Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.52/2001
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1P.52/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                   Séance du 29 mars 2001

Présidence de M. Aemisegger, Président de la Cour et Vice-
président du Tribunal fédéral;
Présents: MM. les Juges Nay, Aeschlimann, Féraud, Catenazzi,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.
                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

Isabelle  C h e v a l l e y , à Saint-George, et Denis
R a m e l e t , à Epalinges, tous deux représentés par Me
Malek Buffat Reymond, avocate à Lausanne,

                           contre

le décret adopté le 6 décembre 2000 par le Grand Conseil du
canton de Vaud, représenté par M. Andreas Auer, professeur à
la Faculté de droit de l'Université de Genève;

(art. 85 let. a OJ; droits politiques; référendum financier;
    budget de fonctionnement de l'Université de Lausanne)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Dans une déclaration commune d'intention signée
le 30 juin 2000, le Conseil fédéral, le Conseil d'Etat du
canton de Vaud (ci-après: le Conseil d'Etat) et le Conseil
d'Etat de la République et canton de Genève ont manifesté
leur soutien au projet d'innovation et de coordination
"Sciences, Vie, Société" élaboré le 20 octobre 1998 par la
direction de l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne
(EPFL) et les rectorats des Universités de Lausanne et de
Genève.

   Ce projet comporte un volet d'innovation comprenant
le développement d'un pôle de génomique fonctionnelle et d'un
pôle de sciences humaines et sociales sur l'arc lémanique. Il
prévoit également un volet de coordination de différentes
disciplines, destiné à renforcer la complémentarité des trois
Hautes Ecoles, qui implique le transfert des sections de ma-
thématiques, de physique et de chimie de l'Université de
Lausanne aux domaines correspondants de l'EPFL, le déplace-
ment subséquent des laboratoires de physique nucléaire et
d'astronomie de l'EPFL à l'Université de Genève et le regrou-
pement de l'Ecole romande de pharmacie dans ce dernier éta-
blissement.

   La Confédération s'engageait à mettre à disposition
de l'EPFL un montant de l'ordre de 60 à 70 millions de
francs, en addition des ressources internes, afin de réaliser
les objectifs du projet. Les gouvernements des cantons de
Vaud et de Genève prenaient pour leur part l'engagement de
soutenir durablement, au travers de leur Université, les pô-
les de génomique fonctionnelle et de sciences humaines et
sociales du projet lémanique. A ce titre, le Conseil d'Etat
vaudois s'obligeait à demander au Grand Conseil de maintenir

durablement dans le budget de l'Université de Lausanne les
montants consacrés jusqu'ici aux sections de mathématiques,
de physique et de chimie (32,8 millions, valeur 1999) après
leur transfert progressif à l'EPFL, les sommes et les in-
frastructures libérées étant réaffectées dans le projet léma-
nique. Il s'obligeait en outre à demander au Grand Conseil de
garantir au canton de Genève le transfert des ressources an-
nuelles nécessaires au fonctionnement de l'Ecole romande de
pharmacie (estimation entre 4 et 5 millions, valeur 1999).
Quant au Conseil d'Etat genevois, il s'engageait, avec l'aide
financière de la Confédération, à entreprendre la construc-
tion de la deuxième étape de Sciences III, afin de pouvoir
accueillir l'Ecole romande de pharmacie dans les locaux libé-
rés à Sciences II, et à mettre à disposition les locaux né-
cessaires au déplacement subséquent à Genève des laboratoires
de physique nucléaire et d'astronomie de l'EPFL.

   B.- Le 3 juillet 2000, le Conseil d'Etat a présenté
au Grand Conseil vaudois (ci-après: le Grand Conseil) un rap-
port sur le projet d'innovation et de coordination "Sciences,
Vie, Société" entre les Universités de Genève et de Lausanne
et l'EPFL, dit "projet triangulaire", un projet de décret
concernant sa mise en oeuvre et ses conséquences sur le bud-
get de fonctionnement de l'Université de Lausanne, un exposé
des motifs et un projet de loi modifiant la loi vaudoise du 6
décembre 1977 sur l'Université de Lausanne (LUL). Le projet
de décret prévoyait le maintien au budget de l'Université de
Lausanne des montants libérés par le regroupement des sec-
tions de mathématiques, de physique et de chimie à l'EPFL, à
hauteur de 32,8 millions de francs, afin de permettre le dé-
veloppement des sciences de la vie et de nouveaux projets en
sciences humaines (art. 2), le rétablissement des crédits de
fonctionnement du budget de l'Université de Lausanne, groupe
31, à leur niveau 1999 fixé à 38,15 millions de francs (art.
3) et le transfert annuel d'un montant de 4,6 millions de
francs du Département de la formation et de la jeunesse du

canton de Vaud au Département de l'instruction publique du
canton de Genève afin de garantir le financement de l'Ecole
romande de pharmacie dès 2003 (art. 4).

