Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.127b/2001
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


1P.127/2001

       Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
      **********************************************

                       30 juillet 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud
et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante. Greffier: M. Jomini.

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

les communes de Gingins et de Trélex, représentées par Me
Philippe Jaton, avocat à Lausanne,

                           contre

l'arrêté pris le 8 janvier 2001 par le Conseil d'Etat du
canton de Vaud, relatif à la création de trois aires provi-
soires de stationnement temporaire pour les gens du voyage,
le Conseil d'Etat étant représenté par Me Denis Sulliger,
avocat à Vevey;

                 (aménagement du territoire)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a pris le
8 janvier 2001 un arrêté relatif à la création de trois aires
provisoires de stationnement temporaire pour les gens du
voyage, dont le texte est le suivant:

        Le Conseil d'Etat du canton de Vaud,

        vu les articles 5 et 7 de la Constitution fédé-
     rale,
        vu l'article 36, alinéa 2 de la loi fédérale
     sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
     (LAT),
        vu l'article 5 de la loi du 4 décembre 1985 sur
     l'aménagement du territoire et les constructions,
        vu le préavis du Département de la sécurité et
     de l'environnement et du Département des infra-
     structures,

        arrête:

        Article premier.-  Compte tenu du manque avéré
     d'aires de stationnement pour les gens du voyage
     sur le territoire cantonal, de la récente dégrada-
     tion des relations entre la population et les gens
     du voyage, ainsi que des risques importants pour la
     sécurité publique et pour la propriété qui en dé-
     coulent, le Conseil d'Etat prend les dispositions
     nécessaires suivantes.

        Le présent arrêté a pour objet de permettre à
     titre provisoire et urgent la création de trois
     aires de stationnement pour les gens du voyage et
     d'arrêter à cette fin la procédure y relative.

        Art. 2.-  Ces trois aires sont réparties sur le
     territoire cantonal et localisées de la manière
     suivante:
        Région Ouest - Parcelle n° 718, située au lieu-
     dit "Les Allevays" sur la commune de Saint-Cergue
     (propriété de la commune de Nyon);
        Région Nord - Parcelle n° 33, située au lieu-
     dit "En Rozaigue" sur la commune d'Orbe (propriété
     de l'Etat de Vaud);

        Région Lausanne - Parcelle n° 1042 (ancienne
     n° 262), située sur la commune de Cheseaux-sur-
     Lausanne (propriété de l'Etat de Vaud).

        Art. 3.-  Les gens du voyage peuvent occuper
     ces aires pendant les mois de mars à novembre pour
     de courts séjours.

        Art. 4.-  En dérogation aux procédures ordinai-
     res prévues par la LATC, les aires de stationnement
     mentionnées à l'article 2 peuvent être aménagées de
     manière provisoire, sommaire et réversible.

        Art. 5.-  Le Département de la sécurité et de
     l'environnement (DSE) est chargé d'engager les pro-
     cédures ordinaires prévues par la LATC afin d'obte-
     nir une planification adéquate et un permis de
     construire pour chacune des trois aires mentionnées
     à l'article 2, dans un délai maximal de trois ans à
     compter de l'adoption du présent arrêté.

        Art. 6.-  Comme c'est le cas pour les aires
     déjà existantes à Payerne et Rennaz, l'Etat assu-
     rera la gestion de ces nouvelles aires. L'encaisse-
     ment des taxes de stationnement sera en principe
     effectué par la gendarmerie cantonale vaudoise et
     ces taxes tiendront compte des coûts de nettoyage
     et/ou de remise en état des lieux.

        Art. 7.-  Le présent arrêté entre en vigueur
     dès son adoption par le Conseil d'Etat. Il prend
     fin à l'issue des procédures prévues à l'article 5,
     mais au plus tard le 31 décembre 2003.

        Art. 8.-  Le Département de la sécurité et de
     l'environnement et le Département des infrastruc-
     tures sont chargés conjointement de son exécution.

   L'arrêté a été publié tel quel dans la Feuille des
avis officiels du canton de Vaud le 19 janvier 2001.

   B.-  Le terrain destiné à accueillir l'aire de sta-
tionnement de la "région Ouest", sur le territoire de la
commune de Saint-Cergue, est une clairière d'environ 1'200
m2, faisant partie d'un bien-fonds partiellement couvert de
forêt; il est classé dans une zone non constructible du plan
général d'affectation de la commune de Saint-Cergue (zone

forestière et de pâturage boisé). Ce terrain se trouve à
quelque kilomètres de la localité de Saint-Cergue; il est
cependant directement voisin des territoires des communes de
Gingins et de Trélex.

