Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.600/2001
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1P.600/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                      22 novembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________, représenté par Me Patrick Stoudmann, avocat à
Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 12 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud dans la cause
qui oppose le recourant à Y.________, représentée par Me
Jean-Noël Jaton, avocat à Lausanne;

        (procédure pénale; appréciation des preuves)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 26 octobre 2000, le Tribunal
correctionnel de l'arrondissement de Lausanne a condamné
X.________ pour lésions corporelles simples, utilisation abu-
sive d'une installation de télécommunication, menaces, viola-
tion de domicile et viol, à la peine de deux ans et demi de
réclusion et l'a expulsé du territoire suisse pour une durée
de huit ans. Il l'a en outre astreint à verser à Y.________
un montant de 20'000 fr., avec intérêts à 5% l'an dès le 30
septembre 1997, au titre d'indemnité pour tort moral.

   Concernant plus particulièrement l'infraction de
viol, le tribunal a retenu que X.________ s'était rendu un
soir de septembre 1997 au domicile de Y.________ pour lui
dire qu'il l'aimait; la jeune femme ayant refusé ses avances,
X.________ l'a saisie par les bras, l'a jetée sur le lit, l'a
partiellement déshabillée et l'a violemment pénétrée, tout en
l'embrassant sur le visage. Le tribunal a également admis
qu'un soir d'octobre 1997, X.________ était entré de force
dans le studio de la jeune femme, qu'il l'avait embrassée sur
la bouche alors qu'elle se débattait, qu'il avait menacé de
la tuer si elle continuait à crier et qu'il l'avait pénétrée.
Il a fondé sa conviction sur les déclarations de la victime,
qui lui ont paru crédibles au contraire de celles du prévenu,
sur un rapport médical établi le 29 septembre 2000 par les
Docteurs A.________ et B.________, qui met en évidence un
état dépressif associé à des symptômes spécifiques de séquel-
les traumatiques et qui pose un diagnostic de syndrome de
stress post-traumatique, ainsi que sur le témoignage de
C.________, institutrice retraitée, auprès de qui la plai-
gnante travaillait comme femme de ménage à raison de trois
heures par semaine depuis janvier 1998, qui s'est dite per-

suadée que Y.________ disait la vérité car elle la tenait
pour une femme honnête.

   Par arrêt du 12 février 2001, la Cour de cassation
pénale du canton de Vaud (ci-après: la Cour de cassation pé-
nale) a confirmé le jugement du Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne du 26 octobre 2000. Elle a re-
tenu en substance que les premiers juges avaient expliqué de
manière convaincante les motifs qui les avaient amenés à pré-
férer la version des faits de la plaignante à celle de
X.________ et de son épouse et qu'il ne subsistait aucun
doute suffisamment concret et important quant à la culpabi-
lité de l'accusé.

   B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
de renvoyer la cause à la Cour de cassation pénale pour nou-
velle instruction et nouveau jugement dans le sens des consi-
dérants. Il reproche à cette dernière autorité d'avoir fait
preuve d'arbitraire et violé la présomption d'innocence en le
condamnant sur la base des seules déclarations de la victime,
qu'aucun élément concret ne venait étayer.

   La Cour de cassation pénale et le Ministère public
du canton de Vaud se réfèrent aux considérants de l'arrêt
attaqué. Y.________ conclut au rejet du recours et sollicite
l'assistance judiciaire.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation du
Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre d'une ap-
préciation arbitraire des faits et des constatations de fait
qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p. 83) ou pour in-

voquer la violation directe d'un droit constitutionnel ou
conventionnel, tel que la présomption d'innocence garantie
aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH (ATF 120 Ia 31 consid.
2b p. 35/36). Au vu des arguments soulevés, seul le recours
de droit public est ouvert.

   Formé en temps utile contre une décision finale ren-
due en dernière instance cantonale qui touche le recourant
dans ses intérêts juridiquement protégés, le recours répond
aux exigences des art. 84 ss OJ, sous réserve des conclusions
qui vont au-delà de la simple annulation de l'arrêt attaqué
et qui sont irrecevables (ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5; 127
III 279 consid. 1b p. 282 et la jurisprudence citée).

