu une conversation téléphonique à la même épo-
que. D'autres témoins auraient assisté à de telles conversa-
tions en 1993. La Chambre d'accusation se serait livrée sur
ce point à une appréciation des preuves, se substituant ainsi

à l'autorité de jugement. Les recourants invoquent également
le droit à un procès équitable et l'accès à un tribunal, ga-
rantis par l'art. 6 par. 1 CEDH.

   b) L'intimé Y.________ met en doute la recevabilité
du recours: les recourants allèguent des faits non retenus
par la cour cantonale, et ne démontreraient pas en quoi la
solution adoptée serait arbitraire. La Chambre d'accusation
s'en serait strictement tenue à la notion de prévention suf-
fisante, laquelle implique inévitablement une certaine appré-
ciation des preuves qui n'aurait, dans le cas d'espèce, rien
d'arbitraire.

   c) Le Procureur général relève pour sa part qu'on ne
saurait imposer aux autorités de poursuite de traduire un
prévenu en jugement, lorsqu'il apparaît d'emblée que le prin-
cipe "in dubio pro reo" imposera un acquittement. Toute autre
solution aurait pour conséquence de surcharger inutilement
les juridictions de jugement.

   3.- a) Il y a arbitraire, prohibé par l'art. 9 Cst.
(art. 4 aCst.), lorsque la décision attaquée viole gravement
une règle ou un principe juridique clair et indiscuté ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment de
la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de
la solution retenue par l'autorité cantonale de dernière ins-
tance que si elle est insoutenable ou en contradiction évi-
dente avec la situation de fait, si elle a été adoptée sans
motif objectif ou en violation d'un droit certain. Par ail-
leurs, il ne suffit pas que les motifs de la décision atta-
quée soient insoutenables, encore faut-il que celle-ci soit
arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170
et la jurisprudence citée).

   b) Selon l'art. 204 al. 1 CPP/GE, la Chambre d'accu-
sation rend une ordonnance de non-lieu lorsqu'elle ne trouve

pas d'indices suffisants de culpabilité. Selon l'art. 207
CPP/GE, elle renvoie l'inculpé en jugement lorsqu'il y a pré-
vention suffisante. Ces dispositions s'appliquent lorsque la
Chambre d'accusation est saisie des réquisitions du Procureur
général, soit lorsqu'à l'issue de l'instruction préparatoire,
celui-ci estime devoir poursuivre la procédure (art. 199 et
200 CPP/GE). En l'espèce, la Chambre d'accusation n'est pas
intervenue directement comme autorité de renvoi, mais comme
autorité de recours contre une ordonnance de classement, au
sens de l'art. 198 al. 2 CPP/GE. Une telle décision peut être
prise par le Procureur lorsqu'il estime que "les circonstan-
ces ne justifient pas l'exercice de l'action publique" (art.
198 al. 1 CPP/GE), soit pour d'autres motifs que l'absence de
preuve, puisqu'il peut s'agir de motifs de fait, de droit,
voire d'opportunité. Saisie d'un recours contre ce type de
décision, la Chambre d'accusation peut confirmer le classe-
ment, renvoyer la procédure au juge d'instruction ou ordonner
au procureur général de prendre des réquisitions motivées
(Heyer/Monti, Procédure pénale genevoise, Chambre d'accusa-
tion, exposé de la jurisprudence 1990-1998, SJ 1999 II p.
161-194, 192). C'est ce dernier type de conclusions qui ont
été soumises par les recourants à la Chambre d'accusation.
Celle-ci a donc statué comme si elle agissait en tant que
juge du renvoi, et a appliqué les dispositions relatives à
cette procédure, en particulier les critères permettant
d'aboutir au prononcé d'un non-lieu (art. 204 CPP/GE).
S'agissant de l'appréciation des preuves, la pratique canto-
nale ne paraît pas faire de distinction essentielle entre le
classement et le non-lieu, l'élément déterminant étant, dans
les deux cas, l'absence ou l'insuffisance de prévention
(Heyer/Monti, op. cit. p. 168). Cela n'est pas contesté par
les recourants.

   c) Il est admis également que les notions de "pré-
vention suffisante", et d'"indices suffisants de culpabili-
té", au sens des art. 207 et 204 al. 1 CPP/GE ont été correc-

tement rappelées par la cour cantonale. Ces notions impli-
quent "un peu plus que des indices, mais pas encore des cer-
titudes" (SJ 1990 p. 454 n. 3.3 et la jurisprudence cantonale
citée). Le classement - respectivement, le non-lieu - pour
insuffisance de charges est ainsi admissible lorsqu'il appa-
raît que les débats devant la juridiction de jugement abou-
tiraient nécessairement à une libération au bénéfice du
doute.

