Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.308/2001
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1P.308/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        12 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

T.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 25 avril 2001 par la Commission de revision
pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud;

   (procédure pénale; révision d'une sentence municipale)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- La Police municipale de Lausanne est intervenue
le samedi 12 octobre 1996, à 01h30, à la suite d'une dispute
survenue devant le pub "X.________", à Lausanne.

   Selon les explications fournies aux policiers et
relatées dans le rapport de police établi le 22 octobre 1996,
T.________ et D.________ auraient été pris à partie par des
personnes attablées sur la terrasse de l'établissement alors
qu'ils remontaient la rue du Petit-Chêne. Lors de l'alterca-
tion qui s'ensuivit, D.________ a été griffé au visage et son
T-shirt a été déchiré. L'un des protagonistes encore pré-
sents, A.________, et le gérant du pub ont corroboré les
faits, en précisant toutefois que c'étaient en réalité
D.________ et T.________ qui avaient agressé verbalement les
clients de l'établissement. Les autres personnes impliquées
avaient quitté les lieux lors du constat.

   A.________, T.________ et D.________ ont été dénon-
cés à raison de ces faits à la Commission de police de Lau-
sanne pour contravention à l'art. 30 du règlement général de
police de la Commune de Lausanne.

   Par sentence municipale sans citation du 7 novembre
1996, cette autorité a condamné T.________ à une amende de 90
francs et à 20 francs de frais de procédure, pour avoir trou-
blé l'ordre et la tranquillité publics. Ce dernier a fait op-
position à cette sentence en demandant à recevoir une copie
du rapport de police et à connaître l'identité exacte de ses
dénonciateurs; il contestait avoir pris part à quelque titre
que ce soit à la dispute et avoir troublé la tranquillité et
l'ordre publics.

   Bien que régulièrement cité à comparaître,
T.________ ne s'est pas présenté devant la Commission de po-
lice de Lausanne, qui a confirmé la sentence municipale au
terme d'une nouvelle décision rendue le 11 février 1997, les
frais de procédure à la charge du contrevenant étant portés à
65 francs. Dans un courrier du 24 février 1997, considéré
comme un appel et transmis au Tribunal de police du district
de Lausanne comme objet de sa compétence, il a demandé pure-
ment et simplement l'annulation de cette décision. Après
avoir requis les déterminations de son auteur sur la portée
qu'il convenait de donner à ce courrier, le Président de
cette juridiction a, par prononcé du 2 avril 1997, pris acte
du retrait de l'appel et rayé la cause du rôle.

   B.- Le 15 mars 2001, T.________ a demandé la revi-
sion de la sentence municipale rendue le 7 novembre 1996 et
confirmée le 11 février 1997. A l'appui de sa requête, il se
prévalait notamment d'une lettre que lui avait adressée le 6
mars 2001 la mère de A.________, qui établissait, selon lui,
le caractère calomnieux et infondé de la dénonciation.

   Statuant par arrêt du 25 avril 2001, la Commission
de revision pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
(ci-après: la Commission de revision) a écarté la demande
après avoir considéré que cette lettre ne constituait ni un
fait, ni un moyen de preuve sérieux, dans la mesure où elle
n'apportait aucun élément propre à ébranler les constatations
sur lesquelles la condamnation était fondée et qu'il en al-
lait de même des autres motifs avancés par le requérant.

   C.- Par acte du 26 avril 2001 adressé au Tribunal
fédéral, T.________ a déclaré recourir contre cet arrêt en
concluant à son annulation et à ce qu'ordre soit donné à la
Police municipale de Lausanne de détruire le rapport de dé-
nonciation du 22 octobre 1996. Il reproche à la Commission de
revision de ne pas avoir tenu compte des divers éléments à

décharge et d'avoir confirmé le bien-fondé d'une dénonciation
calomnieuse qui ne reposerait sur aucune pièce du dossier. Il
sollicite la dispense des frais judiciaires.

   La Commission de revision se réfère aux considérants
de son arrêt. Le Ministère public du canton de Vaud conclut
au rejet du recours. La Commission de police de Lausanne a
renoncé à déposer des déterminations et s'en remet à justice.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127
III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).

   a) A teneur de l'art. 84 al. 2 OJ, le recours de
droit public n'est recevable que dans la mesure où les griefs
présentés ne peuvent pas être soumis au Tribunal fédéral par
un autre moyen de droit, tel que le pourvoi en nullité (art.
268 ss PPF; ATF 126 I 97 consid. 1c p. 101; 124 I 223 consid.
1a p. 224; 123 I 313 consid. 1a p. 315). Celui-ci est ouvert
contre les jugements cantonaux relatifs à des infractions de
droit pénal fédéral, mais seulement pour violation du droit
fédéral; il ne permet pas de critiquer les constatations de
fait ni l'application du droit cantonal (art. 247, 268 ch. 1,
269 al. 1, 273 al. 1 let. b PPF; ATF 124 IV 81 consid. 2a
p. 83; 121 IV 104 consid. 2b p. 107). Ces points - mais eux
seuls - peuvent donc être contestés par la voie du recours de
droit public.

   En tant que le litige a pour objet un refus d'entrer
en matière sur une demande de revision et que ce refus pour-
rait être contraire à l'art. 397 CP, le recours de droit pu-
blic permet de faire valoir que les faits ou moyens de preuve

prétendument nouveaux, allégués ou offerts à l'appui de cette
demande, ont été arbitrairement considérés comme déjà invo-
qués devant le premier juge, ou arbitrairement considérés
comme insuffisamment vraisemblables ou convainquants, et ain-
si inaptes à modifier les constatations déterminantes pour
l'application du droit (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67; 116
IV 353 consid. 2b p. 356; 109 IV 173 et les références ci-
tées).

   En l'espèce, le recourant tient pour arbitraire le
refus de la Commission de revision de prendre en considéra-
tion les éléments à décharge invoqués à l'appui de sa demande
de revision. Suivant la jurisprudence précitée, c'est par la
voie du recours de droit public que cet argument doit être
soulevé.

   b) Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de re-
cours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé suc-
cinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il
est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a pas à vérifier d'office si l'arrêt attaqué est en tous
points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment moti-
vés dans l'acte de recours (ATF 126 III 534 consid. 1b p. 536
et l'arrêt cité). Une motivation brève, comportant une réfé-
rence indirecte à la violation de droits constitutionnels non
expressément désignés peut, suivant les circonstances, satis-
faire aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, notamment
lorsque, comme en l'espèce, le recours est interjeté par une
personne ne bénéficiant pas d'une formation juridique (cf.
ATF 115 Ia 12 consid. 2b p. 14). En revanche, dans un recours
pour arbitraire, le recourant ne peut se contenter de criti-
quer l'arrêt attaqué, mais il doit au contraire préciser en
quoi cet arrêt serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif
sérieux et objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant

gravement le sens de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p.
495 et les arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF
126 I 168 consid. 3a p. 170 et la jurisprudence citée).

   C'est à la lumière de cette jurisprudence qu'il con-
vient d'examiner le mérite du recours qui répond par ailleurs
aux exigences des art. 84 ss OJ, sous réserve de la conclu-
sion tendant à ce que la Police municipale de Lausanne soit
invitée à détruire le rapport de dénonciation du 22 octobre
1996, incompatible avec la nature cassatoire de cette voie de
droit (cf. ATF 127 II 1 consid. 2c p. 5 et la jurisprudence
citée).

   2.- a) Aux termes des art. 397 CP et 455 al. 1 du
Code de procédure pénale vaudois (CPP vaud.), qui s'appli-
quent également aux sentences municipales (cf. François de
Montmollin, La révision pénale selon l'article 397 CPS et les
lois vaudoises, thèse Lausanne 1981, p. 93), la voie de la
revision est ouverte lorsque des faits ou des moyens de preu-
ve sérieux, de nature à établir l'innocence du condamné ou à
faire douter de la légitimité de la condamnation, et dont le
juge n'avait pas eu connaissance, viennent à être invoqués.

   Les faits ou moyens de preuve sont nouveaux, au sens
de ces dispositions, lorsque le juge n'en a pas eu connais-
sance au moment où il s'est prononcé, autrement dit ne lui
ont pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 122 IV
66 consid. 2a p. 67; 120 IV 246 consid. 2a p. 248; 117 IV 40
consid. 2a p. 42; 116 IV 353 consid. 3a p. 357) ou n'en a ma-
nifestement pas pris connaissance par suite d'une inadvertan-
ce (ATF 122 IV 66 consid. 2b p. 68). Ils sont sérieux lors-
qu'ils sont propres à ébranler les constatations de fait sur
lesquels se fonde la condamnation et qu'un état de fait ainsi
modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable
au condamné (ATF 122 IV 66 consid. 2a p. 67 et les arrêts ci-
tés).

   b) En l'espèce, le recourant reproche à l'autorité
intimée de ne pas avoir tenu compte des divers éléments à
décharge postérieurs à la sentence municipale litigieuse, qui
démontreraient, selon lui, le caractère infondé et calomnieux
de la dénonciation.

