Sammlung der Entscheidungen des Schweizerischen Bundesgerichts
Collection des arrêts du Tribunal fédéral suisse
Raccolta delle decisioni del Tribunale federale svizzero

I. Öffentlich-rechtliche Abteilung 1E.24/2001
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1E.24/2001/COL

Arrêt du 17 avril 2002
Ire Cour de droit public

Les juges fédéraux Aemisegger, président de la Cour et vice-président du
Tribunal fédéral,
Aeschlimann, Favre,
greffier Jomini.

A. ________,
B.________,
C.________,
D.________,
E.________,
recourants,
tous les cinq représentés par Me Jean Studer et Me Muriel Barrelet, avocats,
passage Max.-Meuron 1, case postale 1124, 2001 Neuchâtel 1,

contre

Chemins de fer fédéraux SA (CFF), Division infrastructure, Service juridique,
avenue de la Gare 43, case postale 345,
1001 Lausanne, intimés
Département fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication, 3003 Berne.

Opposition à l'expropriation

(recours de droit administratif contre la décision du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, du 15
octobre 2001)
Faits:

A.
Dans le cadre de RAIL 2000, les Chemins de fer fédéraux suisses (CFF) ont
prévu un assainissement du tunnel de Saint-Blaise, sur la ligne ferroviaire
210 Daillens-sud/Bienne. Ce projet consiste à remplacer le tunnel existant,
long de 155 m, par un ouvrage, élargi et rehaussé, correspondant aux normes
actuelles. Le 19 novembre 1998, à l'issue d'une procédure ordinaire, l'Office
fédéral des transports (OFT) a approuvé les plans du projet. Dans sa
décision, cet Office s'est notamment prononcé sur la justification du projet
et sur l'application des prescriptions fédérales sur la protection de
l'environnement (y compris les prescriptions sur la protection de la nature,
du paysage et des monuments historiques).

Les CFF ont opté pour une méthode d'exécution des travaux à ciel ouvert, en
créant une tranchée couverte. Celle-ci, de forme rectangulaire, devrait être
construite autour du tunnel existant, avant démolition de celui-ci par
l'intérieur. Les travaux consisteraient à installer des pieux, par forage, à
côté de l'ouvrage actuel (parois de la galerie), à creuser à une profondeur
de 2 à 3 m en vue de couler une dalle horizontale en béton armé au-dessus de
la voûte du tunnel, puis à remblayer cette excavation en reconstituant les
aménagements existant en surface, à savoir principalement la voie publique
communale surplombant le tunnel - la rue de Lahire -, le cours d'un ruisseau
canalisé sous la route - le Ruau - ainsi que des murs et des jardins des
propriétés riveraines de la rue de Lahire. L'OFT a approuvé ce mode
d'exécution des travaux, la méthode de la tranchée couverte ayant été
considérée comme préférable à deux autres méthodes envisagées, la "variante
en marchavants" (démolition mètre par mètre de la voûte existante) et la
méthode de l'"abaissement du radier" (reconstruction des piédroits du tunnel
pour permettre d'abaisser la plate-forme ferroviaire). Par cette décision,
l'OFT a encore rejeté les oppositions formées, lors de la mise à l'enquête
publique du projet du 13 février au 14 mars 1998, par A.________, B.________,
C.________, E.________ et D.________ (ci-après: A.________ et consorts); les
quatre premiers nommés sont les propriétaires de maisons d'habitation le long
de la rue de Lahire, tandis que D.________ réside dans une de ces maisons en
qualité d'usufruitière.

B.
A.________ et consorts ont recouru en vain contre la décision de l'OFT auprès
du Département fédéral des transports, de l'énergie et de la communication
(DETEC), puis auprès du Conseil fédéral, qui a statué à ce sujet le 13
septembre 2000. Ils ont formé, contre le prononcé du Conseil fédéral, un
recours de droit administratif que le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable
par un arrêt rendu le 20 octobre 2000 (cause 1A.274/2000).

