Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1E.8/2001
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1E.8/2001

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
       **********************************************

                       18 octobre 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Jomini.

       Statuant sur le recours de droit administratif
                         formé par

Les époux C.________, tous deux représentés par Me Jacques
Philippoz, avocat à Leytron,

                           contre

la décision prise le 27 avril 2001 par la Commission fédérale
d'estimation du 3ème arrondissement, dans la cause qui oppose
les recourants à la Société anonyme L'Energie de l'Ouest-
Suisse (EOS), à Lausanne, représentée par Me Chantal Ducrot,
avocate à Martigny;

             (expropriation, lignes électriques)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                  les  f a i t s  suivants:

   A.-  Par une décision rendue le 22 juin 1998, le
Département fédéral de l'environnement, des transports, de
l'énergie et de la communication (DETEC) a accordé à la So-
ciété anonyme L'Energie de l'Ouest-Suisse (EOS, ci-après:
l'expropriant) le droit d'expropriation pour la constitution
d'une servitude de passage des conducteurs pour la nouvelle
ligne électrique aérienne 380/132 kV EOS/CFF Saint-Triphon-
Chamoson, sur la parcelle n° 2739 du cadastre de la commune
de Saint-Maurice, propriété des époux C.________; la durée de
la servitude est limitée à 50 ans.

   Par cette décision, le Département fédéral a en
outre rejeté l'opposition des époux C.________ (ci-après: les
expropriés) à l'expropriation.

   B.-  La procédure d'estimation a dès lors été ouver-
te devant la Commission fédérale d'estimation du 3ème arron-
dissement. Les parties ont été citées à une audience, qui a
eu lieu le 13 décembre 2000. Avant cette audience, les expro-
priés, représentés par Me Stéphane Coudray, avocat à Mar-
tigny, ont produit le 4 décembre 2000 un mémoire énonçant
leurs "conclusions définitives". Ils demandaient à la Commis-
sion fédérale de constater, à titre préjudiciel, que le can-
cer dont souffrait C.________ était la conséquence des champs
électromagnétiques émanant d'une ligne existante de la socié-
té EOS. Puis, à titre principal, ils concluaient à l'alloca-
tion d'une indemnité en nature, sous la forme d'une parcelle
et d'une maison d'habitation; à titre subsidiaire, ils deman-
daient l'expropriation totale de leur parcelle n° 2739 et le
versement d'une indemnité de 400'000 fr.

   A l'audience du 13 décembre 2000, l'expropriant et
les expropriés ont signé une convention - sur une formule im-
primée établie par l'expropriant - dont la teneur est en
substance la suivante (les expropriés y étant désignés comme
"le propriétaire"):

     "1. Le soussigné, propriétaire des fonds désignés
     comme suit au cadastre de la commune de Saint-
     Maurice: [n° 2739, ...],
        confère à EOS, à titre de servitude permanente
     et transmissible,
        le droit d'établir sur lesdits immeubles, selon
     plan dont il a pris connaissance, une ligne élec-
     trique à haute tension sur pylônes en fer, avec
     socles en béton, ainsi que des mises à terre, de
     les exploiter, de les entretenir et d'y apporter
     toutes transformations ou extension que nécessite-
     rait l'exploitation du réseau.
        A cet effet, les organes d'EOS auront notamment
     en tout temps le droit de pénétrer sur lesdits im-
     meubles.
        La servitude ainsi constituée est dispensée
     d'inscription au registre foncier (art. 676 al. 3
     CC).
     [...]

     2.  En contre-valeur de la servitude conférée ci-
     dessus, la EOS paiera une indemnité unique de 6'000
     fr. pour passage de ligne, plus 650 fr. d'intérêts
     depuis 1998.
        Il y aura - pylône établi sur le bien-fonds en
     question.
     [...]"

   Cette convention, en deux exemplaires, porte les
signatures de C.________, de Dame C.________ et de deux re-
présentants d'EOS. Après l'audience, l'expropriant en a
adressé par courrier une copie à la Commission fédérale.

   Il n'a pas été tenu de procès-verbal de cette au-
dience. Les expropriés y étaient assistés par leur avocat.

   C.-  Le 15 décembre 2000, les expropriés ont adres-
sé, directement, à la Commission fédérale une "déclaration"
écrite, où ils faisaient valoir qu'ils avaient signé la
convention du 13 décembre 2000 "sous la contrainte", car leur
signature leur aurait été "arrachée par leur conseil". Ils
demandaient donc à la Commission fédérale de prendre acte de
l'"invalidation" de cette convention.

   Après cette déclaration, Me Stéphane Coudray a rési-
lié son mandat d'avocat des expropriés.

   D.-  Le 27 avril 2001, la Commission fédérale a ren-
du une décision prenant acte de la convention conclue le 13
décembre 2000 et rayant la cause du rôle. Elle a considéré
que cette transaction mettait fin au litige.

   E.-  Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif - et représentés dans cette procédure par un nouvel
avocat -, les expropriés demandent au Tribunal fédéral d'an-
nuler la décision précitée et de renvoyer l'affaire à la Com-
mission fédérale afin qu'elle se détermine sur leurs conclu-
sions prises à titre préjudiciel, principal et subsidiaire
dans leur mémoire du 4 décembre 2000.

   L'expropriant conclut à l'irrecevabilité, subsi-
diairement au rejet du recours.

   La Commission fédérale ne s'est pas déterminée sur
le recours.

          C o n s i d é r a n t  e n   d r o i t :

   1.-  Formé en temps utile par les expropriés contre
une décision prise au terme d'une procédure d'estimation ré-
gie par la loi fédérale sur l'expropriation (LEx; RS 711), le

recours de droit administratif est recevable (art. 77 et 78
LEx, art. 106 al. 1 OJ).

   2.-  Les recourants reprochent à la Commission fé-
dérale de n'avoir pas tenu de procès-verbal de l'audience du
13 décembre 2000, contrairement aux exigences du droit fédé-
ral. Selon eux, la convention qu'ils ont passée avec l'expro-
priant n'a que la portée d'une transaction partielle, au su-
jet de la constitution de la servitude de passage; or seul un
accord définitif, consigné au procès-verbal et concernant
toutes les conclusions prises dans leur mémoire du 4 décembre
2000, aurait permis à la Commission fédérale de mettre fin au
litige de cette manière. Ils invoquent en particulier les
art. 53 et 54 LEx et se plaignent d'un excès ou d'un abus du
pouvoir d'appréciation au sujet du contenu de la convention
du 13 décembre 2000 (cf. art. 104 let. a OJ).

   a)  Il convient de relever, en premier lieu, que les
recourants ne reprennent pas, devant le Tribunal fédéral,
l'argumentation de leur "déclaration" du 15 décembre 2000
adressée à la Commission fédérale. En d'autres termes, ils ne
prétendent plus que la convention du 13 décembre 2000 ne les
obligerait pas; ils se bornent à l'interpréter comme une
transaction partielle.

   b) aa)  L'art. 53 al. 1 LEx vise le cas où la procé-
dure de conciliation (art. 45 ss LEx, procédure précédant
l'estimation) aboutit à une entente entre parties sur les de-
mandes d'indemnité; cette disposition prévoit que le procès-
verbal de l'audience de conciliation a la même valeur qu'un
prononcé définitif de la commission d'estimation. En l'occur-
rence, on ne se trouve pas dans cette situation, l'entente
des parties au sujet de la constitution de la servitude de
passage étant intervenue au cours de la procédure d'estima-
tion (art. 57 ss LEx) et ayant fait l'objet d'une décision

spéciale de la Commission fédérale, ratifiant la convention
passée entre l'expropriant et les expropriés.

   bb)  L'art. 54 al. 1 LEx règle l'hypothèse d'une en-
tente sur l'indemnité intervenue après l'ouverture de la pro-
cédure d'expropriation, mais en dehors de l'audience de
conciliation ("entente directe"); cette entente, qui doit
être communiquée au président de la commission d'estimation,
lie les parties si elle a été conclue en la forme écrite. Il
apparaît ainsi que le droit fédéral ne conditionne pas la va-
lidité d'une convention d'expropriation à son introduction
dans le procès-verbal d'une audience (audience de concilia-
tion [cf. art. 49 let. b LEx] ou débats selon l'art. 67 LEx).

