Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.21/2001
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1P.21/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       9 février 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont Veu-
they, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

X.________

                           contre

l'arrêt rendu le 28 novembre 2000 par la Cour de modération
du Tribunal cantonal du canton de Fribourg;

     (rémunération de l'avocat d'office; voie de droit)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.- Par arrêt du 20 avril 2000, le Président de la
Chambre pénale du Tribunal cantonal du canton de Fribourg a
désigné Me X.________, avocat à Fribourg, en qualité de dé-
fenseur d'office de Y.________, pour l'assister dans la pro-
cédure en appel ouverte contre ce dernier.

     Statuant le 2 octobre 2000, la Cour d'appel pénal du
Tribunal cantonal du canton de Fribourg (ci-après, la Cour
d'appel pénal) a rejeté le recours en appel dirigé contre
Y.________. Par arrêt du même jour, elle a fixé à 600 fr.,
plus 45 fr. pour la TVA, l'indemnité équitable due à
X.________ pour la défense d'office de Y.________ devant
elle.

     Le 26 octobre 2000, X.________ a recouru contre ce der-
nier arrêt auprès de la Cour de modération du Tribunal can-
tonal du canton de Fribourg (ci-après, la Cour de modération
ou la cour cantonale) en concluant à l'allocation d'une in-
demnité de 1'559.50 fr., débours et TVA compris.

     Cette autorité a déclaré le recours irrecevable par ar-
rêt du 28 novembre 2000. Se fondant sur la systématique de
la loi et sur la solution retenue pour les dépens en matière
civile, elle s'est déclarée incompétente pour connaître des
recours formés contre les décisions de la Cour d'appel pénal
prises en vertu de l'art. 27 de la loi fribourgeoise du 4
octobre 1999 sur l'assistance judiciaire (LAJ frib.).

     B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
qu'il tient pour arbitraire et de renvoyer la cause à la

Cour de modération pour nouvelle décision au sens des con-
sidérants.

     La Cour d'appel pénal et la Cour de modération n'ont
pas formulé d'observations.

         C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

     1.- Formé en temps utile contre une décision finale
prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être at-
taquée que par la voie du recours de droit public et qui
touche le recourant dans ses intérêts juridiquement proté-
gés, dans la mesure où l'art. 24 LAJ frib. garantit un mon-
tant équitable au défenseur d'office, le recours est rece-
vable au regard des art. 84 ss OJ.

     2.- La Cour de modération est d'avis que l'arrêt de la
Cour d'appel pénal du 2 octobre 2000 fixant à 645 fr., TVA
comprise, l'indemnité équitable due au recourant pour la dé-
fense d'office de Y.________ en procédure d'appel ne pouvait
faire l'objet d'un recours auprès d'elle. Elle s'est fondée
en cela sur la procédure mise en place pour l'allocation de
dépens en matière civile et sur la systématique de la loi
fribourgeoise sur l'assistance judiciaire. Le recourant
tient l'interprétation faite en l'occurrence du droit can-
tonal de procédure pour arbitraire.

     a) Le Tribunal fédéral revoit l'interprétation et l'ap-
plication du droit cantonal sous l'angle restreint de l'ar-
bitraire (cf. notamment ATF 121 I 1 consid. 2 et les arrêts
cités). Il ne s'écarte de la solution retenue que si celle-
ci se révèle insoutenable, en contradiction manifeste avec
la situation effective, ou si elle a été adoptée sans motifs
objectifs et en violation d'un droit certain. En revanche,

lorsque l'interprétation retenue n'est pas déraisonnable ou
manifestement contraire au sens et au but de la disposition
ou de la législation en cause, elle sera confirmée, même si
une autre solution apparaît possible, voire préférable (ATF
124 I 247 consid. 5 p. 250/251). En outre, l'annulation de
la décision attaquée ne se justifie que si celle-ci est ar-
bitraire dans son résultat (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170
et l'arrêt cité).

     La loi s'interprète en premier lieu selon sa lettre.
Suivant la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au sens
littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que
lorsque des raisons objectives permettent de penser que ce
texte ne restitue pas le sens véritable de la disposition
en cause. De tels motifs peuvent découler des travaux pré-
paratoires, du but et du sens de la disposition, ainsi que
de la systématique de la loi. Si le texte n'est pas absolu-
ment clair, si plusieurs interprétations de celui-ci sont
possibles, il convient de rechercher quelle est la véritable
portée de la norme en la dégageant de tous les éléments à
considérer, soit notamment des travaux préparatoires, du but
de la règle, de son esprit, ainsi que des valeurs sur les-
quelles elle repose ou encore de sa relation avec d'autres
dispositions légales (ATF 126 II 71 consid. 6d p. 80; 126
III 49 consid. 2d p. 54; 125 II 113 consid. 3a p. 117, 238
consid. 5a p. 244 et les arrêts cités).