   Les recourants invoquent le principe "in dubio pro
duriore", qui devrait, selon eux, s'imposer à toute autorité
de renvoi, en lieu et place de l'adage "in dubio pro reo",
applicable par la seule autorité de jugement. Les deux prin-
cipes ne sont toutefois pas indépendants. La tâche de l'auto-
rité de renvoi est d'éviter la saisine du juge du fond lors-
qu'il apparaît d'emblée qu'une condamnation est exclue, en
raison du doute qui doit profiter à l'accusé. L'autorité doit
ainsi renoncer au renvoi si toute condamnation apparaît d'em-
blée impossible. Si en revanche la culpabilité du prévenu ap-
paraît vraisemblable, ou simplement possible, un renvoi en
jugement s'impose. Ainsi défini, l'adage "in dubio pro du-
riore" n'a pas de portée indépendante par rapport aux dispo-
sitions précitées du droit cantonal, dont le Tribunal fédéral
ne revoit l'application que sous l'angle restreint de l'arbi-
traire.

   d) Quant au droit d'accès à un juge, garanti par
l'art. 6 par. 1 CEDH, il n'offre, pas plus au plaignant qu'à
l'accusé, une protection allant au-delà de l'interdiction de
l'arbitraire dans l'appréciation des preuves.

   4.- a) Les recourants évoquent les divers témoigna-
ges qui confirmeraient, selon eux, la thèse que les relations
entre l'intimé et leur fille auraient perduré après le 1er
septembre 1992. Ils citent le témoignage de la doctoresse
B.________, mal traduit en français, dont il ressortirait que

la relation se serait terminée à la fin de l'année 1992, et
non à fin juin de cette année. La Chambre d'accusation a tou-
tefois examiné attentivement la déposition écrite de ce té-
moin, qui fut la thérapeute de A.________, pour en conclure -
indépendamment de l'erreur de traduction - que les faits pré-
cis étaient tous antérieurs, en tout cas, au quinzième anni-
versaire de A.________, soit au 6 juin 1992. Tant le document
considéré comme le testament de A.________ que la première
thérapeute de celle-ci mentionnaient une période comprise
entre le douzième et le quatorzième anniversaire. Les autres
témoignages manquaient de la nécessaire précision permettant
la prise de réquisitions pour des actes commis après le 1er
septembre 1992. Les faits précis postérieurs à cette date
consistaient en un baiser prolongé, des appels téléphoniques
et le fait que A.________ serait montée dans la voiture de
Y.________. La Chambre d'accusation a également relevé qu'un
autre homme aurait pu remplacer l'intimé durant l'année
scolaire 1992-1993.

   b) Pour l'essentiel, les arguments des recourants
reviennent à affirmer que les actes sexuels ou d'ordre
sexuel, commis par l'intimé, auraient été démontrés. En re-
vanche, ils n'invoquent aucune circonstance qui pourrait
faire apparaître comme arbitraire la considération de la cour
cantonale selon laquelle rien ne permettrait de penser que de
tels actes ont continué de se produire après la date char-
nière du 1er septembre 1992. Hormis, essentiellement, des
conversations téléphoniques, les différents témoins n'ont
jamais signalé un fait précis à l'appui de telles accusa-
tions. Il n'est par conséquent pas insoutenable de considé-
rer, à la suite de la Chambre d'accusation, qu'en l'absence
d'éléments de preuve précis, le doute devrait immanquablement
conduire à la libération de l'intimé, si celui-ci était tra-
duit en jugement.

   Les recourants se réfèrent à un arrêt rendu le 12
novembre 1996 par le Tribunal fédéral, dans la cause X. L'au-
torité intimée avait renoncé au renvoi, en écartant certains
témoignages à charge, ainsi que les déclarations de la victi-
me, et s'était fondée sur des éléments de preuve qui n'appa-
raissaient pas déterminants. La situation d'espèce n'est tou-
tefois pas comparable puisque la décision de classement a été
rendue après une instruction complète de la cause. Les recou-
rants ne soutiennent pas qu'un complément d'information de-
vrait être apporté sur certains points; leur recours cantonal
n'y tendait d'ailleurs pas. Ils admettent que toutes les
preuves envisageables ont été administrées. Malgré cela, il
n'existe aucun élément de preuve quant à l'existence d'abus
sexuels commis après le 1er septembre 1992.

   c) Pour le surplus, les recourants, dans la partie
"en fait" de leur recours, estiment que l'intimé aurait exigé
de A.________ le secret sur leur relation. Ils n'évoquent
toutefois aucun indice permettant de penser à l'existence
d'une menace ou d'une contrainte au sens de l'art. 188 aCP.
Les considérations émises sur ce point par la Chambre d'accu-
sation ne sont d'ailleurs pas critiquées conformément à
l'art. 90 al. 1 let. b OJ (ATF 126 III 534 consid. 1b p.
536).

   5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être rejeté. Un émolument judiciaire est mis à la
charge des recourants (art. 156 al. 1 OJ), de même qu'une in-
demnité de dépens à laquelle a droit l'intimé Y.________, qui
a procédé avec l'aide d'avocats.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours.

   2. Met à la charge des recourants un émolument ju-
diciaire de 2000 fr.

   3. Alloue à l'intimé Y.________ une indemnité de dé-
pens de 2000 fr., à la charge solidaire des recourants.

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Procureur général et à la Chambre
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Genève.

Lausanne, le 20 avril 2001
KUR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,