Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.475/2001
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1P.475/2001/viz

          Ie  C O U R  D E  D R O I T  P U B L I C
          ****************************************

                      7 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

                         __________

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

A.________, à Genève, représenté par Me Dominique Warluzel,
avocat à Genève,

                           contre

La décision rendue le 27 juin 2001 par le Collège des Juges
d'Instruction dans la cause qui oppose le recourant au Juge
d'instruction du canton de Genève Georges  Z e c c h i n;

      (Récusation dans la procédure pénale cantonale)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- Saisi de plusieurs plaintes, le Procureur général
du canton de Genève a ouvert une information pénale contre
B.________ et autres, pour gestion déloyale, abus de con-
fiance et faux dans les titres, délits qui auraient été
commis en relation avec la gestion de la X.________ S.A.

     Le 16 mai 2001, le Juge d'instruction Georges Zecchin a
entendu en qualité de témoin A.________, administrateur de
la X.________ S.A. de 1991 au 2 juin 2000.

     A la suite de cette audience, A.________ a recherché un
règlement civil du litige passant par le dédommagement des
plaignants.

     Le 15 juin 2001, le Juge d'instruction a cité
A.________ à comparaître à l'audience fixée au 27 juin 2001
à 9h30, en vue de son inculpation pour abus de confiance
(art. 138 CP) et gestion déloyale (art. 158 CP).

     Le 27 juin 2001 à 9h, A.________ a fait remettre au
Collège des juges d'instruction du canton de Genève une
requête de récusation du Juge Zecchin. Après avoir exposé
les raisons pour lesquelles, selon lui, les charges suffi-
santes à une inculpation feraient défaut, il a allégué que
l'insistance du Juge Zecchin à maintenir l'audience du 27
juin 2001, alors qu'un règlement était en cours, démontre-
rait sa partialité.

     Le 27 juin 2001, le Collège des juges d'instruction a
déclaré la requête irrecevable, au motif que A.________,
faute pour lui d'être partie à la procédure, ne serait pas
légitimé à demander la récusation du Juge Zecchin.

     Le 27 juin 2001 à 14h30, le Juge Zecchin a tenu son au-
dience au cours de laquelle il a inculpé A.________ des
chefs d'infraction aux art. 138 et 158 CP.

     B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler la décision
du 27 juin 2001. Il invoque les art. 9, 29 al. 1 et 30 al. 1
Cst., ainsi que l'art. 6 par. 1 CEDH.

     Le Collège des Juges d'instruction conclut principale-
ment à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son
rejet.

     Invité à répliquer, A.________ a maintenu ses conclu-
sions.

          C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

     1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 127 I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2
p. 201; 127 III 41 consid. 2a p. 42, et les arrêts cités).

     a) Le recours de droit public peut être formé directe-
ment contre une décision relative à la récusation, malgré le
caractère incident de celle-ci (art. 87 al. 1 OJ; cf. ATF
126 I 207 consid. 1b p. 209; 124 I 255 consid. 1b/bb p.
259/260).

     b) Le recourant a qualité, au regard de l'art. 88 OJ,
pour reprocher à l'autorité cantonale d'avoir commis un déni

de justice formel en déclarant sa demande irrecevable, en
violation des droits de partie qu'il prétend détenir (ATF
120 Ia 220 consid. 2a p. 222, et les arrêts cités).

     2.- Le recourant reproche au Collège des Juges d'ins-
truction de lui avoir dénié arbitrairement la qualité pour
demander la récusation du Juge Zecchin. Le point de savoir
si la demande de récusation devait être admise au fond est
exorbitant au litige; les griefs portant sur le fond, tirés
des art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH sont ainsi hors de
propos. Pour le surplus, le moyen tiré de l'art. 29 al. 1
Cst., tel qu'il est formulé, n'a pas de portée propre par
rapport à celui fondé sur l'art. 9 Cst.

     a) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole grave-
ment une norme ou un principe juridique clair et indiscuté,
ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le senti-
ment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal
fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité
cantonale de dernière instance que si elle apparaît insoute-
nable, en contradiction manifeste avec la situation effecti-
ve, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit
certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la dé-
cision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que
cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 127 I
54 consid. 2b p. 56, 60 consid. 5a p. 70; 126 I 168 consid.
3a p. 170, et les arrêts cités).

     b) La demande de récusation doit être présentée par une
partie ou son avocat (art. 98 al. 1 LOJ gen.). Sont parties
au procès pénal le Procureur général, la partie civile et
l'inculpé (art. 23 CPP gen.). Sur le vu de ces normes, le
Collège des Juges d'instruction a considéré que celui qui,
comme en l'espèce, est convoqué par le juge d'instruction en
vue de son inculpation, ne pourrait être considéré comme une

partie au procès, puisque, précisément, il n'a pas encore
été inculpé. Partant, il n'aurait pas qualité pour demander
la récusation du juge d'instruction.

     Le recourant tient cette solution pour arbitraire, en
faisant valoir que celui qui est convoqué à l'audience du
juge en vue de son inculpation ne peut plus être assimilé à
une personne "extérieure" à la procédure. A son avis, la
distinction posée par l'autorité cantonale serait artifi-
cielle, partant arbitraire.

     Cette argumentation n'est pas déterminante. Selon la
pratique cantonale, le juge d'instruction ne peut citer une
personne à son audience, en vue de son inculpation, sans
l'avertir de cette éventualité. En effet, dès le prononcé de
l'inculpation, l'instruction devient contradictoire et l'in-
culpé a le droit de se faire assister par un avocat (art.
138 CPP gen.). La personne citée à l'audience doit savoir ce
qui l'attend et se préparer en conséquence. Une telle maniè-
re de faire assure une protection optimale des droits de la
défense. On ne saurait cependant soutenir, comme semble le
faire le recourant, que la citation en vue d'inculpation
équivaudrait à l'inculpation elle-même. Celle-ci en effet
présuppose que des charges suffisantes existent contre la
personne convoquée (art. 134 CPP gen.), charges dont elle
doit être informée immédiatement (art. 135 CPP gen.). Or, il
est tout à fait possible que sur le vu des explications don-
nées, le juge d'instruction renonce à inculper la personne
convoquée. Ainsi, la seule éventualité du prononcé de l'in-
culpation ne suffit pas pour reconnaître par avance à la
personne visée la qualité de partie à la procédure.

     La solution retenue dans la décision attaquée n'est
ainsi pas arbitraire.

     c) La démarche du recourant tendait à éviter son incul-
pation, en raison des désagréments que pouvait lui causer
une telle décision. Cela étant, l'inculpation n'entraîne en
elle-même aucun dommage pour l'inculpé, présumé innocent.
Elle lui procure au contraire la garantie du respect de
droits procéduraux essentiels, soit notamment la significa-
tion des charges (art. 135 CPP gen.), le caractère contra-
dictoire de la procédure et le droit d'être assisté d'un
avocat (art. 138 CPP gen.), ainsi que l'accès au dossier
(art. 142 CPP gen.). Devenant ipso facto partie à la procé-
dure, l'inculpé qui aurait des motifs de redouter la partia-
lité du juge d'instruction à raison de faits antérieurs à
l'inculpation pourrait immédiatement présenter une demande
de récusation, selon l'art. 98 al. 1 LOJ gen., mis en rela-
tion avec l'art. 23 CPP gen.

     3.- Le recours doit ainsi être rejeté. Les frais en
sont mis à la charge du recourant (art. 156 OJ). Il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens (art. 159 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours.

     2. Met à la charge du recourant un émolument de
3000 fr. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

     3. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Juge d'instruction George Zecchin et au
Collège des juges d'instruction du canton de Genève.

                         __________

Lausanne, le 7 septembre 2001
ZIR

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,