   Le 10 octobre 2000, le Grand Conseil a voté l'entrée
en matière sur le rapport du 3 juillet 2000.

   Le 30 octobre 2000, la Commission du Grand Conseil
chargée d'étudier ce rapport (ci-après: la Commission parle-
mentaire) a pris acte d'un avis de droit établi le 24 octobre
2000 par Etienne Grisel, professeur de droit à la Faculté de
droit de l'Université de Lausanne, à la demande de la Société
vaudoise de pharmacie, selon lequel le projet de décret du 3
juillet 2000 relatif au "projet triangulaire" est assujetti
au référendum financier obligatoire selon l'art. 27 ch. 2bis
de la Constitution vaudoise du 1er mars 1885 (Cst. vaud.). De
même, elle a pris acte de l'accord de principe sur l'avenir
de l'Ecole romande de pharmacie, passé le 13 octobre 2000 en-
tre les rectorats des Universités de Genève et de Lausanne et
approuvé par les autorités exécutives des cantons concernés.
Enfin, elle a proposé le report des débats jusqu'au dépôt de
l'avis de droit complémentaire que le Conseil d'Etat avait
requis le même jour du professeur à la Faculté de droit de
l'Université de Genève, Andreas Auer.

   Ce dernier a remis son rapport le 13 novembre 2000.
Au terme de celui-ci, il conclut en substance que le projet
de décret du 3 juillet 2000 n'est pas soumis au référendum
financier obligatoire, mais au référendum administratif, res-
pectivement au référendum financier facultatif prévu à l'art.
27 ch. 2 let. b Cst. vaud., sous réserve des dépenses enga-
gées à l'art. 4.

   Fort des conclusions de cet avis de droit, le
Conseil d'Etat a, le 22 novembre 2000, proposé au Grand
Conseil de voter deux décrets, l'un concernant le transfert

des sections de mathématiques, de physique et de chimie de
l'Université de Lausanne à l'EPFL, soumis au référendum fa-
cultatif, l'autre concernant le regroupement de l'Ecole ro-
mande de pharmacie à Genève et son financement, soumis au
référendum financier obligatoire.

   Dans sa séance du 6 décembre 2000, le Grand Conseil
a adopté en deuxième débat le décret sur le regroupement de
l'Ecole romande de pharmacie à Genève ainsi que la loi modi-
fiant celle sur l'Université de Lausanne. Il a aussi adopté
le décret pour la mise en oeuvre du "projet triangulaire" et
ses conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Uni-
versité de Lausanne, dans la teneur proposée par la Commis-
sion parlementaire, à savoir:

     "Article premier. - Le Grand Conseil prend acte du
     rapport du Conseil d'Etat relatif à la réalisation
     du projet d'innovation et de coordination, Scien-
     ces, Vie, Société, entre l'Université de Genève,
     l'Université de Lausanne et l'Ecole polytechnique
     fédérale de Lausanne, dit "projet triangulaire".

     Art. 2. - Les montants du budget de fonctionnement
     de l'Université de Lausanne pour les sections de
     mathématiques, de physique et de chimie, regroupées
     à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, soit
     au total Fr. 32.8 millions, sont maintenus au bud-
     get de l'Université de Lausanne, afin de permettre
     le développement des sciences de la vie et de nou-
     veaux projet en sciences humaines, conformément au
     projet mentionné à l'article premier.

     Pour les années 2001 à 2004 et afin de faciliter la
     réalisation du projet, la gestion budgétaire de ce
     montant n'est pas liée au respect strict des prin-
     cipes de la conduite budgétaire par groupes (décret
     du 31 octobre 2000). Des transferts entièrement
     compensés entre les montants budgétisés sont possi-
     bles entre les groupes 30 et 31. L'Université rend
     compte semestriellement à la Commission des finan-
     ces du Grand Conseil de l'usage qu'elle fait de
     cette compétence.

