Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.337/2001
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1P.337/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       9 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay et Féraud.
Greffier: M. Kurz.

                        ___________

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

A.________ , représenté par Me Claude Kalbfuss, avocat à
Monthey,

                           contre

l'arrêt rendu le 16 mars 2001 par la Cour de droit public du
Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui op-
pose le recourant à la Commune de  T r o i s t o r r e n t s
et au Conseil d'Etat du canton du  V a l a i s ;

      (frais et dépens d'une procédure d'affectation)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- Par acte du 10 juillet 1997, A.________, représenté
par Me Claude Kalbfuss, a recouru auprès du Conseil d'Etat
du canton du Valais contre le classement de sa parcelle, par
la Commune de Troistorrents, en zone de constructions et
d'installations publiques. Il demandait le classement en
zone à bâtir centrale. Après avoir répliqué aux observations
communale et cantonale et participé le 15 octobre 1998, avec
son avocat, à une inspection locale, il a passé une conven-
tion accordant un droit de préemption à la commune, moyen-
nant le classement de sa parcelle en zone à bâtir. Le 6 août
1999, il a conclu au classement du dossier, ainsi qu'à l'al-
location de 3000 fr. de dépens pour les douze heures de tra-
vail de son mandataire.

     B.- Par décision du 31 octobre 2000, le Conseil d'Etat
a admis le recours et classé la parcelle en zone à bâtir du
centre. Il a alloué à A.________ une indemnité de dépens de
1000 fr., compte tenu des difficultés de la cause, des écri-
tures produites par l'avocat, de la vision locale et du dé-
compte du 6 août 1999.

     C.- A.________ a saisi le Tribunal cantonal contre le
prononcé relatif aux dépens. La cause présentait selon lui
un enjeu économique considérable. Son mandataire y avait
consacré douze heures et le Conseil d'Etat n'avait pas suf-
fisamment motivé sa décision. La rémunération obtenue était
de l'ordre de 85 fr. par heure, alors que le tarif de l'Or-
dre des avocats prévoyait un taux horaire de 240 fr.

     D.- Par arrêt du 16 mars 2001, la Cour de droit public
du Tribunal cantonal a rejeté le recours (ch. 1 du disposi-
tif), et mis 1200 fr. de frais à la charge de son auteur, en

lui refusant des dépens (ch. 2). La décision du Conseil
d'Etat, quoique brève, mentionnait les dispositions applica-
bles et avait permis à l'intéressé de recourir. L'honoraire
global était situé entre 500 et 8000 fr. Il n'y avait pas
lieu de tenir compte de la valeur litigieuse, car la procé-
dure de classement n'avait pas directement d'objet pécuniai-
re. L'affaire ne présentait pas de difficultés de fait, le
recourant ne soulevait que deux griefs et les observations
ultérieures étaient relativement brèves. La liste de frais
n'avait qu'une valeur indicative et les précédents évoqués
par le recourant, en matière pénale, n'étaient pas perti-
nents.

     E.- A.________ forme un recours de droit public contre
ce dernier arrêt. Il en demande l'annulation, subsidiaire-
ment limitée au ch. 2 de son dispositif.

     La cour cantonale et le Conseil d'Etat ont renoncé à se
déterminer.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- Le recours de droit public est interjeté dans les
formes et le délai utile contre un arrêt final rendu en der-
nière instance cantonale. Le recourant a qualité pour agir
(art. 88 OJ).

     2.- Le recourant se plaint d'arbitraire dans l'appli-
cation des art. 3 al. 1, 26 et 37 al. 3 de la loi du 14 mai
1998 fixant le tarif des frais et dépens devant les auto-
rités judiciaires ou administratives (LTar). La cause
n'était pas simple puisque le propriétaire s'était fondé sur
des renseignements erronés de la commune pour accepter, lors

de la précédente révision du plan, le classement de sa par-
celle en zone d'équipements d'intérêt public. Les intérêts
économiques importants auraient été méconnus: le classement
contesté aurait entraîné un préjudice de 500'000 à
800'000 fr. Le montant de 1000 fr. correspondrait à moins de
quatre heures de travail à 240 fr. (selon le tarif de l'Or-
dre des avocats), durée manifestement insuffisante pour re-
cevoir le client, prendre connaissance du dossier, préparer
le recours, étudier les déterminations des autorités et y
répondre, participer à une vision locale de deux heures et
rédiger une dizaine de lettres. La cour cantonale aurait
aussi fait fi de la situation financière du recourant, alors
que celle-ci ressortait du dossier. Dans une affaire pénale,
le Tribunal fédéral avait estimé que 130 fr. de l'heure
était une rémunération insuffisante, alors que l'indemnité
accordée en l'espèce correspondrait à un tarif de 75 fr. de
l'heure.

     a) Selon la jurisprudence, la partie qui obtient gain
de cause dans une procédure civile ou administrative ne dis-
pose pas d'un droit constitutionnel à l'allocation de dépens
(ATF 104 Ia 9 consid. 1 p. 10). En dehors des cas d'assis-
tance judiciaire, le refus des dépens à une partie ne l'em-
pêche pas de procéder jusqu'à la décision finale: cela
n'équivaut donc pas à un déni de justice formel. L'art. 29
Cst. ne consacre pas davantage un droit à l'allocation de
dépens (cf. Message du Conseil fédéral relatif à une nou-
velle Constitution fédérale, FF 1997 I 183-184). Quant à
l'art. 6 CEDH qui garantit un procès équitable, les parties
ne peuvent pas en tirer un droit à l'allocation d'une in-
demnité pour leurs frais de défense.

     b) C'est donc sur la seule base du droit cantonal que
la décision contestée peut être examinée. Cet examen est li-
mité à l'arbitraire, soit à la méconnaissance grave d'une

norme ou d'un principe juridique clair et indiscuté, heur-
tant de manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité. Le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution re-
tenue que lorsque celle-ci est insoutenable, en contradic-
tion manifeste avec la situation effective, si elle a été
adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit cer-
tain. Il ne suffit pas que la motivation soit insoutenable,
encore faut-il qu'elle apparaisse arbitraire dans son résul-
tat (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170).

     3.- A l'instar de l'art. 91 al. 1 de la loi valaisanne
sur la procédure et la juridiction administratives (LPJA),
l'art. 3 LTar prévoit que les dépens, arrêtés globalement,
couvrent en principe les frais indispensables occasionnés
par le litige. Ils comprennent le remboursement des débours
ainsi que les frais d'avocat. Ces derniers sont, selon
l'art. 26 LTar, fixés entre un minimum et un maximum,
d'après l'importance de la cause, ses difficultés, l'ampleur
du travail, le temps utilement consacré par l'avocat et la
situation financière de la partie. Ils sont en règle gé-
nérale proportionnels à la valeur litigieuse, lorsque
celle-ci peut être déterminée. L'art. 28 LTar prévoit les
cas dans lesquels un montant supérieur - ou inférieur - aux
limites fixées peut être attribué. Pour la procédure de
recours administratif, ces limites sont fixées entre
500 et 8000 fr. (art. 37 al. 2 LTar).

     a) Il résulte de ces dispositions que le droit valaisan
prévoit en principe une rémunération complète du défenseur,
contrairement aux cas d'assistance judiciaire où l'indemnité
est limitée à 60% (art. 29 al. 2 LTar). Les notions de frais
"indispensables" et de temps "utilement" consacré à l'affai-
re indiquent que l'avocat ne peut être rémunéré que pour le
temps nécessaire à la défense de son client. La rémunération
de l'avocat doit ainsi rester dans un rapport raisonnable

avec la prestation fournie. L'autorité doit prendre en con-
sidération l'ensemble des circonstances, soit le temps né-
cessaire consacré à l'affaire, la difficulté et l'importance
de la cause, ainsi que la responsabilité encourue par le
mandataire; elle doit déterminer le poids respectif de ces
divers critères.

     b) Contrairement à ce que soutient le recourant, il
n'est pas arbitraire de considérer que la cause ne présen-
tait pas de valeur litigieuse déterminante. Celle-ci doit en
effet se calculer selon les dispositions du code de procédu-
re civile (art. 27 al. 1 LTar) et permet avant tout de fixer
l'honoraire global dans les affaires civiles de nature pécu-
niaire au sens de l'art. 32 LTar. Or, si le classement de la
parcelle du recourant avait certainement une incidence sur
la valeur de celle-ci, cette incidence ne pouvait être chif-
frée précisément. Le recourant lui-même ne fournit que des
indications vagues à ce sujet.

     c) Il n'en demeure pas moins que l'autorité devait
tenir compte de la nature et de l'importance de la cause,
éléments essentiels pour déterminer le temps nécessaire à
son traitement. Indubitablement, le classement d'une parcel-
le de plus de 8000 m2 en zone à bâtir plutôt qu'en zone
d'intérêt public présentait un enjeu économique important
pour le propriétaire.

     L'avocat du recourant est intervenu après le rejet de
l'opposition formée par A.________. Dans son recours du 10
juillet 1997, qui compte dix pages, il rappelait les as-
surances données par la commune quant au maintien de la va-
leur de la parcelle. Dans la partie en droit du recours, il
invoquait l'absence de motivation de la mesure de classement
et l'existence d'une parcelle voisine, de 8000 m2, apparte-
nant déjà à la commune. Subsidiairement, il invoquait la
protection de la bonne foi, sur le vu des assurances données

par la commune quant à la portée du classement de la par-
celle. Dans sa réponse, la commune de Troistorrents indi-
quait que la parcelle du recourant était utilisée en hiver
pour la pratique du ski. L'avocat s'est déterminé sur trois
pages le 4 novembre 1997. Le Service de l'aménagement du
territoire s'est lui aussi prononcé en confirmant la posi-
tion de la commune. L'avocat s'est à nouveau déterminé, sur
trois pages, le 20 août 1998. Une inspection locale a eu
lieu le 15 octobre 1998 et aurait nécessité deux heures
selon les indications, non contredites, du recourant. A
l'issue de cette séance, la cause a été suspendue afin que
les parties trouvent un arrangement. Le 6 août 1999, l'avo-
cat du recourant a informé l'autorité d'instruction qu'une
convention avait été passée, prévoyant le classement de la
parcelle en zone à bâtir et un droit de préemption de la
commune durant quinze ans. Dans son arrêté du 31 octobre
2000, le Conseil d'Etat a considéré, avec le recourant, que
la commune ne démontrait pas les besoins justifiant le clas-
sement en zone d'intérêt général.

     La cour cantonale retient que les écritures produites
étaient brèves et aérées, mais cela constitue plutôt un élé-
ment favorable à son auteur. Sur le vu des démarches effec-
tuées, dont aucune n'a été jugée superflue, le décompte de
douze heures présenté par l'avocat n'apparaît pas exagéré
pour le traitement de cette cause, qui a duré plusieurs
années, même abstraction faite des démarches ultérieures à
la suspension de la procédure, qui ont conduit à la conven-
tion entre les parties. Quand bien même ce décompte des
heures n'a qu'une valeur indicative, il fait apparaître la
rémunération de 1000 fr., fixée dans le cas d'espèce, comme
manifestement insuffisante et, partant, arbitraire.

     4.- Sur le vu de ce qui précède, l'arrêt attaqué est
annulé. Cette annulation s'étend aux frais mis à la charge
du recourant consécutivement au rejet du recours cantonal,
ce qui dispense d'examiner l'argumentation spécifique du re-
courant à ce propos. Le canton du Valais, dont les intérêts
pécuniaires sont en cause, doit supporter les frais judi-
ciaires (art. 156 al. 2 OJ), ainsi que l'indemnité de dépens
à laquelle le recourant a droit pour la procédure fédérale
(art. 159 al. 1 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                     vu l'art. 36a OJ:

     1. Admet le recours et annule l'arrêt attaqué.

     2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la charge
du canton du Valais.

     3. Alloue une indemnité de dépens de 1500 fr. au recou-
rant, à la charge du canton du Valais.

     4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, à la commune de Troistorrents, au Conseil
d'Etat et à la Cour de droit public du Tribunal cantonal du
canton du Valais.
                        ___________

Lausanne, le 9 juillet 2001
KUR/moh

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
     Le Président,                        Le Greffier,