Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.520/2001
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1P.520/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        24 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

W.________, représenté par Me Christian Favre, avocat à
Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 6 juillet 2001 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

                   (détention préventive)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- W.________, ressortissant suisse et français né
le 27 juillet 1974, se trouve en détention préventive depuis
le 21 avril 2000 sous les inculpations de crime manqué d'as-
sassinat, subsidiairement de crime manqué de meurtre, plus
subsidiairement de lésions corporelles graves, encore plus
subsidiairement de lésions corporelles simples qualifiées, de
mise en danger de la vie d'autrui, de contrainte, de séques-
tration, d'infraction à la loi fédérale sur les armes, les
accessoires d'armes et les munitions, d'infraction grave et
de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants.

   Il lui est reproché d'avoir retenu contre son gré
son ex-amie, G.________, de l'avoir contrainte à ingurgiter
des médicaments et de l'avoir blessée à la main gauche et au
cou avec la lame d'un couteau, alors qu'il se trouvait sous
l'emprise de la cocaïne, dans l'après-midi du 21 avril 2000.
Il aurait en outre consommé occasionnellement de cette drogue
ainsi que des comprimés d'ecstasy et de Dormicum, et réguliè-
rement de l'héroïne, dont il aurait favorisé la vente d'envi-
ron 150 grammes en présentant des toxicomanes à son frère
E.________. Il aurait également vendu 160 comprimés de Dormi-
cum pour un prix de 25 fr. l'unité. Il a été renvoyé le 4 mai
2001 à raison de ces faits devant le Tribunal correctionnel
de l'arrondissement de Lausanne.

   B.- Par ordonnance du 11 juin 2001, le Juge d'ins-
truction de l'arrondissement de Lausanne a rejeté une demande
de mise en liberté provisoire présentée par W.________ en se
fondant sur le danger de fuite et le risque de réitération
qu'il tenait pour établi sur la base d'un rapport d'expertise
médico-psychiatrique du prévenu établi le 22 août 2000 par le

Docteur A.________, médecin assistant au sein du Service de
Psychiatrie de Liaison du Centre Hospitalier Universitaire
Vaudois, à Lausanne, qui conclut à l'existence d'un risque de
récidive en cas de situation à forte implication émotionnelle
conjuguée avec la prise de médicaments ou de drogues.

   Le Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud (ci-après: le Tribunal d'accusation) a con-
firmé cette décision au terme d'un arrêt rendu le 6 juillet
2001. Il a estimé qu'il existait des indices de culpabilité
suffisants à l'encontre du prévenu; il a considéré en outre
qu'en raison du trouble de la personnalité mis en évidence
par l'expert, joint à l'abus de substances psychotropes,
W.________ était susceptible de commettre à nouveau des in-
fractions à la loi sur les stupéfiants et des actes de vio-
lence du genre de ceux qui lui sont reprochés, de sorte que
son maintien en détention se justifiait par un risque de ré-
cidive; il a jugé que cette mesure s'imposait également en
raison du danger concret de fuite lié à l'absence d'attaches
étroites en Suisse. Il a enfin admis que le principe de la
proportionnalité était encore respecté, compte tenu de la
durée de la détention préventive déjà subie et de la gravité
des infractions imputées au prévenu.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
W.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
d'ordonner sa mise en liberté provisoire immédiate. Il con-
clut à titre subsidiaire au renvoi de la cause au Tribunal
d'accusation pour nouvelle décision au sens des considérants.
Invoquant une application arbitraire du droit de procédure
cantonal et une violation de l'art. 10 Cst., il reproche à
l'autorité intimée d'avoir retenu à tort l'existence d'un mo-
tif de détention. Il tient en outre la durée de la détention
pour excessive et disproportionnée. Il requiert l'assistance
judiciaire.

   Le Tribunal d'accusation se réfère aux considérants
de son arrêt. Le Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne a renoncé à déposer des observations.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recourant est personnellement touché par
l'arrêt attaqué, qui confirme une décision refusant sa mise
en liberté provisoire, et a, partant, qualité pour recourir
selon l'art. 88 OJ. Formé en temps utile contre une décision
prise en dernière instance cantonale, le recours répond aux
exigences des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ, de sorte qu'il
convient d'entrer en matière. La conclusion du recourant ten-
dant à sa libération immédiate est par ailleurs recevable
(ATF 124 I 327 consid. 4b/aa p. 333). Celle, subsidiaire,
tendant au renvoi de la cause au Tribunal d'accusation pour
nouvelle décision au sens des considérants est en revanche
superflue dès lors que le renvoi n'est que la conséquence
d'une annulation éventuelle (ATF 112 Ia 353 consid. 3c/bb p.
354).

   2.- Une mesure de détention préventive n'est compa-
tible avec la liberté personnelle, garantie par les art. 10
al. 2 Cst. et 5 CEDH, que si elle repose sur une base légale
(art. 31 al. 1 et 36 al. 1 Cst.), soit en l'espèce l'art. 59
du Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.). Elle doit en
outre correspondre à un intérêt public et respecter le prin-
cipe de la proportionnalité (art. 36 al. 2 et 3 Cst.; ATF 123
I 268 consid. 2c p. 270). Pour que tel soit le cas, la priva-
tion de liberté doit être justifiée par les besoins de l'ins-
truction, un risque de fuite ou un danger de collusion ou de
réitération (cf. art. 59 al. 1, 2 et 3 CPP vaud.). Préalable-
ment à ces conditions, il doit exister à l'égard de l'inté-

ressé des charges suffisantes (ATF 116 Ia 143 consid. 3 p.
144). Cette dernière exigence coïncide avec la règle de
l'art. 5 § 1 let. c CEDH, qui autorise l'arrestation d'une
personne s'il y a des raisons plausibles de soupçonner
qu'elle a commis une infraction.

   S'agissant d'une restriction grave à la liberté per-
sonnelle, le Tribunal fédéral examine librement ces ques-
tions, sous réserve toutefois de l'appréciation des preuves,
revue sous l'angle de l'arbitraire (ATF 123 I 268 consid. 2d
p. 271). L'autorité cantonale dispose ainsi d'une grande li-
berté dans l'appréciation des faits (ATF 114 Ia 281 consid. 3
p. 283).

   3.- Le recourant ne conteste pas la présence de
charges suffisantes à son encontre. Il nie en revanche
l'existence d'un risque de récidive et d'un danger de fuite
propres à justifier son maintien en détention.

   a) L'autorité appelée à statuer sur la mise en li-
berté provisoire d'un détenu peut, en principe, maintenir
celui-ci en détention s'il y a lieu de présumer, avec une
certaine vraisemblance, qu'il existe un danger de récidive.
Elle doit cependant faire preuve de retenue dans l'apprécia-
tion d'un tel risque (ATF 105 Ia 26 consid. 3c p. 31). Selon
la jurisprudence, le maintien en détention ne peut se justi-
fier pour ce motif que si le pronostic est très défavorable
et que les délits dont l'autorité redoute la réitération sont
graves (ATF 125 I 60 consid. 3a p. 62, 361 consid. 5 p. 367;
124 I 208 consid. 5 p. 213; 123 I 268 consid. 2c p. 270 et
les arrêts cités; voir aussi, arrêt de la CourEDH dans la
cause Clooth c. Belgique, du 12 décembre 1991, Série A vol.
225, § 40). Cependant, en présence de graves actes de violen-
ce, il n'y a pas lieu de se montrer trop strict dans l'admis-
sion d'un risque de récidive, sous peine d'exposer les victi-

mes potentielles à un danger dont la responsabilité ne sau-
rait être assumée; en pareil cas, il convient de tenir compte
de l'état psychique du prévenu, de son imprévisibilité ou de
son agressivité (ATF 123 I 268 consid. 2e p. 271). Le princi-
pe de la proportionnalité impose en outre à l'autorité qui
estime se trouver en présence d'une probabilité sérieuse de
réitération d'examiner si l'ordre public pourrait être sauve-
gardé par d'autres moyens que le maintien en détention, tels
que la mise en place d'une surveillance médicale, l'obliga-
tion de se présenter régulièrement à une autorité ou l'ins-
tauration d'autres mesures d'encadrement (ATF 123 I 268 con-
sid. 2c in fine p. 271 et les arrêts cités).

   b) Selon le rapport d'expertise établi le 22 août
2000, le recourant présente une structure de personnalité
pathologique qui le conduit à des modalités de comportement
inadaptés dans plusieurs domaines, mais en particulier dans
les relations interpersonnelles. Ce trouble de la personnali-
té s'accompagne relativement souvent d'un trouble lié à
l'usage de substances psychotropes; l'expert psychiatre en
conclut que le recourant est susceptible de commettre à nou-
veau des actes de même nature dans des situations à forte im-
plication émotionnelle et sous l'effet de drogues. Les con-
clusions de l'expertise sont donc claires sur les risques que
le recourant commette à nouveau des actes de violence. Cer-
tes, la concrétisation du danger de récidive requiert la con-
jonction de plusieurs facteurs (relation personnelle conflic-
tuelle et consommation de substances psychotropes) qui ten-
dent à le relativiser. Ce risque ne saurait toutefois être
exclu dans la mesure où le recourant est un consommateur ré-
gulier de cocaïne et de médicaments, même s'il n'en est pas
dépendant. De même, le fait - au demeurant non établi - que
son ex-amie aurait quitté la Suisse ne suffit pas plus pour
écarter tout acte de violence vis-à-vis d'autres relations
féminines, qui se trouveraient avec le recourant dans la même

situation personnelle que celle de G.________. Le risque que
le recourant commette de nouveaux actes de violence doit être
pris d'autant plus au sérieux qu'aux dires de la victime,
postérieurs au rapport d'expertise, W.________ aurait préten-
du avoir fait subir un traitement analogue à deux autres fil-
les. Même si le recourant conteste la véracité de ces décla-
rations, on ne saurait en faire abstraction dans l'apprécia-
tion du risque de récidive.