C.
Le 15 juin 1998, les CFF ont requis du Président de la Commission fédérale
d'estimation du 5e arrondissement l'ouverture d'une procédure
d'expropriation, en vue d'acquérir des "emprises provisoires", au sens de
l'art. 6 de la loi fédérale sur l'expropriation (LEx; RS 711), de part et
d'autre du tracé de la voie ferrée à proximité du tunnel de Saint-Blaise, en
précisant que la durée de ces emprises serait d'environ deux ans et demi.
Cette demande tend à l'expropriation temporaire des surfaces suivantes, qui
ne sont pas bâties et se trouvent au bord de la rue de Lahire ou du ruisseau
le Ruau:
- 552 m2 sur la parcelle n° 3938, propriété de A.________ (surface totale:
4187 m2);
- 324 m2 sur la parcelle n° 1555, propriété de B.________ (surface totale:
1475 m2);
- 130 m2 sur la parcelle n° 835, propriété de C.________ (surface totale: 393
m2);
- 92 m2 sur la parcelle n° 1147, propriété de E.________, avec usufruit de
D.________ (surface totale: 2218 m2).

D.
Le Président de la Commission fédérale d'estimation a ouvert la procédure
d'expropriation par une ordonnance du 2 juillet 1998. Des avis personnels ont
été envoyés aux expropriés. Le 7 septembre 1998, A.________, B.________,
C.________, D.________ et E.________ ont adressé conjointement (par
l'intermédiaire de leur avocat) à l'administration communale de Saint-Blaise
une opposition à l'expropriation; ils contestaient l'intérêt public à la
réalisation du projet et, le cas échéant, l'opportunité du mode d'exécution
en tranchée couverte, lequel entraîne une expropriation partielle temporaire
de leurs immeubles, cause des nuisances et porte atteinte à la qualité
urbanistique, historique et écologique du quartier. A cette occasion, ils ont
également présenté leurs prétentions pour les indemnités d'expropriation.

L'audience de conciliation a eu lieu le 5 novembre 1998. L'opposition de
A.________ et consorts demeurant litigieuse après cette audience, elle a été
transmise au DETEC. Cette autorité l'a rejetée, ainsi que d'autres
oppositions à l'expropriation, par une décision du 15 octobre 2001. Les frais
de cette décision ont été mis à la charge des CFF; il n'a pas été alloué de
dépens aux opposants.

E.
Agissant par la voie du recours de droit administratif, A.________ et
consorts demandent au Tribunal fédéral d'annuler la décision du DETEC du 15
octobre 2001 et de renvoyer l'affaire à cette autorité pour nouvelle
décision. Ils se plaignent en premier lieu d'une violation du droit d'être
entendu, n'ayant pas été invités à répliquer aux arguments présentés par les
CFF au sujet de leur opposition. Sur le fond, ils invoquent le principe de la
proportionnalité selon l'art. 1er al. 2 LEx et critiquent le mode d'exécution
du projet des CFF, qui provoquerait une atteinte irrémédiable et définitive à
leurs propriétés (par la modification des accès, les nuisances, etc.); ils
reprochent aux CFF et au DETEC de n'avoir pas examiné sérieusement une
variante évitant l'ouverture d'une tranchée en surface. Toujours sous l'angle
de la proportionnalité, ils invoquent le "grave danger pour l'alimentation en
eau", pour eux-mêmes et les autres habitants des communes de Saint-Blaise et
de Marin, qui résulterait des travaux entrepris dans une zone de protection
des eaux souterraines (zone S2). Les recourants se prévalent par ailleurs de
l'art. 9 LEx et prétendent qu'une méthode d'exécution des travaux en
souterrain serait plus apte à préserver la beauté du site. Ils reprochent
enfin au DETEC de ne pas leur avoir alloué des dépens pour la procédure
d'opposition.

Les CFF et le DETEC concluent au rejet du recours.

F.
Donnant suite à une requête des recourants, une délégation du Tribunal
fédéral a procédé à une inspection locale le 25 janvier 2002. Lors d'une
séance suivant l'inspection locale, les recourants, les CFF et le DETEC sont
convenus de compléter ou préciser - par une transaction partielle - certaines
clauses accessoires de la décision d'approbation des plans du 19 novembre
1998 en prévoyant différents aménagements dans l'aire du chantier, à
proximité directe ou sur les parcelles des expropriés, pour la durée des
travaux (mise à disposition d'un garage ou de places de stationnement
provisoires, amélioration des accès à pied ou en véhicule, etc.). Ces clauses
ont été déclarées immédiatement applicables, selon la convention portée au
procès-verbal de la séance d'instruction.