   C.-  Agissant conjointement par la voie du recours
de droit public, les communes de Gingins et de Trélex deman-
dent au Tribunal fédéral d'annuler entièrement l'arrêté du 8
janvier 2001, subsidiairement de l'annuler en tant qu'il vise
à la création d'une aire provisoire de stationnement tempo-
raire pour les gens du voyage au lieu-dit "les Allevays" sur
le territoire de la commune de Saint-Cergue. Elles se plai-
gnent en substance d'une violation de leur autonomie et d'une
application arbitraire des règles d'aménagement du territoi-
re, en particulier de l'art. 36 al. 2 de la loi fédérale sur
l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), cité en préambule
de l'arrêté; elles prétendent que la création de cette aire
de stationnement, en raison des dangers qui y sont liés, va
les contraindre à prendre elles-mêmes, sur leurs territoires
respectifs, des mesures d'aménagement du territoire ou de
maintien de l'ordre. Ces deux communes dénoncent en outre une
violation du droit d'être entendu, le Conseil d'Etat ayant
adopté l'arrêté attaqué sans interpeller préalablement les
communes intéressées.

   Le Conseil d'Etat conclut au rejet du recours.

   Les communes recourantes, invitées à déposer un mé-
moire complétif conformément à l'art. 93 al. 2 OJ, maintien-
nent leurs conclusions après avoir eu connaissance de la mo-
tivation présentée par le Conseil d'Etat.

   D.-  Le Tribunal fédéral a rendu le 3 avril 2001 un
premier arrêt dans cette cause. Il a déclaré partiellement
irrecevable le recours des communes de Gingins et de Trélex,
traité comme un recours de droit administratif, en tant qu'il

était dirigé contre l'autorisation d'aménager la parcelle n°
718, au lieu-dit "Les Allevays", sur le territoire de la com-
mune de Saint-Cergue; il a transmis l'affaire au Tribunal ad-
ministratif du canton de Vaud afin qu'il statue, le cas
échéant, sur ce point. Pour le reste, le Tribunal fédéral a
décidé de poursuivre l'instruction du recours de droit pu-
blic.

   Le Tribunal fédéral a considéré, dans cet arrêt, que
les travaux prévus dans le cas particulier pour l'aménagement
du sol et l'équipement, même qualifiés de provisoires, néces-
sitaient une autorisation de construire en vertu de l'art. 22
al. 1 LAT. Ces installations n'étant manifestement pas
conformes à l'affectation de la zone, elles requièrent une
dérogation ou autorisation exceptionnelle au sens des art. 24
ss LAT. L'art. 4 de l'arrêté du 8 janvier 2001, qui autorise
la réalisation immédiate de l'aire de stationnement, contient
implicitement cette décision. Or, en vertu du droit fédéral
(art. 98a al. 1 OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT), une
voie de recours devant une autorité judiciaire cantonale doit
en pareil cas être ouverte. Aussi l'affaire a-t-elle été
transmise au Tribunal administratif cantonal, dans la mesure
où la contestation portait sur l'autorisation de construire.

   Le Tribunal fédéral a par ailleurs considéré, sur la
base d'un premier examen sommaire, que les autres disposi-
tions contestées de l'arrêté du 8 janvier 2001, concernant la
planification de l'utilisation du sol aux trois emplacements
mentionnés à l'art. 2, pourraient éventuellement être assimi-
lées à des mesures adoptées dans le cadre du plan directeur
cantonal ou dans une procédure débouchant sur l'établissement
d'un plan d'affectation cantonal ou communal. Le recours de
droit public pouvait, le cas échéant, être formé directement
contre ces mesures d'aménagement du territoire (cf. art. 34
al. 3 LAT).

   E.-  Après le jugement partiel du 3 avril 2001, le
Tribunal fédéral a invité les recourantes à déposer un mé-
moire complétif (cf. supra, let. C); aucune autre mesure
d'instruction n'a été ordonnée.

   Auparavant, par une ordonnance du 15 mars 2001, le
Président de la Ie Cour de droit public avait admis la requê-
te d'effet suspensif présentée par les communes de Gingins et
de Trélex, à propos de la réalisation des travaux d'aménage-
ment de la parcelle n° 718 précitée. Ces mesures provision-
nelles fondées sur le droit fédéral ont pris fin avec l'arrêt
du 3 avril 2001, reconnaissant la compétence du Tribunal ad-
ministratif cantonal pour statuer sur la validité de cette
autorisation de construire et, partant, depuis la transmis-
sion de l'affaire, pour suspendre le cas échéant à titre pro-
visoire les effets de l'art. 4 de l'arrêté du 8 janvier 2001.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.-  Comme cela a déjà été exposé dans l'arrêt du 3
avril 2001, l'arrêté attaqué contient différentes mesures,
décisions ou prescriptions. En matière d'aménagement du ter-
ritoire, son art. 4 équivaut à une autorisation de construire
pour l'aménagement immédiat d'une aire de stationnement pour
les gens du voyage à Saint-Cergue, à proximité directe du
territoire des communes recourantes; cette autorisation n'est
plus litigieuse devant le Tribunal fédéral depuis l'arrêt du
3 avril 2001 (cf. supra, let. D).

   L'art. 5 de l'arrêté attaqué dispose par ailleurs
que seront engagées par un département cantonal les "procé-
dures ordinaires prévues par la [loi cantonale sur l'aména-
gement du territoire et les constructions (LATC)] afin d'ob-
tenir une planification adéquate et un permis de construire"

pour trois aires de stationnement pour les gens du voyage,
dont la localisation est définie à l'art. 2 de cet arrêté. Le
but de cette démarche du canton est exposé aux art. 1er et 3
de l'arrêté attaqué. Par ces mesures, le gouvernement canto-
nal entend régler, du point de vue de l'aménagement du ter-
ritoire, certains problèmes posés par le séjour des gens du
voyage dans le canton de Vaud. On peut considérer qu'il
s'agit là d'une activité ayant des effets sur l'organisation
du territoire, dès lors que des emplacements doivent être
réservés à cette utilisation. Des mesures de planification,
prises dans le cadre du plan directeur cantonal (art. 6 ss
LAT) ou dans un plan d'affectation (art. 14 ss LAT), voire
éventuellement sous une autre forme prévue par le droit can-
tonal de l'aménagement du territoire, pourraient donc se jus-
tifier. Il serait alors possible d'adopter ces mesures de
planification parallèlement à la délivrance d'autorisations
de construire dérogatoires, qui précisément ne sont pas
conformes à la planification actuelle. On peut, en d'autres
termes, contester séparément les mesures prévues dans l'ar-
rêté attaqué en matière de planification. Tel est, selon le
mémoire complétif des recourantes, le sens du recours de
droit public après que le Tribunal fédéral a prononcé l'ir-
recevabilité des griefs contre l'autorisation de construire
délivrée selon l'art. 4 de l'arrêté attaqué.

   Cet arrêté prévoit encore, à son art. 6, que l'Etat
assurera la gestion des aires de stationnement; il fixe cer-
taines modalités des taxes d'utilisation. Cette prescription,
qui ne concerne pas directement l'aménagement du territoire,
n'est pas critiquée de manière spécifique par les recourantes
qui, dans leur mémoire complétif, précisent que c'est bien la
mesure principale, soit la désignation d'aires de stationne-
ment, qui est contestée. Quant aux dispositions finales des
art. 7 et 8 de l'arrêté, elles ne sont pas litigieuses.

   L'objet de la contestation étant ainsi délimité, il
convient d'examiner la recevabilité du recours de droit pu-
blic. Le Tribunal fédéral se prononce d'office et librement à
ce sujet (ATF 127 III 41 consid. 2a p. 42; 126 I 207 consid.
1 p. 209 et les arrêts cités).

   2.-  a) Le recours de droit public formé par une
commune pour violation de son autonomie est, selon la juris-
prudence, un recours "pour violation de droits constitution-
nels des citoyens", au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ, et
les conditions légales de recevabilité des art. 84 ss OJ s'y
appliquent (cf. notamment ATF 119 Ia 214 consid. 1a p. 216;
103 Ia 468 consid. 4a p. 474; Walter Kälin, Das Verfahren der
staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd. Berne 1994 p. 42).

