Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.445/2001
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1P.445/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         2 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay et Mme Pont Veuthey,
Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

B.________, représentée par Me Ralph Schlosser, avocat à
Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 30 avril 2001 par le Tribunal d'accusation
du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

             (indemnisation du prévenu acquitté)

              Considérant en fait et en droit:

   1.- B.________ a été renvoyée le 8 décembre 1999
devant le Tribunal correctionnel de l'arrondissement de La
Broye et du Nord vaudois (ci-après: le Tribunal correction-
nel) comme accusée de vol, subsidiairement d'appropriation
illégitime, plus subsidiairement de soustraction d'une chose
mobilière, voire d'instigation à ces infractions, et d'escro-
querie; il lui était reproché d'avoir procédé sans droit à la
récupération d'un véhicule remis en leasing à H.________ pour
le compte de son employeur, soit la société X.________, et de
l'avoir revendu à un tiers sans avoir avisé celui-ci que ce
véhicule faisait l'objet d'une mesure de séquestre ordonnée
par le juge.

   Par jugement rendu le 28 février 2001, le Tribunal
correctionnel a libéré B.________ des fins de la poursuite
pénale et laissé les frais à la charge de l'Etat. Il a consi-
déré que l'accusée n'avait pas agi sans droit puisque, dans
les conditions générales annexées au contrat de leasing,
X.________, propriétaire du véhicule, s'était réservé le
droit de le reprendre sans avoir recours au juge si le pre-
neur ne le restituait pas à l'échéance du contrat. En l'ab-
sence d'enrichissement illégitime, il l'a en outre acquittée
du chef d'accusation d'escroquerie.

   Le 20 mars 2001, B.________ a réclamé une indemnité
de 4'000 fr. pour le tort moral résultant de l'instruction et
une indemnité de 10'534.05 fr. pour ses frais de défense sur
la base d'une note d'honoraires de son avocat faisant état de
vingt-huit heures de travail. Par arrêt du 30 avril 2001, le
Tribunal d'accusation du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après: le Tribunal d'accusation ou la cour cantonale) a
admis partiellement cette requête; il a alloué à l'accusée
acquittée une somme de 1'000 fr. pour le tort moral subi et

de 4'900 fr., TVA comprise, pour les frais de défense, à la
charge de l'Etat de Vaud.

   2.- Agissant par la voie du recours de droit public,
B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt et
de renvoyer la cause à l'instance inférieure pour nouveau ju-
gement. Elle prétend que l'indemnité allouée pour ses frais
de défense aurait été fixée de manière arbitraire et dénonce
une violation de l'art. 9 Cst.

   Invitée à se déterminer, la cour cantonale a précisé
avoir déterminé les frais de défense selon le tarif horaire
habituel de 170 fr., compte tenu du temps de travail indiqué
dans la note d'honoraires.

   3.- La requête présentée au Tribunal d'accusation
est fondée sur l'art. 163a al. 1 du Code de procédure pénale
vaudois (CPP vaud.), à teneur duquel l'inculpé et l'accusé
libérés des fins de la poursuite pénale, qui ne l'ont ni pro-
voquée, ni compliquée fautivement, peuvent obtenir de l'Etat,
du plaignant ou de la partie civile une indemnité équitable
pour le préjudice résultant de l'instruction et pour leurs
frais de défense.

   a) Cette disposition prévoit l'octroi d'une indemni-
sation équitable en faveur de l'accusé acquitté, qui peut
être inférieure à la réparation complète du dommage. Dans la
détermination du montant à allouer, le Tribunal d'accusation
jouit d'un large pouvoir d'appréciation, toutefois limité par
l'interdiction de l'arbitraire (sur cette notion, ATF 126 I
168 consid. 3a p. 170 et la jurisprudence citée). Les frais
de défense comprennent essentiellement les frais d'avocat.
L'indemnité équitable doit couvrir ceux-ci dans la mesure où
ils ont effectivement été causés par la procédure pénale; des
honoraires indûment élevés, réclamés par l'avocat ou même
consentis par son client, ne sont pas déterminants. Les frais

d'avocat doivent être évalués sur la base d'une rémunération
normale, de manière à couvrir le dommage effectivement subi
par le prévenu, et non pas selon les dispositions applicables
en cas de défense d'office (cf. à ce sujet, Antoine Thélin,
L'indemnisation du prévenu acquitté en droit vaudois, JdT
1995 III 100 et les arrêts non publiés du 27 juin 1991, cités
sous chiffre 6).

   b) Dans le canton de Vaud, les honoraires des avo-
cats ne sont réglés par aucun tarif et sont fixés librement
par l'avocat; ils peuvent cependant être modérés à la demande
de celui-ci ou du client (art. 37 de la loi sur le barreau).
Ils sont alors appréciés par le magistrat compétent selon la
difficulté de l'affaire, sa valeur litigieuse, le travail
qu'elle a exigé et le résultat obtenu, l'expérience de l'avo-
cat et les frais généraux qu'il supporte. Le coût de la vie
et la situation financière du client sont aussi pris en con-
sidération. Des opérations superflues, dépassant le travail
effectivement utile, peuvent être éliminées (François Jomini,
Les honoraires et débours de l'avocat vaudois et leur modéra-
tion, JdT 1982 III 2 ss; voir aussi ATF 122 I 1 consid. 3a p.
2/3 et les arrêts cités). Dans une série d'arrêts non publiés
rendus le 27 juin 1991, auxquels se réfère l'autorité intimée
dans ses observations, le Tribunal fédéral a estimé que ces
critères convenaient, dans l'ensemble, à l'application de
l'art. 163a al. 1 CPP vaud. Il n'y a pas lieu de revenir sur
cette jurisprudence.

   En l'occurrence, il ressort des observations du Tri-
bunal d'accusation que celui-ci s'est borné à appliquer le
tarif horaire habituel de 170 fr. après avoir déterminé le
nombre d'heures effectivement consacré par le conseil de la
recourante au traitement de la cause. Une telle manière de
procéder n'est pas compatible avec la jurisprudence précitée
qui postule une appréciation circonstanciée du montant des
honoraires en fonction de différents critères, dont l'impor-

tance varie dans chaque cas concret. Si l'on s'en tient au
nombre d'heures retenu par l'autorité intimée, l'indemnité
allouée à la recourante pour ses frais de défense correspon-
drait approximativement à la rémunération horaire usuelle de
l'avocat d'office en matière pénale fixée à 160 fr. (cf.
Nicolas Saviaux, Assistance judiciaire en matière civile:
l'art. 17a LAJ: une disposition non conforme à la Constitu-
tion fédérale, JdT 1999 III 102, note 17). Elle suffirait
certes à couvrir les frais généraux de l'avocat, estimés à
165 fr. dans le canton de Vaud (cf. Jean-Marc Reymond, Hono-
raires et concurrence, in: Avocat moderne, mélanges publiés
par l'Ordre des Avocats Vaudois à l'occasion de son Centenai-
re, Bâle 1998, p. 29), qui correspondent d'ordinaire à 40% du
revenu professionnel brut, voire à la moitié de ceux-ci (ATF
122 I 1 consid. 3a p. 3). Elle se situerait en revanche en
deçà de la quote-part de 80% des frais de défense effectifs,
que le Tribunal fédéral a jugée compatible, en équité, avec
l'art. 4 aCst. (arrêt non publié G. du 27 juin 1991).

   L'indemnité de 4'900 fr. allouée à la recourante ne
pourrait donc se justifier que si le nombre d'heures allégué
par son conseil dans sa note d'honoraires était manifestement
exagéré au regard du travail accompli ou, dans la négative,
si la rémunération horaire retenue pouvait s'expliquer par
d'autres facteurs, tels que l'absence de complexité de la
cause. Si, jusqu'alors, le Tribunal fédéral s'est substitué à
l'autorité intimée dans les causes dont il a été saisies où
le montant de l'indemnité avait été fixé sans autre indica-
tion en procédant lui-même à cet examen, il ne saurait désor-
mais tolérer cette pratique, sous peine de priver le justi-
ciable de la seule et unique instance de décision à sa dispo-
sition sur le plan cantonal. L'arrêt attaqué doit par consé-
quent être annulé et la cause renvoyée au Tribunal d'accusa-
tion pour nouvelle décision.

   4.- Vu l'issue du recours, il n'y a pas lieu à la
perception d'un émolument judiciaire (art. 156 al. 2 OJ). En
revanche, la recourante, qui obtient gain de cause avec l'as-
sistance d'un avocat, a droit à des dépens, à la charge du
canton de Vaud (art. 159 al. 1 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                      vu l'art. 36a OJ:

   1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué;

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

   3. Dit que le canton de Vaud versera une indemnité
de 800 fr. à la recourante, à titre de dépens;

   4. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire de la recourante et au Tribunal cantonal du canton de
Vaud.

Lausanne, le 2 août 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
            Le Président,           Le Greffier,