Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1E.2/2001
Zurück zum Index I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001
Retour à l'indice I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 2001


1E.2/2001/viz

        Ie   C O U R   D E   D R O I T   P U B L I C
        ********************************************

                        5 juin 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-Président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Jomini.

                        ___________

       Statuant sur le recours de droit administratif
                         formé par

A.________  S.A., à Genthod, représentée par Me Christophe
de Kalbermatten, avocat à Genève,

                           contre

la décision prise le 14 mars 2001 par la Commission fédérale
d'estimation du 1er arrondissement, admettant une demande
d'envoi en possession anticipé présentée par les Chemins de
fer fédéraux suisses CFF S.A., représentés par leur Division
infrastructure, service juridique, à Lausanne;

           (projets ferroviaires, expropriation)

          Vu les pièces du dossier d'où ressortent
                 les  f a i t s  suivants:

     A.-  Le 9 juin 2000, l'Office fédéral des transports a
approuvé les plans du projet des Chemins de fer fédéraux (SA
CFF; ci-après: les CFF, ou l'expropriant) en vue de la
construction du "tronçon genevois" d'une troisième voie en-
tre Coppet et Genève, (sur le territoire des communes de
Versoix, Genthod, Bellevue et Pregny-Chambésy). Une procédu-
re combinée - approbation des plans et expropriation - avait
été ouverte à cet effet en 1995.

     Selon les plans ainsi approuvés, la réalisation du pro-
jet nécessite l'expropriation partielle de la parcelle n°
XXX du registre foncier, sur le territoire de la commune de
Genthod (emprise définitive de 1'941 m2 et emprise provisoi-
re de 95 m2); la surface visée est une bande de terrain
plantée d'arbres. A l'ouverture de la procédure, B.________,
à Genève, était propriétaire de cet immeuble, d'une superfi-
cie de près de 9 ha. La faillite de B.________ a été pronon-
cée et l'administration spéciale de la faillite a conclu,
les 6 et 9 avril 2001, un contrat de vente de ce bien-fonds
avec la société anonyme A.________ S.A., alors en formation.

     B.-  La décision d'approbation des plans du 9 juin 2000
a fait l'objet de recours auprès de la Commission de recours
du Département fédéral de l'environnement, des transports,
de l'énergie et de la communication (DETEC). Ces recours
sont actuellement pendants. Ni B.________, ni l'administra-
tion de la faillite ne figurent au nombre des recourants.

     C.-  Le 31 janvier 2001, les CFF ont demandé au Prési-
dent de la Commission fédérale d'estimation du 1er arrondis-
sement à être autorisés à prendre possession de manière an-
ticipée, avant le 1er avril 2001 (date envisagée pour le dé-
but des travaux), de la bande de terrain à détacher de la
parcelle n° XXX de B.________. Les CFF ont également présen-
té des demandes d'envoi en possession anticipé visant d'au-
tres terrains voisins.

     Le Président, avec le concours de deux membres de la
Commission d'estimation (cf. art. 76 al. 2 de la loi fédé-
rale sur l'expropriation [LEx, RS 711]), a tenu le 14 mars
2001 une audience d'instruction. Les expropriés intéressés,
notamment B.________ (par l'administration spéciale de la
faillite), ont été cités à cette audience. B.________ n'y
était pas représenté et il n'a pas pris de conclusions.

     Le 14 mars 2001, à l'issue de l'audience, la Commission
fédérale d'estimation a rendu un prononcé autorisant la pri-
se de possession anticipée des droits à exproprier sur la
parcelle n° XXX et sur les autres biens-fonds concernés. Ce
prononcé a été notifié à l'administration de la faillite de
B.________ le 27 mars 2001.

     D.-  Le 23 avril 2001, A.________ S.A. a adressé au
Tribunal fédéral un recours de droit administratif dirigé
contre le prononcé de la Commission fédérale d'estimation.
Elle conclut principalement à l'annulation de cette déci-
sion; à titre subsidiaire, elle demande que les CFF soient
condamnés à lui verser une indemnité ainsi que des sûretés
d'un montant convenable, et qu'une copie de l'étude d'impact
concernant le projet ferroviaire lui soit fournie. Dans le

cadre de l'instruction, elle requiert l'effet suspensif et
la fixation d'un bref délai pour compléter son acte de re-
cours.

     Les CFF concluent à ce que le recours soit déclaré
irrecevable ou, subsidiairement, à ce qu'il soit rejeté. La
Commission fédérale d'estimation et l'Office fédéral des
transports ont renoncé à se déterminer.

