Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.310/2001
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1P.310/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        29 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Catenazzi et Favre.
Greffier: M. Zimmermann.
                         _________

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

A.________, représenté par Me Freddy Rumo, avocat à la
Chaux-de-Fonds,

                           contre

l'arrêt rendu le 13 mars 2001 par le Tribunal administratif
de la République et canton de Neuchâtel, dans la cause qui
oppose le recourant à la Présidente de l'Autorité tutélaire
du district de  N e u c h a t e l

     (Art. 29 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH; assistance
              judiciaire dans le procès pénal)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- A.________, ressortissant turc né le 1er janvier
1982, a été inculpé d'assassinat, subsidiairement de meur-
tre, ainsi que de brigandage, en relation avec l'homicide de
D.________, perpétré le 28 juin 1999. Son frère B.________,
né le 15 mars 1984, a été inculpé d'instigation à ces dé-
lits. Le Président de l'Autorité tutélaire du district de
Neuchâtel, agissant comme autorité d'instruction selon
l'art. 4 de la loi neuchâteloise sur la procédure pénale ap-
plicable aux enfants et adolescents, du 17 décembre 1974
(LPEA), a ordonné, le 30 juin 1999, le placement d'Emrah et
de B.________ en détention préventive.

     Le 24 août 1999, le Président de l'Autorité tutélaire a
admis la demande d'assistance judiciaire présentée par
A.________ et lui a désigné Me Christophe Schwarb, avocat à
Neuchâtel, comme défenseur d'office.

     Le 25 novembre 1999, A.________ a demandé le changement
de son défenseur d'office, n'étant pas satisfait des
services de Me Schwarb. Les 9 et 20 décembre 1999,
C.________, père de B.________ et A.________, a réitéré
cette requête, en expliquant que ses fils n'avaient pas
besoin d'un avocat.

     Invité à se déterminer, Me Schwarb a, le 20 décembre
1999, rejeté les critiques formulées par C.________ et
A.________ à son encontre, tout en admettant que ses rela-
tions avec C.________ étaient "très tendues".

     Le 6 janvier 2000, Me Freddy Rumo, avocat à La Chaux-
de-Fonds, s'est adressé au Président de l'Autorité tutélaire

pour lui indiquer que C.________ lui avait confié le mandat
de défendre A.________, en précisant que C.________ avait
décidé de "se débrouiller pour assurer les frais de défense
d'A.________". A ce courrier était joint une procuration
établie le 20 décembre 1999 par C.________ en faveur de Me
Rumo. Ce document comporte une mention selon laquelle "le
mandant s'oblige à relever le mandataire et tous les frais
et honoraires".

     Le 11 janvier 2000, le Président de l'Autorité tutélai-
re a invité Me Rumo à lui confirmer que son client renonçait
à l'assistance judiciaire et, dans l'affirmative, à prendre
l'engagement d'assurer la défense d'A.________ "jusqu'à fin
de cause".

     Le 17 janvier 2000, Me Rumo a confirmé au Président de
l'Autorité tutélaire que son client renonçait à l'assistance
judiciaire dans la mesure où il avait décidé de le consul-
ter.

     Le 3 février 2000, le Président de l'Autorité tutélaire
a pris acte du changement de mandataire de Tosun et invité
Me Schwarb à lui soumettre sa liste de frais.

     Le 28 février 2000, le Président de l'Autorité tutélai-
re a clos l'instruction et transmis le dossier à l'Autorité
tutélaire pour jugement.

     L'audience de jugement a été appointée au 30 mai 2000.

     Le 29 mai 2000, Me Rumo a présenté à la Présidente de
l'Autorité tutélaire une demande d'assistance judiciaire
pour le compte d'A.________. Il a fait valoir que celui-ci

était devenu majeur dans l'intervalle et qu'il lui était in-
dispensable de disposer d'une défense indépendante, notam-
ment à l'égard de C.________.

     Par jugement du 31 mai 2000, l'Autorité tutélaire a re-
connu A.________ et B.________ coupables des faits mis à
leur charge. Elle a ordonné leur placement en institution.

     Le 17 janvier 2001, la Présidente de l'Autorité tuté-
laire a rejeté la requête du 29 mai 2000.