   Compte tenu de ces circonstances et de la prudence
dont il convient de faire preuve dans l'évaluation du danger
de réitération en présence d'actes de violence, le Tribunal
d'accusation pouvait, sans violer les art. 10 al. 2 Cst. et 5
§ 1 let. c CEDH, retenir qu'il existait un risque concret et
important de récidive pour refuser la libération provisoire
du recourant. Le fait que ce dernier se soit engagé à se sou-
mettre à un traitement psychiatrique ambulatoire démontre
certes une prise de conscience positive de ses difficultés
psychologiques et sa volonté de s'amender; cependant, en
l'absence d'un avis du médecin traitant sur la question per-
mettant d'apprécier différemment le danger de récidive mis en
évidence par l'expertise du 22 août 2000, celui-ci ne saurait
être exclu.

   Le recours est dès lors mal fondé en tant qu'il por-
te sur l'existence d'un danger de réitération; le maintien en
détention se justifiant pour ce seul motif, il n'y a pas lieu
d'examiner si une telle mesure s'impose également par un
éventuel risque de fuite.

   4.- Le recourant considère que la durée de la déten-
tion préventive subie à ce jour serait excessive et justifie-
rait son élargissement immédiat.

   a) Les art. 31 al. 3 Cst. et 5 § 3 CEDH reconnais-
sent à toute personne arrêtée ou détenue le droit d'être ju-
gée dans un délai raisonnable ou d'être libérée pendant la
phase d'instruction préparatoire. Selon la jurisprudence, ce
droit est notamment violé lorsque la durée de la détention
préventive dépasse celle de la peine privative de liberté qui
pourrait, le cas échéant, être prononcée (ATF 126 I 172 con-
sid. 5a p. 176/177 et les arrêts cités). Celle-ci doit être
évaluée avec la plus grande prudence, car il faut éviter que
le juge de l'action pénale ne soit incité à prononcer une
peine excessive pour la faire coïncider avec la détention
préventive à imputer (ATF 116 Ia 143 consid. 5a p. 147).
Cette question doit être examinée au regard de l'ensemble des
circonstances concrètes d'espèce (ATF 126 I 172 consid. 5a p.
177; 124 I 208 consid. 6 p. 215; 123 I 268 consid. 3a p. 273;
116 Ia 143 consid. 5a p. 147; 107 Ia 256 consid. 1b p. 257;
voir aussi les arrêts de la CourEDH dans les causes Muller c.
France, du 17 mars 1997, Recueil des arrêts et décisions 1997
p. 374, § 35 et W. c. Suisse, du 26 janvier 1993, Série A
vol. 254, § 30).

   b) En l'occurrence, le recourant se trouve en déten-
tion préventive depuis le 21 avril 2000 sous les inculpations
de crime manqué d'assassinat, subsidiairement de crime manqué
de meurtre, plus subsidiairement de lésions corporelles gra-
ves, encore plus subsidiairement de lésions corporelles sim-
ples qualifiées, de mise en danger de la vie d'autrui, de
contrainte, de séquestration, d'infraction à la loi fédérale
sur les armes, les accessoires d'armes et les munitions,
d'infraction grave et de contravention à la loi fédérale sur
les stupéfiants. Même si l'on ne voulait retenir que les lé-
sions corporelles simples, cette infraction entrerait en
concours avec les délits de contrainte et de séquestration,
avec la contravention à la loi fédérale sur les armes et,
enfin, avec l'infraction grave à la loi fédérale sur les stu-

péfiants, passible à elle seule de la réclusion ou de l'em-
prisonnement pour un an au moins. La durée de la détention
préventive subie à ce jour est donc encore compatible avec la
peine à laquelle s'expose le recourant.

   De ce point de vue, le principe de la proportionna-
lité est respecté.

   5.- Le recours doit par conséquent être rejeté. Les
conditions de l'art. 152 al. 1 OJ étant réunies, il y a lieu
de donner suite à la demande d'assistance judiciaire présen-
tée par le recourant et de statuer sans frais. Me Christian
Favre est désigné comme avocat d'office du recourant pour la
présente procédure et une indemnité lui sera versée (art. 152
al. 2 OJ). Les autorités concernées n'ont pas droit à des dé-
pens (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours;

   2. Admet la demande d'assistance judiciaire;

   3. Dit qu'il n'est pas prélevé d'émolument judi-
ciaire, ni alloué de dépens;

   4. Désigne Me Christian Favre en qualité de défen-
seur d'office du recourant et lui alloue une indemnité de
1'000 fr. à titre d'honoraires, à payer par la Caisse du Tri-
bunal fédéral;

   5. Communique le présent arrêt en copie au défenseur
du recourant, au Juge d'instruction de l'arrondissement de
Lausanne et au Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du
canton de Vaud.

Lausanne, le 24 août 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,