Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.377/2001
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1P.377/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                      4 septembre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud,
Catenazzi, Favre, et Mme Pont Veuthey, juge suppléante.
Greffier: M. Kurz.

                         __________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

le P a r t i   s o c i a l i s t e   f r i b o u r g e o i s,
représenté par sa présidente Liliane Chappuis, à Fribourg, et
Claude  V a u c h e r, à Corminboeuf,

                           contre

l'arrêté rendu le 15 mai 2001 par le Conseil d'Etat du canton
de Fribourg;

    (droits politiques; message relatif à un référendum)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 19 octobre 2000, le Grand Conseil du canton
de Fribourg a adopté la loi sur le statut des entreprises
électriques fribourgeoises (EEF) et de leur caisse de pen-
sions. Celle-ci prévoit notamment la transformation des EEF
en société anonyme de droit privé, avec actionnariat majori-
taire de l'Etat. Le référendum lancé contre cette loi ayant
abouti, la votation populaire a été fixée au 10 juin 2001,
l'électorat devant simultanément se prononcer sur le crédit
relatif à la construction de la route d'évitement de Bulle-La
Tour-de-Trême/A189.

   B.- Le 4 mai 2001, le Parti socialiste fribourgeois
(PSF) et Claude Vaucher ont adressé une réclamation au Con-
seil d'Etat contre la publication du fascicule contenant le
message de cette autorité. Celui-ci était, selon eux, rédigé
de manière partiale; il comprenait douze pages, illustrées de
photos sous-titrées, alors que les arguments du comité réfé-
rendaire ne figuraient que sur une seule page, sans photos ni
espaces. Le texte constituait une propagande partiale, allé-
guant les faits sans les prouver et détournant de manière dé-
loyale les arguments du comité référendaire en les faisant
passer pour absurdes, impossibles ou dangereux. Le fascicule
était en outre inutilement coûteux, au regard du principe de
la proportionnalité. L'adresse Internet des EEF n'avait pas à
y figurer. Le Conseil d'Etat était requis d'interrompre immé-
diatement la distribution du fascicule litigieux, respective-
ment de le retirer.

   C.- Par arrêté du 15 mai 2001, après avoir accordé
l'effet suspensif le 8 mai précédent, le Conseil d'Etat a re-
jeté la réclamation. L'autorité pouvait adresser un message
explicatif, sans être tenue à la neutralité. Elle pouvait en-
gager des fonds publics proportionnés. En l'occurrence, les

coûts d'élaboration et d'impression du fascicule s'élevaient
à 52'000 fr., et on pouvait estimer la part se rapportant à
la votation sur les EEF à 32'000 fr., alors que les neuf bro-
chures émises lors des précédentes votations avaient coûté en
moyenne 34'000 fr. Sa présentation n'était pas particulière-
ment luxueuse. La loi ne prévoyait pas d'exposer les argu-
ments des référendaires dans le message de l'autorité, mais
l'usage était de permettre à ceux-là de les formuler sur une
page de format A4. En l'espèce, le texte remis par le comité
référendaire dépassait ces limites, puisqu'il comportait 3785
caractères, mais avait été publié tel quel. Les motifs du
Conseil d'Etat comportaient 12911 caractères, ce qui repré-
sentait une proportion de 3,41 à 1; il n'y avait pas de dis-
proportion évidente. Le message ne contenait pas d'indica-
tions fallacieuses ou tendancieuses.

   D.- Par acte du 2 juin 2001, le PSF et Claude
Vaucher forment un recours de droit public contre cet arrêté,
dont ils requièrent l'annulation. Par acte séparé, ils ont
requis des mesures provisionnelles urgentes tendant à l'oc-
troi de l'effet suspensif, à l'annulation de la votation du
10 juin 2001 et à l'arrêt de la distribution, respectivement
au retrait de la brochure litigieuse.

   Par ordonnance présidentielle du 5 juin 2001, la de-
mande de mesures provisionnelles a été rejetée, l'admission
du recours pouvant conduire à l'annulation de la votation.

   Le Conseil d'Etat conclut à l'irrecevabilité du re-
cours, subsidiairement à son rejet. Les recourants ont répli-
qué.

   Le 10 juin 2001, les électeurs fribourgeois ont ac-
cepté, par 37901 voix contre 25771, la loi sur le statut des
EEF. Ce résultat a été publié dans la feuille des avis offi-
ciels du 15 juin suivant, avec l'indication que les recours

ayant trait à la validité de cette votation devaient être
adressés au Conseil d'Etat, à l'intention du Grand Conseil,
dans le délai de dix jours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Aux termes de l'art. 85 let. a OJ, le Tribu-
nal fédéral connaît des recours concernant le droit de vote
des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections et aux
votations cantonales, quelles que soient les dispositions de
la constitution cantonale et du droit fédéral régissant la
matière. Au niveau cantonal, les droits politiques protégés
selon l'art. 85 let. a OJ sont constitués par l'ensemble des
droits que confèrent aux citoyens les dispositions constitu-
tionnelles ou législatives qui définissent les conditions et
modalités de l'exercice des droits politiques ou en précisent
le contenu ou l'étendue. En outre, selon les règles et les
principes généraux que la jurisprudence du Tribunal fédéral a
développés, tout citoyen a la faculté d'exiger qu'aucun ré-
sultat de votation ou d'élection ne soit reconnu s'il ne tra-
duit pas d'une manière fidèle et sûre la volonté librement
exprimée du corps électoral (ATF 118 Ia 259  consid. 3, 117
Ia 66, 116 Ia 466 consid. 4, 113 Ia 156 consid. 2a et les ar-
rêts cités).

   b) Le recours est en l'espèce dirigé non pas contre
la votation elle-même, mais contre l'acte préparatoire que
constitue la distribution aux citoyens du message de l'auto-
rité. Les recourants concluent à l'annulation de l'arrêté du
Conseil d'Etat, qui se prononçait sur une demande tendant à
empêcher la distribution de ce message. Le Conseil d'Etat
soutient que les recourants ne s'en prennent pas au résultat
de la votation, et n'en demandent pas l'annulation; ils n'ont
pas non plus recouru contre celle-ci dans le délai imparti.
Il n'y aurait dès lors plus d'intérêt actuel et pratique à

l'admission du recours, de sorte que celui-ci serait irrece-
vable.

   Cette opinion ne peut être partagée. Le recours
étant dirigé contre une opération préparatoire, les recou-
rants ne pouvaient évidemment conclure à l'annulation de la
votation. Il en va autrement dès lors que celle-ci a eu lieu,
la loi ayant par ailleurs été acceptée. Le vice dont se plai-
gnent les recourants est de ceux qui pourraient entraîner,
après coup, une annulation de la votation, et on ne saurait
exiger des recourants qu'ils attaquent également le résultat
de la votation (ATF 113 Ia 46 consid. 1c p. 50, 105 Ia 150).
L'ordonnance du 5 juin 2001 considère ainsi que le Tribunal
fédéral pourrait, en cas d'admission du recours, annuler le
scrutin. Le recours conserve dès lors un intérêt.

   c) La qualité pour recourir en matière de votations
et d'élections appartient à toute personne à laquelle la lé-
gislation cantonale accorde l'exercice des droits politiques
pour participer à l'élection ou à la votation en cause, même
si elle n'a aucun intérêt juridique personnel à l'annulation
de l'acte attaqué (ATF 121 I 138 consid. 1, 357 consid. 2a;
119 Ia 167 consid. 1d p. 171 et les arrêts cités). Citoyen
actif dans le canton de Fribourg, Claude Vaucher a qualité
pour recourir. La jurisprudence reconnaît également la quali-
té pour recourir pour violation du droit de vote aux partis
politiques et aux organisations à caractère politique formées
pour l'occasion, à la condition qu'ils exercent leur activité
dans la collectivité publique concernée par l'élection ou la
votation en cause et qu'ils soient constitués en personne
morale (ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337; 115 Ia 148 consid.
1b p. 153; 114 Ia 267 consid. 1c p. 270; 112 Ia 208 consid.
1a p. 211 et les arrêts cités). Le recours de droit public
est donc également recevable en tant qu'il émane du PSF.

   2.- Pour l'essentiel, les recourants reprennent les
arguments soumis au Conseil d'Etat. Dans la brochure incrimi-
née, le Conseil d'Etat s'exprimait sur douze pages, illus-
trées de nombreuses photographies et de sous-titres, dans des
écritures de caractères différents, l'argumentation des réfé-
rendaires étant limitée à une seule page, en petits caractè-
res, sans espaces ni photographies. Cette disproportion, par-
ticulièrement évidente, engendrerait un déficit informatif.
Les arguments des référendaires, qui ne figurent même pas
dans le sommaire, seraient totalement étouffés, voire tournés
en dérision. Les recourants évoquent l'art. 11 al. 2 de la
loi fédérale sur les droits politiques (LDP, RS 161.1), qui
exige un message court et objectif; le message en cause ne
remplirait aucune de ces conditions, et constituerait une
propagande partiale, contenant des informations fausses, pré-
sentant la transformation des EEF en S.A. comme la seule pos-
sibilité de préserver des emplois alors que, selon les recou-
rants, une société de droit public représenterait une alter-
native sérieuse. En prétendant (p. 17) que les EEF sont un
fleuron de l'économie fribourgeoise, et que les autorités et
le peuple "entendent bien qu'elles le restent", le message
ferait croire que les intentions des référendaires seraient
opposées; il serait aussi affirmé, faussement selon les re-
courants, que l'interruption des réformes déjà accomplies dé-
truirait les perspectives d'avenir des 750 collaborateurs et
105 apprentis des EEF. La référence à l'adresse Internet des
EEF n'aurait pas sa place dans un tel message, dès lors que
le site pourrait contenir des informations non contrôlées.
Les recourants persistent à tenir la brochure pour exagéré-
ment coûteuse. Son prix effectif global était de 52'000 fr.,
soit un montant nettement supérieur à la moyenne de 34'000
fr. pour les votations précédentes. Sa présentation était
beaucoup plus luxueuse que les précédentes brochures; la pré-
sence de photographies, destinées à accroître l'attrait du
texte, n'était pas justifiée par l'objet de la votation. Le

fascicule se rapprocherait ainsi d'avantage d'un prospectus
publicitaire que d'une information objective.

   3.- Le résultat d'une consultation populaire peut
notamment être vicié lorsque l'autorité donne, dans un messa-
ge officiel relatif à une votation, une image inexacte du but
et de la portée de celle-ci et qu'elle viole ainsi son devoir
de présenter une information objective. Des rapports explica-
tifs ou recommandations de vote sont néanmoins, en soi, ad-
missibles (G. Steinmann, Interventionen des Gemeinwesens im
Wahl- und Abstimmungskampf, AJP/PJA 3/96 p. 255-269, 260). On
ne saurait retenir une atteinte à la liberté de vote lors-
qu'un tel message officiel contient un avis relatif à des
questions d'appréciation, car il appartient en définitive à
l'électeur de se faire lui-même sa propre opinion sur de tel-
les questions.

   L'idée selon laquelle la volonté démocratique doit
se former à l'abri de toute influence étatique ne correspond
guère à la réalité: une information active de la population
fait partie des tâches du gouvernement, et celui-ci doit pou-
voir, comme tous les intéressés, participer au débat politi-
que en apportant tous les arguments permettant de trouver la
solution politique la plus juste, et cela non seulement par
une information objective, mais aussi au moyen de jugements
de valeur. Il s'agit également pour l'Etat de contrebalancer,
dans une certaine mesure, les prises de position souvent uni-
latérales des groupes de pressions influents de la société
civile (P. Mahon, L'information par les autorités, ZSR
118/1999 II p. 199-352, qui défend un droit d'intervention
plus large de l'autorité, p. 243/244). Il est actuellement
admis que l'autorité compétente recommande au peuple d'accep-
ter le projet qu'elle lui soumet et qu'elle lui adresse un
message explicatif, tandis qu'une intervention plus impor-
tante dans le débat ne se justifie qu'exceptionnellement et
doit répondre à des motifs pertinents. Les interventions qui
faussent le débat en raison de la supériorité de l'autorité
par rapport aux autres participants à la campagne, sont en
tout cas inadmissibles (ibid.).

