Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.546/2001
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1P.546/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       5 novembre 2001

Composition de la cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme la Juge sup-
pléante Pont Veuthey. Greffier : M. Parmelin.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ , représentée par Me Olivier Couchepin, avocat à
Martigny,

                           contre

l'arrêt rendu le 16 juillet 2001 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la cause qui op-
pose la recourante au Juge d'instruction de l'arrondissement
de l'Est vaudois;

       (procédure pénale; présence de l'avocat lors de
                 l'interrogatoire du prévenu)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- X.________ fait l'objet d'une enquête pénale
pour vol et gestion déloyale, ouverte le 23 mars 2001 par le
Juge d'instruction de l'arrondissement de l'Est vaudois (ci-
après: le juge d'instruction).

   Le 18 juin 2001, ce dernier l'a convoquée pour être
entendue comme prévenue le 17 juillet 2001. Le 22 juin 2001,
le défenseur d'office de X.________ a sollicité du juge
d'instruction l'autorisation d'assister à tous les interroga-
toires de sa cliente et le renvoi de la séance d'audition à
une date ultérieure.

   Le 28 juin 2001, le juge d'instruction a refusé de
donner suite à cette requête et maintenu l'interrogatoire de
la prévenue prévu pour le 17 juillet 2001.

   Statuant par arrêt du 16 juillet 2001, le Tribunal
d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-
après: le Tribunal d'accusation) a rejeté le recours, traité
comme une réclamation, formé par X.________ contre cette dé-
cision, qu'il a jugée conforme aux dispositions du Code de
procédure pénale vaudois et à la garantie d'un procès équita-
ble consacrée à l'art. 6 § 1 CEDH.

   B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt.
Invoquant les art. 9, 29 al. 1 Cst. et 6 § 1 et 3 CEDH, elle
se plaint d'une application arbitraire du droit cantonal de
procédure et d'une violation de ses droits à l'assistance
d'un défenseur et à un procès équitable.

   Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants
de son arrêt. Le juge d'instruction n'a pas présenté d'obser-
vations.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
cognition libre la recevabilité des recours de droit public
qui lui sont soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198
consid. 2 p. 201 et les arrêts cités).

   a) Selon l'art. 87 OJ, le recours de droit public
est recevable contre les décisions préjudicielles et inciden-
tes sur la compétence et sur les demandes de récusation, pri-
ses séparément. Ces décisions ne peuvent être attaquées ulté-
rieurement (al. 1). Le recours de droit public est recevable
contre d'autres décisions préjudicielles et incidentes prises
séparément s'il peut en résulter un préjudice irréparable
(al. 2). Lorsque le recours de droit public n'est pas receva-
ble en vertu de l'alinéa 2 ou qu'il n'a pas été utilisé, les
décisions préjudicielles et incidentes peuvent être attaquées
avec la décision finale (al. 3).

   Le refus d'autoriser le conseil d'office de la re-
courante à assister aux actes de l'instruction et, plus par-
ticulièrement, aux auditions de sa cliente, ou ne met pas un
terme à la procédure pénale et revêt un caractère incident
(ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327); la question de savoir si
une telle décision est susceptible de lui causer un préjudice
irréparable peut demeurer ouverte, car il existe un risque
que la procédure doive être reprise depuis le début si l'au-
torité de jugement devait finalement admettre que les actes
de l'instruction étaient nuls parce que le conseil de la re-
courante n'avait pas pu y assister. L'économie de la procé-
dure commande, en pareil cas, de faire abstraction de l'exi-

gence d'un dommage irréparable et d'entrer en matière sur le
recours (cf. ATF 127 I 92 consid. 1d p. 95).

   b) Les autres conditions de recevabilité du recours
de droit public sont au surplus réunies, de sorte qu'il con-
vient d'entrer en matière sur le fond.

