Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.215/2001
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1P.215/2001
1P.216/2001
1P.242/2001
1P.243/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         21 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Favre et Mme le Juge
suppléant Pont Veuthey. Greffier: M. Zimmermann.

          Statuant sur les recours de droit public
                         formés par

A.________, par MMes Bruno de Preux et Pierre de Preux,
avocats à Genève,
                           et par

B.________, représenté par Me Vincent Jeanneret, avocat à
Genève,

                           contre

les décisions prises les 7 et 19 février 2001 par le Collège
des juges d'instruction du canton de Genève, rejetant les
requêtes de récusation formées à l'encontre de X.________,
Juge d'instruction du canton de Genève, et Y._________,
Greffière du Juge d'instruction Georges X.________;

(récusation du juge d'instruction et de son greffier dans la
procédure pénale cantonale; art. 88 OJ; art. 85 ss LOJ gen.)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 30 septembre 1999, la République fédérale du
Nigeria (ci-après: la République fédérale) a annoncé à l'Of-
fice fédéral de la justice qu'elle envisageait de demander
l'entraide judiciaire à la Suisse pour les besoins de l'en-
quête ouverte au Nigeria à l'encontre des parents et des pro-
ches de feu C.________, Président de la République fédérale
du 17 novembre 1993 à son décès le 8 juin 1998. Les personnes
poursuivies le sont pour détournement de fonds publics.

   B.- Le 28 octobre 1999, le Procureur général du can-
ton de Genève, se fondant sur des communications faites en
application de la LBA, a, dans le même complexe de faits, or-
donné l'ouverture d'une information pénale des chefs d'orga-
nisation criminelle (art. 260ter CP) et de blanchiment d'ar-
gent (art. 305bis CP). Cette procédure a été désignée sous la
rubrique P/12983/99.

   Le 24 novembre 1999, la République fédérale a déposé
auprès du Procureur général une plainte pénale notamment pour
abus de confiance, escroquerie, extorsion, gestion déloyale,
recel, participation à une organisation criminelle et blan-
chiment d'argent contre D.________, épouse de C.________,
A.________, fils de C.________, E.________, ancien conseiller
de C.________, ainsi que contre F.________ et B.________,
hommes d'affaires et amis de C.________. La République fédé-
rale a demandé à pouvoir se constituer partie civile à la
procédure. Le Procureur général a ordonné l'ouverture d'une
information pénale. Cette procédure, désignée sous la rubri-
que P/14457/99, a été jointe à la procédure P/12983/99, le 29
novembre 1999.

   Le 3 décembre 1999, le Juge d'instruction X.________
a admis la République fédérale comme partie civile à la pro-
cédure P/12983/99, ainsi qu'aux procédures connexes, dési-
gnées par les rubriques P/4849/99, P/9146/99, P/10749/99,
P/11890/99, P/12524/99, P/12824/99, P/12859/99, P/13340/99 et
P/13808/99.

   Le 22 décembre 1999, le Juge d'instruction a joint
toutes les procédures connexes à la procédure principale
P/12983/99.

   Le 20 décembre 1999, la République fédérale a pré-
senté à l'Office fédéral une demande formelle d'entraide ju-
diciaire, pour les besoins de l'enquête conduite par la
"Special Fraud Unit" de la police nigériane contre des pa-
rents et des proches de feu C.________. Les faits évoqués
dans la demande d'entraide sont identiques à ceux appuyant la
plainte du 24 novembre 1999.

   Le 20 janvier 2000, l'Office fédéral a rendu une dé-
cision d'entrée en matière et délégué l'exécution de la de-
mande au Juge X.________. Cette procédure a été désignée sous
la rubrique CP/286/99.

   Le 26 avril 2000, le Juge X.________ a inculpé
B.________ de participation à une organisation criminelle, de
blanchiment d'argent, d'escroquerie, de gestion déloyale,
subsidiairement de gestion déloyale des intérêts publics, dé-
lits qui auraient été commis dans la gestion de la Banque
centrale du Nigeria.