   Il n'a pas été tenu de procès-verbal de l'audience
du 13 décembre 2000; a fortiori la convention du même jour
n'a-t-elle pas été insérée dans un procès-verbal officiel. Au
regard des règles de la loi fédérale, notamment de l'art. 54
LEx, cette convention écrite - qui peut éventuellement, d'un
point de vue formel, être qualifiée d'entente directe entre
les parties - n'en est pas moins valable.

   c)  Il reste donc à examiner si la Commission fédé-
rale était fondée à considérer que, par cette convention, les
parties avaient mis fin à la contestation au sujet de
l'acquisition du droit constitué en faveur de l'expropriant.

   La convention, telle qu'elle est rédigée - sur une
formule imprimée qui, manifestement, n'est pas utilisée uni-
quement en cas de transaction après l'ouverture de la procé-
dure d'estimation, mais qui doit également servir en cas
d'acquisition de gré à gré des droits de passage pour les
lignes électriques de l'expropriant, indépendamment de toute
procédure d'expropriation -, ne précise pas le sort des
conclusions formulées par les expropriés au cours de la pro-
cédure d'estimation; elle n'indique pas de quelle manière

il sera mis fin à cette procédure judiciaire et elle ne règle
pas non plus les questions accessoires liées aux opérations
d'instruction déjà effectuées (frais et dépens). En l'ab-
sence, dans le texte signé, de manifestation claire de la vo-
lonté des parties sur ces différents points, il y a lieu
d'interpréter cette convention selon le principe de la
confiance, qui veut que celui qui fait une déclaration de vo-
lonté adressée à autrui est lié par sa déclaration selon le
sens que le destinataire peut et doit lui attribuer de bonne
foi en fonction de l'ensemble des circonstances (ATF 126 III
59 consid. 5a p. 67, 375 consid. 2e/aa p. 379 et les arrêts
cités).

   La procédure d'expropriation a été ouverte en vue de
la constitution d'une servitude de passage des conducteurs
d'une nouvelle ligne électrique sur la parcelle des recou-
rants. La convention litigieuse porte précisément sur cet ob-
jet et ne contient aucune réserve au sujet d'une éventuelle
extension de l'expropriation. Tant l'expropriant que la Com-
mission fédérale pouvaient en déduire qu'en signant pareille
convention lors d'une audience et avec l'assistance d'un avo-
cat, les recourants entendaient mettre fin à la procédure
d'expropriation en autorisant l'expropriant à acquérir,
moyennant paiement de l'indemnité prévue, le droit constitué
en sa faveur (cf. art. 91 al. 1 LEx). En d'autres termes,
cette convention, vu les circonstances dans lesquelles elle a
été conclue, ne pouvait à l'évidence pas être interprétée
comme une transaction partielle.

   Il en résulte que la Commission fédérale n'a pas
violé le droit fédéral en rendant la décision attaquée.

   3.-  Le recours de droit administratif, mal fondé,
doit être rejeté.

   Les frais du présent arrêt, ainsi que des dépens ré-
duits alloués à l'expropriant, doivent être mis à la charge
des recourants, dont la démarche apparaissait d'emblée vouée
à l'échec (art. 116 al. 1 LEx, art. 115 al. 2 OJ).

                       Par ces motifs,

           l e   T r i b u n a l   f é d é r a l :

   1. Rejette le recours;

   2. Met à la charge des recourants:
   a) un émolument judiciaire de 800 fr.;
   b) une indemnité de 800 fr. à payer à la société
intimée, à titre de dépens;

   3. Communique le présent arrêt aux mandataires des
parties et à la Commission fédérale d'estimation du 3ème
arrondissement.

Lausanne, le 18 octobre 2001
JIA/dxc

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                 du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                        Le Président,

                        Le Greffier,