   Il se réfère notamment à une lettre de D.________ du
5 novembre 1997 établie à sa requête à l'attention de la Com-
mission de police de Lausanne, confirmant qu'il n'avait pas
participé activement à la dispute. Ce témoignage ne porte pas
sur un fait nouveau, car le recourant avait déjà affirmé,
dans le cadre de son opposition, qu'il avait assisté comme
témoin à la dispute et qu'il n'y avait pas pris part, pour
contester sa condamnation. Il doit en revanche être considéré
comme un moyen de preuve nouveau dans la mesure où il était
inconnu du juge qui a statué. Le recourant aurait certes pu
requérir l'audition de D.________ dans le cadre des voies de
droit ordinaires à sa disposition. Cependant, ni l'art. 397
CP, ni le droit cantonal de procédure ne font dépendre la re-
cevabilité d'une demande de revision fondée sur un moyen de
preuve nouveau de l'impossibilité pour le requérant de le
faire valoir dans le cadre de la procédure ayant abouti à sa
condamnation (cf. sur ce point, François de Montmollin, op.
cit., p. 120). De ce point de vue, la lettre de D.________
constitue un nouveau moyen de preuve recevable. Pour le sur-
plus, l'arrêt attaqué ne fait aucune référence à ce témoigna-
ge, sans toutefois que l'on puisse dire que la Commission de
revision l'aurait ignoré. Peu importe en définitive de savoir
ce qu'il en est réellement, car ce moyen de preuve n'est de
toute manière pas de nature à modifier la sentence municipale
attaquée.

   T.________ a en effet été condamné pour avoir trou-
blé l'ordre et la tranquillité publics sur la base des témoi-
gnages concordants de A.________ et du gérant du pub, suivant
lesquels D.________ et T.________ avaient agressé verbalement

les clients attablés sur la terrasse de l'établissement. Le
fait que le recourant n'a pas participé activement à la
dispute qui s'ensuivit n'exclut pas qu'il ait troublé la
tranquillité publique lors de l'altercation verbale qui l'a
précédée. De ce point de vue, il n'est pas insoutenable de
retenir que le témoignage de D.________ était impropre à re-
mettre en cause les constatations de fait sur lesquelles se
fonde la condamnation du recourant et, partant, à entraîner
un jugement plus favorable.

   Quant à la déclaration de la mère de A.________, la
Commission de revision pouvait sans autre admettre qu'elle ne
constituait pas un moyen de preuve sérieux, au sens de la
jurisprudence précitée, pour les motifs invoqués dans l'arrêt
attaqué. Le fait que A.________ ne soit, d'une manière géné-
rale, pas digne de foi parce qu'il aurait une mauvaise con-
duite et serait porté à la délinquance ne signifie en effet
pas qu'il aurait menti concernant le déroulement des faits
survenus le 12 octobre 1996, ce d'autant que son témoignage
est corroboré par celui du gérant du pub.

   Pour le surplus, les critiques du recourant revêtent
un caractère appellatoire qui n'est pas compatible avec les
exigences de motivation de l'art. 90 al. 1 let. b OJ et sont
de ce fait irrecevables.

   3.- Le recours doit par conséquent être rejeté en
tant qu'il est recevable. Dans la mesure où la Commission de
revision ne s'est pas expressément prononcée sur la portée du
témoignage de D.________, on ne saurait admettre que le re-
cours était d'emblée dénué de toute chance de succès; la de-
mande d'assistance judiciaire doit ainsi être admise sous la
forme d'une dispense des frais judiciaires (art. 152 al. 2
OJ). Pour le surplus, il n'y a pas lieu à l'allocation de dé-
pens (art. 159 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours, dans la mesure où il est re-
cevable;

   2. Admet la demande d'assistance judiciaire en ce
sens qu'il n'est perçu aucun émolument judiciaire;

   3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

   4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, à la Commission de police de Lausanne, ainsi qu'au Mi-
nistère public et à la Commission de revision pénale du Tri-
bunal cantonal du canton de Vaud.

                        _____________

Lausanne, le 12 juin 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,