   Dans sa disposition consacrée à la juridiction cons-
titutionnelle, la nouvelle Constitution fédérale, du 18 avril
1999, mentionne spécialement ce recours (réclamation pour
violation de l'autonomie des communes - art. 189 al. 1 let. b
Cst.), en le distinguant des autres recours (ou réclamations)
pour violation de droits constitutionnels (art. 189 al. 1
let. a Cst.). On ne saurait cependant déduire de cette formu-
lation, en l'état de la législation fédérale, qu'il faut sou-
mettre le recours de droit public pour violation de l'autono-
mie communale à d'autres conditions que celles applicables au
recours de droit public pour violation de droits constitu-
tionnels des citoyens selon l'art. 84 al. 1 let. a OJ. Le
Message du Conseil fédéral relatif à la nouvelle Constitution
fédérale expose du reste que cette mention spéciale du re-
cours pour violation de l'autonomie communale n'a pas d'autre
portée que de consacrer expressément la solution jurispruden-
tielle (FF 1997 I 433; cf. Andreas Auer/Giorgio Malinverni/
Michel Hottelier, Droit constitutionnel suisse, vol. I, Berne
2000, p. 726).

   b)  Selon la jurisprudence relative à l'art. 84 al.
1 let. a OJ, le recours pour violation de droits constitu-
tionnels des citoyens n'est recevable que si l'acte attaqué,
pris sous la forme d'un arrêté de portée générale ou d'une
décision particulière, affecte d'une façon quelconque la si-
tuation juridique du justiciable, notamment en lui imposant
une obligation de faire, de s'abstenir ou de tolérer (ATF 125
I 119 consid. 2a p. 121; 113 Ia 232 consid. 1 p. 234 et les
arrêts cités). La commune qui se plaint d'une violation de
son autonomie doit elle aussi être atteinte ou affectée dans
sa situation juridique, en tant que détentrice de la puis-
sance publique (cf. ATF 124 I 223 consid. 1b p. 226 et les
arrêts cités).

   Les dispositions de l'arrêté attaqué en matière
d'aménagement du territoire, seules litigieuses devant le
Tribunal fédéral (art. 5, en relation avec les art. 1er, 2
et 3  - cf. supra, consid. 1), n'ont pas un caractère pure-
ment général et abstrait, puisqu'elles se rapportent à l'uti-
lisation, dans des conditions bien définies, de trois terr-
ains désignés de façon précise (à Saint-Cergue, Orbe et
Cheseaux-sur-Lausanne). Cela étant, il est généralement dif-
ficile de déterminer la nature juridique des instruments
d'aménagement du territoire si l'on se réfère aux régimes
classiques du droit administratif, celui de la norme ou celui
de la décision (cf. notamment Pierre Moor, Droit administra-
tif, vol. II, Berne 1991, p. 290). Cette question est d'au-
tant plus délicate quand la mesure d'aménagement du territoi-
re est contenue dans un acte qui, comme l'arrêté attaqué, ne
se présente pas d'emblée sous la forme d'un plan - plan di-
recteur ou plan d'affectation - prévu par la législation fé-
dérale ou cantonale. Il faut donc déterminer quels sont les
effets juridiques de cet acte, et examiner en particulier
s'il s'apparente à un plan directeur cantonal ou à un plan
d'affectation, la jurisprudence ayant déjà résolu à ce propos
la question de la recevabilité du recours de droit public.

Ainsi, une décision cantonale sur l'adoption d'un plan d'af-
fectation, vu les effets contraignants de ce plan sur le mode
d'utilisation du sol (art. 14 al. 1 LAT), peut faire l'objet
d'un recours de droit public de la part du propriétaire tou-
ché mais aussi de la commune concernée; c'est le cas par
exemple lorsqu'un plan communal n'est pas approuvé par l'au-
torité cantonale (cf. ATF 119 Ia 300; 111 Ia 129; Alfred
Kuttler, Zum Schutz der Gemeindeautonomie in der neueren
bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in: Juridiction constitu-
tionnelle et juridiction administrative, Zurich 1992 p. 54),
ou lorsque le canton adopte un plan d'affectation en se subs-
tituant à la commune, ou encore crée une zone réservée (cf.
ATF 114 Ia 291; 111 Ia 67). Une commune peut aussi, en invo-
quant son autonomie, contester le nouveau plan d'affectation
d'une commune voisine, car il peut influencer sa propre pla-
nification ou l'exercice de ses attributions (ATF 114 Ia 466
consid. 1b p. 468). Par ailleurs, s'agissant des plans direc-
teurs des cantons, la jurisprudence se fonde sur la règle de
l'art. 9 al. 1 LAT, aux termes de laquelle ces plans ont
force obligatoire pour les autorités, pour admettre que les
communes peuvent être atteintes par un tel plan dans leur si-
tuation juridique et, partant, former un recours de droit pu-
blic (ATF 119 Ia 285 consid. 4a p. 294 et les arrêts cités;
Kuttler, op. cit., p. 51). En revanche, comme les plans di-
recteurs n'ont selon la loi aucune force obligatoire pour les
particuliers, notamment pour les propriétaires fonciers, la
voie du recours de droit public, contre le plan directeur
lui-même, ne leur est pas ouverte (cf. ATF 119 Ia 285 consid.
3b p. 289; 113 Ib 299 consid. 2b p. 302).

   c) aa)  Dans sa réponse au recours de droit public,
le Conseil d'Etat expose que l'art. 5 de l'arrêté attaqué
prévoit l'élaboration de plans d'affectation cantonaux au
sens de l'art. 45 al. 2 LATC et que cet arrêté déroge à l'au-
tonomie communale. Cette réponse n'est pas plus précise quant
aux effets juridiques de cet acte. Les normes du droit de

l'aménagement du territoire citées dans le préambule de l'ar-
rêté attaqué (l'art. 36 al. 2 LAT et l'art. 5 LATC) ne don-
nent pas davantage des indications claires à ce sujet. L'art.
5 al. 1 LATC permet au Conseil d'Etat d'adopter des arrêtés
destinés à compléter la loi cantonale; cette disposition ne
définit toutefois ni le contenu, ni la portée de ces arrêtés.
Quant à l'art. 36 al. 2 LAT, il autorise les gouvernements
cantonaux à prendre des mesures provisionnelles (dans le
texte allemand: "vorläufige Regelungen") aussi longtemps que
le droit cantonal n'aura pas désigné d'autres autorités
compétentes. Il n'est pas certain que le gouvernement can-
tonal puisse, après que la législation cantonale sur l'amé-
nagement du territoire a été adaptée aux exigences de la loi
fédérale de 1979 et à celles d'autres lois fédérales ayant
des incidences sur l'utilisation du sol - telle la loi fédé-
rale sur la protection de l'environnement (LPE) -, se préva-
loir encore de l'art. 36 al. 2 LAT non pas pour compléter la
réglementation cantonale mais pour déroger aux règles ordi-
naires lorsqu'il est confronté à un problème d'aménagement
concret nécessitant des mesures d'urgence (cf. ATF 117 Ia 352
consid. 5 p. 357; 114 Ib 321 consid. 4a-b p. 325; 108 Ib 479
consid. 2b p. 482; Alexander Ruch, Commentaire LAT, Zurich
1999, n. 18 ad art. 36 LAT); cette question peut néanmoins
demeurer indécise. Quoi qu'il en soit, même si l'arrêté atta-
qué pouvait être considéré comme une réglementation provi-
soire ou une mesure provisionnelle au sens de l'art. 36 al. 2
LAT, on ne pourrait rien déduire de cette règle du droit fé-
déral au sujet de ses effets juridiques. Au reste, cet arrêté
n'a pas pour objet de créer des zones réservées au sens de
l'art. 27 LAT ou de l'art. 46 LATC - il s'agit d'une mesure
provisionnelle expressément mentionnée à l'art. 36 al. 2
LAT -, dans le périmètre desquelles les communes concernées
ne pourraient plus prendre de mesures d'aménagement du terri-
toire susceptibles d'entraver l'établissement de futurs plans
d'affectation. Il ne contient pas d'autre disposition qui mo-
difierait d'ores et déjà, de façon immédiate et contraignan-

te, le régime d'utilisation du sol défini par les plans d'af-
fectation communaux en vigueur.

   bb)  L'art. 5 de l'arrêté attaqué dispose qu'un dé-
partement cantonal est "chargé d'engager les procédures ordi-
naires prévues par la LATC afin d'obtenir une planification
adéquate et un permis de construire pour chacune des trois
aires mentionnées à l'art. 2". En adoptant cette disposition,
le Conseil d'Etat a envisagé que la "planification adéquate"
puisse prendre la forme de plans d'affectation cantonaux, que
l'Etat peut établir d'après la loi "pour des tâches, des en-
treprises ou des constructions intéressant l'ensemble ou une
partie importante du canton" (art. 45 al. 2 let. b LATC). Le
texte de l'art. 5 de l'arrêté n'exclut cependant pas l'adop-
tion de plans d'affectation communaux (cf. art. 45 al. 1
LATC), selon les "procédures ordinaires prévues par la LATC",
soit les art. 56 ss LATC, au cas où les autorités compétentes
des communes accepteraient le projet du département. En d'au-
tres termes, l'arrêté attaqué ne prive pas formellement, sur
ce point, les communes concernées d'une partie de leurs at-
tributions dans le domaine des plans d'affectation (cf., a
contrario, ATF 117 Ia 352 consid. 3b p. 355). De même, pour
l'octroi des permis de construire à la suite de l'élaboration
de la "planification adéquate", l'arrêté attaqué n'exclut pas
l'application des règles ordinaires de procédure des art. 103
ss LATC, consacrant la compétence des municipalités, les dé-
partements cantonaux étant seulement appelés à délivrer les
autorisations spéciales prévues par des règles particulières
du droit cantonal (art. 120 ss LATC).

