Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.222/2001
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1P.222/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                        26 avril 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante.  Greffier: M. Parmelin.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

A.         , à Neuchâtel, représenté par
Me Basile Schwab, avocat à La Chaux-de-Fonds,

                           contre

l'arrêt rendu le 16 février 2001 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel, dans la
cause opposant le recourant au Ministère public du canton de
N e u c h â t e l;

     (art. 29 al. 2, 32 al. 2 Cst. et 6 § 3 let. d CEDH;
       droit à l'interrogatoire d'un témoin à décharge)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Par décision du 5 octobre 1999, la Commission
administrative du Service cantonal des automobiles du canton
de Neuchâtel a ordonné le retrait du permis de conduire de
A.________ pour une durée d'un mois, dès le 3 avril 2000.

   Le 16 avril 2000, à 05h30, A.________ et son frère,
B.________, ont été interpellés par la police cantonale
neuchâteloise alors qu'ils circulaient sur la route principa-
le reliant Fleurier aux Verrières. Selon le procès-verbal
établi le 19 avril 2000 par les appointés C.________ et
D.________, A.________ se trouvait au volant du véhicule.

   A.________ a été renvoyé le 11 mai 2000 à raison de
ces faits devant le Tribunal de police du district du Val-de-
Travers pour avoir circulé alors qu'il était sous le coup
d'un retrait du permis de conduire. Il a produit une "décla-
ration sur l'honneur" établie le 14 juin 2000 par son frère
aux termes de laquelle celui-ci affirmait être le conducteur
du véhicule lors du contrôle de police. Le Président du tri-
bunal a entendu l'appointé D.________ lors de son audience du
3 juillet 2000. Il a fixé une nouvelle audience le 13 novem-
bre 2000 aux fins d'entendre le gendarme C.________ et
B.________. Le 8 novembre 2000, ce dernier a informé le juge
qu'il ne serait pas en mesure de se rendre en Suisse pour
assister à l'audience en demandant qu'il soit tenu compte de
sa "déclaration sur l'honneur", dont il confirmait en tout
point la teneur. L'appointé C.________ a en revanche été en-
tendu et a fait des déclarations semblables à celles de son
collègue D.________.

   B.- Statuant par jugement du 13 novembre 2000, le
Tribunal de police du district du Val-de-Travers a condamné
A.________ à une peine de dix jours d'arrêts ainsi qu'à une
amende de 200 fr. pour avoir circulé au volant de son véhi-
cule alors qu'il était sous le coup d'un retrait du permis de
conduire. Il a renoncé à révoquer la possibilité de radiation
de l'amende prononcée le 16 novembre 1999 par l'Office du
Juge d'instruction III de Bern-Mittelland. Sur le plan for-
mel, il a écarté la requête d'audition de B.________ en qua-
lité de témoin parce que cette mesure d'instruction n'était
pas de nature à modifier sa conviction. Sur le fond, il a
considéré que la version des gendarmes était plus crédible
que celle du prévenu et de son frère, compte tenu notamment
du fait que les agents de police n'avaient aucun intérêt à ce
que le prévenu soit condamné, qu'entendus séparément, ils
avaient fait des déclarations concordantes et qu'ils se sou-
venaient bien de cette affaire parce que A.________ avait
insisté auprès d'eux pour qu'ils "laissent tomber".

   Ce dernier a recouru sans succès contre ce jugement
auprès de la Cour de cassation pénale du canton de Neuchâtel.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt ren-
du par cette juridiction le 16 février 2001 ainsi que le ju-
gement rendu le 13 novembre 2000 par le Tribunal de police du
district du Val-de-Travers et de renvoyer la cause à l'auto-
rité cantonale pour nouveau jugement après audition de
B.________. Il voit une violation de son droit à l'audition
des témoins à décharge consacré aux art. 6 § 3 let. d CEDH et
29 Cst. dans le refus du juge de première instance d'entendre
son frère en qualité de témoin. Il voit également une viola-
tion du droit cantonal de procédure dans le fait qu'aucun
procès-verbal d'audition n'a été tenu lors de leur interpel-
lation. Il requiert l'assistance judiciaire.

   La Cour de cassation pénale se réfère à son arrêt.
Le Ministère public du canton de Neuchâtel a renoncé à formu-
ler des observations.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral ne peut être formé que pour viola-
tion du droit fédéral, à l'exception de la violation directe
d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF). Il n'est
en revanche pas ouvert pour invoquer la violation directe
d'un droit constitutionnel (ATF 120 IV 113 consid. 1a p. 114)
ou d'un droit découlant de la CEDH (ATF 121 IV 104 consid. 2b
p. 207; 119 IV 107 consid. 1a p. 109). Au vu des arguments
soulevés, seule la voie du recours de droit public est ouver-
te en l'espèce.

   b) Le recourant est directement touché par l'arrêt
attaqué qui confirme sa condamnation pénale à une peine de
dix jours d'arrêts. Il a un intérêt personnel, actuel et ju-
ridiquement protégé à ce que cet arrêt soit annulé et a, par-
tant, qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Formé en
temps utile contre une décision finale rendue en dernière
instance cantonale, le recours répond également aux réquisits
des art. 86 al. 1 et 89 al. 1 OJ.

   c) Selon la jurisprudence constante, le recours de
droit public ne peut tendre en principe qu'à l'annulation de
la décision attaquée (ATF 127 II 1 consid. 1c p. 5; 125 I 104
consid. 1b p. 107 et les arrêts cités). A titre exceptionnel,

la conclusion tendant à l'annulation du jugement de l'autori-
té inférieure est recevable lorsque le pouvoir d'examen de
l'autorité cantonale de recours est plus restreint que celui
du Tribunal fédéral ou lorsque le recours de droit public
porte à la fois sur des points qui pouvaient être soumis à
l'autorité cantonale de recours et sur des points pour les-
quels il n'existe pas de recours cantonal (ATF 125 I 492
consid. 1a/aa p. 493/494; 120 Ia 19 consid. 2b p. 23; 118 Ib
165 consid. 2b p. 169 et les arrêts cités). Tel n'est pas le
cas en l'espèce, de sorte que le recours est irrecevable en
tant qu'il conclut à l'annulation du jugement rendu le 13 no-
vembre 2000 par le Tribunal de police du district du Val-de-
Travers.

   d) Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de re-
cours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé suc-
cinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques
violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il
est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral
n'a pas à vérifier d'office si l'arrêt attaqué est en tous
points conforme au droit et à l'équité. Il n'examine que les
griefs d'ordre constitutionnel invoqués et suffisamment moti-
vés dans l'acte de recours (ATF 126 III 534 consid. 1b p. 536
et l'arrêt cité). Par ailleurs, dans un recours mettant en
cause une appréciation anticipée arbitraire des preuves ou
une application insoutenable du droit cantonal de procédure,
le recourant ne peut se contenter de critiquer l'arrêt atta-
qué, mais il doit au contraire préciser en quoi celui-ci se-
rait arbitraire, ne reposant sur aucun motif sérieux et
objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le
sens de la justice (ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les
arrêts cités; sur la notion d'arbitraire, cf. ATF 126 I 168
consid. 3a p. 170 et la jurisprudence citée).

   C'est à la lumière de ces principes qu'il convient
d'examiner le mérite du recours.

   aa) Le recourant voit une violation des art. 6 § 3
let. d CEDH et 29 Cst. dans le refus du Président du Tribunal
de police du district du Val-de-Travers de procéder à l'audi-
tion de B.________.

   Selon l'art. 6 § 3 let. d CEDH, tout accusé a le
droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à char-
ge et d'obtenir la convocation et l'interrogatoire des té-
moins à décharge dans les mêmes conditions que les témoins à
charge. Ce droit découle aussi des art. 29 al. 2 et 32 al. 2
Cst. (Message du Conseil fédéral du 20 novembre 1996 relatif
à une nouvelle Constitution fédérale, FF 1997 I 189; pour la
jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst., ATF 125
I 127 consid. 6b p. 133; 124 I 274 consid. 5b p. 284; 121 I
306 consid. 1b p. 308 et les arrêts cités). Contrairement à
la situation qui prévaut pour les témoins à charge, le droit
à l'audition des témoins à décharge n'est pas absolu; le juge
peut ainsi refuser l'interrogatoire d'un témoin à décharge
si, au terme d'une appréciation non arbitraire des éléments
déjà recueillis, il parvient à la constatation que l'adminis-
tration de la preuve sollicitée n'est pas en mesure de modi-
fier sa conviction, même si elle devait conduire à un résul-
tat favorable au requérant (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p.
135 et les références citées; voir aussi ATF 125 I 417
consid. 7a p. 430; JAAC 1995 n° 134, p. 2001).

   Il appartient à celui qui sollicite l'administration
d'un moyen de preuve d'expliquer en quoi celui-ci revêtirait
une importance décisive pour l'issue du litige. Or, le recou-
rant n'indique pas sur quels points déterminants non évoqués
dans la "déclaration sur l'honneur" du 14 juin 2000 son frère
aurait dû être entendu, de sorte qu'il n'est pas possible

d'apprécier la pertinence et la nécessité de cette mesure
d'instruction (cf. ATF 103 Ib 192 consid. 4b p. 196/197).
Faute d'une motivation conforme aux exigences de l'art. 90
al. 1 let. b OJ, le moyen tiré de la violation des art. 6 § 3
let. d CEDH et 29 al. 2 Cst. est irrecevable (ATF 126 III 524
consid. 1b déjà cité). Au demeurant, pour les motifs évoqués
dans le jugement de première instance, auxquels il peut être
sans autre renvoyé (cf. art. 36a al. 3 OJ), le Tribunal de
police du district du Val-de-Travers pouvait, sans verser
dans l'arbitraire, tenir l'audition de B.________ pour super-
flue.

   bb) Le recourant voit également une violation du
droit cantonal de procédure dans le fait qu'aucun procès-
verbal d'interrogatoire ou d'audition n'a été établi le jour
des faits.

   Il n'y a pas lieu d'examiner si les dispositions du
Code de procédure pénale neuchâtelois, auxquelles se réfère
le recourant, accordent ou non au prévenu un droit à ce qu'un
procès-verbal d'audition soit dressé et signé des personnes
concernées lors d'un contrôle de police, car le recours est
de toute manière irrecevable sur ce point. L'autorité intimée
a en effet considéré que les droits du recourant avaient été
sauvegardés par la possibilité qui lui avait été donnée de
poser les questions qu'il estimait utiles aux gendarmes ayant
procédé à son interpellation. Le recourant ne cherche pas à
démontrer en quoi cette motivation serait arbitraire, comme
il lui appartenait de le faire. Le recours ne répond pas sur
ce point également aux exigences de l'art. 90 al. 1 let. b
OJ, telles qu'elles ont été précisées par la jurisprudence
(ATF 126 III 524 consid. 1b déjà cité).

   2.- Le recours est dès lors irrecevable. Tel qu'il
était motivé, il était d'emblée dénué de chances de succès,

de sorte qu'il convient de rejeter la demande d'assistance
judiciaire. Vu la situation financière précaire du recourant,
il peut exceptionnellement être renoncé à la perception d'un
émolument judiciaire (art. 154 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

               vu l'art. 36a OJ:

   1. Déclare le recours irrecevable.

   2. Rejette la demande d'assistance judiciaire.

   3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

   4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Ministère public et à la Cour de cassa-
tion pénale du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel.

Lausanne, le 26 avril 2001
PMN/BMH

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,