G.
Le 6 février 2001, les CFF ont demandé au Président de la Commission fédérale
d'estimation l'autorisation de prendre possession des droits à exproprier sur
les parcelles précitées (n° 3938, 1555, 835 et 1147) dès le 1er mars 2002 et
pour la durée des travaux d'assainissement du tunnel de Saint-Blaise. Le
Président de la Commission fédérale d'estimation a statué sur cette demande
le 2 mai 2001 et il a accordé l'autorisation requise. A.________, B.________,
C.________ et D.________ ont formé un recours de droit administratif contre
cette décision, que le Tribunal fédéral a rejeté par un arrêt rendu le 13
février 2002 (cause 1E.7/2001).

H.
Les recourants ont demandé que l'effet suspensif soit ordonné. Le Juge
délégué a rejeté cette requête le 19 décembre 2001, la question de la
réalisation immédiate de l'ouvrage de l'expropriant étant examinée dans la
procédure concernant l'envoi en possession anticipé (cf. supra, let. G).

I.
Les recourants requièrent, dans le cadre de l'administration des preuves, la
mise en oeuvre d'une expertise sur les incidences environnementales,
techniques et financières de deux modes d'exécution des travaux (tranchée
couverte et abaissement du radier) et la production par la commune de
Saint-Blaise des études effectuées en vue de la délimitation des zones de
protection des sources. Aucune décision n'a été prise sur ces requêtes durant
l'instruction.

J.
Après l'inspection locale, l'Office fédéral de la culture (section du
patrimoine culturel et des monuments historiques) a précisé par écrit sa
position au sujet de la protection du village de Saint-Blaise, site construit
d'importance nationale.

Les parties ont pu se déterminer sur le procès-verbal de l'inspection locale
et sur la prise de position de l'Office fédéral de la culture. Elles ont
également pu présenter leurs observations finales. A cette occasion, ni les
recourants ni les CFF n'ont modifié leurs conclusions.

Le Tribunal fédéral considère en droit:

1.
1.1 La décision attaquée est un prononcé rendu sur opposition, au sens de
l'art. 55 al. 1 LEx. Cette décision d'un département fédéral peut faire
l'objet d'un recours de droit administratif au Tribunal fédéral (cf. art. 98
let. b et 99 al. 1 let. c OJ; ATF 112 Ib 280 consid. 2 p. 287; 111 Ib 227
consid. 2b et 2e p. 229ss; arrêt 1A.249/1997 reproduit in ZBl 99/1998 p. 391
consid. 1). Les propriétaires fonciers expropriés ainsi que l'usufruitier
d'un des biens-fonds touchés ont qualité pour recourir (art. 103 let. a OJ).

1.2 Le prononcé attaqué indique que la décision du Conseil fédéral, prise en
dernière instance dans la procédure d'approbation des plans menée séparément
(et non pas de façon combinée avec la procédure d'expropriation), a force de
chose jugée. Les CFF font alors valoir que les motifs d'opposition à
l'expropriation correspondent à ceux que les recourants avaient invoqués dans
leur opposition à l'approbation des plans (opposition adressée à l'OFT, avant
l'ouverture de la procédure d'expropriation), que le DETEC a rendu un
prononcé sur opposition confirmant en quelque sorte les décisions prises dans
la procédure d'approbation des plans, et que le présent recours de droit
administratif ne peut pas tendre à remettre en cause la décision du Conseil
fédéral, dotée de la force de chose jugée.