     E.-  Il n'a pas été statué sur la requête d'effet sus-
pensif. Toutefois, par ordonnance du 25 avril 2001, le Pré-
sident de la Ie Cour de droit public a interdit provisoire-
ment toute mesure d'exécution du prononcé attaqué jusqu'à la
décision sur la requête d'effet suspensif.

     Le 11 mai 2001, A.________ S.A. a écrit au Tribunal
fédéral pour l'informer que les CFF avaient déjà procédé au
défrichement de la bande de terrain à exproprier. Elle a par
ailleurs mentionné que, dans ces conditions, sa demande
d'effet suspensif n'avait "plus beaucoup d'intérêt". A la
suite de cette lettre, le Juge délégué lui a fixé un délai
au 25 mai 2001 pour qu'elle se détermine notamment sur
l'intérêt actuel et pratique, dont elle pourrait désormais
se prévaloir, à ce que le Tribunal fédéral statue sur ses
conclusions. A.________ S.A. n'a pas répondu dans le délai
fixé. En revanche, elle a écrit le 31 mai 2001 au Tribunal
fédéral pour critiquer une fois encore l'abattage des arbres
déjà effectué, qualifié de fait accompli.

          C o n s i d é r a n t  e n  d r o i t :

     1.-  Le présent arrêt rend sans objet la requête d'ef-
fet suspensif.

     2.-  Il n'y a pas lieu de donner suite à la requête
tendant à la fixation d'un délai pour compléter l'acte de
recours, le délai légal de l'art. 76 al. 6 LEx ne pouvant
être prolongé (art. 33 al. 1 OJ par renvoi de l'art. 77 al.
2 LEx).

     3.-  La voie du recours de droit administratif est ou-
verte (art. 76 al. 6 LEx) et l'exproprié a en principe qua-
lité pour recourir (art. 78 al. 1 LEx). La recourante
n'était pas la propriétaire du bien-fonds litigieux à la
date de la décision attaquée; elle se prévaut d'un contrat
de vente conclu durant le délai de recours. Or les intimés
allèguent que la réquisition d'inscription du transfert im-
mobilier, adressée au registre foncier, n'a été inscrite au
journal que le 10 mai 2001, soit après le dépôt du recours.
On peut dès lors se demander s'il faut reconnaître en l'état
à la recourante la qualité d'expropriée habilitée à recourir
contre une décision visant le précédent propriétaire. Cette
question peut toutefois demeurer indécise, vu le sort à ré-
server aux conclusions de la recourante.

     4.- a)  La recourante critique à différents égards les
plans approuvés par l'Office fédéral des transports. Elle
prétend en particulier que la largeur de l'emprise sur la
parcelle n° XXX serait disproportionnée, et que la réalisa-
tion du projet entraînerait des atteintes contraires à la
loi fédérale sur la protection de l'environnement (en matiè-
re de bruit et de déchets).

     Ces griefs sont manifestement irrecevables dans la pré-
sente procédure de recours. Il appartenait aux intéressés
qui entendaient contester la décision prise le 9 juin 2000
par l'Office fédéral des transports de soumettre leurs

griefs à la Commission de recours du DETEC (cf. art. 18h al.
5 de la loi fédérale sur les chemins de fer [LCdF, RS
742.101]).

     b)  La recourante fait par ailleurs valoir que, préa-
lablement à l'envoi en possession anticipé, la possibilité
aurait dû lui être donnée de prendre connaissance des résul-
tats de l'étude de l'impact sur l'environnement. Or, comme
cela vient d'être exposé, l'examen de la compatibilité du
projet avec les exigences de la protection de l'environne-
ment (ou étude de l'impact sur l'environnement - cf. art. 9
al. 1 de la loi fédérale sur la protection de l'environne-
ment [LPE, RS 814.01]) a été effectué au terme de la procé-
dure d'approbation des plans, à l'occasion de la décision de
l'Office fédéral des transports (cf. art. 17 ss de l'ordon-
nance relative à l'étude de l'impact sur l'environnement
[OEIE, RS 814.011] et ch. 12.1 de l'annexe OEIE). Cette dé-
cision pouvait alors, avec différentes pièces annexes (dont
le rapport d'impact), être consultée par les intéressés se-
lon les modalités prévues à l'art. 20 OEIE. Au demeurant,
elle figurait au dossier de la Commission fédérale d'estima-
tion, qui l'a mentionnée dans son prononcé. La recourante
n'est donc pas fondée à exiger, à ce stade-ci, la communica-
tion de documents relatifs à l'étude d'impact.