     Art. 3. - Les crédits de fonctionnement du budget
     de l'Université de Lausanne, groupe 31, sont réta-
     blis au moins à leur niveau 1999, dès 2001, afin de
     garantir la mise en oeuvre du projet mentionné à
     l'article premier, soit à Fr. 38.15 mios.

     Art. 4. - Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécu-
     tion du présent décret. Il en publiera le texte
     conformément à l'article 27, chiffre 2, de la
     Constitution cantonale et en fixera, par voie
     d'arrêté, la date d'entrée en vigueur."

   Les décrets et la loi ont été publiés dans la Feuil-
le des avis officiels du canton de Vaud du 15 décembre 2000,
avec l'indication suivant laquelle le délai référendaire,
pour déposer une demande de référendum facultatif, venait à
échéance le 24 janvier 2001.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des droits politiques, Isabelle Chevalley et
Denis Ramelet demandent au Tribunal fédéral d'annuler le dé-
cret pour la mise en oeuvre du "projet triangulaire" et ses
conséquences sur le budget de fonctionnement de l'Université
de Lausanne, au motif qu'il aurait dû être soumis au référen-
dum obligatoire en vertu de l'art. 27 ch. 2bis Cst. vaud.

   Le Grand Conseil conclut au rejet du recours. Invi-
tés à répliquer, les recourants ont produit un mémoire com-
plétif le 1er mars 2001.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- a) Le recours de droit public pour violation des
droits politiques selon l'art. 85 let. a OJ permet aux ci-
toyens de se plaindre du fait qu'un décret cantonal aurait
été soustrait à tort au référendum financier obligatoire (ATF
118 Ia 184 consid. 1a p. 187, 422 consid. 1e p. 424; 111 Ia

201 consid. 2 p. 202). Titulaires des droits politiques dans
le canton de Vaud, Isabelle Chevalley et Denis Ramelet ont
qualité pour recourir (ATF 123 I 41 consid. 6a p. 46 et les
arrêts cités). Leur recours respecte par ailleurs les exigen-
ces de recevabilité des art. 86 al. 1, 89 et 90 OJ, de sorte
qu'il convient d'entrer en matière sur le fond.

   b) Saisi d'un recours de droit public fondé sur
l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fédéral revoit librement
l'interprétation et l'application du droit constitutionnel,
ainsi que des dispositions de rang inférieur qui règlent le
contenu et l'étendue du droit de vote ou qui sont en relation
étroite avec celui-ci; il n'examine en revanche que sous
l'angle restreint de l'arbitraire l'interprétation d'autres
règles du droit cantonal (ATF 123 I 175 consid. 2d/aa p. 178;
121 I 1 consid. 2 p. 3, 334 consid. 2b p. 338, 357 consid. 3
p. 360 et les arrêts cités). En présence de deux interpréta-
tions également défendables, il s'en tient à celle retenue
par la plus haute autorité cantonale (ATF 121 I 334 consid.
2c p. 339; sur l'évolution du pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral, ATF 111 Ia 201 consid. 4 p. 206-208).

   2.- Les recourants prétendent ignorer les motifs
exacts qui auraient conduit les parlementaires vaudois à re-
fuser de soumettre le décret attaqué au référendum obliga-
toire. Ils dénoncent à cet égard une violation de leur droit
d'être entendus garanti à l'art. 29 al. 2 Cst., qui justifie-
rait l'annulation du décret et le renvoi de la cause à l'au-
torité intimée.

   Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de
l'art. 4 aCst., qu'il n'y a pas lieu de remettre en cause
sous l'angle de l'art. 29 al. 2 Cst., le citoyen ne peut en
principe se prévaloir d'aucun droit d'être entendu dans une
procédure législative (ATF 123 I 63 consid. 2a p. 67 et les
arrêts cités). Partant, les recourants ne sauraient tirer de

cette disposition l'obligation pour le Grand Conseil d'indi-
quer dans le décret portant sur une dépense ou sur l'octroi
d'un crédit les motifs pour lesquels il estime devoir assu-
jettir celui-ci au référendum facultatif plutôt qu'au réfé-
rendum financier obligatoire. Il suffit que les raisons de
cette décision ressortent de l'exposé des motifs ou des dé-
bats parlementaires. L'arrêt non publié du Tribunal fédéral
du 12 février 1998, dans la cause A. contre Grand Conseil du
canton de Genève, auquel se réfèrent les recourants, est à
cet égard dénué de pertinence puisque le droit constitution-
nel cantonal prévoyait expressément l'obligation pour le
Grand Conseil de rendre une décision motivée sur la conformi-
té au droit d'une initiative populaire.

