Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.250/2001
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1P.250/2001/viz

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
        ********************************************

                      23 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay et Aeschlimann.
Greffier: M. Jomini.

                       _____________

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

F.________, à Glion, représenté par Me Pierre Heinis, avocat
à Neuchâtel,

                           contre

l'arrêt rendu le 5 mars 2001 par le Tribunal administratif
de la République et canton de Neuchâtel, dans la cause qui
oppose le recourant à l'Etat de Neuchâtel, représenté par
son Conseil d'Etat, et à la Ville de Neuchâtel, représentée
par son Conseil communal;

                  (expropriation formelle)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.-  Le Grand Conseil de la République et canton de
Neuchâtel a adopté le 31 janvier 2000 un décret déclarant
d'utilité publique la construction de la halle de sport tri-
ple de la Riveraine, à la rue du Littoral, à Neuchâtel. Aux
termes de l'art. 1er de ce décret, le Conseil d'Etat reçoit
tous pouvoirs pour acquérir à l'amiable ou par voie d'expro-
priation les biens-fonds, tous droits réels ou personnels
sur des immeubles et ceux découlant de droits de voisinage
qui pourraient être nécessaires à l'exécution des travaux.
Selon l'art. 2 du décret, la loi cantonale sur l'expropria-
tion pour cause d'utilité publique (LEXUP) est applicable en
cas d'expropriation.

     Le projet de halle de sport a été élaboré par l'Etat de
Neuchâtel et la Ville de Neuchâtel, destinés à en être les
copropriétaires. Ce bâtiment - de forme carrée, de 46 m de
côté - doit être implanté pour l'essentiel sur le domaine
public cantonal (terrain remblayé au bord du lac), avec un
empiétement sur la parcelle n° 13820, propriété de l'Etat de
Neuchâtel et dont la Ville de Neuchâtel est superficiaire
(elle y a aménagé un terrain de football). Cet empiétement
correspond à la partie est de la halle, soit une bande de
11 m de large sur 46 m de long.

     La parcelle n° 13820 est par ailleurs grevée d'une ser-
vitude de "limitation du droit de construire" au profit des
parcelles nos 7961, 7962, 7963 et 7964: seules y sont admi-
ses les constructions propres à desservir un stade sportif,
et dont la hauteur ne dépasse pas 6,5 m à compter de la cote
432,5 m (niveau du sol). Les quatre fonds dominants, conti-
gus, appartiennent à F.________; des immeubles d'habitation
y sont construits.

     Comme la halle de sport projetée atteint, à son niveau
le plus élevé, la cote de 446 m, le Conseil d'Etat a engagé,
avec le Conseil communal de Neuchâtel, une procédure d'ex-
propriation partielle de la servitude précitée, sur la bande
de terrain correspondant à l'empiétement prévu sur la par-
celle 13820. Le projet a été mis à l'enquête publique du 13
avril au 2 mai 2000 (cf. art. 19 LEXUP) et, en outre, un
avis personnel a été notifié à F.________ (cf. art. 20
LEXUP). Ce dernier a ensuite déposé une opposition à l'ex-
propriation (art. 26 LEXUP), en faisant valoir que la réali-
sation du projet ne serait pas justifiée par un intérêt pu-
blic suffisant et que l'atteinte à ses droits serait dispro-
portionnée, d'autres implantations étant possibles selon
lui. Le Département cantonal de la gestion du territoire a
rejeté cette opposition par une décision rendue le 20 juin
2000.