     5.-  La recourante s'oppose à l'envoi en possession an-
ticipé en faisant valoir que la réalisation immédiate des
travaux, à cause du déboisement et de la modification de la
configuration du terrain, aurait des effets irréversibles
sur la beauté du site, qui ne pourrait plus être appréciée
au moment de l'estimation de la valeur vénale de la parcel-
le. Cette mesure empêcherait également de constater que les
arbres plantés sur la bande de terrain litigieuse ne consti-
tuent qu'une haie sans caractère forestier. Elle se plaint
d'une violation de l'art. 76 al. 4 LEx.

     a)  Conformément à l'art. 76 al. 4 LEx, la prise de
possession anticipée doit être autorisée à moins que cette
mesure ne rende l'examen de la demande d'indemnité impossi-
ble ou que cet examen ne puisse être assuré par des mesures
de la commission d'estimation telles que prises de photogra-
phies, d'esquisses. L'art. 18k al. 3 LCdF complète la régle-
mentation de l'envoi en possession anticipé, en disposant
notamment que l'expropriant est présumé subir un préjudice
sérieux s'il ne bénéficie pas de cette autorisation.

     b)  Les constatations nécessaires, selon la recourante,
à l'examen de la demande d'indemnité se rapportent à la na-
ture et aux caractéristiques paysagères d'une série d'arbres
qui ont déjà été abattus. Il ressort de la réponse au re-
cours que ce défrichement est intervenu alors que la déci-
sion attaquée pouvait être considérée par l'expropriant
comme exécutoire, puisqu'elle n'avait pas fait l'objet d'un
recours assorti de l'effet suspensif. Le dépôt d'un recours
auprès du Tribunal fédéral, trois semaines après la date
prévue et annoncée par l'expropriant pour le début des tra-
vaux, n'était en outre pas prévisible, dès lors que l'ancien
propriétaire - qui avait toujours le statut de partie expro-
priée après la notification de la décision attaquée - ne
s'était pas opposé à l'envoi en possession anticipé.

     Dans ces conditions, il n'est pas certain que la recou-
rante conserve un intérêt actuel et pratique à ce qu'il soit
statué sur ses conclusions (cf. ATF 123 II 285 consid. 4 p.
286). Cette question peut toutefois demeurer indécise.

     c)  Il ressort en effet du dossier que la nature et les
caractéristiques de la bande boisée litigieuse ont été exa-
minées dans le cadre de la procédure d'approbation des
plans, notamment par les autorités compétentes en matière
forestière. La recourante elle-même a produit des photos de

cette haie. On ne voit pas en quoi, après la prise de pos-
session, la Commission fédérale d'estimation pourrait être
entravée lorsqu'elle aura à déterminer la valeur vénale de
ce terrain. Cette autorité n'a donc manifestement pas violé
les règles des art. 76 al. 4 LEx et 18k al. 3 LCdF. Les
griefs de la recourante sont, à ce propos, mal fondés.

     6.-  La recourante se plaint d'une violation de l'art.
76 al. 5 LEx, l'expropriant ne lui ayant pas versé d'acompte
et n'ayant pas non plus fourni préalablement des sûretés.

     L'art. 76 al. 5 LEx permet en effet à la Commission fé-
dérale d'estimation (ou à son Président) d'astreindre l'ex-
propriant à fournir des sûretés ou à verser des acomptes, si
l'exproprié le demande. Or aucune demande n'a été présentée
dans ce sens par l'exproprié - soit le précédent propriétai-
re de la parcelle - avant que l'envoi en possession anticipé
ne soit autorisé. On ne saurait donc reprocher à la Commis-
sion fédérale d'estimation de n'avoir pas pris une telle dé-
cision.

     7.-  Il s'ensuit que le recours, manifestement mal fon-
dé, doit être rejeté, dans la mesure où il est recevable,
selon la procédure de l'art. 36a al. 1 OJ.

     La démarche de la recourante devant le Tribunal fédéral
apparaît manifestement abusive, au sens de l'art. 114 al. 2
LEx, de sorte qu'il convient de mettre à sa charge les frais
du présent arrêt (cf. aussi art. 153, 153a et 156 al. 1 OJ).
Les CFF n'ont pas droit à des dépens.

                      Par ces motifs,

          l e   T r i b u n a l   f é d é r a l ,

                  vu l'art. 36a al. 1 OJ:

     1.  Rejette le recours de droit administratif, dans la
mesure où il est recevable;

     2.  Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la char-
ge de la recourante;

     3.  Communique le présent arrêt en copie au mandataire
de la recourante, aux Chemins de fer fédéraux suisses CFF
S.A., à l'Office fédéral des transports et à la Commission
fédérale d'estimation du 1er arrondissement.

                      ________________

Lausanne, le 5 juin 2001
JIA

            Au nom de la Ie Cour de droit public
                du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
                       Le Président,

                        Le Greffier,