   2.- Le recourant reproche à la Cour de cassation
pénale d'avoir fait preuve d'arbitraire et violé le principe
"in dubio pro reo" en le reconnaissant coupable de viol sur
la base des seules déclarations de la victime, qu'aucun élé-
ment concret ne venait étayer.

   a) En tant qu'elle a trait à la constatation des
faits et à l'appréciation des preuves, la maxime "in dubio
pro reo", découlant de la présomption d'innocence consacrée
aux art. 32 al. 1 Cst. et 6 § 2 CEDH, est violée lorsque
l'appréciation objective de l'ensemble des éléments de preuve
laisse subsister un doute insurmontable sur la culpabilité de
l'accusé (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 IV 86 consid. 2a
p. 88; 120 Ia 31 consid. 2c p. 37). Saisi d'un recours de
droit public mettant en cause l'appréciation des preuves, le
Tribunal fédéral examine seulement si le juge cantonal a ou-
trepassé son pouvoir d'appréciation et établi les faits de
manière arbitraire (ATF 127 I 38 consid. 2a p. 41; 124 I 208
consid. 4 p. 211; 120 Ia 31 consid. 2d p. 37/38; 118 Ia 28
consid. 1b p. 30 et les arrêts cités). Une constatation de
fait n'est pas arbitraire pour la seule raison que la version
retenue par le juge ne coïncide pas avec celle de l'accusé ou

du plaignant; encore faut-il que l'appréciation des preuves
soit manifestement insoutenable, en contradiction flagrante
avec la situation effective, qu'elle constitue la violation
d'une règle de droit ou d'un principe juridique clair et in-
discuté, ou encore qu'elle heurte de façon grossière le sen-
timent de la justice et de l'équité (ATF 118 Ia 28 consid. 1b
p. 30), ce qu'il appartient au recourant d'établir (ATF 125 I
492 consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

   b) En l'espèce, même si les éléments matériels sont
minces et relativement peu précis, il ressort de l'apprécia-
tion des preuves dans leur ensemble que l'autorité intimée
et, avant elle, le Tribunal correctionnel de l'arrondissement
de Lausanne n'ont pas versé dans l'arbitraire en considérant
que le recourant avait violé à deux reprises la plaignante en
automne 1997. Celle-ci n'a pas varié dans ses déclarations.
L'état dépressif dans lequel elle se trouvait lorsqu'elle a
déposé plainte a été constaté médicalement et par plusieurs
témoins. Le médecin psychiatre et le psychologue l'ont attri-
bué à un syndrome de stress post-traumatique, qui s'explique
aussi bien, sinon davantage, par les deux viols de l'automne
1997 que par l'altercation du 15 mars 1998 ayant entraîné des
lésions corporelles sans gravité. En outre, l'enquête de voi-
sinage effectuée par la police a permis d'établir que
X.________ s'était rendu seul à plusieurs reprises au domi-
cile de la plaignante et qu'il avait tenté de se faire remet-
tre la clé de son studio, sous prétexte que la jeune femme
devait être malade et ne voulait pas lui ouvrir. Les premiers
juges pouvaient sans arbitraire voir dans cette circonstance
un élément propre à confirmer la version de la plaignante
suivant laquelle le recourant avait essayé de la contacter
contre son gré. Le fait que Y.________ ait attendu la consul-
tation au centre LAVI pour dénoncer les sévices sexuels
qu'elle prétendait avoir subis correspond à une démarche fré-
quente dans ce genre d'infraction, la victime étant incapable
de réagir immédiatement en raison des sentiments de honte

éprouvés et de l'appréhension ressentie à l'égard des fonc-
tionnaires et des autorités. Enfin, comme l'ont relevé les
juridictions cantonales, l'intégration dans la communauté
érythréenne en exil et la place de la femme non mariée dans
une telle société pouvaient expliquer de manière suffisante
les motifs pour lesquels la plaignante ne s'était manifestée
ni après les agissements de septembre et d'octobre 1997, ni
lorsqu'elle a déposé plainte pour l'altercation du 15 mars
1998.

   Vu ce qui précède, la Cour de cassation pénale n'est
pas tombée dans l'arbitraire en ne sanctionnant pas une éven-
tuelle appréciation des preuves par le Tribunal correctionnel
de l'arrondissement de Lausanne, qui aurait été contraire à
la présomption d'innocence.

   3.- Le recours doit en conséquence être rejeté, dans
la mesure où il est recevable, aux frais du recourant qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Ce dernier versera en outre une
indemnité de dépens réduite de 500 fr. à Y.________, qui a
consacré l'essentiel de sa réponse à des faits qui ne concer-
naient pas l'objet du litige, seule la condamnation pour viol
étant contestée devant le Tribunal fédéral dans le cadre du
recours de droit public (art. 159 al. 1 et 5 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

   2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'500 fr. ainsi qu'une indemnité de 500 fr. à ver-
ser à Y.________, à titre de dépens;

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties ainsi qu'au Ministère public et à la Cour
de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 22 novembre 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                  Le Greffier,