   Du 22 au 27 mai 2000, le Juge X.________ s'est rendu
à Lagos. Il était accompagné, pendant ce séjour, de la Gref-
fière Y._________, des inspecteurs G.________ et H.________,
de la brigade financière de la Sûreté genevoise, ainsi que de
I.________, analyste financier des juges d'instruction.   Le

24 mai 2000, le Juge X.________ a signifié à A.________, dé-
tenu dans la prison de haute sécurité de Kirikiri à Lagos,
son inculpation pour les mêmes charges et les mêmes faits que
ceux retenus à l'encontre de B.________. Selon le rapport
établi le 6 juin 2000 par les inspecteurs H.________ et
G.________, le Juge X.________ a été invité, le matin du 23
mai 2000, à partager le petit déjeuner du Président de la Ré-
publique fédérale. Il a en outre eu l'occasion de s'entrete-
nir avec plusieurs agents du gouvernement nigérian, chargés
de l'affaire à l'origine de la procédure pénale, en présence
des mandataires genevois de la République fédérale.

   Le Juge X.________ s'est rendu une deuxième fois au
Nigeria, en septembre 2000, pour l'exécution d'une demande
d'entraide adressée à la République fédérale. Des quittances
figurant au dossier, il ressort que le Juge X.________ a of-
fert des couteaux de poche (dits "couteaux suisses"), ainsi
que du chocolat, aux personnages officiels nigérians rencon-
trés lors de ce séjour. Une partie des frais du Juge
X.________ et de ses accompagnateurs ont été pris en charge
par les autorités de la République fédérale.

   A raison de ces faits, A.________ a demandé la récu-
sation du Juge X.________. Il a fondé sa requête sur l'art.
91 LOJ gen., qui prévoit notamment la récusation du juge
lorsque celui-ci a conseillé une partie (let. a), manifesté
intempestivement son avis (let. e), accepté un repas chez
l'une des parties ou aux frais de celle-ci (let. f) ou reçu
des présents de l'une des parties (let. g). Le fait que le
Juge X.________ ait offert des cadeaux aux autorités nigé-
rianes tombait, selon A.________, sous le coup de l'art. 92
LOJ gen., à teneur duquel les tribunaux peuvent décider si
d'autres causes sont assez graves pour justifier la récusa-
tion.

   B.________ a formé séparément une demande semblable.

   Ultérieurement, A.________ et B.________ ont étendu
conjointement leurs requêtes à la Greffière Y._________, par
identité de motifs.

   Par deux décisions séparées du 7 février 2001, le
Collège des Juges d'instruction a déclaré irrecevables les
requêtes concernant le Juge X.________, parce que tardives
selon l'art. 97 let. a LOJ gen., tout en relevant que, sup-
posées recevables, les demandes auraient dû être admises au
regard de l'art. 91 let. f LOJ gen.

   Le 14 février 2001, le Juge X.________ a fait part à
la Présidente du Collège des Juges d'instruction de sa déci-
sion de se dessaisir des procédures P/12983/99 et CP/286/99,
afin d'éviter des manoeuvres dilatoires et d'assurer la séré-
nité et la célérité de la procédure.

   Le 19 février 2001, le Collège des Juges d'instruc-
tion a déclaré irrecevable la demande concernant la Greffière
Y._________, sans autre remarque sur le fond.

   Le 21 février 2001, A.________ et B.________ ont de-
mandé au Juge X.________ de se récuser spontanément selon
l'art. 94 LOJ gen., sur le vu de la décision du 7 février
2001.

   Le 22 février 2001, la Présidente du Collège des Ju-
ges d'instruction a admis la demande présentée le 14 février
2001 par le Juge X.________, conformément à l'art. 47 al. 2
LOJ gen. Après avoir elle-même repris temporairement la char-
ge d'instruire la procédure, elle a confié cette mission au
Juge d'instruction Z.________, le 14 mars 2001.