   L'autorité doit en principe se borner à une informa-
tion objective - mais elle n'est pas tenue à la neutralité
(ATF 117 Ia 41 p. 46) - et s'abstenir de toute assertion fal-
lacieuse sur le but et la portée du projet. Elle attente au
droit de vote si elle s'écarte de ses devoirs de retenue et
d'objectivité, si elle intervient en violation de prescrip-
tions destinées à garantir la liberté des électeurs ou si
elle influence l'opinion par d'autres procédés condamnables
(même arrêt; Pra 2000 23 123). En particulier, son interven-
tion est contraire au droit de vote lorsqu'elle s'accomplit
de façon occulte ou que les fonds dépensés pour elle sont
disproportionnés ou engagés irrégulièrement (ATF 114 Ia 427
p. 444 consid. b et c).

    4.- a) Les recourants se plaignent essentiellement
de la disproportion qui existerait entre le texte officiel à
l'appui de la loi et la place réservée à l'argumentation des
opposants. Il perdent de vue que le message explicatif que
l'autorité peut adresser aux citoyens ne doit pas forcément
contenir un argumentaire rédigé par les opposants et présenté
de façon distincte. Cette faculté, consacrée par l'usage,
n'est pas imposée par la loi cantonale sur les droits politi-
ques; la loi fédérale (art. 11 al. 2 LDP) impose au Conseil
fédéral de reprendre les arguments du comité d'initiative ou
du comité référendaire, mais ne précise pas dans quelle for-
me. Il peut ainsi s'agir d'un exposé séparé, mais rien n'em-
pêche que ces arguments soient intégrés dans le texte de pré-
sentation de l'autorité, par de simples références. Ainsi, le
droit à un exposé distinct dans le message officiel ne décou-
le pas du droit constitutionnel (cf. Gion-Andri Decurtins,
Die rechtliche Stellung der Behörde im Abstimmungskampf,
thèse Fribourg 1992, p. 160). Par conséquent, l'argumentation
relative à l'ampleur des arguments respectifs de l'autorité
et des opposants tombe à faux.

   b) Les recourants semblent également exiger une neu-
tralité complète à laquelle l'autorité n'est pas tenue. Cel-
le-ci doit, comme cela est rappelé ci-dessus, demeurer objec-
tive quant à l'objet du vote, sans tenter d'influencer l'é-
lectorat par des affirmations fallacieuses. Elle est en re-
vanche libre d'étayer ses recommandations en évoquant les
conséquences prévisibles de l'issue de la votation, dans un
sens ou dans un autre. Ce faisant, elle ne doit toutefois pas
faire passer de simples opinions pour des données objectives.

   c) Le message (pp. 17-28 de la brochure), commence
par exposer l'objet de la votation, soit la transformation
d'un établissement de droit public en société anonyme de
droit privé; après avoir été accepté par le Grand Conseil
fribourgeois, par 69 voix contre 27, le projet de loi a fait
l'objet d'un référendum. Dès la première page du message, il
est fait référence aux arguments des référendaires - quant au
caractère inéluctable de l'ouverture du marché - et à leur
exposé, qui figure en page 27.

   Selon le message, la forme de la S.A. conviendrait
le mieux aux partenariats par échanges d'actions; il ne
s'agit pas d'une privatisation, puisque l'Etat demeure
actionnaire majoritaire. Il est mentionné que les opposants
préconisent un statut de S.A. de droit public, régi par une
loi spéciale, mais que ce statut ne présenterait pas la sou-
plesse nécessaire puisqu'il ne favorise pas les échanges
d'actions, l'Etat étant au surplus responsable solidaire,
avec les risques que cela implique. Le message reprend ensui-
te ces arguments dans le détail. Il insiste sur la libérali-
sation du marché, la nécessité de donner aux EEF les mêmes
facultés d'adaptation que ses concurrents (pp. 19/20), puis
- en faisant référence à l'argumentaire des opposants,
p. 21 - sur le fait qu'il ne s'agit pas d'une privatisation,
puisque l'Etat reste majoritaire et qu'une véritable privati-
sation serait soumise au Grand Conseil, puis au référendum;
en page 22, le message examine la proposition des opposants
de créer une S.A. de droit public, et rappelle les inconvé-
nients déjà évoqués. Il est ensuite expliqué (p. 23) que les
accords de partenariat ont déjà été conclus et que la trans-
formation préconisée permettrait de les finaliser, faute de
quoi l'avenir des 750 collaborateurs et 105 apprentis des EEF
serait compromis. La qualité du service public ne changera
pas (p. 24). Le message relève ensuite que les EEF sont esti-
mées à 550 millions de fr. (et non 1 milliard comme le pré-
tendent les opposants, p. 25), et expose la stratégie consis-
tant à utiliser 10 à 15% du capital-actions pour sceller les
partenariats, le solde, aliénable à concurrence de 51%, per-
mettant de nouvelles alliances. Le patrimoine resterait dès
lors en mains fribourgeoises. Ces possibilités d'alliances
devraient permettre un approvisionnement à meilleur compte,
en faveur du consommateur (p. 26). Le message reprend ensuite
(p. 27) un argument des opposants selon lequel une S.A. ten-
drait à satisfaire prioritairement ses actionnaires, et
réaffirme que l'actionnariat restera en mains fribourgeoises.
Le message expose enfin que le maintien du statut actuel
empêcherait le développement des EEF, mettant en péril les
emplois (p. 28).

   Les arguments des opposants, exposés en page 29 du
fascicule, partent des prémisses identiques, soit la qualité
du service public actuel, et la nécessité de regroupements en
vue de l'ouverture des marchés. Ils diffèrent en revanche sur
les conséquences de la création d'une S.A. de droit privé: la
rentabilité et le profit deviendraient l'objectif principal,
au préjudice du service public, et les conditions de travail
seraient sacrifiées. La S.A. de droit public permettrait le
maintien du contrôle de la collectivité.

   d) En dépit de la disproportion évidente qui existe
entre la présentation des arguments du Conseil d'Etat et ceux
du comité référendaire, il n'apparaît pas que l'exposé de
l'autorité sur l'objet de la votation soit véritablement ten-
dancieux. Le message contient plusieurs références à l'argu-
mentation principale des opposants, soit essentiellement la
perte de contrôle de la collectivité publique, la dégradation
des prestations et des conditions de travail. Il ne cache pas
l'alternative proposée, soit la création d'une S.A. de droit
public, et en évalue les inconvénients, restant dans le cadre
de ce qui est encore admissible s'agissant de questions d'ap-
préciation (ATF 106 Ia 197). On ne saurait par conséquent
prétendre que les arguments des référendaires ont été simple-
ment ignorés, ni même, comme le soutiennent les recourants,
minimisés ou présentés comme absurdes.

   e) Les recourants soutiennent que certains passages
du message seraient tendancieux: affirmer (p. 17) que les au-
torités et le peuple désireraient que les EEF restent un
fleuron de l'économie cantonale laisserait entendre que le
but des référendaires serait différent. On peut toutefois
comprendre une telle affirmation de manière plus générale, au
regard du but poursuivi par le projet de loi. L'affirmation
selon laquelle "adapter la forme juridique signifie passer
d'un établissement de droit public à une SA de droit privé"
(titre de la p. 18) ne fait que rappeler l'objet même de la
loi, sans forcément faire passer ce moyen comme la seule so-
lution possible. La nécessité d'achever les réformes déjà ac-
complies (p. 23) correspond à une réalité objective, puisque
des partenariats ont effectivement déjà été conclus. Les re-
courants soutiennent que, contrairement à ce que prétend le
message, il existerait "moult alternatives" aux échanges
d'actions. Ils n'en proposent toutefois qu'une seule, soit la
création d'une S.A. de droit public, et cette possibilité est
dûment mentionnée dans le message. La menace sur les emplois
n'apparaît que comme la conséquence de la perte de compétiti-
vité de l'entreprise, si les accords préalables ne peuvent
être finalisés.

   L'autorité qui soutient un projet de loi doit néces-
sairement présenter une vision prospective, qui comporte une
part d'incertitude. Elle doit exposer les objectifs de la ré-
glementation, et indiquer en quoi elle est propre à les at-
teindre. Le message ne va pas au-delà de ce devoir d'informa-
tion, en indiquant, de manière certes péremptoire, que la ré-
forme proposée permettra d'assurer la compétitivité des EEF.
La publication explicative n'est donc pas critiquable sur le
fond.

   f) Elle suscite en revanche d'importantes réserves
quant à la forme. S'il ne nécessite pas de base légale ex-
presse - quand bien même il est financé par les deniers pu-
blics -, le message officiel doit prendre l'aspect habituel
des publications administratives (E. Grisel, Initiative et
référendum populaire, Traité de la démocratie semi-directe en
droit Suisse, 2ème éd., Berne 1997, p. 114 n° 225). Sur ce
point également, l'autorité doit faire preuve d'une certaine
réserve: le fascicule ne saurait être présenté comme un mes-
sage publicitaire ou propagandiste.

