Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.403/2001
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1P.403/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         7 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

M.________, représenté par Me Jean Lob, avocat à Lausanne,

                           contre

l'arrêt rendu le 19 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud, dans la cause
qui oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d ;

        (procédure pénale; refus du relief du défaut)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par ordonnance du 2 juillet 1997, le Juge d'ins-
truction de l'arrondissement de Lausanne a renvoyé M.________
devant le Tribunal correctionnel du district de Lausanne (ci-
après: le Tribunal correctionnel) comme accusé de crime man-
qué de meurtre, subsidiairement de tentative de meurtre et de
lésions corporelles graves, pour avoir assené plusieurs coups
de batte de base-ball sur la tête de E.________ de nature à
entraîner la mort de la victime.

   M.________ a régulièrement été convoqué à l'audience
de jugement des 3 et 4 novembre 1998 par un acte du 4 septem-
bre 1998 qu'il a reçu à son domicile lausannois le 11 septem-
bre 1998. Il ne s'est toutefois pas présenté aux débats parce
qu'il se trouvait depuis un mois en Asie, à une adresse in-
connue.

   Par jugement rendu par défaut le 4 novembre 1998, le
Tribunal correctionnel a libéré M.________ des chefs d'accu-
sation de lésions corporelles graves et d'omission de prêter
secours; il l'a condamné pour tentative de meurtre à la peine
de 5 ans de réclusion, sous déduction de 40 jours de déten-
tion préventive, et l'a astreint à verser à E.________ une
indemnité pour tort moral de 30'000 fr. Ce jugement a été
notifié sous pli recommandé le 12 novembre 1998 au domicile
du condamné. Aucun retrait n'étant intervenu dans le délai de
garde, ce pli a été retourné au greffe avec la mention "non
réclamé".

   B.- Le 11 janvier 2001, M.________ a formé une de-
mande de relief de ce jugement en invoquant comme motif de
son absence l'état dépressif dans lequel il se trouvait et
qui l'avait dissuadé de rentrer en Suisse pour se présenter
aux débats.

   Statuant sans audience le 19 janvier 2001, le Prési-
dent du Tribunal d'arrondissement de Lausanne a déclaré la
demande irrecevable pour cause de tardiveté.

   M.________ a recouru contre ce prononcé auprès de la
Cour de cassation pénale du canton de Vaud (ci-après: la Cour
de cassation ou la cour cantonale) en se prévalant de la no-
tification irrégulière du jugement rendu par défaut le 4 no-
vembre 1998 par le Tribunal correctionnel. Il prétendait que
ce jugement aurait dû lui être notifié par voie édictale,
conformément aux art. 121 al. 3 et 402 al. 3 du Code de pro-
cédure pénale vaudois (CPP vaud.), et non sous pli recommandé
à son adresse lausannoise, dès lors que l'autorité intimée
savait qu'il se trouvait depuis un mois à l'étranger, à une
adresse inconnue. Il reprochait également au Président du
Tribunal d'arrondissement d'avoir statué sans audience sur sa
demande de relief.

   Par arrêt du 19 février 2001, la Cour de cassation a
rejeté le recours. Elle a retenu que le Président du Tribunal
d'arrondissement n'avait pas versé dans l'arbitraire en rete-
nant que M.________ avait été fautivement absent à l'audience
de jugement. Elle a estimé que le Tribunal correctionnel
n'avait aucune raison de notifier le jugement à une autre
adresse que celle à laquelle l'accusé avait été atteint deux
mois plus tôt par la convocation à l'audience et que la de-
mande de relief était tardive faute d'avoir été formulée dans
le délai de trois mois prévu à l'art. 404 al. 1 CPP vaud.
Elle a enfin relevé que M.________ aurait aussi pu avoir con-
naissance du jugement par l'entremise de son conseil, voire
de son frère ou de son père, entendus comme témoins, et pré-
senter en temps utile une demande de relief.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
M.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt.
Il reproche à la Cour de cassation d'avoir fait une applica-

tion arbitraire des art. 121, 402 et 404 CPP vaud., concer-
nant la notification des jugements par défaut, en admettant
que le jugement du Tribunal correctionnel du 4 novembre 1998
avait été régulièrement notifié. Invoquant les art. 29 Cst.
et 6 CEDH, il soutient en outre que la notification d'un ju-
gement par défaut à une adresse à laquelle l'autorité sait ne
pas trouver le destinataire porterait une atteinte inadmissi-
ble au droit de l'accusé à un procès équitable et au droit
d'être entendu. Il voit enfin un motif supplémentaire d'annu-
ler l'arrêt attaqué dans le fait que le Président du Tribunal
d'arrondissement a statué sur sa demande de relief sans avoir
tenu une audience, en violation de l'art. 406 al. 2 CPP vaud.
Il requiert l'assistance judiciaire partielle, sous la forme
d'une dispense des frais judiciaires.

   La Cour de cassation se réfère aux considérants de
son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud conclut au
rejet du recours.

   M.________ a répliqué.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127
III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).

   a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation pé-
nale du Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre de
la violation directe du droit cantonal ou d'un droit consti-
tutionnel ou conventionnel, tel que le droit d'être entendu,
garanti de manière générale à l'art. 29 al. 2 Cst., ou le
droit à un procès équitable consacré à l'art. 6 § 1 CEDH (ATF
121 IV 104 consid. 2b p. 107). Au vu des arguments soulevés,
seule la voie du recours de droit public est ouverte en l'es-
pèce.

   b) Le recourant est directement touché par l'arrêt
attaqué qui confirme l'irrecevabilité de sa demande de relief
d'un jugement par défaut emportant sa condamnation pénale
pour tentative de meurtre à une peine ferme de 5 ans de ré-
clusion. Il a un intérêt personnel, actuel et juridiquement
protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, partant, qualité
pour recourir selon l'art. 88 OJ.

   Pour le surplus, le recours répond aux conditions de
recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il convient d'en-
trer en matière sur le fond.

   2.- Invoquant l'art. 9 Cst., le recourant reproche à
la Cour de cassation d'avoir fait une application arbitraire
des art. 121, 402 et 404 CPP vaud. en considérant que le ju-
gement par défaut rendu par le Tribunal correctionnel le 4
novembre 1998, envoyé sous pli recommandé à son adresse lau-
sannoise, avait été régulièrement notifié et que, partant, sa
demande de relief, présentée le 11 janvier 2001, était tardi-
ve. Il prétend que ce jugement aurait dû lui être notifié par
voie édictale, conformément à l'art. 121 al. 3 CPP vaud., dès
lors que le Tribunal correctionnel savait qu'il était absent
à l'étranger, à une adresse inconnue.

   a) En règle générale, selon le droit cantonal de
procédure, l'accusé doit être cité aux débats du Tribunal
correctionnel par pli postal recommandé, avec accusé de ré-
ception (art. 121 al. 1 CPP vaud.). Si l'accusé ne comparaît
pas et que le Tribunal constate qu'il n'a pas été régulière-
ment assigné, les débats sont renvoyés (art. 398 al. 3 CPP
vaud.). Si l'accusé est jugé par défaut, le jugement lui est
notifié comme la citation (art. 402 al. 1 et 3 CPP vaud.) et
le délai légal disponible pour présenter une demande de re-
lief court dès cette notification; il s'agit de vingt jours
si elle intervient en Suisse et de trois mois si elle est ef-
fectuée à l'étranger (art. 404 al. 1 et 2 CPP vaud.).

   Dans le cas où ni la notification postale, ni les
modes de notification par la police ou par huissier (cf. art.
121 al. 2, 120 al. 2 à 4 CPP vaud.) ne sont possibles, notam-
ment parce que le lieu de séjour de l'accusé est inconnu, la
citation aux débats et, ensuite, le jugement par défaut sont
notifiés par publication dans la Feuille des Avis officiels
(art. 121 al. 3 CPP vaud. par renvoi de l'art. 402 al. 3 CPP
vaud.). Dans cette hypothèse, une remise effective du juge-
ment intervient au moment où le condamné se présente ou est
arrêté; celui-ci dispose alors du délai de vingt jours pour
demander le relief (art. 404 al. 3 CPP vaud.).

   b) En l'occurrence, le jugement rendu par défaut le
4 novembre 1998 par le Tribunal correctionnel a été notifié
au recourant sous pli recommandé, avec accusé de réception, à
l'adresse lausannoise à laquelle la citation aux débats
l'avait atteint deux mois auparavant. Faute de retrait à
l'échéance du délai de garde de sept jours, le juge du relief
s'en est tenu à la jurisprudence suivant laquelle la notifi-
cation d'un pli recommandé non retiré pendant le délai de
garde était censée avoir lieu le dernier jour de ce délai,
soit le 20 novembre 1998 (cf. ATF 123 III 492 consid. 1), de
sorte que la demande de relief, déposée le 11 janvier 2001,
était tardive.

   Il est toutefois établi qu'à l'ouverture des débats,
le recourant avait quitté la Suisse depuis un mois à destina-
tion de la Thaïlande, à une adresse qu'il n'avait communiquée
ni à son conseil, ni au Tribunal correctionnel. L'autorité
intimée pouvait néanmoins sans arbitraire retenir que la no-
tification du jugement par défaut par voie postale, sous pli
recommandé, était possible, puisque le recourant disposait
d'une adresse valable en Suisse et qu'il n'avait pas précisé
la durée de son séjour à l'étranger. Le Tribunal correction-
nel n'avait en effet aucune raison d'admettre que le juge-
ment, notifié une semaine après les débats, n'atteindrait pas

le recourant à l'adresse qu'il avait lui-même indiquée et à
laquelle l'avait atteint la citation à comparaître. Une auto-
rité ne peut en effet renoncer à une notification à l'adresse
indiquée par le destinataire du seul fait qu'elle éprouverait
des doutes sur les chances de succès d'une telle manière de
faire (ATF 113 Ia 22 consid. 2). Le principe de la bonne foi
exprimé à l'art. 5 al. 3 Cst. exigeait au contraire du recou-
rant qu'il prenne les dispositions nécessaires pour que son
courrier soit pris en charge ou lui soit acheminé en cas
d'absence prolongée (SJ 1999 I 145 consid. 2e p. 151 et les
références citées). Par ailleurs, la réglementation vaudoise
n'implique pas que la notification d'un jugement par défaut
serait efficace seulement si elle aboutit à la remise effec-
tive du pli qui le contient au condamné; celle-ci doit égale-
ment être tenue pour valable lorsque le condamné, par sa fau-
te, n'en a pas eu effectivement connaissance.