     F.________ a recouru contre cette décision auprès du
Tribunal administratif cantonal, en se plaignant d'une vio-
lation du principe de la proportionnalité. Le Tribunal admi-
nistratif a rejeté le recours par un arrêt rendu le 5 mars
2001. Il a considéré, en substance, qu'il était impossible
de déplacer la halle de sport suffisamment vers l'est
(recte: vers l'ouest), pour éviter tout empiétement sur
l'assiette de la servitude litigieuse, car le nouveau bâti-
ment serait alors trop proche d'une salle omnisports exis-
tante et, en outre, parce que cela nécessiterait la suppres-
sion ou le déplacement d'une voie publique, la rue du Litto-
ral. Un déplacement de la halle vers le nord, plus près des
immeubles d'habitation de F.________, ne permettrait de ré-
duire que de façon négligeable l'étendue de l'expropriation,
en supprimant par ailleurs des dégagements à proximité de
ces habitations. Le Tribunal administratif a encore retenu
que le site de la halle de sport avait été soigneusement
choisi, à l'issue d'une étude de variantes, et que la procé-

dure d'expropriation avait été engagée après l'échec de
transactions avec le propriétaire des fonds dominants.

     B.-  Le projet de halle de sport de la Riveraine est le
résultat d'un concours d'architecture. Un plan de quartier a
été établi et une procédure d'autorisation de construire a
été introduite. F.________ s'est opposé à l'octroi du permis
de construire; son opposition a été rejetée et il a recouru
en vain auprès du Tribunal administratif; l'arrêt rendu le 6
juillet 2000 dans cette contestation est entré en force.

     C.-  Agissant par la voie du recours de droit public,
F.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt
rendu le 5 mars 2001 par le Tribunal administratif au sujet
de son opposition à l'expropriation. Il se plaint d'une vio-
lation de la garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.),
l'expropriation ne respectant pas le principe de la propor-
tionnalité.

     L'Etat de Neuchâtel et la Ville de Neuchâtel concluent
au rejet du recours.

     D.-  Par une ordonnance rendue le 18 mai 2001, le Pré-
sident de la Ie Cour de droit public a rejeté la demande
d'effet suspensif présentée par le recourant.

          C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

     1.-  Les conditions de recevabilité du recours de droit
public (art. 86 à 90 OJ) sont réalisées.

     2.-  a)  Le recourant se plaint d'une violation de la
garantie de la propriété (art. 26 al. 1 Cst.) en invoquant
le principe de la proportionnalité. En vertu de la Constitu-

tion fédérale, toute restriction à un droit fondamental doit
respecter ce principe (art. 36 al. 3 Cst.). Le droit canto-
nal le consacre également, l'art. 6 LEXUP disposant que le
droit d'exproprier ne peut être exercé que dans la mesure
nécessaire pour atteindre le but recherché.

     La jurisprudence a précisé la portée du principe de la
proportionnalité en matière d'expropriation. Il ne signifie
pas que l'atteinte à la propriété doive se limiter à ce qui
est absolument indispensable à la réalisation de l'ouvrage
d'intérêt public; elle peut au contraire s'étendre à tout ce
qu'exige, tant du point de vue juridique que technique,
l'exécution adéquate dudit ouvrage. De ce point de vue,
l'intérêt public à éviter des charges et des frais dispro-
portionnés pour la collectivité entre en considération (ATF
105 Ib 187 consid. 6a p. 195; 99 Ia 473 consid. 4b p. 477).
Par ailleurs, la règle de la nécessité, composante du prin-
cipe de la proportionnalité, empêche la collectivité d'ex-
proprier sans motifs objectifs des biens-fonds supplémentai-
res quand elle dispose déjà de terrains où son projet pour-
rait être réalisé. Il incombe donc à la collectivité de jus-
tifier son choix, de telle sorte qu'il en résulte que, dans
le périmètre envisageable pour l'ouvrage, le terrain choisi
se prête effectivement de manière adéquate à l'affectation
prévue (ATF 114 Ia 114 consid. 4c/cb p. 120 et consid. 4c/cf
p. 124; cf. aussi Pierre Moor, Droit administratif, vol.
III, Berne 1992, p. 404).

