Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.388/2001
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1P.388/2001

          Ie  C O U R  D E  D R O I T  P U B L I C
         ******************************************

                        28 août 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger,
Président, Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et
Mme Pont Veuthey, juge suppléante. Greffier: M. Kurz.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

X.________ , à Bulle, représenté par Me Bruno Charrière,
avocat à Bulle,

                           contre

l'arrêt rendu le 3 avril 2001 par la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg, dans la cause qui
oppose le recourant à Y.________, agissant par sa mère
Z.________ , représentée par Me Isabelle Brunner Wicht,
avocate à Fribourg, et au Ministère public de l'Etat
de  F r i b o u r g;

                     (procédure pénale)

                  Vu les pièces du dossier
          d'où ressortent les  f a i t s  suivants:

   A.- Par jugement du 5 avril 2000, le Tribunal pénal
de la Gruyère a condamné X.________, ressortissant du Kosovo
né en 1978, à trois ans d'emprisonnement (avec révocation
d'un précédent sursis) notamment pour actes d'ordre sexuel
avec des enfants, contrainte sexuelle et viol. Ayant fait
connaissance de Y.________ (née à fin 1983), à la fin du mois
de mai 1998, il se serait rendu avec elle à deux reprises
dans le parking souterrain d'un supermarché de Bulle et l'au-
rait forcée à des caresses sur tout le corps y compris le
sexe. Le Tribunal a refusé d'admettre que l'auteur s'était
trompé sur l'âge de la victime, celle-ci lui ayant déclaré
plusieurs fois qu'elle avait alors quinze ans. La contrainte
sexuelle a été retenue, pour les mêmes faits, l'accusé ayant
usé de sa force pour retenir la victime contre sa volonté. Le
8 juin 1998, après avoir amené la victime dans un appartement
occupé par trois personnes parlant l'albanais, X.________ au-
rait entraîné et enfermé Y.________ dans une chambre et l'au-
rait violée. Le Tribunal a retenu que le comportement de la
victime après les faits (sentiment de souillure et de respon-
sabilité, mal-être constaté par plusieurs médecins, mutila-
tions et tentatives de suicide) correspondait à celui de la
victime d'un viol. Selon les médecins et les témoins, les dé-
clarations de la victime étaient crédibles et celle-ci
n'avait jamais eu tendance à accabler l'accusé, même si dans
un premier temps elle avait déclaré être consentante. Les au-
tres infractions retenues (vol, tentative de vol, violation
de domicile, induction de la justice en erreur, entrave à
l'action pénale, vol d'usage) ne sont plus contestées à ce
stade.

   B.- Par arrêt du 3 avril 2001, la Cour d'appel pénal
du Tribunal cantonal fribourgeois a partiellement admis un
recours formé par X.________. Les déclarations de Y.________

à propos du premier rendez-vous dans le parking souterrain ne
faisaient pas état d'actes de contrainte. S'agissant en re-
vanche du second épisode, les explications de Y.________ fai-
saient apparaître que le condamné s'était servi, à un certain
stade, de la force pour retenir la victime et obtenir d'elle
des caresses d'ordre sexuel. L'audition du frère du recou-
rant, destinée à prouver qu'il n'avait appris que par la sui-
te l'âge de la victime, n'était pas pertinente, car il était
déjà établi que le recourant était conscient que ce qu'il
faisait "n'était pas bien", et avait ainsi le sentiment de
braver les usages communément respectés. S'agissant de l'ac-
cusation de viol, la cour a retenu que les trois personnes
présentes dans l'appartement au moment de l'arrivée de
Y.________ et X.________, avec lesquelles ce dernier s'était
entretenu un instant, n'avaient pas assisté aux faits qui
s'étaient déroulés dans la chambre ultérieurement. Le recou-
rant en avait fourni l'identité par lettre du 28 septembre
2000 - l'un d'eux était retourné au Kosovo -, mais leur té-
moignage était sans pertinence. La Cour a au surplus confirmé
les faits retenus en première instance. La peine a été rédui-
te à trente trois mois d'emprisonnement.

   C.- X.________ forme un recours de droit public
contre cet arrêt, dont il requiert l'annulation. Il demande
en outre l'effet suspensif.

   La Cour d'appel pénal n'a pas formulé d'observa-
tions. Le procureur général conclut au rejet du recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le recours de droit public est formé en temps
utile contre un arrêt final rendu en dernière instance can-
tonale. Le recourant, dont la condamnation se trouve confir-
mée par l'arrêt attaqué, a qualité (art. 88 OJ) pour se

plaindre d'une appréciation arbitraire des preuves, d'une
violation de la présomption d'innocence et de ses droits de
partie à la procédure pénale.

   2.- Le recourant invoque son droit d'être entendu.
Par lettre du 28 septembre 2000, soit avant la clôture de la
procédure probatoire en appel, il avait fourni l'identité de
deux des trois personnes qui se trouvaient dans l'appartement
lors des faits qualifiés de viol. Ces personnes n'avaient
certes pas assisté à la scène, puisqu'elles se trouvaient
dans la pièce voisine. Toutefois, ayant vu le recourant et
Y.________ quitter la chambre après les faits, ils auraient
pu témoigner que cette dernière ne s'est pas enfuie en cou-
rant, mais était sortie avec le recourant et qu'ils se se-
raient embrassés. Le témoignage requis ne portait donc pas
seulement, comme l'a retenu la cour cantonale, sur l'arrivée
des protagonistes et la conversation avec le recourant. Le
recourant se plaint également d'une application arbitraire de
l'art. 213 du code de procédure pénale fribourgeois (CPP/FR),
qui autorise les allégués et moyens de preuve nouveaux, ainsi
que d'une violation des art. 6 par. 1 et 3 CEDH, et 29 al. 2
Cst., en relevant que le moyen de preuve, valablement requis,
était pertinent, puisque la thèse du viol serait sérieusement
contredite s'il était établi que les intéressés se sont em-
brassés après les faits.

   a) Selon l'art. 6 par. 3 let. d CEDH, tout accusé a
le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à
charge; ce droit ne vaut pas seulement à l'encontre des té-
moins au sens classique du terme, mais à l'encontre de toute
personne qui fait des dépositions à charge. Il s'agit d'une
règle concrétisant le droit à un procès équitable garanti par
l'art. 6 par. 1 CEDH. Les éléments de preuve doivent en prin-
cipe être produits en présence de l'accusé lors d'une audien-
ce publique, en vue d'un débat contradictoire; cette règle
tend à assurer l'égalité des armes entre l'accusation et la

défense. L'art. 6 par. 3 let. d CEDH n'exclut pas de refuser
l'interrogatoire d'un témoin parce que la déposition solli-
citée n'est pas pertinente ou parce que les faits sont déjà
établis à la suite d'une appréciation anticipée des preuves,
c'est-à-dire si le juge parvient sans arbitraire à la cons-
tatation, sur la base des éléments déjà recueillis, que l'ad-
ministration de la preuve sollicitée, quel qu'en soit le ré-
sultat, ne peut plus modifier sa conviction (ATF 121 I 306
consid. 1b p. 308 s.). Dans sa jurisprudence, la Cour euro-
péenne des droits de l'homme s'emploie à rechercher si la
procédure, examinée dans son ensemble, revêt un caractère
équitable (cf. arrêt van Mechelen, CourEDH 1997 p. 691 ch.
50). La question de savoir si le droit d'interroger ou de
faire interroger les témoins à charge garanti à l'art. 6 par.
3 let. d CEDH est respecté doit en conséquence être examinée
dans chaque cas en fonction de l'ensemble de la procédure et
des circonstances concrètes de l'espèce. Le droit d'être en-
tendu (art. 29 al. 2 Cst.), qui comprend notamment le droit
d'obtenir l'administration des preuves pertinentes (ATF 126 I
15 consid. 2a/aa et les arrêts cités) et les garanties cons-
titutionnelles de procédure judiciaire (art. 30 Cst.) ont une
portée identique. Il en va de même du droit cantonal invoqué,
soit l'art. 213 CPP/FR, qui ne fait qu'autoriser les moyens
de preuve nouveaux en appel; comme le relève le Ministère pu-
blic, cette disposition ne s'applique évidemment qu'aux
moyens de preuve pertinents, et n'empêche pas un refus fondé
sur une appréciation anticipée.

   b) La cour cantonale a retenu que les trois person-
nes présentes dans l'appartement n'avaient pas été témoins
oculaires de la relation sexuelle et des faits qui se sont
déroulés dans la chambre ultérieurement. Le fait que
Y.________ ait assisté à la discussion précédente n'impli-
quait pas qu'elle ait consenti à la relation sexuelle. Dans
la mesure, poursuit la cour cantonale, où le témoignage des
trois personnes devrait consister à confirmer ou à infirmer

qu'elles étaient présentes lors de l'arrivée du recourant et
de Y.________, respectivement qu'elles ont eu une conversa-
tion avec le recourant, leur audition était parfaitement inu-
tile, les faits étant admis et sans pertinence.

   c) Le recourant combat ce point de vue, en relevant
que les témoins auraient vu Y.________ quitter la chambre
après le prétendu viol. Ils auraient également entendu la
victime, si elle avait crié, et auraient assisté au baiser
échangé dans l'appartement avant de le quitter.

   d) Dans la mesure ainsi exposée par le recourant,
les auditions sollicitées semblaient revêtir une certaine
pertinence. Si en effet les témoins avaient été présents lors
du viol et, surtout, à la sortie de la chambre, et avaient
assisté au baiser qui, selon le recourant, aurait été échangé
alors, la thèse du viol s'en serait trouvée affaiblie. Il
n'est en effet guère concevable que la victime d'un viol em-
brasse l'auteur juste après l'agression. Il ne saurait toute-
fois y avoir violation du droit d'être entendu que si, d'une
part, le recourant avait valablement requis les auditions en
indiquant les faits à prouver et si, d'autre part, la cour
cantonale avait procédé à une appréciation anticipée arbi-
traire du moyen proposé. L'appréciation anticipée permet en
effet à une autorité de jugement de renoncer à administrer
une preuve, sans violer le droit d'être entendu ou les garan-
ties de l'art. 6 par. 3 CEDH, s'il apparaît que, quel que
soit son résultat, elle ne serait pas à même de modifier
l'issue de la cause (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 134/135
et 6 c/dd p. 135/136 et les arrêts cités).

   aa) Même si elle n'a pas été tenue pour tardive par
la cour cantonale, on comprend mal que cette requête, jugée
pourtant essentielle par le recourant, n'ait pas été formée
auparavant. Le recourant tente d'expliquer avoir été poussé
par son avocat à entreprendre les recherches nécessaires,

mais cela n'explique guère que de telles recherches n'aient
pas été entreprises avant le jugement de première instance,
ou en tout cas en vue de la procédure de recours. Or, dans
son mémoire d'appel, le recourant exposait que seul le dénom-
mé A.________, entre-temps retourné au Kosovo, était identi-
fié, alors que le couple présent ne l'était pas. L'identité
de ce couple n'est révélée que dans une lettre du 28 septem-
bre 2000, dans laquelle il est affirmé que les témoins propo-
sés avaient "pu voir Y.________ quitter la chambre, après les
faits qu'elle dénonce". Cela étant, s'il entendait obtenir
l'administration de preuves complémentaires, le recourant de-
vait non seulement indiquer en quoi consistait la preuve re-
quise, mais également désigner avec précision le fait à prou-
ver, afin de permettre à la cour d'en évaluer la pertinence.
Le Tribunal cantonal n'avait pas, pour sa part, à se livrer à
une exégèse complète des écritures du recourant pour tenter
d'y retrouver les faits qu'il entendait établir au moyen des
témoignages requis.

   Le recourant soutient que l'audition des témoins au-
rait été sollicitée en rapport avec le point 4.4 de son re-
cours - sur la question de savoir si la victime avait ou non
crié - et sur le point 5a du recours - sur l'attitude de la
victime après l'acte sexuel.

   bb) S'agissant de l'attitude de la victime au sortir
de la chambre, le mémoire de recours ne contient aucune offre
de preuve suffisamment explicite: le recourant se fondait ex-
clusivement sur les déclarations et le comportement de la
victime après les faits, sans jamais évoquer que des person-
nes auraient pu avoir assisté au départ des protagonistes.
Par ailleurs, comme le relève la cour cantonale, la thèse du
recourant n'était pas dénuée d'ambiguïté: tout en affirmant
que les trois personnes étaient à même de témoigner de la
sortie de la chambre, le recourant mettait en doute une let-
tre du 18 novembre 1998 dans laquelle Y.________ affirmait

que les trois personnes étaient encore présentes à ce moment-
là. Le fait à prouver n'a donc pas été mentionné de manière
suffisante, et le recourant ne saurait maintenant reprocher à
la cour cantonale d'avoir méconnu ses intentions sur ce
point.

   cc) S'agissant des cris que la victime aurait ou non
poussés, l'offre de preuve figurait certes dans le recours. A
ce sujet toutefois, la cour cantonale s'est livrée à une ap-
préciation anticipée en retenant que si la victime avait af-
firmé dans un premier temps avoir pleuré, elle avait ensuite
précisé qu'elle avait essayé de crier, mais avait tellement
mal qu'elle pleurait, et finalement qu'elle n'avait pas crié
car cela n'aurait servi à rien. La cour pénale a retenu que
l'absence de cris ou de hurlements ne permettait pas de dé-
duire qu'il n'y avait pas eu viol, dès lors que la victime
pouvait n'avoir pas crié en raison de la peur éprouvée. Sur
la base de cette appréciation anticipée, les témoignages des-
tinés à prouver l'absence de cris étaient dénués de pertinen-
ce.

   e) Le recourant se plaint également de ne pas avoir
eu l'occasion de faire entendre, en appel, son frère
F.________. Celui-ci ne l'aurait informé de l'âge de
Y.________ que le 8 juin 1998, et son témoignage était desti-
né à prouver qu'au moment des faits, le recourant ignorait
l'âge de la victime, commettant ainsi une erreur sur les
faits. La cour cantonale s'était contentée de relever que le
recourant savait que ce qu'il faisait "n'était pas bien", et
en avait déduit qu'il connaissait l'illicéité de ses actes.
Une telle déduction serait abusive, dans le contexte des dé-
clarations du recourant. Le témoignage de son frère était
destiné non seulement à prouver que le recourant a mis fin à
la relation dès qu'il a connu l'âge de Y.________ et la ré-
glementation suisse en matière d'actes d'ordre sexuel avec
des enfants, mais aussi à établir que c'est le recourant qui

avait mis fin à une relation qui avait encore perduré après
les faits incriminés.

    aa) Sur ce point également, le recourant n'a guère
été explicite quant aux faits qu'il entendait prouver au
moyen de l'audition de son frère. Pour l'essentiel, ce témoi-
gnage devait porter sur l'ignorance qu'avait le recourant de
la réglementation suisse, et non sur les objections rappelées
ci-dessus. Le recourant ne saurait, partant, critiquer l'ap-
préciation anticipée de la cour cantonale.

   bb) Pour écarter l'erreur, de fait ou de droit, le
Tribunal pénal s'est fondé sur les déclarations de la victi-
me, selon laquelle le recourant savait qu'elle était âgée de
quatorze ans environ. N.________, qui fréquentait alors
F.________, était du même âge que Y.________, ce dont devait
se douter le recourant puisque les deux jeunes filles étaient
dans la même classe. Le tribunal a enfin considéré l'aspect
physique de la victime, qui correspondait à son âge réel. La
Cour d'appel a pour sa part considéré qu'en admettant que
ce qu'il faisait n'était "pas bien", le recourant avait
conscience de braver les usages communément respectés, ce qui
suffisait à exclure l'application de l'art. 20 CP. Le recou-
rant soutient que sa déclaration se rapportait non pas à
l'âge de Y.________, mais au fait qu'il entretenait plusieurs
relations simultanément. Cela est douteux car le recourant
exposait également que sa religion autorise la polygamie, de
sorte que son sentiment de mal agir devait se rapporter à
autre chose qu'une relation multiple. De toute façon, le
faisceau d'indices réunis par les juridictions de première,
puis de seconde instance, était suffisant pour asseoir la
conviction des juges d'une manière telle que l'audition d'un
témoin supplémentaire, d'ailleurs membre de la famille du re-
courant, n'y pouvait rien changer. Il n'y a pas non plus, sur
ce point, violation du droit à la preuve.

   3.- Le recourant se plaint enfin d'une violation de
la présomption d'innocence. Les avis de médecins, repris dans
l'expertise psychiatrique, ne seraient guère péremptoires
quant à l'absence de consentement de Y.________. Le Tribunal
aurait fait fi de l'existence d'une relation conflictuelle
entre Y.________ et ses parents, l'accusation de viol ayant
pu être l'occasion d'une réconciliation. Selon N.________,
meilleure amie de Y.________, celle-ci avait l'air plutôt
contente le lendemain des faits, et avait fixé un rendez-vous
avec le recourant, auquel ce dernier ne s'était pas rendu. Le
recourant fait aussi référence à un billet écrit par
Y.________ peu après les faits, dans lequel elle écrit être
"retournée chez le type où X.________ et moi avons baisé".
Contrairement à ce que retient la cour d'appel, le billet
pourrait être daté du 14 juin 1998 et, indépendamment du fait
qu'il ait ou non été remis à sa destinataire, l'emploi du
verbe "baisé", d'ailleurs incompatible avec la jeune fille
naïve décrite par le tribunal, signifierait que Y.________
n'a pas caché la relation à sa meilleure amie, et qu'elle a
en outre cherché à revoir le recourant après les faits.

   a) Saisi d'un recours de droit public dirigé contre
une condamnation pénale, le Tribunal fédéral ne revoit l'ap-
préciation des preuves que sous l'angle de l'arbitraire; il
ne lui appartient pas de substituer sa propre appréciation à
celle du juge de la cause. A cet égard, la présomption d'in-
nocence, garantie actuellement par l'art. 32 al. 1 Cst., ne
fait que reprendre les principes posés dans ce domaine par la
jurisprudence rendue à propos de l'art. 4 aCst. (FF 1997 I
188/189). Le recourant doit démontrer qu'à l'issue d'une ap-
préciation exempte d'arbitraire de l'ensemble des preuves, le
juge aurait dû éprouver des doutes sérieux et irréductibles
sur sa culpabilité (ATF 124 IV 86 consid. 2a p. 87/88; 120 Ia
31 consid. 2e p. 38 et 4b p. 40). L'art. 6 par. 2 CEDH n'of-
fre pas de protection plus étendue.

   L'appréciation des preuves est arbitraire lorsqu'el-
le contredit, d'une manière choquante, le sentiment de la
justice et de l'équité. Le Tribunal fédéral n'invalide la so-
lution retenue par le juge de la cause que si elle apparaît
insoutenable, en contradiction manifeste avec la situation
effective ou adoptée sans motifs objectifs. Il ne suffit pas
que les motifs de la condamnation soient insoutenables; il
faut en outre que l'appréciation soit arbitraire dans son ré-
sultat. Il ne suffit pas non plus qu'une solution différente
puisse être tenue pour également concevable ou apparaisse mê-
me préférable (ATF 125 I 166 consid. 2a p. 168; 125 II 10
consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134).

   b) Les objections soulevées par le recourant ont été
examinées par la cour cantonale. L'expertise psychiatrique
- et son complément du 9 avril 1999 - conclut par la proba-
bilité que Y.________ n'ait pas été consentante. Elle relève
surtout le profond traumatisme présenté par celle-ci après
les faits: elle était constamment triste, préoccupée et ten-
due, ne parlait plus à ses parents et négligeait ses tâches
scolaires. Elle a fait plusieurs tentatives de suicide et se
serait finalement mieux sentie dès qu'elle a pu révéler ce
qui s'était réellement passé. Les sentiments décrits par la
victime correspondaient à ce qui est habituel en cas de viol:
sentiment de souillure, dégoût de soi et surtout culpabilité.
La thèse du recourant, selon laquelle Y.________ l'aurait
accusé de viol pour se rapprocher de ses parents avec les-
quels elle était en conflit, se heurte à l'ensemble de ces
constatations, l'attitude décrite ci-dessus ne pouvant guère
avoir été simulée. A cela s'ajoute que la victime n'avait
guère de raison d'en vouloir au recourant et que, dans un
premier temps, elle s'est même tue pour le protéger. Quant au
ton employé par Y.________ pour relater les événements auprès
de sa meilleure amie, il peut s'expliquer, comme l'a estimé
la cour cantonale, par le fait que dans un premier temps,
sans cacher l'existence de la relation sexuelle, elle n'a pas
voulu révéler qu'elle avait été forcée. L'attitude apparem-
ment contradictoire de Y.________ peut ainsi s'expliquer par
son choix de garder le viol secret.

   c) Il apparaît ainsi que le tribunal, puis la cour
cantonale, se sont livrés à une évaluation consciencieuse des
preuves recueillies. Le faisceau d'indices était suffisant
pour fonder, sans arbitraire, la déclaration de culpabilité.

   4.- Le recours doit par conséquent être rejeté. Un
émolument judiciaire est mis à la charge du recourant qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ). Y.________, qui a procédé avec
un avocat, a droit à une indemnité de dépens, à la charge du
recourant.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours;

   2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 3'000 fr.;

   3. Alloue à l'intimée Y.________ une indemnité de
dépens de 2000 fr., à la charge du recourant;

   4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties, au Ministère public et à la Cour d'appel
pénal du Tribunal cantonal de l'Etat de Fribourg.

                        ____________

Lausanne, le 28 août 2001
KUR/vlc

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,