Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.217/2001
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1P.217/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         28 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme Pont
Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Parmelin.

                        ____________

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

A.________,

                           contre

l'arrêt rendu le 27 février 2001 par le Tribunal administra-
tif du canton de Vaud dans la cause qui oppose le recourant à
B.________, C.________ et D.________, tous trois représentés
par Me Félix Paschoud, avocat à Lausanne, et à la Commune de
P u l l y , représentée par Philippe-Edouard Journot, avocat
à Lausanne;

                      (déni de justice)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- B.________, son fils, C.________, et sa belle-
fille, D.________, sont respectivement propriétaires des par-
celles nos 7182 et 420 de la Commune de Pully. Le 27 juin
2000, ils ont sollicité l'autorisation de construire un bâti-
ment d'habitation de quatre appartements, avec piscine exté-
rieure et garage souterrain de six places, sur la parcelle n°
7182, ainsi qu'un mur de soutènement et trois places de sta-
tionnement sur le bien-fonds n° 420.

   Soumis à enquête publique du 28 juillet au 16 août
2000, ce projet a notamment suscité l'opposition du proprié-
taire voisin, A.________, qui contestait l'abattage de deux
arbres protégés et la sortie des véhicules prévue sur le che-
min de la Clergère.

   Dans sa séance du 9 octobre 2000, la Municipalité de
Pully a décidé de lever les oppositions et de délivrer le
permis de construire sollicité en tant qu'il concernait le
bâtiment d'habitation, le garage souterrain et la piscine, à
l'exclusion des aménagements extérieurs qui devaient faire
l'objet de plusieurs modifications soumises à une enquête pu-
blique complémentaire; en particulier, outre la pose d'un mi-
roir routier en face du débouché sur le chemin de la Cler-
gère, le mur de soutènement longeant cette artère devait être
retiré d'environ trois mètres afin de dégager la visibilité
et accroître la sécurité de l'accès sur la chaussée publique;
la géométrie rectiligne de cet ouvrage devait en outre être
revue de manière à suivre la courbe du chemin et son aspect
être amélioré par un revêtement en pierres naturelles. L'amé-
nagement des places de stationnement sur la parcelle n° 420
devait enfin être modifié pour préserver l'arborisation exis-
tante.

   La Municipalité de Pully a informé A.________ de sa
décision le 19 octobre 2000 et elle a délivré le permis de
construire le 9 novembre 2000. Concernant le débouché des
véhicules sur le chemin de la Clergère, elle a relevé, vu
l'obligation imposée de retirer de trois mètres en arrière le
mur de soutènement, que "cet accès, même s'il ne présente pas
des conditions idéales, n'en demeure pas moins praticable
sans dangers excessifs".

   B.- Le 4 novembre 2000, A.________ a recouru auprès
du Tribunal administratif du canton de Vaud (ci-après: le
Tribunal administratif ou la cour cantonale) contre la dé-
cision de la Municipalité de Pully du 19 octobre 2000 levant
son opposition, en reprenant les arguments développés à l'ap-
pui de cette dernière. Il observait notamment que si le re-
trait du mur de soutènement de trois mètres améliorait la vi-
sibilité, il laissait subsister un angle mort important im-
propre à garantir la sécurité du trafic et des piétons se
rendant à son domicile ou le quittant.

   Par décision du 8 janvier 2001, la Municipalité de
Pully a autorisé les constructeurs à réaliser un mur de sou-
tènement d'environ trois mètres en retrait du bord de la
chaussée du chemin de la Clergère et à aménager deux places
de stationnement en anticipation sur la limite des construc-
tions de cette voie publique.

   Par arrêt du 27 février 2001, le Tribunal adminis-
tratif a rejeté le recours en considérant que l'abattage des
deux arbres protégés reposait sur une juste pesée des inté-
rêts en présence. Concernant la sortie des véhicules sur le
chemin de la Clergère, elle a estimé que les modifications
apportées au projet allaient dans le sens de la suppression
des griefs de A.________, dès lors qu'elles visaient à pré-
server le maximum de plantations, à satisfaire la clause

d'esthétique et à augmenter la sécurité de l'accès sur cette
artère.

   C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ conclut à ce que cet arrêt "soit levé" et à ce que
le Tribunal administratif rende "un nouvel arrêt documenté
techniquement quant à la marge de sécurité retenue pour l'im-
mobilisation du véhicule descendant en cas de situation
conflictuelle avec le véhicule sortant sur le chemin de la
Clergère". Il voit un déni de justice formel dans le fait que
la cour cantonale n'aurait pas examiné le moyen tiré de la
sécurité routière, en rapport avec les risques menaçant les
piétons empruntant sa sortie sur le chemin de la Clergère.

   La Commune de Pully, le Tribunal administratif et
les intimés concluent au rejet du recours.