   Le texte du message est divisé en chapitres d'une ou
deux pages, qui comportent un titre en gros caractères. Les
points importants du message figurent en caractères gras.
Chaque page comprend en outre un commentaire marginal, en
caractères gras de type différent, ainsi qu'une photographie
assortie d'une légende. Les deux premières pages constituent
un résumé du message. Celui-ci insiste à plusieurs reprises
sur le fait que le patrimoine des EEF restera en mains fri-
bourgeoises, et que le changement de statut est nécessaire au
développement de l'entreprise. Une telle argumentation aurait
certes pu être présentée de manière plus concise, mais l'élé-
ment le plus critiquable du message reste la présence de pho-
tographies qui n'ont aucune valeur explicative et sont assor-
ties de légendes qui se rapprochent parfois de véritables
slogans. En particulier, la photographie de la p. 22 montre
un signal lumineux rouge, avec la légende: "SA de droit pu-
blic: attention danger!". Les autres illustrations sont sou-
vent de simples symboles; elle n'ajoutent rien au contenu du
message. Il est également gênant de constater que certaines
de ces photographies sont les mêmes que celles qui figurent
sur le dépliant du comité "OUI pour l'avenir des EEF". Le ca-
ractère purement illustratif de telles photographies et des
légendes qui les accompagnent ne saurait toutefois échapper à
l'électeur: elles sont situées en bas de page, et la légende
est rédigée en petits caractères. Ces illustrations n'ont
qu'un caractère accessoire au regard du texte principal, et
leur influence sur la formation de la volonté des électeurs
ne paraît pas décisive. Si, comme le relèvent les recourants,
un texte agrémenté de photographies attire plus facilement
l'attention du lecteur, il n'est pas démontré que les illus-
trations choisies augmenteraient la force de persuasion des
arguments proposés.

   g) En définitive, en dépit d'une forme discutable
sur certains points, le message ne fait qu'étayer le point de
vue de la majorité du parlement et du Conseil d'Etat, ce qui
n'est pas en soi critiquable. Les opinions exprimées sont
dans l'ensemble tenues pour telles, et il n'y a pas d'affir-
mations tendancieuses susceptibles d'influencer l'électorat
de manière déloyale.

   h) Les recourants critiquent également le fait que
l'adresse Internet des EEF figure sur la première page du
message. Ils évoquent, certes avec raison, le risque que des
informations non contrôlées figurent à cette adresse, mais ne
tentent pas de démontrer concrètement que ce risque se soit
réalisé en l'espèce; faute de rendre vraisemblable une influ-
ence concrète sur l'électorat, l'argument tombe à faux.

   i) La jurisprudence considère qu'il ne suffit pas
que le message explicatif présente des lacunes pour que le
scrutin soit annulé. Encore faut-il que les irrégularités
constatées aient pu influencer de manière décisive le résul-
tat de la votation (ATF 121 I 1 consid. 5b/aa p. 12, 117 Ia
48 consid. 5b; 114 Ia 446 consid. 7a; 113 Ia 302 consid. 4a,
112 Ia 338 consid. 5). Ainsi, lorsque la différence de voix
est importante, seules de très graves irrégularités sont sus-
ceptibles de remettre en cause la validité du résultat (ATF
113 Ia 291 consid. 4 p. 302). En l'espèce, même si le résul-
tat de la votation constitue un élément de fait intervenu
après le dépôt du recours de droit public, il y a lieu d'en
tenir compte, puisque le pouvoir de décision du Tribunal
fédéral est, comme cela est rappelé ci-dessus, étendu au
scrutin lui-même.