   En l'espèce, le Conseil d'Etat a, dans le cadre de
l'exposé des motifs complémentaire du 22 novembre 2000 à
l'appui d'un nouveau décret sur le regroupement de l'Ecole
romande de pharmacie, déclaré pleinement adhérer à l'avis de
droit établi par le professeur Andreas Auer le 13 novembre
2000, suivant lequel les montants libérés par le transfert
des sections de mathématiques, de physique et de chimie de
l'Université de Lausanne à l'EPFL et réaffectés au développe-
ment des sciences de la vie et des sciences humaines consti-
tueraient des dépenses liées, car elles entreraient dans le
cadre de l'autonomie reconnue par la loi vaudoise sur l'Uni-
versité de Lausanne à cet établissement, ce qui ne serait pas
le cas de la contribution annuelle de 4,6 millions de francs
versée par l'Etat de Vaud au canton de Genève afin de garan-
tir le financement de l'Ecole romande de pharmacie. Les dépu-
tés en ont fait de même, puisqu'ils ont refusé un amendement
du décret litigieux visant à soumettre ses art. 2 et 3 au ré-
férendum financier obligatoire, pour se ranger à l'avis du
Conseil d'Etat. Les recourants étaient donc en mesure de
connaître les raisons pour lesquelles les parlementaires vau-
dois considéraient que le décret pour la mise en oeuvre du
"projet triangulaire" et ses conséquences sur le budget de

fonctionnement de l'Université de Lausanne n'était pas soumis
au référendum financier obligatoire et l'attaquer en toute
connaissance de cause.

   Enfin, s'il pouvait encore subsister un doute à ce
sujet, il a définitivement été levé dans le cadre de la pré-
sente procédure puisque le Grand Conseil a confirmé, dans ses
observations, avoir fait sienne la motivation de l'avis de
droit du professeur Andreas Auer du 13 novembre 2000. Confor-
mément à l'art. 93 al. 2 OJ, les recourants ont été invités à
déposer un mémoire complétif; ils ont ainsi été en mesure de
présenter leurs arguments à satisfaction de droit. Il est à
cet égard indifférent que le Grand Conseil n'ait pas écarté
tous les moyens qu'ils avaient invoqués dans leur mémoire de
recours, voire même qu'il n'ait développé aucune motivation
subsidiaire pour le cas où les dépenses litigieuses ne de-
vraient pas être considérées comme liées.

   Pour autant qu'il soit recevable, le moyen tiré
d'une prétendue violation du droit d'être entendu garanti par
l'art. 29 al. 2 Cst. est ainsi mal fondé.

   3.- Sur le fond, les recourants reprochent au Grand
Conseil d'avoir soustrait indûment le décret attaqué au réfé-
rendum financier obligatoire prévu à l'art. 27 ch. 2bis Cst.
vaud.

   a) L'art. 27 ch. 2 Cst. vaud. soumet au référendum
facultatif les lois (let. a), les décrets (let. b) ainsi que
toute décision du Grand Conseil entraînant une dépense unique
de plus de deux millions de francs ou une dépense de plus de
200'000 francs annuellement pour dix ans (let. c). L'art. 27
ch. 2bis Cst. vaud., tel qu'il a été adopté par le peuple
vaudois en date du 29 novembre 1998 (cf. Recueil annuel des
lois vaudoises 1998, p. 358 et 498), prévoit le référendum
obligatoire pour toute décision du Grand Conseil entraînant

une dépense unique de plus de 20 millions de francs ou une
dépense de plus de 2 millions de francs annuellement pour dix
ans. L'art. 27 ch. 2ter Cst. vaud. exclut toutefois du réfé-
rendum les décrets portant sur le budget dans son ensemble
(let. c) et les dépenses liées (let. e).

   b) Par l'art. 2 du décret attaqué, le Grand Conseil
s'oblige à maintenir au budget de l'Université de Lausanne
une somme de 32,8 millions de francs pour le développement
des sciences de la vie et des sciences humaines, affectée
jusqu'alors au fonctionnement des sections de mathématiques,
de physique et de chimie, qui devraient être intégrées à
l'EPFL dans le cadre du "projet triangulaire". Quant à l'art.
3 du décret litigieux, il impose au Grand Conseil de réta-
blir, dès 2001, les crédits de fonctionnement du budget de
l'Université de Lausanne, groupe 31, à hauteur de 38,15
millions de francs, afin de garantir la mise en oeuvre du
"projet triangulaire". Dans l'un et l'autre cas, le Grand
Conseil s'engage à affecter chaque année une somme fixe en
faveur de l'Université de Lausanne pour un but déterminé. De
ce point de vue, les art. 2 et 3 du décret attaqué doivent
être assimilés au vote d'une dépense (ATF 108 Ia 234 consid.
2b p. 236/237 et l'arrêt cité), suivant la définition qu'en
donnent l'art. 5 al. 1 de la loi vaudoise sur les finances et
la jurisprudence du Tribunal fédéral en matière de référendum
financier (ATF 123 I 78 consid. 3b p. 81). Nul ne le conteste
d'ailleurs.

   Il reste ainsi à examiner s'il s'agit de dépenses
liées, soustraites au référendum financier selon l'art. 27
ch. 2ter let. e Cst. vaud., ou de dépenses nouvelles qui y
sont soumises, de manière facultative ou obligatoire.

   c) Suivant la jurisprudence du Tribunal fédéral, une
dépense est liée lorsque son principe et son étendue sont
fixés par une norme légale, lorsqu'elle est absolument néces-

saire à l'accomplissement d'une tâche ordonnée par la loi, ou
encore lorsqu'il faut admettre que le peuple, en adoptant
précédemment le texte de base, a aussi approuvé la dépense
qui en découle, soit qu'il s'agit de répondre à un besoin
prévisible, soit que le choix des moyens à mettre en oeuvre
est indifférent. Une dépense est en revanche nouvelle lors-
qu'elle se rapporte à une tâche qui sort du champ d'activité
antérieur de l'administration ou lorsqu'elle découle d'un
acte normatif qui laisse à l'autorité une marge de manoeuvre
relativement importante, quant à l'étendue de cette dépense,
quant au moment où elle sera engagée ou quant à d'autres
modalités (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 90/91). Les notions de
dépenses liées et nouvelles dégagées par la jurisprudence fé-
dérale ne s'imposent pas nécessairement aux cantons; il peut
y être dérogé lorsque le droit cantonal ou une pratique bien
établie des autorités compétentes consacrent une autre appro-
che (ATF 125 I 87 consid. 3b p. 91 et les arrêts cités). Une
telle pratique divergente n'est pas alléguée en l'espèce et
ne ressort pas des travaux préparatoires consacrés à l'art.
27ter Cst. vaud. (cf. Bulletin du Grand Conseil du canton de
Vaud, printemps 1977, p. 345).

   d) De l'avis du professeur Auer, que l'autorité in-
timée a fait sien, la décision de développer l'enseignement
et la recherche dans le domaine des sciences de la vie et des
sciences humaines de même que la réaffectation des moyens fi-
nanciers qu'elle implique relèveraient de l'autonomie recon-
nue à l'Université de Lausanne aux art. 7 et 9 LUL et le
Grand Conseil n'aurait à cet égard aucune véritable latitude
de décision. Aussi, en adoptant la loi sur l'Université de
Lausanne, respectivement en s'abstenant de faire usage de son
droit de référendum, le législateur et le peuple vaudois au-
raient également accepté les dépenses résultant d'un tel
choix, de sorte que les sommes consacrées au développement et
au renforcement des sciences de la vie et des sciences humai-

nes constitueraient des dépenses liées échappant au référen-
dum financier en vertu de l'art. 27ter Cst. vaud.

   A teneur des art. 1er et 2 al. 1 LUL, l'Université
de Lausanne est un établissement autonome de droit public
dont la tâche principale consiste à concourir à la transmis-
sion et au développement de la science, par l'enseignement et
la recherche. Elle est dotée de la personnalité morale (art.
1er LUL), gère les biens dont elle est propriétaire (art. 5
al. 1 LUL) et s'organise elle-même dans le cadre fixé par la
loi (art. 7). Elle comprend sept facultés énumérées à l'art.
9 al. 1 LUL, dont en particulier la Faculté des sciences à
laquelle sont rattachées les sections de mathématiques, de
physique et de chimie. L'enseignement universitaire se donne
dans le cadre de la faculté, qui groupe les enseignements et
les recherches de son ressort (art. 11). Les organes chargés
de la gestion sont libres de créer des subdivisions au sein
des facultés (art. 12 à 15 LUL).

   L'Etat assume la charge financière de l'Université
(art. 4 LUL). Le Rectorat élabore un plan de développement
sur la base des propositions des facultés, qu'il transmet
pour détermination au Département cantonal de l'instruction
publique et des cultes (DIPC) après approbation du Sénat
(art. 97). Il élabore en outre un projet de budget, sur la
base des propositions des facultés et conformément aux di-
rectives générales ou particulières édictées chaque année par
le Conseil d'Etat, qu'il transmet pour détermination au DIPC
après approbation du Sénat (art. 98 al. 1). Lorsque le
Conseil d'Etat modifie les moyens financiers mis à la dispo-
sition de l'Université, celle-ci adapte son projet de budget
(art. 98 al. 2). Le budget de l'Université constitue un cha-
pitre du budget de l'Etat. Il est adopté par le Grand
Conseil, selon les dispositions applicables en la matière
(art. 99).

   L'Université de Lausanne bénéficie d'un régime fi-
nancier provisoire dit de "conduite budgétaire par groupes",
institué par décret du 25 septembre 1996 et reconduit pour
une période de quatre ans par décret du 31 octobre 2000; ce
régime lui permet d'élaborer un budget par groupes de comp-
tes, en dérogation au système ordinaire mis en place par la
loi sur les finances, qui lui donne la possibilité d'effec-
tuer des transferts budgétaires entre comptes d'un même grou-
pe de comptes et de reporter les soldes inexploités sur
l'exercice suivant (Bulletins du Grand Conseil du canton de
Vaud, séance du 23 septembre 1996, p. 3544 ss, et séance du
10 octobre 2000, p. 3390 ss, spéc. p. 3395; cf. voir aussi à
ce sujet, Thomas Fleiner-Gerster, Entwicklung im Bereich von
Hochschulrecht und Forschungsrecht in der Schweiz in den
letzten fünfzehn Jahren, in: Rapport annuel de l'Institut du
fédéralisme, Université de Fribourg, décembre 1998, p. 59).

   e) L'Université de Lausanne jouit ainsi d'une très
large autonomie dans son organisation interne, sous réserve
de l'énumération, par la loi, des facultés ainsi que des éco-
les et instituts qui leur sont rattachés en vertu de l'art. 9
al. 3 LUL, dans sa gestion ainsi que dans la conception de
l'enseignement et de la recherche (voir, de manière générale,
sur l'autonomie des Hautes Ecoles en Suisse, Matthias
Schnyder, Die Universität Basel als öffentlich-rechtliche
Anstalt, Bâle 1985, p. 63; Nicole Florio, La liberté d'ex-
pression et la liberté académique dans les universités en
droits allemand, français et suisse, thèse Lausanne 1979, p.
76; Rolf Deppeler, Staat und Universität, Berne 1969, p. 9).
Dans la mesure où l'Etat assume la charge financière de
l'Université (art. 4 LUL), on doit admettre que les dépenses
affectées à l'accomplissement des tâches universitaires, tel-
les qu'elles sont définies à l'art. 2 LUL, sont des dépenses
liées (cf. Walter Haller, Die Forschungsfreiheit, in: Fest-
schrift zum 70. Geburtstag von Hans Nef, Zurich 1981, p. 145,
pour qui il appartient aux instances politiques de mettre à

disposition de l'Université les moyens financiers nécessaires
à la réalisation de ses objectifs). L'assujettissement du dé-
cret litigieux au référendum financier obligatoire dépend
ainsi essentiellement du point de savoir si les dépenses en-
gagées à la mise en oeuvre du "projet triangulaire" sont
consacrées à des tâches dévolues à l'Université de Lausanne.
L'autonomie dont jouit le Grand Conseil dans la fixation du
budget ne joue en effet aucun rôle s'agissant de déterminer
si une dépense est liée du point de vue du référendum finan-
cier (cf. Peter Saile, Das Recht der Ausgabenbewilligung der
zürcherischen Gemeinden, St-Gall 1991, p. 72; Adrian
Hungerbühler, Zum Verhältnis zwischen grossrätlicher Budget-
kompetenz und regierungsrätlicher Verordnungskompetenz, in:
Festschrift für Dr. Kurt Eichenberger, Aarau 1990, p. 260).

   En l'espèce, le projet "Science, Vie, Société" im-
plique pour l'Université de Lausanne une nouvelle orientation
de la recherche et de l'enseignement dans les domaines des
sciences humaines et des sciences de la vie, qui s'inscrit
dans le cadre des missions générales de cet établissement dé-
finies à l'art. 2 al. 1 LUL et de la coopération interuniver-
sitaire prévue par l'art. 6 LUL. Sans doute, lorsque la loi
sur l'Université de Lausanne a été adoptée, ses concepteurs
n'imaginaient pas l'importance que prendraient les sciences
humaines au début du XXIème siècle. Peu importe cependant. On
ne saurait se fonder sur une conception figée du rôle des
Hautes Ecoles. Les universités ne rempliraient en effet pas
leur mission si elles n'adaptaient pas l'enseignement et la
recherche aux développements de la science et de la techni-
que. En s'abstenant de définir plus précisément dans la loi
les tâches de l'Université, le législateur vaudois a admis
les changements dans l'orientation de l'enseignement et de la
recherche que postulent ces développements. Il convient par
conséquent d'admettre qu'en décidant de transférer les sec-
tions de mathématiques, de physique et de chimie à l'EPFL
pour axer l'enseignement et la recherche dans les domaines

des sciences de la vie et des sciences humaines, l'Université
de Lausanne a agi dans le cadre de sa tâche principale défi-
nie à l'art. 2 al. 1 LUL et que les dépenses qui en découlent
répondaient à un besoin prévisible au sens de la jurispruden-
ce citée au considérant 3c ci-dessus.

   Dans ces conditions, les sommes prévues aux art. 2
et 3 du décret attaqué doivent être considérées comme des
dépenses liées au sens de l'art. 27 ch. 2ter Cst. vaud. et
échappent ainsi au référendum financier obligatoire.

   4.- Les recourants prétendent enfin que le décret
litigieux porterait une atteinte inadmissible au principe de
l'annualité du budget ancré aux art. 46 Cst. vaud. et 3 de la
loi vaudoise sur les finances en tant qu'il contraint le
Grand Conseil à "garantir" et à "maintenir" chaque année au
budget de l'Etat une somme de près de 70 millions de francs.

   Ce grief n'a pas trait directement à une violation
des droits politiques susceptible de faire l'objet d'un re-
cours de droit public fondé sur l'art. 85 let. a OJ. Seule la
voie du recours de droit public pour violation des droits
constitutionnels des citoyens entre en considération (ATF 123
I 41 consid. 6b p. 46 et les références citées). Or, un tel
recours n'a pas été formé dans le cas particulier. Au demeu-
rant, l'art. 88 OJ ne reconnaît la qualité pour agir par
cette voie qu'à celui qui est touché dans un intérêt juridi-
quement protégé. Tel n'est pas le cas de celui qui attaque
les dispositions de la loi cantonale sur les finances publi-
ques définissant les modalités de la tenue d'un budget car
elles ne servent pas à la protection de ses intérêts (cf. ATF
114 Ia 267 consid. 3 p. 271; 112 Ia 221 consid. 1d in fine p.
225 et les références citées).

   Le recours est donc irrecevable sous cet angle.

   5.- Il résulte des considérants qui précèdent que le
décret attaqué n'a pas été soustrait indûment au référendum
financier obligatoire prévu par l'art. 27 ch. 2bis Cst. vaud.

   Le recours doit par conséquent être rejeté, dans la
mesure où il est recevable.

   Suivant la pratique qui prévaut en matière de re-
cours de droit public pour violation des droits politiques,
il n'y a pas lieu de percevoir d'émolument judiciaire. L'Etat
de Vaud n'a par ailleurs pas droit à des dépens (art. 159 al.
2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours, dans la mesure où il est re-
cevable;

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens;

   3. Communique le présent arrêt en copie aux repré-
sentants des parties.

Lausanne, le 29 mars 2001
PMN/col
            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
            Le Président,           Le Greffier,