La décision du Conseil fédéral du 13 septembre 2000 n'est plus susceptible
d'être attaquée par un moyen juridictionnel ordinaire et elle est en force
(cf. André Grisel, Traité de droit administratif, Neuchâtel 1984, vol. II p.
881). Cela étant, comme les CFF ont demandé en l'espèce l'ouverture non pas
d'une procédure d'approbation des plans combinée avec une procédure
d'expropriation, mais d'une procédure ordinaire au sens de l'art. 20 let. b
de l'ancienne ordonnance du 23 décembre 1932 sur les projets de construction
de chemins de fer, encore applicable à ce moment-là (elle a été abrogée le
1er mars 2000 par l'art. 9 de l'ordonnance du 2 février 2000 sur la procédure
d'approbation des plans pour les installations ferroviaires [OPAPIF; RS
742.142.1], le nouveau droit ayant généralisé la procédure combinée), la
procédure d'expropriation constitue une procédure indépendante, dans laquelle
l'opposant peut présenter à nouveau, le cas échéant, les mêmes griefs que
ceux invoqués dans la procédure d'approbation des plans. L'opposition peut
aboutir à une décision du département compétent (au sens de l'art. 55 al. 1
LEx) ayant pour effet que les plans doivent être modifiés (art. 56 LEx);
cette éventualité a du reste été expressément réservée dans la décision de
l'OFT du 19 novembre 1998 (réserve n° 4.3). Le fait que les griefs de
l'opposition à l'expropriation ont déjà été présentés et examinés, en dernier
lieu par le Conseil fédéral, dans la procédure préalable d'approbation des
plans ne constitue donc pas une cause d'irrecevabilité du recours de droit
administratif.

1.3 Un des griefs du présent recours de droit administratif n'a pas été
soulevé dans l'opposition à l'expropriation: il s'agit du moyen selon lequel
les travaux litigieux - les forages et l'installation de pieux en béton -
dans une zone de protection des eaux souterraines créeraient un "grave
danger" pour les consommateurs d'eau du réseau d'alimentation des communes de
Saint-Blaise et de Marin. Or les recourants auraient dû dénoncer la prétendue
insuffisance des mesures prises par l'expropriant pour assurer le bon
fonctionnement du réseau d'alimentation en eau dans le délai d'opposition
(art. 35 LEx en relation avec l'art. 7 al. 2 LEx); ce délai est en effet un
délai de péremption (ATF 116 Ib 141 consid. 1 p. 144 et la jurisprudence
citée; arrêt 1A.1/1998 in RDAF 1999 I 371 consid. 4a; Piermarco
Zen-Ruffinen/Christine Guy-Ecabert, Aménagement du territoire, construction,
expropriation, Berne 2001, p. 540). Ce grief est donc irrecevable (cf. art.
102 let. d OJ). Il n'y a partant pas lieu d'ordonner la production des études
concernant la délimitation des zones de protection des sources.

Il convient, pour le reste, d'entrer en matière sur le recours de droit
administratif.

2.
Les recourants se plaignent d'une violation du droit d'être entendu (art. 29
PA), car ils n'ont pas eu la possibilité de répondre aux arguments présentés
au DETEC par les CFF, le 24 septembre 2001, à l'encontre de leur opposition.
Cette prise de position ne leur a pas été transmise par le DETEC avant qu'il
ne rende son prononcé; or les arguments des CFF auraient joué un rôle
déterminant. Dans ces circonstances et vu l'écoulement du temps depuis le
dépôt de l'opposition (celle-ci ayant été transmise au DETEC le 30 août 2001
seulement), les recourants auraient dû avoir le droit de répliquer,
conformément au principe de l'égalité des armes.

L'opposition prévue par la loi fédérale sur l'expropriation n'est ni un
recours ni une demande adressée à l'auteur d'une décision déjà prise, en vue
de son annulation ou de sa modification; elle intervient alors qu'aucune
décision n'a encore été rendue et il s'agit simplement d'un moyen permettant
de porter formellement à la connaissance de l'autorité compétente les
objections que suscite le projet (ATF 111 Ib 227 consid. 2c p. 231).
L'opposant ne peut donc pas, à ce stade, se prévaloir des garanties de
procédure judiciaire, en particulier du principe de l'égalité des armes et du
droit de réplique garantis à l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. arrêt de la Cour
européenne des droits de l'homme du 28 juin 2001 dans l'affaire F.R. c.
Suisse, in JAAC 65.129). En l'occurrence, les recourants ont exercé leur
droit d'être entendus en déposant une opposition écrite dans le délai légal;
le Département intimé pouvait faire compléter le dossier (art. 55 al. 1 LEx),
mais il n'était pas tenu, avant de rendre son prononcé, de les interpeller à
nouveau ni de leur communiquer les déterminations de l'expropriant. L'art. 29
PA n'a pas d'autre portée que la garantie de l'art. 29 al. 2 Cst. et il ne
reconnaît pas à l'opposant un droit de réplique. Le grief de violation du
droit d'être entendu est donc mal fondé.