   La loi sur le statut des EEF a été acceptée par
37901 électeurs contre 25771. La différence représente 19%
des bulletins valables. La jurisprudence considère, dans un
tel cas, que seuls des vices particulièrement importants
peuvent justifier l'annulation du scrutin (cf. H.-R. Arta,
Die Rechtsfolgen unzulässiger behördlicher Einflussnahmen auf
kantonale und kommunale Wahlen und Abstimmungen, AJP/PJA 3/96
p. 278-285, 283 et les exemples cités). Il eut fallu en l'oc-
currence que 6065 votants, soit environ 10%, votent différem-
ment pour que l'issue du scrutin se trouve modifiée. Rien ne
permet d'admettre que les lacunes relevées ci-dessus aient pu
influencer d'une quelconque manière le résultat du scrutin.

   5.- Les recourants reprochent également au message
d'être trop onéreux et de ne pas respecter le principe de la
proportionnalité des coûts. Le Conseil d'Etat a retenu que
les douze précédents messages auraient coûté en moyenne
34'000 fr., sans que l'on sache, selon les recourants, com-
ment ce montant a été calculé. Par ailleurs, la brochure li-
tigieuse aurait coûté 52'000 fr., soit 18'000 fr. de plus,
sans égard au fait que deux objets étaient soumis à la vota-
tion. Les illustrations étaient inutilement luxueuses.

   a) Le Tribunal fédéral n'intervient, en vertu du
principe de la proportionnalité, que dans les cas les plus
manifestes, comme lors de financements occultes ou illicites,
ou lorsque le message officiel se présente comme particuliè-
rement - et inutilement - luxueux (Decurtins, op. cit.
p. 178/179, 187, qui évoque le cas d'une brochure en quatre
couleurs sur papier glacé). En dehors de ces cas, et lorsque,
comme en l'espèce, il est démontré que le contenu du message
n'a pas eu d'influence décisive sur l'issue du scrutin, le
Tribunal fédéral doit s'imposer une retenue toute particuliè-
re, car seul se trouve en jeu, en définitive, le principe gé-
néral d'économie de l'administration (op. cit. note 813
p. 179).

   b) Or, les explications du Conseil d'Etat font appa-
raître que les coûts engagés pour la confection du message ne
sont pas exagérés. Rien ne permet de mettre en doute l'éva-
luation à 34'000 fr. des frais de confections (composition,
graphisme et impression) des messages officiels pour les pré-
cédents objets. On ne voit pas pourquoi les frais d'élabora-
tion du message à l'appui de la révision de la constitution
cantonale, qui s'élèvent à 71'000 fr., ne devraient pas être
pris en compte dans l'élaboration de cette moyenne. Les re-
courants relèvent que certaines votations précédentes por-
taient elles aussi sur plusieurs objets, et qu'il n'en a pas
été tenu dans ce calcul. Même si le chiffre de 34'000 fr.
n'est qu'approximatif, il donne une évaluation des sommes dé-
pensées lors des précédentes votations. Le montant de 52'000
fr. est certes sensiblement plus élevé, mais il n'apparaît
pas comme disproportionné. Comme le relève le Conseil d'Etat
dans sa réponse, les brochures explicatives relatives à trois
objets récents (loi sur l'exercice du commerce, Constituante,
loi scolaire et EMS), ont coûté respectivement 53'830 fr.,
70'000 fr. et 71'804 fr., chiffres que les recourants ne con-
testent pas en réplique. L'investissement consenti lors de la
votation litigieuse se situe en retrait de ces montants, de
sorte qu'on ne saurait reprocher à l'autorité d'avoir procédé
à une dépense inhabituelle dans ce domaine. Même si, comme
cela est relevé ci-dessus, on peut douter de l'utilité des
illustrations proposées, le message, dans son ensemble, ne
constitue pas une dépense disproportionnée. En l'espèce, le
papier utilisé était du papier recyclé, choisi par l'Economat
cantonal, et l'usage de la quadrichromie pouvait se justifier
par le fait que la même brochure se rapportait également à la
votation sur la construction d'une route d'évitement; cet ob-
jet justifiait l'insertion de plans, graphiques et montages
explicatifs en couleur.

   Le grief doit par conséquent être écarté.

   6.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être rejeté. Compte tenu de l'objet du litige, il
n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué de dépens.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours.

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens.

   3. Communique le présent arrêt en copie aux
recourants et au Conseil d'Etat du canton de Fribourg.

                         __________

Lausanne, le 4 septembre 2001
KUR/vlc

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,