Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.575/2001
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1P.575/2001/svc

Arrêt du 15 février 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Reeb, Féraud,
greffier Kurz.

Christo Ivanov, Crêts-de-Champel 21, 1206 Genève, recourant,

contre

Grand Conseil du canton de Genève, Chancellerie d'Etat, rue de
l'Hôtel-de-Ville 2, case postale 3964, 1211 Genève 3.

art. 84 al. 1 let. a et 85 let. a OJ
(recours de droit public contre la loi n° 8438 du Grand Conseil du canton de
Genève en vue de l'achat de bâtiments et de terrains propriété de Battelle
Memorial Institute at Columbus à Carouge, du 10 mai 2001)
Faits:

A.
Le Grand Conseil du canton de Genève a adopté, le 10 mai 2001, la loi n° 8438
(ci-après: la loi) ouvrant au Conseil d'Etat un crédit d'investissement de
92'835'000 fr. pour l'acquisition d'immeubles et de terrains de l'Institut
Battelle Memorial Institute at Columbus à Carouge (art. 1). La loi rappelle
que ce crédit est réparti, dès 2001, en tranches annuelles inscrites au
budget d'investissement, que la dépense sera comptabilisée en 2001 en une
tranche unique (art. 2) et que son financement, après déduction de la
subvention fédérale, est assuré, au besoin, par le recours à l'emprunt dont
les charges sont à couvrir par l'impôt (art. 3 et 4) Cette loi a été publiée
dans la Feuille d'avis officielle du 18 mai 2001 et promulguée le 6 juillet
suivant, faute de référendum.

B.
Par la voie du recours de droit public, Christo Ivanov, citoyen genevois,
demande au Tribunal fédéral d'annuler la loi n° 8438 qu'il juge contraire à
l'art. 97 de la constitution genevoise (cst./GE). Cette norme impose au Grand
Conseil de prévoir la couverture financière de toute dépense nouvelle
excédant 60'000 fr. Le recourant soutient en outre que la loi critiquée est
trop imprécise sur ses conséquences financières. Les citoyens genevois ne
pourraient ainsi exercer en toute connaissance de cause leur droit de
référendum garanti à l'art. 53 cst./GE.

C.
Le Grand Conseil conclut à l'irrecevabilité et au rejet du recours.
Le recourant a déposé un mémoire complétif.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
Le Tribunal fédéral examine d'office et librement la recevabilité du recours
de droit public (ATF 127 I 92 consid. 1).

1.1 Dans la mesure où le recourant se plaint d'une violation des droits
constitutionnels des citoyens (art. 97 cst./GE à combiner avec l'art. 84 al.
1 let. a OJ), la recevabilité du recours doit être examinée notamment au
regard de l'art. 88 OJ. Selon cette disposition, ont qualité pour recourir
les particuliers lésés par des arrêtés ou décisions qui les concernent
personnellement ou qui sont d'une portée générale. En d'autres termes, la
voie du recours de droit public n'est ouverte qu'à celui qui est atteint par
l'acte attaqué dans ses intérêts propres et juridiquement protégés; le
recours formé pour sauvegarder l'intérêt général, ou visant à préserver
d'autres avantages de fait, est en revanche irrecevable (ATF 126 I 81).
S'agissant d'un recours dirigé, comme en l'espèce, contre un acte normatif,
le recourant doit rendre vraisemblable que celui-ci est susceptible de
s'appliquer à son cas, soit de porter atteinte, d'une manière ou d'une autre,
à ses intérêts juridiquement protégés. Une atteinte virtuelle est suffisante,
pour autant qu'elle présente un minimum de vraisemblance (ATF 125 I 369
consid. 1a p. 371-372; 474 consid. 1d p. 477-478 et les arrêts cités).

1.2 Christo Ivanov n'indique pas dans son recours, ni d'ailleurs dans son
écriture complémentaire, en quoi la loi qu'il critique le toucherait
personnellement, plus que n'importe quel autre citoyen genevois, dans ses
intérêts propres et juridiquement protégés. A cet égard, il ne suffit pas
simplement de prétendre, au terme d'une longue exégèse, que l'art. 97 cst./GE
a été introduit à l'initiative d'un certain nombre de citoyens qui
souhaitaient un contrôle plus rigoureux des finances cantonales. Un tel
objectif relève à l'évidence de l'intérêt général. Et c'est bien en tant que
défenseur de l'intérêt public que le recourant se présente tout au long de
son recours. Ce dernier apparaît ainsi comme une véritable action populaire,
dont la recevabilité n'est pas admise (ATF 123 I 41 consid. 5b p. 42-43 et
les arrêts cités). Au demeurant, l'art. 97 cst./GE impose des obligations au
Grand Conseil, sans pour autant accorder de droits particuliers aux citoyens,
susceptibles de fonder la qualité pour agir sur la base de l'art. 88 OJ.

Ce premier moyen doit être déclaré irrecevable.

2.
Le recourant se plaint encore de la violation de ses droits politiques (art.
85 let. a OJ). Cette disposition permet aux citoyens de se plaindre de ce
qu'une loi ou un décret cantonal aurait été soustrait à tort au référendum
financier obligatoire (ATF 118 Ia 184).

2.1 Titulaire des droits politiques dans le canton de Genève, Christo Ivanov
a qualité pour recourir sur ce point (ATF 123 I 41).

2.2 Le Tribunal fédéral a déjà jugé que la violation des obligations imposées
aux autorités par l'art. 97 cst./GE ne peut, comme telle, porter atteinte au
droit de vote du citoyen, car elle n'a pas elle-même pour effet de soustraire
la loi au référendum facultatif (ATF 97 I 910). Il n'y a pas lieu de revenir
sur cette jurisprudence, que le recourant ne critique pas sérieusement. Sous
cet angle, le grief est irrecevable.

2.3 Dans le même cadre, Christo Ivanov reproche au Grand Conseil d'avoir
adopté une loi trop imprécise, notamment sur ses conséquences financières,
empêchant ainsi les citoyens d'exercer en toute connaissance leur droit de
référendum garanti à l'art. 53 cst./GE.

Cet argument est mal fondé. Non seulement le texte de la loi expose
clairement le mécanisme de financement du projet (art. 2 à 5), mais les
travaux parlementaires peuvent apporter les compléments d'information
nécessaires s'ils s'avéraient indispensables. Les obligations supplémentaires
que le recourant souhaite imposer au législateur cantonal sur ce point, à
savoir un exposé "du compte de fonctionnement de l'Etat" en relation avec la
couverture financière de chaque nouvelle dépense, manquent singulièrement de
réalisme s'agissant du contenu d'une loi. De telles exigences ne sont
imposées ni par la constitution, ni par la législation cantonale. Enfin, les
nombreuses critiques que Christo Ivanov formule à l'encontre du financement
du "projet Battelle" démontrent à l'évidence qu'il a pu se faire une opinion
sur les conséquences financières de la loi en cause et leur impact sur les
comptes de l'Etat.
Il s'ensuit que le grief tiré de la violation du droit de vote des citoyens
doit être déclaré mal fondé dans la mesure de sa recevabilité.

3.
Le recourant, qui n'a pas agi que pour la sauvegarde des droits politiques,
mais aussi pour violation de ses droits constitutionnels, et dont la démarche
est sur ce point manifestement irrecevable, doit supporter l'émolument
judiciaire (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, vu l'art. 36a OJ, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit public est rejeté pour autant que recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2000 fr. est mis à la charge du recourant.

3.
Le présent arrêt est communiqué en copie au recourant et au Grand Conseil du
canton de Genève, Chancellerie d'Etat.

Lausanne, le 15 février 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: