Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1P.126/2001
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1P.126/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       8 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann, Féraud
et Favre. Greffier: M. Jomini.

          Statuant sur le recours de droit public
                         formé par

May Bittel, à Versoix, Michael Bittel, à Céligny, et Patrick
Vogt, à Lausanne, tous trois représentés par Me Henri-
Philippe Sambuc, avocat à Vessy/Genève,

                           contre

l'arrêté pris le 8 janvier 2001 par le Conseil d'Etat du
canton de Vaud, relatif à la création de trois aires provi-
soires de stationnement temporaire pour les gens du voyage,
le Conseil d'Etat étant représenté par Me Denis Sulliger et
Me Minh Son Nguyen, avocats à Vevey;

                 (aménagement du territoire)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  Le Conseil d'Etat du canton de Vaud a pris le
8 janvier 2001 un arrêté relatif à la création de trois aires
provisoires de stationnement temporaire pour les gens du
voyage, dont le texte est le suivant:

        Le Conseil d'Etat du canton de Vaud,

        vu les articles 5 et 7 de la Constitution
     fédérale,
        vu l'article 36, alinéa 2 de la loi fédérale
     sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979
     (LAT),
        vu l'article 5 de la loi du 4 décembre 1985 sur
     l'aménagement du territoire et les constructions,
        vu le préavis du Département de la sécurité et
     de l'environnement et du Département des infra-
     structures,

        arrête:

        Article premier.-  Compte tenu du manque avéré
     d'aires de stationnement pour les gens du voyage
     sur le territoire cantonal, de la récente dégra-
     dation des relations entre la population et les
     gens du voyage, ainsi que des risques importants
     pour la sécurité publique et pour la propriété qui
     en découlent, le Conseil d'Etat prend les disposi-
     tions nécessaires suivantes.

        Le présent arrêté a pour objet de permettre à
     titre provisoire et urgent la création de trois
     aires de stationnement pour les gens du voyage et
     d'arrêter à cette fin la procédure y relative.

        Art. 2.-  Ces trois aires sont réparties sur le
     territoire cantonal et localisées de la manière
     suivante:
        Région Ouest - Parcelle n° 718, située au
     lieu-dit "Les Allevays" sur la commune de Saint-
     Cergue (propriété de la commune de Nyon);
        Région Nord - Parcelle n° 33, située au lieu-
     dit "En Rozaigue" sur la commune d'Orbe (propriété
     de l'Etat de Vaud);
        Région Lausanne - Parcelle n° 1042 (ancienne
     n° 262), située sur la commune de Cheseaux-sur-
     Lausanne (propriété de l'Etat de Vaud).

        Art. 3.-  Les gens du voyage peuvent occuper
     ces aires pendant les mois de mars à novembre pour
     de courts séjours.

        Art. 4.-  En dérogation aux procédures ordi-
     naires prévues par la LATC, les aires de station-
     nement mentionnées à l'article 2 peuvent être amé-
     nagées de manière provisoire, sommaire et réver-
     sible.

        Art. 5.-  Le Département de la sécurité et de
     l'environnement (DSE) est chargé d'engager les pro-
     cédures ordinaires prévues par la LATC afin d'obte-
     nir une planification adéquate et un permis de
     construire pour chacune des trois aires mentionnées
     à l'article 2, dans un délai maximal de trois ans à
     compter de l'adoption du présent arrêté.

        Art. 6.-  Comme c'est le cas pour les aires
     déjà existantes à Payerne et Rennaz, l'Etat assure-
     ra la gestion de ces nouvelles aires. L'encaisse-
     ment des taxes de stationnement sera en principe
     effectué par la gendarmerie cantonale vaudoise et
     ces taxes tiendront compte des coûts de nettoyage
     et/ou de remise en état des lieux.

        Art. 7.-  Le présent arrêté entre en vigueur
     dès son adoption par le Conseil d'Etat. Il prend
     fin à l'issue des procédures prévues à l'article 5,
     mais au plus tard le 31 décembre 2003.

        Art. 8.-  Le Département de la sécurité et de
     l'environnement et le Département des infrastruc-
     tures sont chargés conjointement de son exécution.

   L'arrêté a été publié tel quel dans la Feuille des
avis officiels du canton de Vaud le 19 janvier 2001.

   B.- May Bittel, Michael Bittel et Patrick Vogt, ci-
toyens suisses appartenant à la communauté des gens du voyage
suisses, ont remis le 15 février 2001 au Tribunal fédéral un
recours de droit public dirigé contre l'arrêté du Conseil
d'Etat du 8 janvier 2001. Leurs conclusions sont les sui-
vantes:

        1.  Constater que les recourants, membres de la
     communauté des Gens du voyage suisses, ont des
     droits constitutionnels et des droits résultant de
     conventions internationales à voyager et s'arrêter
     sur tout le territoire de la Confédération sans
     discrimination.

        2.  Constater en particulier que la création
     par le canton de Vaud de places de stationnement
     officielles et obligatoires destinées aux Tziganes
     étrangers se déplaçant en grand nombre ne peut
     avoir pour effet de limiter les droits des recou-
     rants ou de les discriminer.

        3.  Ordonner en conséquence à l'Etat de Vaud de
     respecter ces droits dans l'application de l'arrêté
     dont recours.

        4.  Annuler l'art. 1 al. 1 de l'arrêté dont re-
     cours.

        5.  Annuler l'art. 3 de l'arrêté dont recours.

        6.  Annuler l'art. 6, 2e phrase, de l'arrêté
     dont recours.

        7.  Condamner l'Etat de Vaud à verser
     100'000 fr. à titre de réparation juste et adéquate
     au sens de l'art. 6 de la Convention internationale
     sur l'élimination de toutes les formes de discrimi-
     nation raciale, pour la formulation, le but et les
     effets discriminatoires de l'arrêté dont recours,
     montant à régler au profit de l'association "Action
     Sinti et Jenisch suisses" pour ses actions en fa-
     veur des Gens du voyage suisses.

        8.  Débouter l'Etat de Vaud de toutes autres ou
     contraires conclusions.

        9.  Le condamner en tous les dépens.

   Les recourants se plaignent de la violation de di-
vers droits et principes garantis par la Constitution fédé-
rale (art. 5, 8 al. 2, 13, 24, 27 Cst.), par la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des liber-
tés fondamentales (art. 8 et 14 CEDH [RS 0.101]), par le
Pacte international relatif aux droits civils et politiques
(art. 17 et 27 Pacte ONU II [RS 0.103.2]), par la Convention
internationale sur l'élimination de toutes les formes de dis-

crimination raciale (art. 2 al. 1 de cette Convention [RS
0.104]) et par le droit constitutionnel non écrit (prétendue
liberté immémoriale des gens du voyage suisses de voyager et
de s'arrêter sur tout le territoire de la Confédération).

   Dans sa réponse, le Conseil d'Etat conteste la rece-
vabilité d'une partie des conclusions des recourants (conclu-
sions 1, 2, 3 et 7); il conclut pour le reste au rejet du re-
cours de droit public.

   Les recourants, invités à déposer un mémoire complé-
tif après avoir eu connaissance de la motivation présentée
par le Conseil d'Etat (cf. art. 93 al. 2 OJ), persistent dans
leurs conclusions.

   C.-  Les recourants ont sollicité d'emblée que des
débats soient ordonnés, conformément à l'art. 91 al. 2 OJ.
Les parties ont dès lors été citées à une audience de la Ie
Cour de droit public, le 26 septembre 2001, au cours de la-
quelle elles ont plaidé.

   En cours d'instruction, les recourants ont encore
requis que la délibération du Tribunal fédéral ait lieu en
séance publique.

   D.-  Les recourants ont demandé à être dispensés de
l'obligation de fournir des sûretés en garantie des frais ju-
diciaires présumés (cf. art. 150 al. 1 OJ). Le Président de
la Ie Cour de droit public a fait droit à cette requête.

   E.-  Deux autres recours de droit public ont été
formés contre l'arrêté du Conseil d'Etat du 8 janvier 2001:
l'un par la commune d'Orbe (cause 1P.110/2001) et l'autre par
les communes de Gingins et de Trélex (cause 1P.127/2001). Ces
recours ont été déclarés irrecevables par des arrêts rendus
le 3 avril 2001 (jugements partiels) et le 30 juillet 2001.

Ces derniers ont été communiqués pour information aux actuels
recourants.

          C o n s i d é r a n t   e n   d r o i t :

   1.-  Conformément à la règle de l'art. 36b OJ, le
Tribunal fédéral statue sur le présent recours par voie de
circulation.

   2.-  Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 127
I 92 consid. 1 p. 93; 127 II 198 consid. 2 p. 201 et les ar-
rêts cités).

   a)  Les recourants agissent, à l'encontre de l'arrê-
té du Conseil d'Etat du 8 janvier 2001, par la voie du re-
cours de droit public pour violation de droits constitution-
nels des citoyens, au sens de l'art. 84 al. 1 let. a OJ. Se-
lon la jurisprudence relative à cette disposition, ce recours
n'est recevable que si l'acte attaqué, pris sous la forme
d'un arrêté de portée générale ou d'une décision particuliè-
re, affecte d'une façon quelconque la situation juridique du
justiciable, notamment en lui imposant une obligation de
faire, de s'abstenir ou de tolérer (ATF 125 I 119 consid. 2a
p. 121; 113 Ia 232 consid. 1 p. 234 et les arrêts cités).

   b)  L'arrêté attaqué est insolite. Comme le Tribunal
fédéral l'a relevé dans ses arrêts sur les recours des commu-
nes d'Orbe, de Gingins et de Trélex (cf. supra, let. E), il
contient différentes mesures, décisions ou prescriptions.

   aa)  En particulier, son art. 4 équivaut à une auto-
risation de construire pour l'aménagement immédiat d'une aire
de stationnement pour les gens du voyage aux trois emplace-
ments mentionnés à l'art. 2. Ces autorisations - à tout le

moins à Orbe (région Nord) et à Saint-Cergue (région Ouest) -
doivent satisfaire aux conditions des art. 22 et 24 ss de la
loi fédérale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700)
et, en vertu du droit fédéral, une voie de recours auprès
d'une autorité judiciaire cantonale doit être ouverte (art.
98a al. 1 OJ en relation avec l'art. 34 al. 1 LAT). C'est
pourquoi, en tant que les recours précités étaient dirigés
contre les autorisations d'aménager les aires de stationne-
ment d'Orbe et de Saint-Cergue, les affaires ont été trans-
mises au Tribunal administratif du canton de Vaud (arrêts du
3 avril 2001 dans les causes 1P.110/2001 et 1P.127/2001).

   Les actuels recourants ne contestent pas les autori-
sations de construire délivrées à titre dérogatoire, selon
l'art. 4 de l'arrêté attaqué, pour les trois aires de sta-
tionnement concernées; ils prétendent du reste qu'ils pour-
raient choisir d'y séjourner. C'est pourquoi leur recours n'a
pas, à l'instar des recours formés par les communes préci-
tées, été partiellement transmis au Tribunal administratif
cantonal.

   bb)  L'arrêté attaqué prévoit par ailleurs, à son
art. 5, que les "procédures ordinaires", selon la loi canto-
nale sur l'aménagement du territoire et les constructions
(LATC), devront être engagées par l'administration cantonale
"afin d'obtenir une planification adéquate et un permis de
construire pour chacune des trois aires mentionnées à l'art.
2". L'objectif d'aménagement du territoire est encore décrit
dans d'autres dispositions de l'arrêté, notamment aux art.
1er et 3. A ce propos - comme cela a été exposé dans les
arrêts du 30 juillet 2001 dans les causes 1P.110/2001 et
1P.127/2001 -, l'arrêté attaqué n'a pas véritablement un ca-
ractère général et abstrait, puisqu'il se rapporte à l'utili-
sation, dans des conditions bien définies, de trois terrains
désignés de façon précise.

   Il n'est pas évident de définir la portée de cet
arrêté au regard des règles du droit fédéral et cantonal de
l'aménagement du territoire. Il n'a pas pour objet de créer
des zones réservées au sens de l'art. 27 LAT ou de l'art. 46
LATC, dans le périmètre desquelles les communes concernées ne
pourraient plus prendre de mesures d'aménagement du terri-
toire susceptibles d'entraver l'établissement de futurs plans
d'affectation, et il ne contient pas d'autre disposition qui
modifierait d'ores et déjà, de façon immédiate et contrai-
gnante, le régime d'utilisation du sol défini par les plans
d'affectation communaux en vigueur. Il ne saurait, au sur-
plus, être assimilé à un élément du plan directeur cantonal,
car ni son contenu ni sa forme ne correspondent aux défini-
tions légales des art. 6 ss LAT et 25 ss LATC; de ce point de
vue, il est donc exclu de lui reconnaître une force obliga-
toire pour les autorités, par une application analogique de
l'art. 9 al. 1 LAT. Dans les arrêts précités du 30 juillet
2001, le Tribunal fédéral a considéré que cet arrêté n'affec-
tait pas les communes recourantes dans leur situation juridi-
que de collectivités compétentes pour l'aménagement de leur
territoire; il devait plutôt être interprété comme une direc-
tive ou une ordonnance interne, destinée au Département can-
tonal de la sécurité et de l'environnement (chargé d'engager
les procédures ordinaires selon la LATC - art. 5 de l'arrê-
té), qui ne crée pas d'obligations à la charge des tiers ou
des communes (consid. 2c/bb des arrêts du 30 juillet 2001).

   c)  Dans les arrêts précités, le Tribunal fédéral ne
s'est pas prononcé spécialement sur la portée des art. 1er, 3
et 6, 2e phrase, de l'arrêté, dont les recourants demandent
l'annulation.

   aa)  Selon les recourants, la formulation de l'art.
1er de l'arrêté serait discriminatoire et contraire aux prin-
cipes énoncés à l'art. 2 al. 1 let. a de la Convention inter-
nationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimi-

nation raciale, parce qu'il assimilerait tous les membres de
la communauté des gens du voyage à des délinquants menaçant
l'intégrité physique et les biens de la population.

   L'art. 1er de l'arrêté attaqué ne contient manifes-
tement aucune règle générale et abstraite affectant la situa-
tion juridique des gens du voyage ou d'autres citoyens. Cette
disposition, même incluse dans le texte de l'arrêté, a la
fonction d'un exposé des motifs, censé justifier l'adoption
des "dispositions nécessaires" (cf. art. 1er al. 1 in fine)
énoncées aux art. 2 ss de l'arrêté. En d'autres termes, le
Conseil d'Etat entend ainsi exposer le contexte et le fonde-
ment des mesures d'aménagement du territoire qu'il a adoptées
ou prévues (autorisations exceptionnelles selon l'art. 4,
planification et autorisations ordinaires ultérieures selon
l'art. 5).

   Cet exposé des motifs n'est, à l'évidence, pas une
synthèse de l'analyse sociale et politique, par les autorités
cantonales, de la situation des gens du voyage. En prenant
acte d'une "récente dégradation des relations entre la popu-
lation et les gens du voyage" et en invoquant des risques
pour la sécurité des personnes et des biens, le Conseil
d'Etat n'a donc pas adopté une ligne politique qui consiste-
rait à considérer les gens du voyage exclusivement comme une
menace pour la sécurité et pour la "population" (par quoi on
entend manifestement la population résidente ou sédentaire,
les gens du voyage formant également un groupe de population,
la "population nomade" - cf. art. 1er de la loi fédérale du 7
octobre 1994 concernant la fondation «Assurer l'avenir des
gens du voyage suisses» [RS 449.1]). Quelque discutable que
puisse être la formulation de l'art. 1er al. 1 de l'arrêté,
elle n'a pas de véritable portée.

   bb)  Les recourants critiquent l'art. 3 de l'arrêté,
qui évoque un temps de stationnement limité à de "courts sé-
jours", pendant une partie de l'année seulement (de mars à
novembre). Il s'agirait selon eux de restrictions inadmis-
sibles à la liberté personnelle, à la liberté d'établissement
et à la liberté économique des gens du voyage suisses.

   Or, cette disposition n'est, elle non plus, pas une
règle générale et abstraite affectant la situation juridique
des recourants ou d'autres citoyens susceptibles d'utiliser
les aires de stationnement. L'arrêté attaqué n'a pas pour
objet de réglementer le séjour des gens du voyage - suisses
ou étrangers - dans le canton de Vaud, ni même de fixer les
conditions d'utilisation des trois aires de stationnement
mentionnées à son art. 2. Aussi bien le titre de l'arrêté -
"relatif à la création de trois aires provisoires de sta-
tionnement temporaire pour les gens du voyage" -, le contenu
de son préambule - qui mentionne, outre des principes géné-
raux de la Constitution fédérale (art. 5 Cst., principes de
l'activité de l'Etat régi par le droit; art. 7 Cst., respect
et protection de la dignité humaine), des normes du droit
fédéral et cantonal de l'aménagement du territoire (art. 36
al. 2 LAT, art. 5 LATC) - que le texte des différents arti-
cles démontrent que l'objectif du Conseil d'Etat était de
prendre exclusivement des mesures d'aménagement du territoi-
re, en premier lieu de délivrer des autorisations de cons-
truire en dérogation aux règles ordinaires (art. 4 de l'ar-
rêté). Il ne s'agissait pas de définir, par cet arrêté, les
modalités selon lesquelles les aires de stationnement pour-
raient être utilisées; néanmoins, des indications générales
au sujet de la fonction de ces aires figurent dans l'arrêté,
notamment à l'art. 3 (période de l'année durant laquelle ces
aires devraient être accessibles, compte tenu des habitudes
de la population nomade; fonction de places de stationnement
temporaire, comme lieu d'étape pendant les périodes de dé-

placement), afin de préciser quelque peu l'objet des auto-
risations de construire ou des mesures de planification. Ces
indications ne sauraient donc entraîner des restrictions aux
droits dont les recourants se prévalent. Cela étant, il est
évident que les conditions d'utilisation de ces aires de sta-
tionnement doivent faire l'objet d'une réglementation spéci-
fique claire - et nécessairement plus détaillée que l'art. 3
de l'arrêté -, par des normes générales du droit cantonal ou
par un règlement ad hoc (conditions d'admission, nombre de
caravanes par emplacement, prescriptions détaillées sur la
durée de stationnement, etc.); cette réglementation est tou-
tefois indépendante des mesures et décisions prises, dans
l'arrêté attaqué, en matière d'aménagement du territoire, et
ce n'est pas l'objet de la présente contestation.

   Il découle de cette interprétation de l'art. 3 de
l'arrêté que l'autorité qui adoptera en temps voulu la régle-
mentation d'utilisation spécifique pour les trois aires de
stationnement devra tenir compte des besoins effectifs des
utilisateurs, ainsi que des intérêts publics ou privés op-
posés, mais qu'elle ne sera pas juridiquement liée par les
limitations prévues dans cet article (courts séjours, de mars
à novembre uniquement). De même, les autorités de recours qui
pourraient être appelées à contrôler cette future réglementa-
tion, le cas échéant, ou des décisions d'application, pour-
ront revoir la constitutionnalité ou la légalité des restric-
tions qui seront fixées au sujet des périodes d'utilisation,
car il ne pourra pas être objecté aux utilisateurs que les
conditions-cadre ont été définitivement réglées dans l'arrêté
attaqué. Cette interprétation de l'art. 3 de l'arrêté s'im-
pose d'autant plus que l'art. 7 du même arrêté en prévoit
d'ores et déjà la caducité à la fin des procédures d'aménage-
ment du territoire nécessaires à la réalisation des aires de
stationnement (mais au plus tard le 1er janvier 2004); après
la planification et la mise en service de ces aires, les ef-
fets de l'arrêté cesseraient donc de plein droit.

   cc)  Les recourants critiquent encore l'art. 6, 2e
phrase de l'arrêté, qui introduirait un "impôt tzigane illé-
gal" et une "responsabilité collective illégale" des Tziga-
nes.

   L'art. 6 de l'arrêté indique que la gestion des ai-
res de stationnement sera du ressort du canton, qui pourra
prélever des taxes de stationnement, par le truchement de la
gendarmerie; ces taxes "tiendront compte des coûts de net-
toyage et/ou de remise en état des lieux". On ne saurait voir
dans cette disposition une réglementation directement appli-
cable en matière d'utilisation des aires de stationnement;
elle est, de ce point de vue, comparable à l'art. 3 de l'ar-
rêté (cf. supra, consid. 2c/bb). Les taxes de stationnement
doivent nécessairement être définies de façon plus précise
(à propos des débiteurs, des bases de calcul, des prestations
dont la taxe est la contrepartie, etc.), dans une norme dis-
tincte. L'objet de l'arrêté attaqué, limité à des questions
d'aménagement du territoire, n'est manifestement pas de fixer
d'ores et déjà ces principes et l'art. 6, 2e phrase, doit
être interprété comme une simple indication, vague au demeu-
rant, au sujet des conditions d'exploitation des aires de
stationnement. Cette disposition a donc des effets analogues
à l'art. 3 de l'arrêté (cf. supra, consid. 2c/bb, déjà cité).

   d)  Il résulte de ce qui précède que les disposi-
tions de l'arrêté attaqué qui sont critiquées par les recou-
rants, ne les affectent pas - en tant qu'utilisateurs poten-
tiels des aires de stationnement ni à un autre titre - dans
leur situation juridique.

   En outre, vu son objet et son contenu, on ne saurait
assimiler cet arrêté à une ordonnance administrative, desti-
née à fixer une pratique de l'administration dans l'applica-
tion d'une loi, qui selon les cas peut être attaquée par la

voie du recours de droit public pour violation de droits
constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) à
cause des effets indirects qu'elle déploie, et parce que le
citoyen ne pourrait pas ensuite recourir efficacement contre
une décision fondée sur cette pratique (cf. ATF 122 I 44
consid. 2a p. 45 et les arrêts cités). Comme cela vient
d'être exposé, l'arrêté attaqué n'a pas pour objet de fixer
d'ores et déjà les conditions d'exploitation des aires de
stationnement, et les utilisateurs de ces futures installa-
tions conservent la possibilité de contester en temps utile
les réglementations qui seront adoptées ou les décisions qui
seront prises sur cette base, le cas échéant.

   e) aa) Les recourants prétendent par ailleurs que la
création de ces aires de stationnement aura pour effet de
supprimer leur droit au voyage ou droit immémorial de voyager
et de s'arrêter sur tout le territoire de la Confédération,
plus particulièrement sur leur territoire traditionnel dans
le canton de Vaud, constitué d'au moins soixante-deux places,
car les autorités prépareraient des places de regroupement
forcé des gens du voyage. Or l'arrêté n'a manifestement pas
ces effets car il n'a pas pour objet de régler ces questions.
Aussi n'y a-t-il pas lieu d'examiner plus avant la nature et
la portée du "droit au voyage" invoqué par les recourants.

   bb)  Le Tribunal fédéral est tenu d'appliquer les
lois fédérales (art. 191 Cst.), en particulier la loi fédé-
rale d'organisation judiciaire (OJ) qui définit les procé-
dures selon lesquelles il peut être saisi. La procédure du
recours de droit public pour violation de droits constitu-
tionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let. a OJ) ne peut pas,
en l'absence d'un acte attaqué affectant la situation juri-
dique du justiciable (cf. supra, consid. 2a), être utilisée
pour obtenir une décision en constatation sur l'existence
d'un droit, ni pour provoquer un jugement sur des prétentions

à faire valoir par voie d'action. C'est pourquoi le recours
de droit public est d'emblée irrecevable, dans toutes ses
conclusions.

   Si les recourants entendent - comme ils l'indiquent
en substance dans leur mémoire - faire évoluer le droit
suisse afin que leur mode de vie et l'exercice de leurs ac-
tivités traditionnelles soient garantis de manière plus
claire ou plus efficace, il leur appartient - dans la mesure
où la possibilité de saisir légalement les tribunaux ne leur
est pas donnée - d'utiliser les voies offertes par les insti-
tutions de démocratie parlementaire et semi-directe (droit de
pétition et d'initiative, par exemple). En l'occurrence et vu
l'objet de la contestation, le Tribunal fédéral ne peut pas
se substituer aux autorités législatives.

   3.-  Dans les circonstances particulières de l'es-
pèce, il se justifie de renoncer à percevoir un émolument
judiciaire (art. 153, 153a et 156 OJ). L'Etat de Vaud, en
tant que collectivité publique, n'a pas droit à des dépens
(art. 159 al. 1 et 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Déclare le recours de droit public irrecevable;

   2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire
ni alloué de dépens;

   3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des recourants et du Conseil d'Etat du canton de Vaud.

Lausanne, le 8 octobre 2001
JIA/dxc

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,