     b) Selon l'art. 37 du Code de procédure pénale du can-
ton de Fribourg, le Président de la Chambre pénale désigne
un défenseur d'office au prévenu qui ne s'est pas constitué
de défenseur dans un cas de défense nécessaire ou au prévenu
indigent qui y a droit (al. 1). L'indemnisation du défenseur
d'office est réglée par la législation sur l'assistance ju-
diciaire (al. 3). Selon l'art. 24 LAJ frib., l'Etat paie au
défenseur d'office, outre les indemnités de déplacement, un
montant équitable fixé, sur présentation de sa liste de

frais, par le président de l'autorité judiciaire compétente
ou le juge d'instruction, qui tient compte des circonstances
de la cause et du nombre des audiences (al. 1). Le montant
équitable fixé par l'autorité compétente est versé par le
Département de la justice (al. 2). L'art. 26 LAJ frib. auto-
rise le défenseur d'office et le Département de la justice à
recourir à la Cour de modération contre la décision du juge
fixant un montant équitable, dans le délai de dix jours dès
la notification de la décision. En vertu de l'art. 27 LAJ
frib., la Cour d'appel pénal statue sur les opérations rela-
tives aux deux instances. Elle peut refuser toute indemnité
au défenseur d'office, pour la deuxième instance, lorsque le
recours est manifestement irrecevable ou mal fondé.

     c) Ainsi, conformément aux art. 24 et 26 LAJ frib., il
incombe au juge d'instruction ou au président de l'autorité
judiciaire compétente de fixer l'indemnité équitable due au
défenseur d'office, la décision de ce juge étant susceptible
d'un recours à la Cour de modération. Or, aux termes de
l'art. 27 LAJ frib., il appartient à la Cour d'appel pénal
et non à son président de statuer sur ce point, non seule-
ment pour la procédure qui s'est déroulée devant elle, mais
pour les deux instances. L'interprétation de la cour canto-
nale suivant laquelle les art. 24 et 26 LAJ frib. ne s'ap-
pliquent pas à la Cour d'appel pénal n'est donc pas insou-
tenable au regard du texte même des dispositions légales.

     L'exclusion du recours à la Cour de modération est au
surplus conforme au principe général dégagé par la juris-
prudence cantonale (cf. décision de la Cour d'appel du 4 dé-
cembre 1973 in: Extraits 1973 p. 82 consid. 4b p. 84) et ex-
primé à l'art. 14 al. 2 du Tarif des honoraires et débours
d'avocat dus à titre de dépens en matière civile du 28 juin
1988, suivant lequel il n'y a pas de recours sur le plan
cantonal contre les décisions prises par l'une des sections
du Tribunal cantonal. Or, la Cour d'appel pénal constitue

l'une des sections du Tribunal cantonal (cf. art. 164 de la
loi d'organisation judiciaire fribourgeoise et art. 1er du
règlement du Tribunal cantonal du 13 décembre 1982 sur son
organisation interne et la manière de rendre ses décisions).

     Sous l'empire de la loi sur l'assistance judiciaire du
28 avril 1950, sur laquelle est calquée la loi actuelle, le
Tribunal fédéral avait d'ailleurs admis, pour des raisons
analogues, que les décisions de la Cour de cassation pénale
du Tribunal cantonal, à laquelle a succédé la Cour d'appel
pénal, fixant l'indemnité du défenseur d'office pour la pro-
cédure de recours en cassation ne pouvaient faire l'objet
d'aucun recours cantonal (cf. arrêt non publié du 8 octobre
1980 dans la cause C. contre Cour de cassation pénale du
Tribunal cantonal fribourgeois).

     La Cour de modération n'a donc pas fait preuve d'arbi-
traire en considérant que l'arrêt de la Cour d'appel pénal
du 2 octobre 2000 fixant à 645 fr., TVA comprise, l'indemni-
té équitable due au recourant pour la défense d'office de
Y.________ en procédure d'appel n'était pas susceptible de
recours devant elle. Pour le surplus, en l'absence de tout
grief à ce sujet, il n'appartient pas au Tribunal fédéral
d'examiner d'office si l'absence d'une voie de recours sur
le plan cantonal contre les arrêts de la Cour d'appel pénal
fixant l'indemnité due au défenseur d'office violerait le
droit constitutionnel ou conventionnel (cf. ATF 125 I 492
consid. 1b p. 495 et les arrêts cités).

     3.- Le recours doit dès lors être rejeté aux frais du
recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas
lieu à l'allocation de dépens (art. 159 al. 2 OJ).

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

     1. Rejette le recours;

     2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la charge
du recourant;

     3. Communique le présent arrêt en copie au recourant
ainsi qu'à la Cour de modération et à la Cour d'appel pénal
du Tribunal cantonal du canton de Fribourg.

Lausanne, le 9 février 2001
PMN/mnv

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,