     Par arrêt du 13 mars 2001, le Tribunal administratif du
canton de Neuchâtel a rejeté le recours formé par A.________
contre la décision du 17 janvier 2001, et rejeté la demande
d'assistance judiciaire présentée à l'appui du recours. Il a
considéré, en bref, que dès l'instant où Tosun avait renoncé
à l'assistance judiciaire pour mandater un défenseur de son
choix, il ne pouvait plus, après coup, demander à l'autorité
de désigner celui-ci comme défenseur d'office.

     B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du
13 mars 2001 et de renvoyer la cause au Tribunal administra-
tif pour nouvelle décision au sens des considérants. Il re-
quiert en outre l'assistance judiciaire. Il invoque les art.
29 al. 3 Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH.

     Le Tribunal administratif a produit des observations
tendant au rejet du recours.

     La Présidente de l'Autorité tutélaire a renoncé à se
déterminer.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- a) Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce,
le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 126 I 213 consid. 1c p. 216/217; 126
III 534 consid. 1c p. 536; 125 I 104 consid. 1b p. 107; 125
II 86 consid. 5a p. 96, et les arrêts cités). La conclusion
du recours tendant au renvoi de la cause à l'autorité inti-
mée pour nouvelle décision au sens des considérants est
ainsi irrecevable.

     2.- Le recourant se plaint de la violation de son droit
à l'assistance judiciaire, consacré par les art. 29 al. 3
Cst. et 6 par. 3 let. c CEDH.

     a) A teneur de l'art. 29 al. 3 Cst., toute personne qui
ne dispose des ressources suffisantes a droit, à moins que
sa cause ne paraisse dépourvue de toute chance de succès, à
l'assistance judiciaire gratuite; elle a en outre le droit à
l'assistance gratuite d'un défenseur, dans la mesure où la
sauvegarde de ses droits le requiert (cf. pour la jurispru-
dence relative à l'art. 4 aCst., ATF 125 I 161 consid. 3b p.
163; 125 II 265 consid. 4a p. 274/275; 125 V 32 consid. 4a
p. 34/35; 124 I 1 consid. 2a p. 2, 304 consid. 2a p. 306, et
les arrêts cités). Quant à l'art. 6 par. 3 let. c CEDH, in-
voqué parallèlement par le recourant, il donne à tout accusé
le droit de se défendre lui-même ou d'avoir l'assistance
d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de
rémunérer un défenseur, de pouvoir être assisté gratuitement
par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice
l'exigent. Telle qu'elle est invoquée, cette disposition
conventionnelle n'offre pas au recourant une protection plus
étendue que l'art. 29 al. 3 Cst. Il en va de même pour
l'art. 2 de la loi neuchâteloise sur l'assistance judiciaire

et administrative, du 2 février 1999 (LAJA), applicable par
renvoi de l'art. 7 al. 1 LPEA, aux termes duquel cette as-
sistance est accordée aux personnes dont les revenus ou la
fortune ne permettent pas d'assumer les frais nécessaires à
la défense de leur cause. Le grief doit ainsi être examiné,
avec une cognition pleine, uniquement au regard de l'art. 29
al. 3 Cst. (cf. ATF 122 I 49 consid. 2a p. 50; 121 I 60 con-
sid. 2a p. 61/62; 120 Ia 14 consid. 3a p. 15, 179 consid. 3a
p. 181/182 et les arrêts cités).

     b) Il est constant que le recourant se trouvait dans un
cas de défense obligatoire. La seule question à trancher est
celle de savoir si C.________ - en tant que détenteur de
l'autorité parentale sur son fils alors encore mineur - et
le recourant lui-même, après sa majorité, ont renoncé à
l'assistance judiciaire en mandatant Me Rumo pour qu'il
prenne la relève du défenseur d'office. Le Tribunal admi-
nistratif a répondu par l'affirmative, en estimant que, sur
le vu des déterminations des 6 et 17 janvier 2000, il ne
faisait aucun doute que le recourant avait entendu substi-
tuer un défenseur de choix à un défenseur d'office, en ad-
mettant avoir renoncé du même coup à l'assistance judiciai-
re. Le recourant conteste cette appréciation, qu'il tient
pour inconstitutionnelle.