     Le Tribunal fédéral examine librement si une mesure sa-
tisfait au principe de la proportionnalité; il s'impose tou-
tefois une certaine retenue lorsqu'il doit tenir compte de
circonstances locales, établies par la juridiction cantona-
le, ou se prononcer sur de pures questions d'appréciation

(ATF 121 I 117 consid. 3c p. 121; 119 Ia 88 consid. 5c/bb p.
96, 348 consid. 2a p. 353 et les arrêts cités).

     b)  Le recourant reproche au Tribunal administratif
d'avoir ignoré une variante consistant à construire à la
halle de sport à un autre emplacement à Neuchâtel, soit à
l'endroit où se trouve le bâtiment dénommé "Palexpo" (recte:
"Panespo"), ce bâtiment ayant un caractère temporaire, donc
étant voué à la démolition à moyen ou court terme.

     Le Tribunal administratif a considéré que l'emplacement
choisi, à la rue du Littoral, résultait d'une réflexion et
d'une analyse des critères déterminants, et qu'il se fondait
sur des motifs suffisants et connus, exposés dans des docu-
ments officiels établis en vue de l'octroi de crédits ou de
l'adoption du plan de quartier. Le site de "Panespo" ne fait
pas partie des variantes mentionnées dans l'arrêt attaqué;
il apparaît toutefois que le recourant ne l'avait pas propo-
sé dans son recours au Tribunal administratif. Quoi qu'il en
soit, il ne démontre pas que ce site serait effectivement
disponible, la Ville intimée contestant au demeurant que la
démolition du bâtiment existant soit prévue à l'heure actu-
elle. Cet argument n'est donc pas concluant, au regard des
critères posés par la jurisprudence.

     c)  Le recourant se réfère à l'arrêt attaqué qui re-
tient que les contraintes liées à la présence d'une salle
omnisports et au tracé de la rue du Littoral empêchent un
déplacement de la halle de sport litigieuse vers l'est
(recte: vers l'ouest), permettant de supprimer l'empiétement
sur le fonds servant. Or, selon le recourant, il aurait
également fallu étudier un déplacement vers l'est (recte:
vers l'ouest) moins important, propre à réduire tout de même

l'empiétement et donc à mieux préserver les droits du béné-
ficiaire de la servitude.

     Il convient de relever, à ce propos, que la parcelle
grevée, aménagée en terrain de football, est vaste et que la
partie de l'assiette visée par la procédure d'expropriation
est proportionnellement peu importante; le dégagement garan-
ti par la servitude litigieuse à l'avant des bâtiments du
recourant n'est pour l'essentiel pas compromis par la réali-
sation du projet de l'expropriant. Cet élément doit être
pris en considération dans l'application du principe de la
proportionnalité.

     Cela étant, il ressort clairement de l'arrêt attaqué
que l'exécution adéquate, sans frais disproportionnés, de
l'ouvrage ne saurait se concevoir avec une suppression ou un
déplacement de la rue du Littoral, longeant la face ouest de
la halle de sport projetée. Or il serait exclu de déplacer
de manière significative cette halle en direction de l'ouest
tout en maintenant le tracé actuel de la rue du Littoral. Le
déplacement de cette rue coûterait selon l'arrêt attaqué un
million de francs, sans que le nouvel aménagement présente
de véritables avantages pour les riverains, en l'occurrence
les locataires du recourant. Sur ces questions relevant de
l'appréciation et de l'évaluation des circonstances locales,
le Tribunal fédéral n'a aucun motif de s'écarter des consi-
dérations du Tribunal administratif, qui ne sont pas sérieu-
sement contestées par le recourant. Il en résulte que le re-
fus d'ordonner un déplacement de la halle de sport vers
l'ouest est compatible avec le principe de la proportionna-
lité.

     3.-  Le recours de droit public, en tous points mal
fondé, doit en conséquence être rejeté.

     Le recourant, qui succombe, doit payer l'émolument ju-
diciaire conformément aux art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ.
Les collectivités intimées n'ont pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours;

     2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la charge
du recourant;

     3. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

     4. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Conseil communal de la Ville de Neuchâtel,
au Conseil d'Etat, au Département de la gestion du territoi-
re et au Tribunal administratif de la République et canton
de Neuchâtel.

                        ____________

Lausanne, 23 juillet 2001
JIA

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
        Le Président,                   Le Greffier,