   C.- Les 16 et 29 mars 2001, agissant chacun séparé-
ment par la voie du recours de droit public, A.________ et
B.________ demandent au Tribunal fédéral d'annuler les déci-
sions des 7 et 19 février 2001. A.________ requiert en outre
des mesures probatoires au sens de l'art. 95 OJ et la suspen-
sion de la cause concernant la Greffière Y._________ jusqu'à
droit connu sur celle concernant le Juge X.________.
B.________ prend en outre des conclusions tendant au renvoi
de l'affaire au Collège des Juges d'instruction pour nouvelle
décision au sens des considérants. Les recourants invoquent
les art. 5 al. 3, 9 et 29 al. 2 Cst., ainsi que les art. 30
al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH.

   Le Collège des Juges d'instruction conclut à l'ir-
recevabilité des recours concernant la récusation du Juge
X.________. Celui-ci conclut à l'irrecevabilité des recours
le concernant, subsidiairement à leur rejet.

   Invités à se déterminer à ce sujet, les recourants
ont maintenu leurs conclusions.

   Dans les causes concernant la récusation de la Gref-
fière Y._________, le Collège des Juges d'instruction se ré-
fère à sa prise de position relative à la récusation du Juge
X.________. La Greffière Y._________ a produit des observa-
tions.

   D.- Par ordonnance du 3 mai 2001, le Président de la
Ie Cour de droit public a rejeté la demande de suspension
présentée par A.________.

   E.- Le Juge X.________ a démissionné de la magistra-
ture avec effet au 31 juillet 2001.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.- Il convient de joindre les quatre recours, diri-
gés contre des décisions séparées rendues par la même autori-
té dans le même complexe de faits, et de statuer par un seul
arrêt (ATF 113 Ia 390 consid. 1 p. 394).

   2.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 81 consid. 1
p. 83, 207 consid. 1 p. 209, 257 consid. 1a p. 258, et les
arrêts cités). Il n'est pas lié par les conclusions des par-
ties, ni par les moyens qu'elles ont - ou n'ont pas - fait
valoir à ce sujet (ATF 110 Ib 63 consid. 1 p. 65, et les
arrêts cités).

   a) Malgré leur caractère incident, les décisions re-
latives à la récusation peuvent, pour des motifs d'économie
de la procédure, être attaquées par la voie du recours de
droit public sans qu'il soit nécessaire d'examiner si elles
entraînent un dommage irréparable pour le justiciable (ATF
124 I 255 consid. 1b/bb p. 259/260).

   b) Hormis des exceptions non réalisées en l'espèce,
le recours de droit public n'a qu'un effet cassatoire (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 127 II 1 consid. 2c in fine p. 5; 126
I 213 consid. 1c p. 216/217; 126 III 534 consid. 1b p. 536,
et les arrêts cités). Les conclusions de B.________ sont ir-
recevables dans la mesure où elles tendent au renvoi de la
cause au Collège des Juges d'instruction pour nouvelle déci-
sion au sens des considérants.

   c) Le recours de droit public exige un intérêt ac-
tuel et pratique à l'annulation de la décision attaquée, res-
pectivement à l'examen des griefs soulevés (art. 88 OJ; ATF

127 III 41 consid. 2b p. 42; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166;
118 Ia 46 consid. 3c p. 53, 488 consid. 1a p. 490 et les ar-
rêts cités). L'intérêt au recours doit encore exister au mo-
ment où statue le Tribunal fédéral, lequel se prononce sur
des questions concrètes et non théoriques (ATF 127 III 41
consid. 2b p. 42; 125 I 394 consid. 4a p. 397; 125 II 86
consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 118 Ia 488
consid. 1a p. 490). Que les recourants se plaignent notam-
ment, comme en l'espèce, d'un déni de justice formel, n'y
change rien (ATF 120 Ia 165 consid. 1b p. 167). L'intérêt
actuel nécessaire fait défaut en particulier lorsque l'acte
de l'autorité a été exécuté ou est devenu sans objet (ATF 125
II 86 consid. 5b p. 97; 120 Ia 165 consid. 1a p. 166; 106 Ia
151 consid. 1a p. 152/153; 104 Ia 487).

   Il convient ici de distinguer les recours dirigés
contre le Juge X.________ de ceux ayant trait à la Greffière
Y._________.

   aa) L'intérêt actuel et pratique au recours relatif
à la récusation disparaît lorsque le juge d'instruction visé
par la requête a clos la procédure préparatoire (arrêt non
publié S. du 7 avril 2000, consid. 2a). Découle du droit à la
récusation celui d'obtenir que toute décision ou tout acte de
procédure susceptible d'influer sur la décision, pris par un
juge d'instruction récusé, ou avec la participation d'un tel
magistrat, soient écartés de la procédure (ATF 119 Ia 13 con-
sid. 3a p. 16/17). Dans une affaire P. concernant la récusa-
tion d'un juge d'instruction genevois, le Tribunal fédéral
avait laissé indécise, au regard de cette jurisprudence, la
question de savoir si le recours formé contre le rejet de la
demande de récusation d'un juge d'instruction, après que
celui-ci ait transmis la procédure au Procureur général selon
l'art. 185 CPP gen. (ordonnance dite de "soit-communiqué"),
avait conservé son objet. Le Tribunal fédéral avait considéré
que P. pourrait obtenir gain de cause par le truchement des

recours cantonaux formés contre la décision de soit-communi-
qué; par économie de procédure, il avait néanmoins examiné le
recours au fond, pour le rejeter (arrêt non publié P. du 5
octobre 1999). Dans la présente cause, la situation de fait
est différente. Le Juge X.________ s'est dessaisi de la pro-
cédure bien avant de la clore; le Juge Z.________ a été dési-
gné pour le remplacer; le Juge X.________ a décidé de quitter
la magistrature avec effet au 31 juillet 2001. Il suit de là
que les recourants sont libres de proposer au Juge Z.________
toutes les mesures qu'ils estimeraient nécessaires pour cor-
riger les vices dont la procédure serait affectée en raison
de la prévention supposée du Juge X.________ à leur égard.
Pour le cas où leurs demandes seraient rejetées, les recou-
rants disposeraient de la voie du recours à la Chambre d'ac-
cusation selon l'art. 190 CPP gen. Au demeurant, les recou-
rants n'indiquent pas en quoi les motifs de récusation allé-
gués auraient influé de quelque manière que ce soit sur une
procédure qui a consisté, pour l'essentiel, à saisir des
comptes et des documents bancaires et à procéder à des audi-
tions (relativement peu nombreuses au demeurant) en relation
avec la documentation recueillie. De même, en l'absence de
norme cantonale réglant expressément ce point (contrairement
à l'état de fait de l'ATF 119 Ia 13), les recourants n'indi-
quent pas quels actes et décisions, susceptibles d'influer
sur la décision finale, auraient dû être annulés ou refaits
si le Juge X.________ avait dû se récuser. Enfin, doit être
écarté tout risque lié à une influence occulte que le Juge
X.________ pourrait exercer sur la procédure, en raison de
ses rapports de collégialité avec le Juge Z.________. Outre
que cet argument se résume à un procès d'intention, il est
annihilé par les faits. La procédure a pris une ampleur con-
sidérable. Elle comprend plusieurs dizaines de classeurs ras-
semblant les documents saisis. Selon ce qu'indiquent les re-
courants eux-mêmes, plusieurs demandes d'entraide adressées à
l'étranger sont en cours d'exécution. Il est ainsi vraisem-
blable que la procédure se prolongera au-delà du 31 juillet

2001, date à laquelle le Juge X.________ aura quitté ses
fonctions. Ainsi, contrairement à l'affaire P., aucun motif
tiré de l'économie de la procédure ne commande d'entrer en
matière sur les recours relatifs à la récusation du Juge
X.________.

   bb) Les recours concernant la Greffière Y._________
appellent une clarification préalable.

   Dans le canton de Genève, suivant la tradition fran-
çaise, les greffiers sont des commis administratifs des ju-
ges; ils effectuent essentiellement des travaux d'archivage,
tiennent les procès-verbaux et veillent à l'expédition des
arrêts, ordonnances et décisions. Chaque juridiction est as-
sistée d'un greffier en chef (art. 112 LOJ gen.), désigné
comme "greffier de juridiction". Les greffiers ne disposent
pas d'une formation juridique, à l'exception des
greffiers-juristes, lesquels participent à l'élaboration des
projets d'arrêts, assistent les juges dans leurs tâches
juridictionnelles et, selon les cas, participent à la
délibération du tribunal avec voix consultative. Si l'art.
101 let. d LOJ gen. prévoit que les règles relatives à la
récusation des juges sont applicables aux greffiers des
tribunaux, par analogie, il convient de souligner que lors de
la révision partielle de la LOJ gen., du 5 novembre 1993, le
Grand Conseil s'est posé la question de savoir si la
disposition relative à la récusation des greffiers devait
être maintenue. Il a répondu par l'affirmative en raison,
essentiellement, du développement du rôle des
greffiers-juristes; il convenait dès lors que les greffiers
restent récusables dans les mêmes conditions que les juges
"lorsqu'ils sont amenés à exercer une activité
juridictionnelle". En revanche, lorsque les greffiers sont
subordonnés au juge, la récusation "ne devrait intervenir que
dans des circonstances exceptionnelles" (Mémorial des séances
du Grand Conseil, 1993, p. 7191 ss, 7203/7204).

   En l'espèce, Y._________, comme greffière en charge
exclusivement de la gestion administrative du cabinet du Juge
X.________, n'exerce aucune activité juridictionnelle, même
déléguée. On peut dès lors se poser la question de savoir si
les dispositions relatives à la récusation des juges lui sont
applicables par analogie ou s'il faut plutôt considérer, à la
lumière des travaux préparatoires, que tel n'est pas le cas.
Il n'est cependant pas nécessaire de trancher ce point, non
évoqué dans la procédure cantonale, car les recourants n'ont
allégué aucun motif particulier de récusation à l'encontre de
la Greffière Y._________. Ils se sont contentés de lui adres-
ser, par identité de motifs, les reproches soulevés à l'en-
contre du Juge X.________, sans chercher à démontrer, de
quelque manière que ce soit, en quoi et comment la Greffière
Y._________ aurait pu, par elle-même, influer sur le cours de
la procédure dirigée exclusivement par le Juge X.________ et
sur laquelle elle n'avait aucun pouvoir de décision. Les
recourants ne disposant pas d'un intérêt actuel et pratique à
recourir contre les décisions concernant le Juge X.________,
selon ce qui vient d'être exposé, ils n'ont pas, à plus forte
raison, un tel intérêt à remettre en cause, pour les mêmes
motifs, les décisions ayant trait à la Greffière Y._________.
Que celle-ci puisse continuer à participer à la procédure
sous les ordres du Juge Z.________ ne constitue pas un motif
d'admettre que, pour ce qui la concerne, les recours auraient
conservé un intérêt actuel et pratique. On pourrait même se
demander s'il ne serait pas abusif, de la part des recou-
rants, à vouloir s'opposer à ce que la Greffière Y._________
prête son concours à la maîtrise administrative d'un dossier
d'une ampleur particulière.

   Il n'y a dès lors pas lieu d'entrer en matière.

   d) Supposés recevables, les recours n'auraient pu
porter que sur le point de savoir si le Collège des Juges
d'instruction a violé la Constitution en déclarant les requê-

tes de récusation irrecevables, pour les motifs indiqués dans
les décisions attaquées. Tout ce que les recourants évoquent
au fond serait ainsi de toute manière hors de propos.

   aa) Le Collège des Juges d'instruction a déclaré les
requêtes irrecevables au regard de l'art. 97 let. a LOJ gen.
Cette disposition est libellée comme suit:

     "Dans tous les cas, la demande est non recevable
     s'il a été procédé devant le juge, postérieurement
     à la connaissance acquise par les parties des faits
     sur lesquels elles fondent la récusation".

   En l'espèce, l'autorité cantonale a retenu que le
rapport du 6 juin 2000, relatant les faits à raison desquels
les récusations avaient été demandées, avait été mis dès le
14 juin 2000 à la disposition des recourants, autorisés à
consulter sans entraves ni restrictions le dossier de la pro-
cédure. Les demandes formées les 23 janvier et 1er février
2001 étaient tardives, partant irrecevables. Les recourants
contestent cette appréciation, qu'ils tiennent pour
arbitraire.

   bb) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une norme ou un principe juridique clair et indis-
cuté, ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le
sentiment de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tri-
bunal fédéral ne s'écarte de la solution retenue par l'auto-
rité cantonale de dernière instance que si elle apparaît in-
soutenable, en contradiction manifeste avec la situation ef-
fective, adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un
droit certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de
la décision critiquée soient insoutenables, encore faut-il
que cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 126
I 168 consid. 3a p. 170; 125 I 10 consid. 3a p. 15, 166 con-
sid. 2a p. 168; 125 II 129 consid. 4b p. 134, et les arrêts

cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre in-
terprétation de la loi soit possible, ou même préférable (ATF
124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120 Ia 369 consid. 3a p. 373;
118 Ia 497 consid. 2a p. 499; 116 Ia 325 consid. 3a p.
326/327).

   cc) Les recourants, s'appuyant sur le texte légal,
font valoir que le critère déterminant pour l'application de
l'art. 97 let. a LOJ gen., soit celui de la "connaissance ac-
quise", doit être compris comme le moment à partir duquel la
partie qui demande la récusation a effectivement eu connais-
sance des faits qu'elle invoque, et non pas celui à partir
duquel elle aurait pu (ou dû) s'apercevoir du motif de récu-
sation. Cette conception, reposant sur une interprétation
littérale restrictive de l'art. 97 let. a LOJ gen., n'empêche
toutefois pas que l'on puisse lire cette disposition comme le
Collège des Juges d'instruction, dont l'interprétation répond
en outre de manière optimale au but de la loi. Selon la ju-
risprudence en effet, le grief tiré de la prévention du juge
doit être soulevé aussitôt que possible. Celui qui omet de
dénoncer immédiatement un tel vice et laisse le procès se dé-
rouler sans intervenir, agit contrairement à la bonne foi et
voit se périmer son droit de se plaindre ultérieurement de la
violation qu'il allègue (ATF 126 III 249 consid. 3c p.
253/254; 121 I 225 consid. 3 p. 229; 120 Ia 19 consid. 2c/aa
p. 24; 118 Ia 282 consid. 3a p. 284, et les arrêts cités). Le
Collège des Juges d'instruction pouvait dès lors, sans arbi-
traire, opposer aux recourants leur passivité à réagir au
rapport du 6 juin 2000. Les explications qu'ils donnent au
sujet de la révélation tardive de l'existence d'une autre
partie de la procédure contenant le rapport du 6 juin 2000,
ne change rien au fait - non contredit - que cette pièce
avait déjà été versée au dossier de la procédure, à un stade
antérieur de celle-ci. Pour le surplus, le Tribunal fédéral a
déjà eu l'occasion de dire qu'un délai de quatre mois est ex-

cessif au regard de l'art. 97 let. a LOJ gen. (arrêt non pu-
blié W. du 15 mai 1987).

   3.- Les recours sont ainsi irrecevables. Supposés
recevables, ils auraient dû être rejetés, dans la mesure de
leur recevabilité. Les frais en incombent aux recourants
(art. 156 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens (art.
159 OJ). Eu égard à l'issue de la cause, la demande de mesu-
res probatoires a perdu son objet.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Joint les procédures 1P.215/2001, 1P.216/2001,
1P.242/2001 et 1P.243/2001.

   2. Rejette les recours dans la mesure et en tant
qu'ils sont recevables.

   3. Met, pour l'ensemble des procédures, un émolument
judiciaire de 4000 fr. à la charge de A.________ et de 4000
fr. à la charge de B.________.

   4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

   5. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et au Collège des juges d'instruction du canton de Genève.

Lausanne, le 21 mai 2001
ZIR/col
            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
            Le Président,           Le Greffier,