Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.598/2001
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1P.598/2001 /COL

Arrêt du 25 mars 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Catenazzi, Pont Veuthey, juge suppléante,
greffier Thélin.

A. ________,
recourant, représenté par Me Christian Favre, avocat, place Saint-François 8,
case postale 2533, 1002 Lausanne,

contre

Ministère public du canton de Vaud, rue de l'Université 24, case postale,
1014 Lausanne,
Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour de cassation pénale, 1014 Lausanne,

appréciation des preuves

(recours de droit public contre l'arrêt du Tribunal cantonal du canton de
Vaud du 21 décembre 2000)
Faits:

A.
Par jugement du 20 octobre 2000, le Tribunal correctionnel de
l'arrondissement de Lausanne a reconnu A.________ coupable d'infraction grave
à la législation sur les stupéfiants et l'a condamné à sept ans de réclusion
et à l'expulsion de Suisse pour quinze ans. Au cours des débats, l'accusé
avait demandé sans succès d'être soumis à une expertise psychiatrique.

Le 21 décembre 2000, la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du
canton de Vaud a rejeté un recours formé par le condamné.

B.
Agissant par la voie du recours de droit public, A.________ requiert le
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du Tribunal cantonal. Il se plaint d'une
constatation des faits arbitraire et contraire à la présomption d'innocence,
ainsi que d'un refus arbitraire de le soumettre à une expertise
psychiatrique.

Une demande d'assistance judiciaire est jointe au recours.

Invité à répondre, le Tribunal cantonal a renoncé à déposer des observations;
le Ministère public propose le rejet du recours.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
A l'appui de sa demande d'une expertise psychiatrique, le recourant a fait
valoir qu'il avait dû être soigné en Albanie, son pays d'origine, en raison
d'une dépression, et qu'il a également dû recevoir des soins psychiatriques
pendant sa détention préventive. Le Tribunal correctionnel n'a pas mis ces
faits en doute et il n'existe donc aucune contestation à ce sujet. Le
recourant soutient seulement que les juges auraient dû, en raison desdits
faits, reconnaître que sa responsabilité était douteuse, et ordonner une
expertise conformément à l'art. 13 CP. Or, une telle argumentation peut être
présentée au Tribunal fédéral par la voie du pourvoi en nullité pour
violation de cette disposition de droit fédéral (art. 268 ch. 1, 269 al. 1
PPF; ATF 119 IV 120 consid. 2a p. 123; arrêt de la Cour de cassation pénale
6S.543/2000 du 22 septembre 2000, consid. 2); elle est donc irrecevable à
l'appui du recours de droit public (art. 84 al. 2 OJ).

2.
Saisi d'un recours de droit public dirigé contre une condamnation pénale, le
Tribunal fédéral ne revoit la constatation des faits et l'appréciation des
preuves qu'avec un pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, car il ne lui
appartient pas de substituer sa propre appréciation à celle du juge de la
cause. A cet égard, la présomption d'innocence garantie par les art. 6 par. 2
CEDH et 32 al. 1 Cst., à laquelle le recourant se réfère également, n'offre
pas de protection plus étendue que celle contre l'arbitraire conférée par
l'art. 9 Cst. Elle n'est invoquée avec succès que si le recourant démontre
qu'à l'issue d'une appréciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des
preuves, le juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles sur
la culpabilité du prévenu (ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40, 124 IV 86 consid. 2a
p. 87/88; 120 Ia 31 consid. 2e p. 38, consid. 4b p. 40).

L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'elle contredit d'une manière
choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral
n'invalide la solution retenue par le juge de la cause que si elle apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation effective ou
adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas que les motifs du verdict
soient insoutenables; il faut en outre que l'appréciation soit arbitraire
dans son résultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution différente
puisse être tenue pour également concevable, ou apparaisse même préférable
(ATF 127 I 38 consid. 2 p. 40, 126 I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 166 consid.
2a p. 168).

3.
3.1Le recourant reproche au Tribunal correctionnel de n'avoir constaté que de
façon insuffisamment précise la date à laquelle il a prétendument commencé
son activité coupable.