   2.- La recourante prétend que le refus du Tribunal
d'accusation d'autoriser son conseil à assister à son audi-
tion prévue pour le 17 juillet 2001 et, plus généralement,
aux actes de l'instruction, ou relèverait d'une application
arbitraire du droit cantonal de procédure et violerait ses
droits à l'assistance d'un défenseur et à un procès équitable
garantis aux art. 29 al. 1 Cst. et 6 § 3 CEDH.

   a) Le principe, l'étendue et les limites du droit
d'un accusé ou d'un prévenu à l'assistance d'un défenseur, au
besoin commis d'office, sont déterminés en premier lieu par
les prescriptions du droit cantonal de procédure, dont le
Tribunal fédéral ne contrôle l'application et l'interpréta-
tion que sous l'angle restreint de l'arbitraire; dans tous
les cas cependant, l'autorité cantonale doit respecter les
garanties minimales déduites directement de l'art. 32 al. 2
Cst., dont le Tribunal fédéral examine librement le respect
(ATF 126 I 165 consid. 3; 119 Ia 260 consid. 6a p. 261; 111
Ia 81 consid. 2a p. 82; 105 Ia 296 consid. 1b p. 299; 104 Ia
17 consid. 2 et les arrêts cités).

   Le Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.)
n'accorde pas aux parties et à leurs défenseurs un droit in-
conditionnel d'assister aux opérations d'instruction ordon-
nées par le juge, mais uniquement dans les cas prévus par la
loi (art. 44 et 100 CPP vaud.; voir notamment, art. 208 CPP
vaud.; cf. Bulletin du Grand Conseil du canton de Vaud, au-
tomne 1989, p. 71/72). L'art. 191 al. 2 CPP vaud. ne confère
en particulier aux avocats des parties le droit d'assister

aux auditions qu'en cas de conciliation, ou lorsque l'infrac-
tion est poursuivie sur plainte seulement (art. 146 al. 1 et
2 CPP vaud.), ou lorsque le juge donne suite à une réquisi-
tion en ce sens dans le délai d'avis de prochaine clôture
(art. 191a CPP vaud.).

   La recourante prétend que le refus d'autoriser son
conseil à assister à son audition prévue pour le 17 juillet
2001 violerait les art. 100 et 146 al. 2 CPP vaud. Le juge
d'instruction n'a toutefois pas convoqué la jeune femme pour
tenter une éventuelle conciliation, qui aurait nécessité la
présence du plaignant, mais pour être entendue comme prévenue
sur les faits qui lui étaient reprochés, comme l'a relevé le
Tribunal d'accusation dans une motivation qui peut être tenue
pour suffisante au regard des exigences déduites de l'art. 29
al. 2 Cst. (cf. ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103). Le vol
et la gestion déloyale sont au demeurant des infractions
poursuivies d'office, de sorte que le juge d'instruction
n'avait aucune obligation de tenter la conciliation. Dans ces
conditions, la présence du conseil de la recourante aux côtés
de celle-ci lors de son audition ne se justifiait pas en ap-
plication de l'art. 146 al. 2 CPP vaud.

   b) Il reste ainsi uniquement à examiner si les rè-
gles de la procédure cantonale, ne reconnaissant au conseil
de la prévenue que dans une mesure limitée la possibilité
d'assister aux interrogatoires de sa cliente et de participer
aux actes de l'instruction, violent les droits de l'accusé à
l'assistance d'un défenseur et à un procès équitable garantis
par l'art. 6 § 1 et 3 CEDH, comme le soutient la recourante.

   La phase de l'instruction est en principe exclue du
champ d'application de l'art. 6 § 1 CEDH. Cependant, la Cour
européenne des droits de l'homme a précisé que les exigences
de l'art. 6 CEDH devaient néanmoins être respectées dans la
mesure où leur inobservation initiale risquait de compromet-

tre gravement le caractère équitable du procès (cf. arrêts de
la CourEDH dans les causes Magee c. Royaume-Uni du 6 juin
2000, § 41, et Imbrioscia c. Suisse du 24 novembre 1993, sé-
rie A n° 275, § 36). Cela ne signifie pas encore que le pré-
venu puisse se prévaloir d'un droit à être assisté de son
conseil lors de chaque audition durant la phase d'instruc-
tion. Le respect du contradictoire, comme celui des autres
garanties de procédure consacrées par l'art. 6 § 1 CEDH, vise
en effet l'instance devant un "tribunal"; il ne peut donc
être déduit de cette disposition un principe général et ab-
strait selon lequel, lorsqu'un expert a été désigné par un
tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la fa-
culté d'assister aux entretiens conduits par celui-ci ou de
recevoir communication des pièces qu'il a prises en compte.
L'essentiel est que les parties puissent participer de maniè-
re adéquate à la procédure devant le "tribunal" (cf. arrêt de
la CourEDH du 18 mars 1997 dans la cause Mantovanelli
c. France, Recueil des arrêts et décisions 1997-II p. 424 ss,
§ 33 in fine).