   Même si elle peut paraître sévère, cette solution
n'est pas contraire à l'art. 6 § 1 CEDH, qui permet de dénier
au condamné ayant, comme en l'espèce, refusé de participer
aux débats le droit d'exiger un nouveau jugement (ATF 126 I
36 consid. 1b p. 39). Elle est au surplus conforme à la vo-
lonté du législateur; en renonçant à une fiction de notifica-
tion du jugement par défaut dans les vingt jours après la pa-
rution dans la Feuille des Avis officiels, celui-ci a en ef-
fet voulu éviter qu'un condamné se trouvant à l'étranger per-
de le droit de demander le relief sans le savoir parce qu'il
n'a jamais reçu ni lu la Feuille des Avis officiels (Bulletin
du Grand Conseil du canton de Vaud, séance du 13 novembre
1989, p. 153). En revanche, la situation du condamné ayant un
domicile en Suisse, qu'il quitte pour l'étranger alors qu'il
connaît la date du jugement de sa cause, n'est pas compara-
ble. On peut en effet exiger de celui-ci qu'il prenne les
dispositions nécessaires pour se voir notifier le jugement
s'il n'entend pas assister aux débats.

   De même, après avoir reçu le pli recommandé en re-
tour avec la mention "non réclamé", le Tribunal correctionnel
n'a pas fait preuve d'arbitraire en ne notifiant pas le juge-
ment par voie édictale. En cas d'échec de la notification par
la poste, l'art. 121 al. 3 CPP vaud. n'impose pas une nouvel-
le communication du jugement par défaut par insertion dans la
Feuille des Avis officiels. Pareille obligation ne se déduit
pas plus du droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2
Cst. ou du droit à un procès équitable consacré à l'art. 6 §
1 CEDH (cf. SJ 1999 I 145 consid. 2c p. 149 et les arrêts ci-
tés), de sorte que ce dernier se plaint à tort d'une viola-
tion de ces dispositions.

   c) Dans ces conditions, ni le premier juge, en dé-
clarant irrecevable la demande de relief, ni la Cour de cas-
sation, en confirmant ce prononcé, n'ont fait preuve d'arbi-
traire.

   3.- Le recourant voit également une violation de
l'art. 406 al. 2 CPP vaud. dans le fait que le Président du
Tribunal d'arrondissement a statué sans avoir fixé d'audien-
ce. Selon lui, il convenait de rechercher pour quel motif il
ne s'était pas présenté à l'audience de jugement.

   A teneur de cette disposition, s'il apparaît de pri-
me abord que la demande de relief est mal fondée ou irrégu-
lière, le président la rejette ou la déclare irrecevable et
en informe le condamné (al. 1). Sinon, le président réap-
pointe une audience en laquelle le tribunal statue sur la de-
mande de relief et, s'il l'admet, reprend l'instruction de la
cause dans son ensemble (al. 2).

   En l'occurrence, le Président du Tribunal d'arron-
dissement a déclaré irrecevable la demande de relief présen-
tée par M.________ pour des raisons formelles, tenant à
l'inobservation du délai de relief, qui le dispensaient

d'examiner les motifs de l'absence de l'accusé aux débats. Le
recourant ne conteste au demeurant pas qu'une demande de re-
lief puisse être tenue pour irrégulière parce qu'elle serait
manifestement tardive (cf. en ce sens, Sylviane Wehrli, Le
jugement par défaut et le relief en procédure pénale vaudoi-
se, thèse Lausanne 1979, p. 81). Il ne prétend pas plus que
les circonstances entourant la notification de la citation à
comparaître et du jugement par défaut étaient litigieuses et
auraient nécessité son audition.

   Dans ces conditions, le juge du relief n'a pas violé
l'art. 406 al. 2 CPP vaud. en statuant sans audience.

   4.- Le recours doit par conséquent être rejeté dans
la mesure où il est recevable. Les conditions de l'art. 152
al. 1 OJ n'étant pas réunies, il n'y a pas lieu de faire
droit à la demande d'assistance judiciaire du recourant; en
revanche, compte tenu des circonstances, celui-ci peut être
exceptionnellement dispensé des frais de justice en vertu de
l'art. 154 OJ.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours, dans la mesure où il est re-
cevable;

   2. Rejette la demande d'assistance judiciaire;

   3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire;

   4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant ainsi qu'au Ministère public et à la Cour de
cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.

Lausanne, le 7 août 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,