Il est incontesté que le recourant a été vu à deux reprises en compagnie de
G.________, la première fois en août 1998; G.________ a été arrêté en avril
1999, dans le cadre d'une enquête dirigée contre un réseau de trafiquants de
stupéfiants, après quoi la police a constaté que son téléphone mobile était
encore utilisé pour des conversations avec des trafiquants en Suisse
alémanique. Les recherches concernant cette utilisation ont mis en évidence
que le recourant détenait l'appareil et semblait se livrer lui aussi à ce
trafic. Le jugement est certes imprécis sur le point dont est discussion; il
permet néanmoins de reconnaître que les juges ont situé le début de
l'activité imputée au recourant dans une période comprise entre sa première
rencontre attestée avec G.________ et l'arrestation de ce dernier. Cette
constatation échappe au grief d'arbitraire, compte tenu des éléments
d'appréciation disponibles; pour le surplus, elle comporte effectivement une
certaine équivoque, mais il n'en résulte pas que l'infraction en cause soit
elle-même douteuse.

3.2 L'argumentation présentée met aussi en doute que les deux téléphones
trouvés l'un sur le recourant, lors de sa propre arrestation, l'autre à son
domicile, aient été utilisés par lui. Il ne prétend toutefois pas avoir
allégué, dans l'enquête pénale ou devant le Tribunal correctionnel, qu'une
autre personne ait fait usage de ces appareils. Dans ces conditions, les
juges pouvaient retenir sans arbitraire, sur la base du seul fait que le
recourant possédait les appareils lors de son arrestation, qu'il en était
aussi l'utilisateur. Il convient de souligner que le silence du prévenu peut,
au besoin, être pris en considération pour apprécier la force de persuasion
des éléments à charge, dans des situations qui appellent assurément une
explication de sa part, sans que cela ne constitue une atteinte à son droit
de se taire et de ne pas témoigner contre soi-même (arrêt 1P.641/2000 du 24
avril 2001, consid. 3, RUDH 2001 p. 115).

3.3 Le jugement retient que le recourant "doit être considéré comme le
responsable local d'un réseau de diffusion de drogue, au sein d'une filière
albanaise structurée". Cet élément du verdict de culpabilité repose,
notamment, sur l'emploi des téléphones précités, ainsi que sur les
témoignages de quatre toxicomanes qui ont déclaré avoir vu le recourant
surveiller la livraison de la drogue. Ce dernier excipe en vain, dans la
présente procédure, de la "proverbiale discrétion" des trafiquants, qui
"évitent avec soin d'être vus par les toxicomanes, toujours susceptibles de
les identifier par la suite"; cela ne suffit pas à faire apparaître ces
témoignages comme absolument dépourvus de force probante. Pour le surplus, le
recourant affirme à tort que l'arrêt attaqué ne répond pas à ses arguments;
au contraire, le consid. 5b de ce prononcé relève des indices précis et
concluants; ceux-ci, faute d'être contestés dans le recours de droit public,
échappent à l'examen du Tribunal fédéral (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 124 I
159 consid. 1e p. 162/163).

3.4 Enfin, le jugement retient que le recourant a "favorisé la vente de
plusieurs kilos de drogue". Cette affirmation est fondée sur le fait que le
coaccusé S.________, agissant sous les ordres du recourant, a livré près de 2
kg d'héroïne, ce qui n'est pas contesté; l'arrêt attaqué précise que le
mineur K.________, interrogé dans l'enquête, revendait lui aussi de la drogue
sur les instructions et sous la surveillance du recourant, ce qui n'est pas
non plus contesté. L'évaluation portant sur un trafic de "plusieurs kilos"
échappe donc au grief d'arbitraire, et sa relative imprécision n'autorise pas
non plus le recourant à mettre en doute la nature et la gravité de
l'infraction. Dans la mesure où il conteste que "favoriser la vente de
drogue" soit un comportement réprimé par l'art. 19 ch. 1 de la loi fédérale
sur les stupéfiants, ce grief est irrecevable car il aurait pu, lui aussi,
être présenté par la voie du pourvoi en nullité.

4.
Le recours se révèle en tous points irrecevable ou mal fondé, de sorte qu'il
doit être rejeté. La procédure entreprise devant le Tribunal fédéral était
dépourvue de toute chance de succès, de sorte que l'assistance judiciaire ne
peut pas être accordée au recourant conformément à l'art. 152 OJ; ce dernier
doit, au contraire, acquitter l'émolument judiciaire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours est rejeté, dans la mesure où il est recevable.

2.
Le recourant acquittera un émolument judiciaire de 2'000 fr.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au mandataire du recourant, au
Ministère public et au Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 25 mars 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: