Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.175/2001
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1P.175/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                         14 mai 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Kurz.

           Statuant sur le recours de droit public
                          formé par

Y.________, représenté par Me Léo Farquet, avocat à Sion,

                           contre

l'arrêt rendu le 21 décembre 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais dans la cause qui
oppose le recourant au Conseil d'Etat du canton du Valais et
à la Municipalité de Sion;

              (aménagement de la Place du Midi)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.- Le 17 juillet 1998, la commune de Sion a mis à
l'enquête un projet d'aménagement de la Place du Midi, située
au sud des Remparts de la ville. Orientée ouest-est, d'une
longueur d'environ 150 m et occupée par deux voies de circu-
lation séparées par un terre-plein central, cette place est
bordée au nord et au sud par des immeubles occupés au rez par
des activités commerciales (magasins, cafés, restaurants);
elle est pourvue à l'est d'un giratoire donnant accès à la
rue de la Dixence, à la rue du Scex (qui prolonge la place)
et à la rue du Rhône; vingt-deux places de stationnement de
courte durée y sont aménagées. Le projet mis à l'enquête
prévoit la création d'un espace piétonnier sur le côté nord
de la place, avec une double rangée d'arbres, le déplacement
du trafic motorisé au sud de la place sur trois voies (y com-
pris les arrêts de bus, avec une voie centrale d'évitement),
la création d'un mini-giratoire, déplacé légèrement au sud
(dans le prolongement de la rue du Scex), ainsi que la sup-
pression des places de stationnement.

   B.- Propriétaire de plusieurs immeubles sur la Place
du Midi et dans ses abords immédiats, dans lesquels sont ex-
ploités divers commerces, Y.________ a formé opposition con-
tre ce projet. Il demandait une étude d'impact. Pour l'essen-
tiel, il relevait que les propriétaires avaient contribué à
la création des places de stationnement actuelles, nécessai-
res à la clientèle des commerces; leur suppression porterait
atteinte à l'économie locale, dont la Place du Midi était un
centre important. Le Parking du Scex n'était d'aucun intérêt
pour les personnes qui se rendaient à la Place du Midi pour
un achat isolé. La partie sud de la place avait été aménagée
aux frais de propriétaires, lesquels se trouvaient lésés par
l'aménagement projeté.

   L'opposition a été levée, avec d'autres, le 12 avril
2000 par le Conseil d'Etat du canton du Valais. Le projet
avait fait l'objet de préavis favorables de tous les services
cantonaux. Deux séances d'information avaient été organisées,
dont une à l'intention des commerçants. Seules vingt places
de parc étaient supprimées dans la partie concernée par le
projet. Les possibilités de stationnement étaient à disposi-
tion à proximité, notamment le Parking du Scex. Une étude
d'impact n'était pas nécessaire. Une certaine tolérance se-
rait appliquée s'agissant des horaires de livraisons. L'amé-
nagement prévu (cinq passages pour piétons avec îlots-refu-
ges, arrêts de bus et giratoire) réduirait la vitesse de cir-
culation - limitée à 40 km/h -, ainsi que les nuisances, et
permettrait la fluidité du trafic. Les plans relatifs à
l'aménagement et à la signalisation ont été approuvés, sous
certaines conditions relatives à la protection de l'environ-
nement. La signalisation était adoptée à l'essai, pour une
année.

   C.- Y.________ a recouru auprès de la Cour de droit
public du Tribunal cantonal valaisan, en reprenant ses objec-
tions. Il soutenait que la Place du Midi était une route can-
tonale, de sorte que le projet n'était pas de la compétence
communale. Il invoquait les intérêts économiques des commer-
çants, et la nécessité de maintenir les activités au centre
ville. La motivation du Conseil d'Etat était insuffisante sur
ce point. Il y avait inégalité de traitement au détriment des
propriétaires ayant participé à l'aménagement des arcades au
sud de la place. Il évoquait aussi les nuisances résultant de
l'affectation piétonnière de la place. Il persistait à affir-
mer que 69 places de parc seraient supprimées, et se plai-
gnait d'une atteinte à la garantie de la propriété.

   Par arrêt du 21 décembre 2000, la Cour de droit pu-
blic du Tribunal cantonal a rejeté le recours, dans la mesure
de sa recevabilité. Le projet avait été établi conjointement

par la commune de Sion et le Département cantonal des trans-
ports, de l'équipement et de l'environnement (DTEE) et avait
été approuvé par le Conseil d'Etat. Les intérêts financiers
du recourant devaient céder le pas devant l'intérêt public à
un aménagement convivial de la Place du Midi. La suppression
des vingt-deux places de stationnement était largement com-
pensée par l'ouverture du Parking du Scex, qui compte 658
places et dont la sortie se situe à l'angle est de la Place
du Midi. Rien ne permettait de prévoir les conséquences né-
fastes pour les commerçants de la place. L'argumentation du
Conseil d'Etat, quoique succincte, était suffisante. La pro-
cédure de mise à l'enquête était suffisante du point de vue
du droit d'être entendu. Le plan de quartier de 1965 était
susceptible de révision, et les propriétaires voisins n'a-
vaient pas de droit au maintien des places de parc.

   D.- Y.________ forme un recours de droit public
contre ce dernier arrêt, dont il requiert l'annulation. Il
demande en outre l'effet suspensif.

   Le Tribunal cantonal et le Conseil d'Etat ont renon-
cé à se déterminer. La Municipalité de Sion conclut au rejet
du recours dans la mesure où il est recevable.

           C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

   1.- a) Le recours de droit public est ouvert à l'en-
contre d'un plan d'affectation tel que celui approuvé par le
Conseil d'Etat. L'arrêt attaqué est une décision finale de
dernière instance cantonale.

   b) Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour re-
courir les particuliers ou les collectivités lésés par des
arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou
qui sont de portée générale. Contre une décision relative à

l'adoption d'un plan d'affectation, le recours de droit pu-
blic n'est ainsi ouvert, selon la jurisprudence, qu'à celui
qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts person-
nels et juridiquement protégés; le recours formé pour sauve-
garder l'intérêt général, ou visant à préserver de simples
intérêts de fait, est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43
consid. 1a p. 44, 81 consid. 3b p. 85; 125 II 440 consid. 1c
et les arrêts cités).

    Le recourant est propriétaire de plusieurs immeubles
à la Place du Midi et dans ses abords immédiats, où sont ex-
ploités divers commerces et établissements publics. Pour
l'essentiel, le recours tend à la protection des intérêts
économiques de ces commerces, dont il n'aurait pas été suf-
fisamment tenu compte. Le recourant insiste sur la nécessité
d'assurer un accès direct aux clients des commerces. Outre la
liberté économique, il invoque la prohibition de l'arbitrai-
re, en rapport également avec la pesée des intérêts. Le re-
courant ne prétend pas qu'il exploiterait personnellement
l'un des commerces situés sur la Place du Midi. Il s'agit
plutôt de surfaces commerciales louées à des tiers. Or, selon
la jurisprudence rappelée ci-dessus, le recourant n'est pas
admis à recourir pour sauvegarder les intérêts de tiers (ATF
125 I 161 consid. 2a p. 162). Il invoque certes la garantie
de la propriété, mais uniquement en rapport avec les taxes de
remplacement dont il a dû s'acquitter lors de la construction
de ses immeubles. Pour le surplus, le recourant ne prétend
pas être limité d'une quelconque manière dans l'exercice de
son propre droit de propriété. Il n'est pas prétendu que la
suppression des places de parc engendrerait une baisse signi-
ficative de la valeur de ses immeubles. La qualité pour re-
courir sur le fond apparaît ainsi fortement douteuse. Compte
tenu de l'issue du recours, la question peut demeurer indé-
cise.

   2.- Le recourant invoque son droit d'être entendu,
grief d'ordre formel qui doit être examiné en premier lieu,
et que le recourant a en principe qualité pour soulever, in-
dépendamment du fond. Il est reproché au Conseil d'Etat de ne
pas s'être prononcé sur le fait que la partie sud de la Place
du Midi avait été constituée en servitude en faveur de la
Commune de Sion, conformément au plan de quartier de 1965.
Les places de parc avaient été aménagées en compensation de
cette servitude. Dans un grief distinct, le recourant estime
que la décision du Conseil d'Etat serait trop succincte, no-
tamment quant aux intérêts justifiant l'aménagement critiqué.
La mise à l'enquête et les deux séances d'information ne lui
auraient pas permis de s'exprimer valablement.

   Les griefs du recourant sont exposés confusément:
pour partie, ils se rapportent à la motivation de la décision
du Conseil d'Etat, et ne sont donc pas dirigés contre l'arrêt
attaqué; pour partie, il s'agit d'une argumentation sur le
fond relative à la servitude de passage. Le recourant criti-
que enfin la procédure ayant conduit à l'approbation des
plans, sans toutefois élever de grief à l'encontre des con-
sidérations émises sur ce point par la cour cantonale.

   a) Le droit d'être entendu, garanti à l'art. 29 al.
2 Cst., comprend notamment l'obligation de motiver. L'auto-
rité doit indiquer les raisons qui ont conduit à son pronon-
cé, et prendre position sur les arguments pertinents qui lui
sont valablement soumis (ATF 126 I 97 consid. 2b p. 102/103
et les arrêts cités).

   b) S'agissant de la servitude de passage, la cour
cantonale a retenu que le grief était soulevé sous l'angle de
l'égalité de traitement, et que le recourant ne prétendait
pas que d'autres propriétaires se trouvant dans une situation
analogue à la sienne auraient été traités de façon différen-
te. Elle a ensuite considéré que rien ne permettait de penser

que les places de parc auraient été créées en contrepartie
d'une servitude inscrite vingt ans plus tard, en 1985. La
cour cantonale a aussi estimé qu'il n'existait aucun droit
subjectif au maintien de ces places de parc, qui s'opposerait
à la modification d'un plan approuvé en 1965. Cela répond aux
arguments soulevés par le recourant et constitue une motiva-
tion suffisante.

   c) Le recourant semble également soutenir que la
cour cantonale n'aurait pas explicité les raisons pour les-
quelles elle a admis la suppression des places de parc. Ces
motifs ressortent toutefois clairement de l'arrêt attaqué: la
cour cantonale souligne que l'aménagement projeté répond aux
objectifs du plan directeur cantonal, qui est notamment de
promouvoir la coordination et la complémentarité des modes de
transport, en encourageant les déplacements non motorisés par
la création d'aménagements adéquats (consid. 3b et 4c). Elle
relève que les intérêts économiques des commerçants ne sont
pas mis en péril par la suppression des places de parc, comp-
te tenu de la proximité du Parking du Scex, dont les tarifs
sont semblables (consid. 4c). Elle estime enfin que, outre la
légère diminution de la pollution de l'air et du bruit, le
nouvel espace piétonnier convivial pourrait permettre aux
commerces de retrouver un nouveau dynamisme (consid. 7b). Une
telle motivation est, elle aussi, manifestement suffisante du
point de vue formel.

   d) Quant à l'argumentation relative à la procédure
de mise à l'enquête, il peut être renvoyé sur ce point à la
motivation de l'arrêt attaqué: les dispositions sur la mise à
l'enquête et la procédure d'opposition avait été respectées,
et l'art. 4 LAT ne conférait pas de prérogatives supplémen-
taires par rapport aux art. 33 et 34 LAT. Le recourant n'in-
dique pas quelle mesure aurait dû être ordonnée pour lui per-
mettre de mieux faire valoir son point de vue. La procédure
d'opposition, puis de recours apparaît au contraire suffi-

sante de ce point de vue. Cette argumentation répond elle
aussi aux objections du recourant et constitue par conséquent
une motivation suffisante.

   3.- Sur le fond - et pour autant que le grief soit
recevable - le recourant insiste sur la nécessité de prévoir
un accès de proximité aux commerces de la Place du Midi. Il
se contente sur ce point de généralités relatives au confort
d'accès et à "la manière dont est perçu un véhicule automobi-
le" en Valais. Il n'en demeure pas moins que la suppression
des places de parc a fait l'objet d'une pesée soigneuse et
convaincante des intérêts en présence, dont les éléments ont
été rappelés ci-dessus. Cette suppression contribuera en ou-
tre à la diminution du trafic, notamment par la disparition
des mouvements liés à la recherche d'une place libre. On
peut, avec la cour cantonale, présumer que le caractère pié-
tonnier de la place augmentera son attractivité, ce dont bé-
néficiera également le commerce local.

   4.- Le recourant invoque enfin son droit de proprié-
té. Il soutient que les taxes de remplacement, acquittées
lors de la construction de ses immeubles, imposeraient le
maintien des places de parc; il ne serait pas établi que ces
taxes ont été affectées à la construction du Parking du Scex.
L'arrêt attaqué se fonde toutefois sur cette dernière consi-
dération de fait que rien, dans le recours, ne permet de met-
tre en doute.

   5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable.
Un émolument judiciaire est mis à la charge du recourant, qui
succombe (art. 156 al. 1 OJ), le présent arrêt rendant par
ailleurs sans objet la demande d'effet suspensif.

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

   2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 4000 fr.

   3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, à la Municipalité de Sion, au Conseil
d'Etat et au Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 14 mai 2001
KUR/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,