   D.- Par ordonnance du 18 avril 2001, le Président de
la Ie Cour de droit public a partiellement admis la demande
d'effet suspensif, en interdisant les travaux permettant
l'accès de la parcelle n° 7182 au chemin de la Clergère jus-
qu'à droit connu sur le recours.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127
III 41 consid. 2a p. 42 et les arrêts cités).

   a) En vertu de l'art. 34 al. 1 et 3 LAT, seule la
voie du recours de droit public est ouverte contre l'octroi
d'une autorisation de construire en zone à bâtir dans la me-
sure où le recourant ne se plaint pas de la violation du

droit fédéral (cf. ATF 123 II 88 consid. 1a/cc p. 92 et les
arrêts cités).

   b) La qualité pour agir par la voie du recours de
droit public se détermine exclusivement selon l'art. 88 OJ;
il importe peu à cet égard que la qualité de partie ait été
reconnue au recourant en procédure cantonale. En matière
d'autorisation de construire, le Tribunal fédéral reconnaît
la vocation pour recourir au voisin s'il invoque la violation
de dispositions du droit des constructions qui sont destinées
à le protéger ou qui ont été édictées à la fois dans l'inté-
rêt public et dans celui des voisins. Il doit en outre se
trouver dans le champ de protection des dispositions dont il
allègue la violation et être touché par les effets prétendu-
ment illicites de la construction litigieuse (ATF 127 I 44
consid. 2c p. 46; 125 II 440 consid. 1c p. 442; 121 I 267
consid. 2 p. 268 et les arrêts cités).

   Selon la jurisprudence, le voisin peut dénoncer la
violation de prescriptions relatives aux voies d'accès, pour
autant qu'il puisse alléguer qu'un trafic supplémentaire com-
pliquerait l'accès à son propre fonds (ATF 115 Ib 347 consid.
1c/bb p. 353; ZBl 89/1988 p. 87 consid. 1b; ZBl 79/1978 p.
540 consid. 1d). Le recourant s'oppose en l'occurrence à la
sortie des véhicules sur le chemin de la Clergère en raison
notamment des risques auxquels une telle manoeuvre exposerait
les piétons se rendant à son domicile ou le quittant. Dans
cette mesure, il est touché directement et personnellement
dans ses intérêts juridiquement protégés de voisin par la
décision attaquée. Indépendamment de sa vocation pour agir
sur le fond, le recourant a de toute manière qualité pour se
plaindre de la violation des droits de partie que lui recon-
naît la procédure cantonale ou qui découlent directement de
dispositions constitutionnelles, telles que l'art. 29 al. 2
Cst. (ATF 125 II 86 consid. 3b p. 94).

   c) Les autres conditions de recevabilité des art. 84
ss OJ sont au surplus réunies, de sorte qu'il convient d'en-
trer en matière sur le fond.

   2.- Le recourant reproche au Tribunal administratif
d'avoir commis un déni de justice formel en omettant de se
prononcer sur le moyen tiré du respect de la sécurité rou-
tière, en rapport direct avec l'accès des piétons à sa pro-
priété, contigu au débouché litigieux sur le chemin de la
Clergère.

   a) En procédure contentieuse, l'objet du litige
("Streitgegenstand") est défini par trois éléments: l'objet
du recours ("Anfechtungsobjekt"), les conclusions du recours
et, accessoirement, les motifs de celui-ci. La décision atta-
quée délimite l'objet du litige. En vertu du principe de
l'unité de la procédure, l'autorité de recours ne peut sta-
tuer que sur les prétentions ou les rapports juridiques sur
lesquels l'autorité inférieure s'est déjà prononcée ou aurait
dû le faire. Par conséquent, le recourant qui attaque une dé-
cision ne peut en principe pas présenter de conclusions nou-
velles ou plus amples devant l'instance de recours, c'est-à-
dire des conclusions qu'il n'a pas formulées dans les phases
antérieures de la procédure et qui excèdent l'objet du litige
(cf. arrêt du Tribunal fédéral du 3 juin 1998 dans la cause
C. contre Tribunal administratif du canton de Vaud, reproduit
in RDAF 1999 1 254 consid. 4b/cc p. 255; voir aussi Benoît
Bovay, Procédure administrative, Berne 2000, p. 390 ss et
Alfred Kölz/Isabelle Häner, Verwaltungsverfahren und Verwal-
tungsrechtspflege des Bundes, 2ème éd., Zurich 1998, n. 403
ss, p. 149).

   b) En l'occurrence, le recours déposé par A.________
auprès du Tribunal administratif était dirigé contre la déci-
sion de la Municipalité de Pully du 19 octobre 2000 levant
son opposition au projet des intimés. Dans cette décision, il

était déjà fait allusion au retrait du mur de soutènement de
trois mètres pour dégager la visibilité et accroître la sécu-
rité de l'accès sur la chaussée publique, cette solution
n'étant alors pas tenue pour idéale, mais praticable sans
dangers excessifs.

   Dans son recours devant le Tribunal administratif,
le recourant a fait valoir le danger résultant de la sortie
sur le chemin de la Clergère prévue sur la parcelle des in-
timés pour les piétons longeant cette voie et ceux qui se
rendent à son domicile. Il a notamment observé que si le re-
trait du mur de soutènement de trois mètres améliorait la
visibilité sur les véhicules descendant le chemin de la Cler-
gère, celle-ci était encore limitée à une distance de 62,5
mètres depuis le point de sortie, largement insuffisante pour
réagir à la survenance de l'un d'eux, dans de nombreuses
éventualités qu'il examinait. Il concluait à l'interdiction
du débouché sur le chemin de la Clergère tel qu'il était pro-
jeté, et ceci malgré le retrait du mur de soutènement.

   Ainsi, le problème de l'accès au nouveau bâtiment
prévu sur la parcelle n° 7182 faisait partie de l'objet du
litige devant le Tribunal administratif, puisque la décision
attaquée du 19 octobre 2000 le mentionnait et que le recou-
rant a conclu à l'annulation de cette dernière parce qu'il le
considérait comme insuffisamment résolu.

   c) La cour cantonale prétend certes dans ses obser-
vations que cette question ne formait plus l'objet du litige
lorsqu'elle a statué, parce que la Municipalité de Pully
aurait octroyé dans l'intervalle aux constructeurs un permis
de construire complémentaire relatif aux aménagements exté-
rieurs, réglant définitivement le problème des accès.

   La Municipalité de Pully a soumis le permis de
construire délivré le 9 novembre 2000 à la condition que les

aménagements extérieurs soient modifiés dans le sens qu'elle
indiquait. Elle a rappelé cette circonstance dans sa décision
du 19 octobre 2000 levant l'opposition du recourant, en rele-
vant qu'aucun travail ne pourrait être mis en oeuvre tant que
les aménagements extérieurs n'auraient pas été approuvés et
mis au bénéfice d'un permis de construire complémentaire. La
modification des aménagements extérieurs est une condition
intimement liée au permis de construire initial, puisque de
sa réalisation dépend l'entrée en force de l'autorisation de
bâtir, qui n'a pas d'existence propre ou indépendante, de
sorte qu'en cas de recours visant la condition, l'auteur de
celui-ci remet en cause l'ensemble du permis et non pas la
seule condition (Benoît Bovay, Le permis de construire en
droit vaudois, 2ème éd., Lausanne 1988, p. 183).

   Il s'ensuit que le permis de construire complémen-
taire délivré le 8 janvier 2001 n'a pas une portée distincte
de l'autorisation accordée le 9 novembre 2000, mais qu'il ne
s'agit que de la réalisation d'une condition validant cette
décision. Sur ce point, c'est à tort que le Tribunal adminis-
tratif a considéré que la question des accès ne faisait plus
partie de l'objet du litige, comme s'il s'agissait d'une
charge et non pas d'une condition suspensive (Benoît Bovay,
op. cit., p. 183). Il était au contraire saisi d'un recours
portant sur deux objets (l'abattage de deux arbres protégés
et l'implantation du mur de soutènement, déjà reculé de trois
mètres), soit des éléments connus d'entrée de cause, valable-
ment attaqués et auxquels le résultat de l'enquête publique
ainsi que la réalisation de la condition donnant lieu au per-
mis de construire complémentaire du 8 janvier 2001 n'ont rien
changé.

   En se bornant à signaler que les modifications re-
quises pour le déplacement du mur de soutènement et de ses
courbes visaient à augmenter la sécurité de l'accès sur le
chemin de la Clergère et répondaient aux critiques du recou-

rant, le Tribunal administratif n'a pas examiné le grief va-
lablement soulevé devant lui, qu'il a considéré à tort comme
ne faisant pas partie de l'objet du litige. En cela, il a
commis un déni de justice formel (ATF 120 Ib 27 consid. 3c/aa
p. 35 et les arrêts cités), ce qui conduit à l'annulation de
son arrêt du 27 février 2001.

   3.- Le recours doit ainsi être admis. Un émolument
judiciaire de 1'000 fr. est mis à la charge des intimés qui
succombent, solidairement entre eux (art. 156 al. 1 et 7 OJ).
A teneur de l'art. 156 al. 2 OJ, aucun émolument n'est imposé
à la commune de Pully et à l'Etat de Vaud. De même, il n'y a
pas lieu d'allouer des dépens au recourant qui a agi seul.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Admet le recours dans la mesure où il est rece-
vable;

   2. Annule l'arrêt rendu le 27 février 2001 par le
Tribunal administratif du canton de Vaud.

   3. Met un émolument judiciaire de 1'000 fr. à la
charge des intimés B.________, C.________ et D.________,
solidairement entre eux;

   4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens;

   5. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Tribunal administratif du canton du Vaud.

Lausanne, le 28 mai 2001
PMN/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,