   De même, l'art. 6 § 3 let. d CEDH ne confère pas à
l'accusé le droit d'être confronté aux témoins à charge au
stade de l'instruction; il suffit qu'il ait l'occasion de le
faire au moins une fois au cours de la procédure (ATF 125 I
127 consid. 6b p. 132/133 et 6c/ee p. 136; 121 I 306 consid.
1b p. 308 et les références citées). Une exception est faite
à ce principe dans le cas où le témoin ne pourra pas être ré-
entendu par la suite. Cette exception vaut d'ailleurs pour
tous les actes d'instruction qui ne seront pas ou qui ne
pourront vraisemblablement pas être répétés aux débats (cf.
Gérard Piquerez, Précis de procédure pénale suisse, Zurich
2000, n. 1946, p. 371; cf. ATF 98 Ib 282 consid. 4 p. 287),
ce qui n'est manifestement pas le cas de l'audition de la re-
courante prévue pour le 17 juillet 2001. Cette dernière se

réfère en vain à l'arrêt rendu le 8 février 1996 par la Cour
européenne des droits de l'homme dans la cause Murray
c. Royaume-Uni (Recueil des arrêts et décisions 1996-I p. 30
ss). Dans cet arrêt, la cour s'est bornée à sanctionner, sous
l'angle de l'art. 6 § 1 et 3 let. c CEDH, le refus opposé au
requérant d'accéder à un avocat pendant les quarante-huit
premières heures de sa garde à vue (cf. arrêt précité, § 66;
voir ATF 126 I 153). Elle n'a en revanche pas examiné la
question de savoir si le droit de l'accusé à être assisté
d'un avocat dès les premiers stades de l'interrogatoire de
police devait également comprendre la présence de celui-ci
lors des interrogatoires (cf. arrêt précité, § 69).

   Le droit constitutionnel fédéral n'impose pas plus
l'instruction contradictoire, même si la majorité des cantons
connaissent cette solution, souhaitée par une large frange de
la doctrine (ATF 106 IV 85; 104 Ia 17 consid. 2 p. 18; 103 Ia
37 consid. 5b p. 38; cf. pour un aperçu des divers systèmes
cantonaux, Piquerez, op. cit. n. 1946, p. 371). La nouvelle
constitution ne consacre pas davantage un tel droit; en par-
ticulier, le droit d'être entendu inscrit à l'art. 29 al. 2
Cst. ne confère pas au prévenu le droit de participer à une
procédure dans des conditions qui ne sont pas prévues par le
droit cantonal de procédure (cf. arrêt du Tribunal fédéral du
7 septembre 2000 paru à la SJ 2001 I 81 consid. 4 in fine
p. 86; ATF 119 Ia 260 consid. 6c p. 262; 103 Ia 37 consid. 5b
p. 38). Le Tribunal fédéral a certes relevé les avantages que
peuvent procurer la présence et l'assistance d'un avocat au
cours de l'instruction, ou lors de l'audition de son client
(ATF 104 Ia 17 consid. 4 p. 20); dans un arrêt récent, il
s'est demandé s'il ne convenait pas de revoir sa jurispruden-
ce au regard de la recommandation du Comité institué selon la
Convention européenne pour la prévention de la torture et des
peines ou traitements inhumains ou dégradants invitant les
autorités suisses à consacrer expressément, dans les meil-
leurs délais, le droit pour les personnes arrêtées par la po-

lice d'avoir accès à un avocat dès le début de la garde à
vue, de recevoir la visite de l'avocat et d'être assuré de la
présence de celui-ci lors des interrogatoires. Le Tribunal
fédéral a toutefois estimé qu'il devait faire preuve d'une
certaine réserve dans la mesure où cette question devait être
débattue à l'occasion des travaux législatifs actuellement en
cours tendant à l'unification de la procédure pénale en
Suisse (ATF 126 I 153 consid. 4f p. 162/163); il doit en al-
ler de même ici, pour les mêmes raisons que celles évoquées
dans cet arrêt.

   c) La recourante ne peut ainsi se prévaloir d'un
droit inconditionnel et illimité à ce que son conseil assiste
à ses interrogatoires ou, de manière générale, aux actes de
l'instruction. Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si le
Tribunal d'accusation aurait dû traiter le grief tiré de la
prétendue violation d'un tel droit dans le cadre non pas
d'une réclamation, mais d'un recours fondé sur l'art. 294
al. 1 CPP vaud. Pour le surplus, la question de savoir si un
éventuel refus d'autoriser le conseil de la recourante à par-
ticiper aux actes d'instruction ultérieurs pourrait, dans
certains cas, aboutir à une violation de l'art. 6 § 1 CEDH,
ou excède le cadre du présent recours et devra être tranchée
lorsqu'elle se présentera concrètement, par les voies de
droit ouvertes en pareil cas.

   3.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans
la mesure où il est recevable, aux frais de la recourante qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu à l'octroi de
dépens (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable;

   2. Met à la charge de la recourante un émolument
judiciaire de 2'000 fr.;

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante, au Juge d'instruction de l'arron-
dissement de l'Est vaudois et au Tribunal d'accusation du
canton de Vaud.

Lausanne, le 5 novembre 2001
PMN/vlc

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,

 Il importe enfin peu que la majorité des cantons prévoient
un tel système ou que la doctrine l'appelle de ses voeux (cf.
Niklaus Schmid, Strafprozessrecht, Zurich 1989, n. 494, ATF
106 IV 85 consid. 3d p. 91 et l'arrêt cité). solution prévue
à Zurich (art. 6 Cst. zurichoise; cf. ZBl 1998 p. 340; ZR
2001, n. 5 p. 15; ATF 113 Ia 214; 104 Ia 17; voir aussi
l'art. 39 al. 3 DPA, s'agissant de la procédure
administrative fédérale).

 Il convient donc d'en rester à la solution fixée dans
l'arrêt et d'examiner dans chaque cas si la présence du
conseil de la recourante. Tel n'est pas le cas de son
audition. Pour le surplus, il n'y a pas lieu d'examiner pour
d'autres actes d'instruction à venir si elle peut se
prévaloir d'un tel droit.

L'art. 6 § 3 let. c CEDH confère à l'accusé le droit de
bénéficier de l'assistance d'un avocat dès les premiers
stades des interrogatoires de police. Ce droit peut toutefois
être restreint pour des motifs valables (arrêt de la CourEDH;
ATF 126 I 153 consid. 4f p. 162).En l'occurrence, la
recourante n'a pas été arrêtée et n'est pas incarcérée. En
outre, la recommandation va au-delà des garanties offertes
par l'art. 6 § 3 CEDH

     A cet égard, l'affirmation du Tribunal d'accusation
suivant laquelle l'art. 6 § 1 CEDH ne s'applique qu'au stade
du procès doit être nuancée.

     Les art. 6 § 3 let. c CEDH et 29 al. 1 Cst. garantissent
à tout accusé le droit de se faire représenter et assister en
justice (ATF 120 Ia 247 consid. 4a p. 250; 116 Ia 295 consid.
6). Ce droit a toutefois été respecté puisque la recourante
s'est vue octroyer un défenseur d'office. Seul est donc
litigieux le droit pour ce dernier d'assister aux auditions
de sa cliente durant la phase d'instruction et, de manière
générale, à l'ensemble des actes de l'instruction.

L'art. 7 al. 1 LAVI permet à la victime d'une infraction
contre l'intégrité corporelle, sexuelle ou psychique de se
faire accompagner d'une personne de confiance lorsqu'elle est
interrogée en tant que témoin ou personne appelée à fournir
des renseignements et ceci à toutes les phases de l'enquête
de police, de l'instruction et des débats. L'accompagnant de
la victime peut être un avocat, mais il ne doit exercer
aucune influence sur le contenu matériel des déclarations de
celle-ci (Message du Conseil fédéral du 25 avril 1990
concernant la loi fédérale sur l'aide aux victimes
d'infractions et l'arrêté fédéral portant approbation de la
Convention européenne relative au dédommagement des victimes
d'infractions violentes, FF 1990 II 932).