   Si, pour garantir l'adoption et l'entrée en vigueur
de la "planification adéquate" dans le délai fixé à l'art. 5
in fine de l'arrêté attaqué, le département cantonal décide
d'engager une procédure d'établissement d'un plan d'affecta-
tion cantonal, les communes concernées conserveront la possi-
bilité, selon les règles ordinaires de l'art. 73 LATC et des

art. 56 ss LATC auxquelles cet article renvoie, de contester
dans cette procédure la réalisation des conditions de l'art.
45 al. 2 LATC et, le cas échéant, le contenu du plan d'affec-
tation. A ce stade-là, elles pourront donc se prévaloir de
leur autonomie et de leurs attributions en matière d'aménage-
ment du territoire.

   De ce point de vue, l'arrêté attaqué n'affecte donc
pas les communes recourantes dans leur situation juridique de
collectivités compétentes pour l'aménagement de leur terri-
toire. Il doit bien plutôt être interprété comme une directi-
ve ou une ordonnance interne, destinée au Département canto-
nal de la sécurité et de l'environnement - chargé d'engager
les procédures ordinaires selon la LATC -, qui ne crée pas
d'obligations à la charge des tiers ou des communes.

   cc)  Au surplus, l'arrêté attaqué ne saurait être
assimilé à un élément du plan directeur cantonal. Manifeste-
ment, ni son contenu ni sa forme ne correspondent aux défini-
tions légales des art. 6 ss LAT et 25 ss LATC. En particu-
lier, il n'a pas été adopté à la suite d'une consultation pu-
blique selon l'art. 28 al. 2 LATC et il n'a pas été soumis au
Grand Conseil (art. 8 et 29 LATC). Il est donc exclu de re-
connaître à cet arrêté une force obligatoire pour les autori-
tés communales, par une application analogique de l'art. 9
al. 1 LAT (cf. supra, consid. 2b; cf. également art. 31 al. 1
LATC, dont la portée correspond à celle de l'art. 9 al. 1
LAT).

   d)  En résumé, les dispositions litigieuses de l'ar-
rêté attaqué ne portent pas directement atteinte à la situa-
tion juridique des communes recourantes. Il est vrai que,
dans sa réponse, le Conseil d'Etat fait valoir que cet arrêté
déroge à l'autonomie communale; mais sans doute se réfère-t-
il à ce propos aux autorisations de construire octroyées se-
lon l'art. 4 ("en dérogation aux procédures ordinaires pré-

vues par la LATC"), au sujet desquelles le Tribunal fédéral
n'a pas à se prononcer dans la présente procédure. Peut-être
aussi le Conseil d'Etat estime-t-il, plus généralement, qu'en
prévoyant des mesures d'aménagement du territoire, l'arrêté
attaqué restreint indirectement la liberté de décision des
communes concernées, ou annonce d'éventuelles restrictions
futures; cela ne signifie pas pour autant que ces mesures af-
fectent d'ores et déjà la situation juridique de ces commu-
nes. Aussi le recours de droit public doit-il être déclaré
irrecevable.

   3.-  Il n'y a pas lieu de percevoir un émolument ju-
diciaire (art. 156 al. 2 OJ). Ni les recourantes, vu l'irre-
cevabilité de leurs conclusions, ni l'Etat de Vaud, en tant
que collectivité publique, n'ont droit à des dépens (art. 159
al. 1 et 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Déclare irrecevable le recours de droit public;

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire
ni alloué de dépens;

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties ainsi que, pour information, au Tribunal
administratif du canton de Vaud et aux communes de Saint-
Cergue et de Nyon (parties intéressées).

Lausanne, le 30 juillet 2001
JIA/col

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,