     Le recourant fait valoir que tant lui-même que sa fa-
mille étaient démunis des moyens de rémunérer le défenseur
de choix. Cette affirmation est contredite par le courrier
du 6 janvier 2000, dans lequel Me Rumo a indiqué que la fa-
mille du recourant était prête à prendre en charge les frais
de défense, quitte à se "débrouiller" pour cela. Cette in-
dication ne prêtait à aucune discussion. Elle manifestait
clairement la volonté du recourant et de sa famille, mécon-
tents des services de l'avocat d'office, de ne plus recourir
à l'aide de l'Etat et de désigner un défenseur de leur choix

(cf. aussi l'arrêt P. du 28 janvier 1998, reproduit in: RDAT
1998 II 37 139). A cela s'ajoute que le recourant et sa fa-
mille n'ont fait aucune réserve à la disposition de la pro-
curation mettant à leur charge les frais et honoraires de Me
Rumo. A cet égard, contrairement à ce que semble croire le
recourant, on ne se trouve pas dans le cas où l'accusé, tout
en demandant l'assistance judiciaire, requiert de l'autorité
un changement du défenseur d'office. Si le recourant avait
simplement souhaité un changement de défenseur d'office, no-
tamment pour mener une défense indépendante et de se distan-
cier de son père, il aurait été libre d'adresser une telle
requête au Président de l'Autorité tutélaire. Celui-ci, afin
d'éviter toute équivoque à ce sujet, a pris la sage précau-
tion d'inviter le recourant à préciser ses intentions. Or,
la prise de position du 17 janvier 2000 indique, sans ambi-
guïté, que le recourant a renoncé à l'assistance judiciaire
dès l'instant où il avait choisi d'être défendu par Me Rumo.
Toutes les considérations que fait le recourant pour expli-
quer les motifs qui l'ont conduit à agir de la sorte, notam-
ment pour se protéger de l'influence de son père, sont hors
de propos. Enfin, si dans le cours de la procédure, le re-
courant avait changé d'avis, il lui aurait été loisible de
résilier le mandat établi en faveur de Me Rumo et de présen-
ter une nouvelle demande d'assistance judiciaire au Prési-
dent de l'Autorité tutélaire. Il ne pouvait en revanche,
comme il l'a fait, jouer sur les deux tableaux en désignant
un défenseur de son choix puis réclamer à l'Etat le paiement
des frais de sa défense.

     3.- Le recourant reproche au Tribunal administratif de
ne pas lui avoir accordé l'assistance judiciaire dans la
procédure de recours.

     Le Tribunal administratif a rejeté la demande d'assis-
tance judiciaire (ch. 2 du dispositif de l'arrêt attaqué) et

statué sans frais ni dépens (ch. 3 du dispositif), en consi-
dérant qu'eu égard à l'issue de la cause, la demande d'as-
sistance judiciaire devait être rejetée. En cela, comme le
Tribunal administratif l'a précisé dans sa réponse du 7 juin
2001 (act. 5), l'autorité cantonale a considéré que le re-
courant n'avait pas droit à l'assistance judiciaire dans la
procédure de recours parce que sa démarche était d'emblée
dénuée de chance de succès, au sens de l'art. 2 al. 3 LAJA.
C'est bien ainsi que le recourant a compris l'arrêt attaqué,
lequel aurait cependant pu être plus précis sur ce point. Au
fond, le recours cantonal était effectivement d'emblée voué
à l'échec, pour les raisons qui viennent d'être évoquées. Le
rejet de la demande d'assistance judiciaire pour la procé-
dure cantonale de recours ne heurtait pas l'art. 29 al. 3
Cst.

     4.- Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure où
il est recevable. La demande d'assistance judiciaire pour la
procédure fédérale doit être rejetée, le recours étant d'em-
blée voué à l'échec (art. 152 OJ). Cela étant, compte tenu
de la situation personnelle du recourant, il se justifie de
déroger exceptionnellement à la règle et de ne pas mettre à
sa charge d'émolument judiciaire (art. 156 OJ). L'allocation
de dépens n'entre pas en ligne de compte (art. 159 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours dans la mesure où il est receva-
ble.

     2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

     3. Statue sans frais, ni dépens.

     4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, à la Présidente de l'Autorité tutélaire et au
Tribunal administratif de la République et canton de Neuchâ-
tel.

                         __________

Lausanne, le 29 juin 2001
ZIR/moh

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,