3.
Invoquant le principe selon lequel le droit d'expropriation ne peut s'exercer
que dans la mesure nécessaire pour atteindre le but poursuivi (art. 1er al. 2
LEx), les recourants soutiennent que le mode d'exécution des travaux en
souterrain entraînerait des atteintes excessives à leurs droits de
propriétaires (ou d'usufruitier) et ne serait pas apte à ménager le mieux
possible le site; ils se prévalent à cet égard de la règle de l'art. 9 LEx
imposant à l'expropriant de préserver la beauté des sites dans la mesure du
possible et de faire en sorte que son ouvrage dépare le moins possible le
paysage.

3.1 Le tunnel de Saint-Blaise et les immeubles des recourants se trouvent
dans un site construit d'importance nationale à protéger, le village de
Saint-Blaise (cf. annexe à l'ordonnance concernant l'Inventaire fédéral des
sites construits à protéger en Suisse - OISOS, RS 451.12). D'après
l'inventaire, la rue de Lahire se situe dans un secteur en marge du noyau
historique de la localité visé en premier lieu par l'inscription. Il convient
dès lors d'examiner si les prescriptions du droit fédéral en matière de
protection des sites permettent la réalisation du projet de l'expropriant
conformément aux plans approuvés.

3.1.1 En vertu de l'art. 6 al. 1 de la loi fédérale sur la protection de la
nature et du paysage (LPN; RS 451), l'inscription d'un objet d'importance
nationale dans un inventaire fédéral indique qu'il mérite spécialement d'être
conservé intact ou en tout cas d'être ménagé le plus possible, y compris au
moyen de mesures de reconstitution ou de remplacement adéquates. L'art. 6 al.
2 LPN ajoute que lorsqu'il s'agit de l'accomplissement d'une tâche de la
Confédération - notamment la réalisation d'ouvrages des CFF (art. 2 al. 1
let. a LPN) -, la règle suivant laquelle un objet doit être conservé intact
dans les conditions fixées par l'inventaire ne souffre d'exception que si des
intérêts équivalents ou supérieurs, d'importance nationale également,
s'opposent à cette conservation. Une expertise par une commission
consultative fédérale (Commission fédérale pour la protection de la nature et
du paysage [CFNP] ou Commission fédérale des monuments historiques [CFMH] -
cf. art. 25 LPN et 23 al. 2 de l'ordonnance sur la protection de la nature et
du paysage [OPN; RS 451.1]) peut être ordonnée en pareil cas, afin d'indiquer
si l'objet doit être conservé intact ou de quelle manière il doit être ménagé
(art. 7 LPN). En l'occurrence, le DETEC n'a pas considéré, en traitant
l'opposition, qu'il était nécessaire qu'une expertise soit établie et
l'Office fédéral de la culture s'est prononcé dans le même sens dans ses
observations adressées au Tribunal fédéral. Les recourants ne prétendent du
reste pas que le droit fédéral imposait, dans cette procédure, une expertise
au sens de l'art. 7 LPN (dans sa nouvelle teneur, selon la loi fédérale du 18
juin 1999 sur la coordination et la simplification des procédures de
décision, en vigueur à la date du prononcé sur l'opposition).

3.1.2 Pour déterminer ce que signifie, dans un cas d'espèce, l'obligation de
"conserver intact" un site protégé (art. 6 LPN), il faut se référer à la
description, dans l'inventaire, du contenu de la protection (ATF 123 II 256
consid. 6a p. 263). La décision du 13 septembre 2000 du Conseil fédéral
reproduit les "caractéristiques importantes de l'entité" (soit le périmètre
0.2, qui comprend principalement les parcelles des recourants): il y est fait
mention de "maisons d'habitation des 18e et 19e siècles au caractère privé
marqué" et des "espaces intermédiaires, bien organisés et entretenus,
structurés par des haies et des murets, et plantés d'arbres d'essences
diverses assurant la liaison avec la forêt", le tout constituant "un ensemble
lâche mais cohérent, ponctuant la limite nord-est du site un peu à l'écart du
reste de la ville". La rénovation du tunnel, selon la méthode de la tranchée
couverte, porterait atteinte uniquement à certains éléments des "espaces
intermédiaires" (murets, arbres, arbustes), mais pas aux maisons
d'habitation.

3.1.3 L'OFT s'est prononcé sur la sauvegarde de ce site dans la décision
d'approbation des plans. Il a pu se fonder sur les avis de l'Office fédéral
de l'environnement, des forêts et du paysage, de l'Office fédéral de la
culture et des services cantonaux spécialisés, qui ne se s'étaient pas
opposés au projet moyennant une restitution des lieux après travaux aussi
proche que possible de l'état ancien. L'OFT a donc imposé aux CFF différentes
charges à ce sujet, notamment en prévoyant qu'un architecte-paysagiste serait
consulté sur la façon de reconstituer la végétation et de refaire les murs,
en maçonnerie traditionnelle. Dans sa décision du 13 septembre 2000, le
Conseil fédéral a lui aussi examiné soigneusement ces questions, notamment
les exigences pour la reconstruction des murs au terme des travaux. Il a
admis que l'objet protégé était touché dans une de ses caractéristiques
marquantes, à savoir les espaces verts, mais il a considéré que les atteintes
- qui ne pouvaient pas être qualifiées de minimes - n'étaient pas
irréparables, grâce au remplacement de la végétation et à la reconstitution
des murs avec les matériaux d'origine.

Dans le cadre de l'instruction du recours de droit administratif, l'Office
fédéral de la culture (service spécialisé fédéral compétent en l'espèce) a
confirmé la position qu'il avait prise lors de l'approbation des plans. A
l'occasion de l'inspection locale, la délégation du Tribunal fédéral a pu
constater les caractéristiques du quartier et il n'y a aucun motif de douter
de la qualité des mesures de reconstitution ou de reconstruction prévues dans
les "espaces intermédiaires" entre les maisons et la rue. Conformément à une
clause de la décision d'approbation des plans, l'exécution de ces mesures
sera surveillée par une commission de construction, comprenant un paysagiste,
un architecte, l'ingénieur civil, des représentants des CFF et, en outre, un
représentant des propriétaires riverains (la participation de ce dernier
représentant étant un élément de la transaction partielle signée par les
parties et le DETEC lors de l'inspection locale); il s'agit là d'une garantie
supplémentaire. Dans ces conditions, les travaux ne porteront pas
sensiblement atteinte au site construit, de telle sorte que l'on peut
considérer qu'il sera conservé intact conformément à l'art. 6 LPN (cf. ATF
123 II 257 consid. 6b p. 264). Il n'y a en définitive aucun motif, tiré de
l'art. 9 LEx ou des prescriptions fédérales sur la protection des sites,
d'empêcher l'expropriant de réaliser son projet selon les plans approuvés.

3.2 Les recourants se plaignent des graves atteintes auxquelles ils devraient
être exposés en raison du choix de la méthode d'exécution des travaux en
tranchée couverte. Ils reprochent au DETEC d'avoir ignoré la variante de
l'agrandissement du tunnel par l'abaissement du radier, qui serait
techniquement réalisable, qui ne serait pas sensiblement plus coûteuse et qui
supprimerait en grande partie les nuisances pendant le chantier. Il faut,
selon les recourants, examiner avec soin toutes les variantes possibles;
c'est pourquoi ils demandent une expertise sur la comparaison des deux modes
d'exécution des travaux.

3.2.1 Dans sa décision d'approbation des plans, l'OFT a comparé, au regard de
différents critères (sécurité, nuisances, délais, coût, etc.), les trois
variantes envisagées par les CFF (tranchée couverte, marchavants, abaissement
du radier). Il apparaît que cette analyse des variantes a été effectuée de
façon approfondie et les critiques des recourants à ce propos sont formulées
de manière très générale voire sommaire. On ne voit pas quels faits ou
critères pertinents auraient été omis dans cette analyse; aussi n'y a-t-il
aucun motif d'ordonner une expertise à ce sujet. Quant à l'appréciation des
autorités fédérales selon laquelle la variante de la tranchée couverte est
préférable à celle de l'abaissement du radier, en particulier pour des
raisons de sécurité, le recours de droit administratif n'explique pas en quoi
elle serait critiquable. A ce propos, le DETEC pouvait, dans la décision
attaquée, se référer aux décisions prises dans le cadre de la procédure
d'approbation des plans, notamment à celle du Conseil fédéral, qui examine de
façon suffisamment détaillée la question.

3.2.2 S'agissant des atteintes ou des nuisances durant le chantier, les
recourants se plaignent principalement des difficultés d'accès. Or
l'expropriant devra réaliser divers aménagements - certains déjà prescrits
dans la décision d'approbation des plans et d'autres prévus dans la
transaction partielle conclue à l'inspection locale - qui garantiront et
faciliteront l'accès et le stationnement des véhicules à proximité des
habitations, y compris ceux des services publics et des fournisseurs. Sur la
base des constatations faites lors de l'inspection locale, il n'apparaît pas
en définitive que les accès devraient être sensiblement compromis, même en
tenant compte des difficultés de déplacement alléguées par certains
recourants. Il n'y a pour le reste aucun motif de considérer que toutes les
mesures adéquates et nécessaires n'auraient pas été prises, dans la procédure
d'approbation des plans, pour éviter les inconvénients du chantier (bruit,
privation de l'ensoleillement à cause de palissades, etc.).
3.3 Il résulte de ce qui précède que, sur la base des arguments du recours de
droit administratif, il ne se justifie pas d'ordonner une modification des
plans du projet litigieux ni d'imposer des mesures de protection
supplémentaires en faveur des recourants. Leurs conclusions sont, à cet
égard, mal fondées.

4.
Les recourants se plaignent d'une violation de l'art. 115 LEx, le DETEC ayant
renoncé à leur allouer des dépens pour la procédure d'opposition.

Aux termes de l'art. 115 al. 1 LEx, l'expropriant est tenu de verser une
indemnité convenable à l'exproprié à raison des frais extra-judiciaires
occasionnés par les procédures d'opposition, de conciliation et d'estimation.
D'après l'art. 115 al. 2 LEx, il est toutefois possible de renoncer
complètement ou en partie à allouer des dépens lorsque les conclusions de
l'exproprié sont rejetées intégralement ou en majeure partie. Cette
disposition confère un certain pouvoir d'appréciation au département
compétent selon l'art. 55 LEx (cf. ATF 117 Ib 425 consid. 10 p. 441). En
l'occurrence, le DETEC a entièrement rejeté l'opposition, ce qui lui
permettait de renoncer à tous dépens d'après l'art. 115 al. 2 LEx. Même si,
dans son prononcé, le DETEC avait imposé à l'expropriant de réaliser les
différents aménagements nouveaux convenus dans la transaction partielle
passée à l'inspection locale (principalement la création de places de
stationnement provisoires), on aurait encore pu considérer que les griefs des
expropriés avaient été rejetés en majeure partie. L'opposition était du reste
assez brièvement motivée et les expropriés n'ont pas accompli d'autre acte de
procédure avant le prononcé attaqué. En pareil cas, le refus d'allouer des
dépens ne procède ni d'un abus ni d'un excès du pouvoir d'appréciation; le
grief de violation de l'art. 115 LEx est donc mal fondé (cf. art. 104 let. a
OJ).

5.
Il s'ensuit que le recours de droit administratif doit être rejeté, dans la
mesure où il est recevable. Les frais et dépens de la présente procédure sont
mis à la charge de l'expropriant (art. 116 al. 1 LEx).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:

1.
Le recours de droit administratif est rejeté, dans la mesure où il est
recevable.

2.
Un émolument judiciaire de 2'000 fr. est mis à la charge des Chemins de fer
fédéraux.

3.
Une indemnité de 2'000 fr., à payer à titre de dépens aux recourants
A.________, B.________, C.________, D.________ et E.________, pris
solidairement, est mise à la charge des Chemins de fer fédéraux.

4.
Le présent arrêt est communiqué en copie aux mandataires des recourants, aux
Chemins de fer fédéraux SA, au Secrétariat général du Département fédéral de
l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication ainsi
que, pour information, au Président de la Commission fédérale d'estimation du
5e arrondissement.

Lausanne, le 17 avril 2002

Au nom de la Ire Cour de droit public
du Tribunal fédéral suisse

Le président: Le greffier: